Chapitre 8 : Entre ses mains


 

Le Premier Ordre,

 

Rey n’avait pas dit un mot durant le voyage les menant à la destination que Kylo Ren avait choisie. 

 

Lui non plus. 

 

Ils percèrent l’atmosphère lourde d’ondes de chaleur et de cendres de la planète où il l’avait conduite et lui désigna un point sombre à l’horizon.

 

« Nous y sommes. »

 

Le cœur au bord des lèvres et le cœur battant à tout rompre, Rey se pencha pour regarder en contrebas. Des rivières de lave, des marais d’où s’exhalaient des vapeurs de souffre et de la poussière volcanique formaient le paysage de sa future prison. Une sorte de brouillard gris permanent dissimulait les rayons pâles du soleil.

« Très accueillant, c’est charmant, » commenta-t-elle avec insolence en dépit de la résolution de garder le silence qu’elle avait pris un peu plus tôt.

 

Le masque se tourna légèrement vers elle, signe qu’il l’avait entendue, mais il resta muet.

 

Rey prit une profonde inspiration à mesure qu’ils se rapprochaient de l’édifice qui surplombait le décor infernal où son ravisseur la conduisait. Ce qu’elle avait pris au départ pour une tour décrépie, se révéla être une sorte de château, sombre et inhospitalier, comme le reste. D’une main habile, Kylo Ren guida son TIE jusqu’à un minuscule pont d’atterrissage entouré de lave en fusion.

« Suis-moi, » ordonna-t-il avant d’actionner le bouton commandant l’ouverture du sas du Silencer.

Pendant un instant, Rey considéra l’idée de se jeter dans les flots de feu afin d’échapper à Ren.

« Inutilement douloureux, lui lança le masque. Tu mourrais dans d’atroces souffrances sans avoir jamais rien découvert ou accompli. Nous savons tous les deux que tu as trop l’instinct de survie pour en arriver à de telles extrémités. Avance. »

 

Agacée, Rey reconnut intérieurement la justesse de l’argument et lui emboita le pas. Kylo Ren entra un code à la hâte et elle pesta devant sa propre incapacité à l’intégrer. Il était allé trop vite, signe que l’endroit lui était familier. 

 

Une fois à l’intérieur, elle découvrit un vaste hall à la technologie obsolète et à l’ambiance aussi sinistre que le reste de la planète. De vastes colonnes gris anthracite à demi écroulées encombraient l’espace et une odeur de chaud et de renfermé lui parvint aux narines.

« Où sommes-nous ? » l’interrogea-t-elle sans pouvoir se retenir.

Le masque se tourna brièvement vers elle.

« Sur Mustafar, dans ce qui était la Forteresse de Dark Vador. Le Côté Obscur y est puissant, je sais que tu le ressens, comme moi. »

Un bref frisson agita les épaules de Rey. Il avait raison. Ici, elle pouvait sentir l’appel dévorant de l’Obscurité, du gouffre sombre qu’elle avait senti en elle lorsque Leia l’avait emmenée dans la forêt. Le masque se tourna vers elle.

« C’est ce à quoi tu es destinée, Rey. Tu ne peux pas lutter… »

 

La voix rauque du monstre la ramena au présent et elle s’écarta résolument de lui.

« Je ne te donnerai jamais ce que tu attends. Tu ferais mieux de me laisser partir. »

Tout en parlant, Rey se concentrait dans l’espoir de reproduire ce qu’elle avait accompli la fois précédente avec le stromtrooper. 

« Je ne te laisserai pas partir. Du reste, bientôt tu n’en auras plus envie, lui asséna Kylo Ren. Une fois que tu auras renoncé aux idées ridicules que Han Solo et Leia Organa ont implantées en toi, tu comprendras que le Premier Ordre est l’unique voie pour la Galaxie. »

Rey serra les poings à la mention d’Han et il se tourna vers elle.

« Tu espères toujours me tuer… Tu en brûles d’envie. 

— C’est tout à fait normal quand on est face à un parricide masqué qui vous a enlevée. 

— Parricide… Voilà un grand mot pour une pauvre pilleuse d’épaves, railla Ren. Han Solo n’avait rien du père que tu imagines dans tes fantasmes de petite fille abandonnée. Quant à ton prétendu enlèvement, je te rappelle que tu m’as suivi de ton plein gré.

— Parce que tu menaçais mes amis ! 

— Tes amis… se moqua Kylo Ren. Une poignée de renégats. A présent, suis-moi. »

 

Rey se raidit et ne bougea pas. Le masque se retourna vers elle.

« J’ai dit : suis-moi.

— Non. Je n’irais nulle part avec toi. On m’a appris à ne pas suivre les inconnus masqués », railla Rey.

Il tressaillit et avança vers elle, sa haute stature la dominant entièrement.

« Ne m’oblige pas à te contraindre, tu n’aimeras pas. »

La jeune femme déglutit mais ne bougea pas, les yeux emplis de défi. Ren leva lentement sa main gantée et elle serra les dents alors que son corps se soulevait du sol et s’arquait, obéissant à une volonté extérieure. La douleur était intense et Rey hurla. Puis, aussi vite que cela était arrivé, elle retomba sur le sol dur.

« Suis-moi, » répéta Ren.

 

( ) ( ) 

 

Encadrée par cinq troopers et précédée par la redoutable capitaine Phasma, Kaydel n’en menait pas large. Son cœur cognait si fort dans sa poitrine qu’il lui semblait que tous pouvaient l’entendre et elle inspira discrètement pour se calmer, ses doigts se posant à nouveau sur son bracelet avant relâcher sa main. Elle ne devait pas céder à la panique. Surtout pas. Pour l’instant, on ne l’accusait de rien. Alors que les couloirs se succédaient, tous semblables, Kaydel tenta d’échafauder une histoire convaincante en cas d’interrogatoire.

 

Finalement, Phasma déverrouilla une porte et Kaydel la suivit tandis que les troopers restaient à l’extérieur.

« Cottbick est ici, comme vous l’avez ordonné, général. »

Hux se retourna et posa ses yeux verts sur Kaydel, le visage sans expression. 

« Merci, capitaine Phasma, ce sera tout. Je vous ferais appeler si vos services sont requis. »

Pendant que la commandante des troopers prenait congé, Kaydel balaya la pièce du regard. Contrairement à ce qu’elle redoutait, elle n’avait pas été emmenée dans la zone 666 mais dans ce qui semblait être un appartement privé. La pièce où elle se trouvait était vaste, comparée à la minuscule chambre qu’elle partageait avec Miskin, et elle offrait une vue imprenable sur la Galaxie.

 

L’air affable, Hux lui désigna le canapé d’un geste. 

« Asseyez-vous Kaetix. »

Déstabilisée par le tour inattendu que prenait sa convocation, Kaydel obéit sans un mot et s’installa avec raideur. Le regard acéré du général se posa brièvement sur elle puis il servit un liquide d’un bleu irréel dans deux verres.

« C’est du cognac d’Abrax, précisa Hux en lui en tendant un. Je suis parvenu à m’emparer d’une caisse lors d’une précédente opération. »

Kaydel crispa ses doigts sur le verre contenant le précieux alcool et Hux baissa les yeux sur ses mains.

« Vous semblez nerveuse… »

Elle avait effectivement les mains moites et son cœur battait la chamade. Songeant que si elle continuait ainsi, elle allait finir par se trahir avant même d’être interrogée, Kaydel s’obligea à relâcher sa pression sur le verre et leva les yeux vers Hux.

« Oui, c’est le cas, je l’avoue, admit-elle. Je, votre convocation m’a prise par surprise et je ne comprends pas pourquoi j’ai été conduite ici.

— Convocation, intéressant choix de terme, releva Hux. Cette perspective semble vous angoisser, ce qui me donne à penser que vous avez peut-être quelque chose à vous reprocher… »

 

La moiteur des mains de Kaydel augmenta et elle se traita mentalement d’imbécile. Si Hux n’avait pas de soupçons avant, maintenant c’était le cas ! Elle reprit :

« C’est ce que la lieutenante Stynnix a laissé entendre en me faisant part de cet entretien. Et, même si je ne suis pas ici depuis très longtemps, il me semble inhabituel qu’une simple opératrice des transmissions soit requise auprès du bras droit du Suprême Leader à deux reprises durant la même semaine. »

La mention de « bras droit » avait fait naître un bref sourire satisfait sur les lèvres du général et Kaydel nota mentalement qu’il semblait sensible à la flatterie.

« Buvez, lui enjoignit Hux. Cet alcool est trop précieux pour être dédaigné. »

Décontenancée par ce nouveau changement de sujet, Kaydel obéit et le gout prononcé à la fois doux et fort du cognac bleu se répandit sur sa langue. Même si elle avait été habituée à des mets raffinés durant une partie de son existence en raison de la place prépondérante dans la Galaxie de ses véritables parents, rien ne l’avait préparée à l’explosion de saveurs qui s’ensuivit et la jeune femme ferma brièvement les yeux de plaisir. Si Hux l’avait fait venir pour la torturer, elle aurait au moins gagné ce moment de réconfort avant de souffrir. 

 

Le général l’observa sans un mot, stupéfait de se sentir vaguement ému par l’expression de ravissement innocent de son invitée. Cette Kaetix était réellement jolie, différente des autres femmes de la base. Et pourtant, il y avait indéniablement quelque chose de familier dans les traits de son visage mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

« Alors, qu’en pensez-vous ? lui demanda-t-il au lieu de commencer l’interrogatoire qu’il avait projeté.

— C’est délicieux, reconnut Kaydel. Merci de m’avoir fait découvrir cela, général. Même si je ne sais toujours pas pourquoi je suis ici…

— Je vous avais promis une récompense pour votre aide, il me semble, lui rappela Hux. Voyez-vous Kaetix, il s’avère que vos souvenirs sur l’impervium étaient exacts, nous avons trouvé le gisement. Malheureusement, nous sommes arrivés trop tard pour l’exploiter. La Résistance nous avait devancés et a fait sauter la mine. »

 

Sur ses gardes, Kaydel feignit la décontraction.

« J’en suis désolée. C’est un métal difficile à se procurer. 

— En effet, reconnut Hux. J’étais certain que vous en connaissiez la valeur. »

Une alarme s’alluma dans l’esprit de la jeune femme et elle but une nouvelle gorgée de cognac afin de se donner du courage.

« Pour une jeune femme ambitieuse, ce que vous êtes sans aucun doute selon vos supérieurs, il serait tentant de, disons, retenir certaines informations obtenues en interrogeant un prisonnier, dans le but de les monnayer ensuite… »

L’étonnement se matérialisa sur le visage de Kaydel en comprenant la véritable nature des soupçons de Hux. Ces derniers n’avaient rien à voir avec son statut d’espionne mais avec l’avarice que montrait son personnage ! C’était tellement inattendu et inespéré qu’elle ne parvenait pas tout à fait à y croire.

 

Sa réaction ébahie, d’autant plus spontanée qu’elle s’attendait à autre chose, n’échappa pas à Hux et le général ressentit une vague de soulagement à l’idée qu’Opan s’était trompé sur la jeune femme. Un sourire bref se forma sur ses lèvres et il s’assit enfin dans le fauteuil qui faisait face à Kaetix. A présent que tout doute était levé, autant profiter de la soirée…

 

( ) ( ) 

 

Rey détourna le visage, éblouie par la lumière vive qui jaillit dans la pièce où Kylo Ren l’avait conduite. Une fois que ses yeux se furent accoutumés, elle observa le décor autour d’elle. Une boule lui remonta dans la gorge en découvrant une chaise d’interrogatoire semblable à celle qui se trouvait sur Starkiller. Elle semblait aussi vétuste que le reste de l’endroit mais Rey n’avait aucune envie de vérifier si elle fonctionnait toujours. Poursuivant son examen, elle nota la présence d’un lit dans un coin sombre de la pièce ainsi que d’un récipient servant selon toute probabilité à se soulager. Non loin, une porte s’ouvrait sur une minuscule douche datant de l’ère impériale et au métal recouvert de rouille.

« J’espère que tes nouveaux appartements te plaisent, ironisa Kylo Ren. J’ai dans l’idée que tu vas y rester un certain temps. »

 

Elle se retourna vers lui, angoissée à la perspective de se retrouver enfermée dans cette pièce sinistre qui tenait plus de la cellule que de la chambre.

« Ne me dis pas que tu comptes me garder enfermée ici ? Je… c’est…

— Il existe d’autres appartements, nettement plus confortables que j’ai fait moderniser dans le château, déclara Ren. Mais ceux-ci sont réservés aux invités. Ce que tu n’es pas, pour l’instant… Une fois que tu auras tourné le dos à tes idées fantasques et que tu m’auras rejoint, je réétudierai tes conditions de vie.

— Parce que tu crois pouvoir m’acheter avec du confort ? se moqua Rey. Lorsque j’étais sur Jakku, je vivais dans la carcasse désossée d’un TB-TT. Je n’avais ni lumière, ni eau courante. En comparaison, cette pièce est luxueuse. »

 

Le corps massif de Ren se crispa légèrement. 

« Dans ce cas, j’imagine qu’il me faudra recourir à tous les équipements dont dispose cette chambre pour te persuader. »

Comme si la menace n’était pas assez claire, il désigna la chaise de torture et Rey serra les poings.

« Je t’ai déjà résisté. Je recommencerai.

— Nous verrons… » susurra le masque en refermant la porte derrière lui.

Le bruit du verrouillage de sécurité vrilla les oreilles de Rey et la jeune femme se laissa tomber sur le sol froid et légèrement humide, abattue. 

 

( ) ( ) 

 

Après avoir réussi à lever les doutes de Hux, Kaydel pensait pouvoir rejoindre ses quartiers mais le général ne l’entendait visiblement pas de cette oreille. Une fois qu’il les ait tous deux resservis, il reprit.

« Pourquoi avez-vous rejoint le Premier Ordre, Kaetix ?

— Si vous avez lu mon dossier, et je ne doute pas que ce soit le cas, vous le savez, répondit la jeune femme. Comme vous l’avez souligné, j’ai certaines ambitions et le Premier Ordre m’a semblé être l’endroit idéal pour les concrétiser. »

Hux s’autorisa un sourire. Cette fille lui plaisait de plus en plus, il devait l’admettre. 

« Vous êtes née sur Dulathia, c’est bien cela ?

— Oui, j’y ai passé la majeure partie de mon existence avant de partir pour l’université de Bar’Leth », expliqua-t-elle se conformant au personnage qu’elle avait soigneusement préparé.

Quiconque chercherait à consulter les bases de données de Bar’Leth ou de Dulathia trouverait effectivement une Kaetix Cottbick : elle avait passé des heures à infiltrer les différents systèmes. Cela ne résisterait sans doute pas à un examen trop approfondi ou à un interrogatoire de ceux censés avoir été ses contemporains, mais elle avait misé sur le fait que nul ne jugerait cela nécessaire.

« Un établissement prestigieux, apprécia Hux. Je comprends pourquoi vous estimez valoir mieux que ce que votre planète natale avait à offrir. »

 

Kaydel se contenta d’un sourire en guise de réponse. Le cognac lui échauffait de plus en plus le corps et l’esprit. Il lui fallait rester vigilante, cette conversation ressemblait de plus en plus à un interrogatoire déguisé. Ne pas donner trop de détails, juste assez pour être crédible et surtout, ne pas trop s’éloigner de la vérité. Ne jamais prétendre connaitre un endroit où on n’a jamais mis les pieds.

« Vos parents sont morts, c’est cela ?

— Ma mère il y a plusieurs années, mon père il y a quelques semaines, » confirma Kaydel sans parvenir à masquer son chagrin.

Encore une fois, ne pas trop s’éloigner de la vérité…

 

Hux grimaça en la voyant s’attrister. Ce n’était pas ce qu’il avait eu en tête en la faisant rester au lieu de la congédier comme il l’avait initialement prévu une fois les soupçons d’Opan confirmés ou infirmés.

« Désolée, s’excusa Kaydel. Mon père et moi n’étions pas très proches, mais je l’aimais quand même. 

— Je n’étais pas très proche du mien, moi non plus, lâcha Hux sans réfléchir. Mais, contrairement à vous, je ne l’aimais pas. Ce bâtard a engrossé ma mère, qui était sa servante, alors qu’il était marié. Puis, il lui a arraché son enfant et l’a laissée mourir dans le dénuement le plus total. Tout cela parce qu’il voulait absolument un fils, même illégitime. »

La jeune femme le regarda avec stupeur. Elle ne s’attendait pas à recevoir de telles confidences du général. Un peu embarrassé, ce dernier toussota. 

« Excusez-moi, je ne sais pas ce qui m’a pris de vous dire ça, ce cognac est sans doute plus fort que je ne le pensais. »

Tout aussi gênée, Kaydel balaya l’excuse d’un geste et un silence s’installa entre les deux convives.

« Je crois que je ferais mieux, commença Kaydel.

— Vous devriez retourner dans vos quartiers, déclara Hux au même instant. Je vais demander à Phasma de vous escorter. »

 

La jeune femme, songeuse, le suivit des yeux tandis qu’il se dirigeait vers le comlink d’une démarche moins raide qu’à l’accoutumée. Une fois sa communication passée, il se tourna de nouveau vers elle.

« Elle sera là dans quelques minutes… Kaetix, au sujet de…

— Je n’en parlerai pas, lui assura-t-elle spontanément. A personne.

— Je vous remercie. Je, bonne nuit, Kaetix. »

 

( ) ( )

 

Deux bonnes heures s’étaient écoulées lorsque la porte de la cellule de Rey s’actionna de nouveau. Immédiatement, la jeune femme bondit sur ses pieds, sur le qui-vive. Sa déception fut vive en reconnaissant la silhouette vêtue de noir de Kylo Ren. Elle avait escompté voir un garde. 

« Ce que tu espères n’arrivera pas, il n’y a que toi et moi, ici, lui annonça Kylo Ren en déposant un paquet sur le meuble le plus proche. Je t’ai apporté des vêtements. 

— Merci, mais j’en ai déjà. De plus, je déteste le noir, le provoqua-t-elle.

— Très bien, libre à toi de garder tes haillons. Du moins, pour l’instant. Tu te rendras vite compte qu’ils ne sont pas adaptés à Mustafar et à ton futur statut d’apprentie. »

La voix basse de Ren était calme et Rey lui adressa un regard mauvais.

« Tu comptes me faire porter un masque aussi ? On respire parfaitement bien ici, tu sais. Et ce n’est pas parce que tu en portes un que tu deviendras aussi puissant que Vador. La Force, c’est quelque chose de plus intérieur, » persifla-t-elle.

 

Avec un soupir, le jeune homme actionna le mécanisme de son casque et l’ôta, déposant ce dernier à côté des vêtements d’un geste nerveux. Les yeux de Rey s’écarquillèrent à la vue de la balafre qui défigurait le côté droit du visage de son ravisseur et un sentiment irrépressible de satisfaction l’inonda. C’était elle qui lui fait ça. 

« Tu te réjouis de m’avoir infligé de la douleur… siffla Kylo Ren. Sache que cette marque tu m’as faite n’est rien pour moi. Cependant, le plaisir que te procure sa vue en dit long sur toi… »

Rey tressaillit et rétorqua :

« Il est juste que ton apparence reflète ce que tu es : un monstre. »

Les yeux de Kylo Ren s’enflammèrent d’un éclat ambré à cette déclaration et il s’approcha d’elle. Instinctivement, la jeune femme recula.

« Vraiment ? Rassure-toi, Rey, dans ce cas, nous saurons bientôt exactement à quoi tu devrais ressembler. 

— Je ne suis pas comme toi. Je ne serais jamais comme toi. 

— Et qu’est-ce je suis selon toi ? Enfin, à part un monstre… » se moqua-t-il. 

 

Sa présence physique était écrasante et Rey s’obligea à ne pas reculer de nouveau.

« Un être faible, incapable de résister au Côté Obscur. Un lâche qui a tué son propre père parce qu’il n’arrive à supporter ce qu’il est devenu. »

Cette fois, ce fut lui qui recula devant la hargne qu’elle mettait dans ses paroles.

« Il y a de la nourriture et de quoi boire avec les vêtements, » lâcha-t-il en récupérant son masque avant de sortir. 

 

( ) ( )

 

Rey aurait voulu être assez forte pour résister et laisser le paquet intact mais la mention de nourriture avait réveillé la faim qui grondait dans son estomac. A regrets, elle se dirigea vers le ballot qu’il avait laissé et le défit en tremblant un peu. Ses doigts rencontrèrent une étoffe douce et soyeuse et elle grimaça à la vue des vêtements qu’il avait apportés. Ils étaient noirs, comme elle l’avait deviné. Une tunique, un pantalon et une ceinture composaient l’ensemble qui était la copie exacte de ce que Ren portait lui-même. Cette constatation lui donna la nausée et elle s’écarta avant de revenir vers le paquet.

 

Elle avait faim et soif… Se priver de nourriture ne lui serait d’aucune aide, au contraire. Plus elle serait faible, moins elle pourrait lui résister. Cette pensée fit voler en éclats ses dernières réticences et Rey se jeta sur les rations qu’elle dévora avant d’arroser son repas d’une large rasade d’eau fraiche. Après tellement de temps passé sans rien avaler, le liquide lui parut comme un véritable délice. Elle avait tellement soif… 

 

Une fois rassasiée, Rey s’écarta, la vision brusquement brouillée. La pièce tourna autour d’elle et elle entendit de nouveau le chuintement de la porte. 

« Tu m’as droguée », comprit-elle avant de s’effondrer.

Les bras fermes de Kylo Ren retinrent la jeune femme inconsciente.

« Tu n’as même pas été capable d’attendre une heure avant de te jeter sur la nourriture, » lui répondit-il sans être certain qu’elle l’entendait.

La drogue qu’il avait utilisée était puissante et agissait rapidement, raison pour laquelle il l’avait choisie. La jeune femme dans les bras, Kylo Ren se dirigea vers la chaise d’interrogatoire.

 

( ) ( )

 

Lorsqu’elle regagna ses appartements, encore stupéfaite par son entretien surréaliste avec le général Hux, Kaydel n’avait qu’une envie : dormir. La journée avait été riche en émotions et le cognac faisait son effet, lui montant à la tête. Elle remercia poliment la capitaine Phasma de son escorte puis pénétra sans un bruit dans sa chambre. La pièce était plongée dans l’obscurité et Kaydel entreprit de rejoindre la salle de douche attenante afin de se déshabiller. Elle y était presque lorsque la lumière s’alluma.

« Eh bien, je commençais à me demander s’il ne t’était pas arrivé quelque chose ! »  s’exclama Miskin en se redressant dans son lit, toute habillée.

 

Comprenant que sa compagne l’avait attendue pour se coucher, Kaydel soupira intérieurement. 

« Désolée de t’avoir réveillée, je ne pensais pas qu’il était si tard.

— Tu es resté tout ce temps avec le général Hux ? »

Les yeux de Miskin brillaient de curiosité malsaine et Kaydel déglutit.

« Oui.

— Un entretien privé avec le commandant en chef de nos armées, le second en à peine quelques jours, alors que cela fait un mois à peine que tu es là… eh bien ça c’est ce qui s’appelle de l’opportunisme. »

Le ton de sa colocataire vibrait de jalousie et Kaydel rétorqua sèchement.

« Qu’est-ce qui te fait croire que nous étions seuls ? Et, quand bien même, je ne vois pas en quoi ça te concerne », ajouta-t-elle.

Loin de se décourager, Miskin se leva et s’approcha d’elle. Ses narines se pincèrent et elle toisa Kaydel :

« En tout cas, ça n’avait rien de professionnel, cette fois. Tu empestes l’alcool et pas du bon marché. 

— Ce que je fais de mon temps libre et qui je fréquente ne te regarde pas, Miskin, » lui lança sèchement Kaydel avant de verrouiller la salle de douche derrière elle.

 

Une fois seule dans la pièce, elle appuya son front contre le carrelage frais histoire de reprendre ses esprits. Derrière la porte, Miskin persifla :

« Fais attention à ne pas te tromper de fathier, Cottbick. Personnellement je miserais tout sur Ren. J’ai entendu dire qu’il avait fait une prise de choix et qu’il était de nouveau dans les bonnes grâces du Suprême Leader Snoke. Mais, bien sûr, ta technique serait sans doute inefficace sur lui : on raconte que Kylo Ren est plus chaste qu’un Jedi… ricana-t-elle. Les filles faciles dans ton genre ne l’intéressent pas. »

 

Kaydel appuya plus fort son front contre le mur froid pour s’exhorter au calme. Elle ne devait pas faire de vagues… Elle devait passer inaperçue et déclencher une bagarre avec sa colocataire n’était pas le meilleur moyen d’y arriver. Pas plus que de passer des heures seule en compagnie de Hux, s’avoua-t-elle avec lucidité. Elle aurait dû trouver un moyen de s’éclipser plus vite, non, mieux, elle n’aurait jamais dû bruler les étapes en se faisant remarquer par le général. Si elle ne contrôlait pas très vite Miskin, elle allait devenir l’objet de ragots. Et, plus on s’intéresserait à elle, plus on serait tenté de creuser sa couverture. 

 

Une fois calmée, elle sortit de la pièce et fixa sa colocataire.

« Je suis désolée que tu te fasses autant d’idées sur ce qui s’est passé ce soir, Miskin. La seule raison pour laquelle le général m’a faite appeler c’est parce que je parle un peu le kalaanite. Cette information figure dans mon dossier et visiblement, nous ne sommes pas nombreux dans ce cas. Quant au verre qu’il m’a offert, c’était pour me remercier d’avoir pris sur mon temps de repos pour l’aider à traduire un texte. »

L’autre jeune femme parut se calmer un peu à cette affirmation.

« Tu es restée longtemps…

— La traduction était complexe et j’avais la pression, expliqua Kaydel. 

— Donc, il ne se passe rien entre le général et toi ? »

 

L’idée qu’il se passe quoi que ce soit entre le roux et elle était tellement ridicule que Kaydel éclata d’un rire spontané.

« Non, pas du tout ! Ecoute Miskin, je suis ambitieuse, je ne m’en suis jamais cachée, mais si j’atteins un grade supérieur, ce sera grâce à mes compétences et non en distribuant des faveurs, ajouta-t-elle d’un ton sec.

— Alors tu n’as pas couché avec lui ? »

Le ton de sa compagne était toujours suspicieux et Kaydel haussa les épaules.

« Non. Certainement pas. Je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour connaitre les ragots aussi bien que toi mais, s’il se dit que le général Hux a l’habitude d’agir ainsi, ce n’est pas mon cas. Libre à toi de me croire ou pas. Maintenant, on pourrait dormir ? Je suis épuisée et je doute que Stynnix prenne en compte mes heures supplémentaires de ce soir. »

 

( ) ( )

 

Lorsque Rey reprit connaissance, elle se trouvait sur la chaise d’interrogatoire, les poignets et les chevilles entravés. Kylo Ren se tenait face à elle, le visage à découvert.

« Me droguer pour ensuite pouvoir me torturer… Pourquoi ne suis-je pas surprise ? » ironisa-t-elle d’une voix mal assurée. 

Ren s’approcha d’elle.

« Il ne tient qu’à toi que nous passions cette étape… Accepte de te soumettre à mon enseignement et je te libère. »

La jeune femme détourna le visage, les dents serrées. Elle s’était fait avoir comme une débutante, une fois de plus. 

« Allons, Rey, nous savons tous les deux que tu finiras par me rejoindre. Epargne-nous ce qui va se passer et renonce maintenant. »

 

Elle se tourna vers lui.

« Jamais, » martela-t-elle, les yeux dans les siens. 

Sans qu’elle ait eu le temps de s’y préparer, un courant intense inonda ses jambes, remontant ses nerfs jusqu’à son dos et lui arrachant un cri de pure souffrance. C’était comme si des centaines d’aiguilles électriques rampaient sous sa peau pour se ficher dans les muscles de son corps. Des larmes roulèrent sur les joues de Rey puis, comme elle était venue, la souffrance cessa.

« Ne m’oblige pas à continuer à faire ça, » lui murmura Kylo Ren.

Il s’était approché d’elle durant la torture et elle pouvait sentir son souffle chatouiller son oreille.

« Tu pourras me torturer tant que tu voudras, ma réponse sera toujours la même, » rétorqua-t-elle d’un ton bravache. 

 

Une seconde salve salua sa déclaration mais, cette fois, Rey s’y attendait. Les yeux clos, elle s’obligea à faire le vide ainsi que Leia le lui avait enseigné, repoussant ses sensations corporelles afin d’atténuer la douleur. Un claquement de langue agacé récompensa son effet et Ren reprit la parole.

« Tu t’entêtes mais ta formation est incomplète. Sans guide, jamais tu ne développeras ton potentiel.

— Je m’en moque. Tout ce qui m’intéresse, c’est d’être assez puissante pour nous débarrasser de toi. »

 

Le regard de Kylo Ren se troubla brièvement et Rey se prépara à subir une nouvelle attaque mais, au lieu de ça, il déclara d’un ton un peu surpris :

« Tu me hais… Tu me hais vraiment.

— Je ne vois pas ce qui t’étonne ! riposta la jeune femme. Depuis le début, tu t’imposes à moi, tu forces mes pensées, tu m’espionnes, tu me fais du chantage pour j’accepte de te suivre et tu, tu… as tué Han Solo sans raison, finit-elle dans un sanglot étranglé. 

— Han Solo, répéta Kylo Ren. Tu t’accroches à lui alors que tu n’étais rien à ses yeux… Pourquoi ? »

Rey détourna inutilement le visage tandis qu’il tendait la main vers sa tempe. A travers la Force, elle le sentit s’insinuer dans son esprit et haleta. Le sentir en elle de la sorte était pire encore que la torture qu’il venait de lui infliger.

« Sors de ma tête ! » hurla-t-elle.

 

La pression de Ren s’accentua et il reprit la parole.

« Tu voulais lui plaire… Tu cherchais son approbation, le moment où il t’a proposé un poste à bord du Faucon Millénium fut l’un des plus beaux de toute ton existence. Pourtant, tu as décliné son offre…

— Arrête !

— Des bâtons gravés dans la carlingue de ton TB-TT, un pour chaque jour qui passe loin de tes parents… Tu ... tu te forçais à y croire. A penser qu’un jour, ils viendraient te chercher… »

La voix de Ren était lointaine et Rey gémit.

« Mais tu sais maintenant qu’ils ne reviendront pas… »

 

Rey sentit le gouffre en elle se réveiller.

« Tu crois qu’Han Solo aurait pu combler le vide en toi. Tu te trompes, poursuivit Ren, le visage crispé par la concentration. Il n’était ni le père ni le héros que tu imagines. »

La jeune femme ne répondit pas, mettant toute son énergie à l’éloigner de ses pensées les plus intimes. Brusquement, elle se retrouva face à Han. Le contrebandier semblait hautement contrarié et elle mit quelques secondes à comprendre qu’elle venait de basculer dans l’esprit de son tortionnaire.

« Tu mens… Ce sont tes attentes qu’il ne comblait pas, non les miennes. »

 

Ren se décomposa et recula tandis qu’elle s’enfonçait plus profondément en lui. 

« Il ne te comprenait pas. Il avait peur de toi, de ton pouvoir… De ce vide qui grandissait à l’intérieur de toi. De ta haine. De ta frustration. »

Un hoquet échappa à Rey alors qu’elle se retrouvait brutalement éjectée et elle le fixa avec stupeur.

« C’est toi qui se sent seul et abandonné. Pourquoi ? »

Leurs regards s’affrontèrent longuement puis Kylo Ren brisa le silence.

« Cela n’a aucune importance.

— Pour moi ça en a, Ben. »

 

Il recula en l’entendant prononcer son prénom de naissance et Rey s’arqua sur la chaise d’interrogatoire.

« Tu le hais parce que tu considères qu’il ne t’aimait pas assez, mais tu te trompes. Han t’aimait. Il voulait plus que tout que tu reviennes. Ton absence, tes choix, ont créé une blessure irréparable en lui. 

— Cesse ! Tu ne comprends rien de moi ou de la famille dont je suis issu. Comment le pourrais-tu ? Tu n’en as jamais eu. »

Les mots, cruels, heurtèrent Rey et elle riposta.

« Mais moi, je sais reconnaitre l’affection quand je la vois. Han s’inquiétait pour toi, tout comme ta mère. Mais, il n’est pas trop tard pour revenir en arrière, Ben. Leia… Elle t’accueillerait à bras ouverts si tu… »

La douleur se répandit dans les membres de Rey, lui imposant le silence et Kylo Ren recula.

La souffrance de Rey cessa brusquement tandis que la porte se refermait, la laissant seule et entravée.

 

( ) ( ) 

 

La lieutenante Stynnix adressa un regard glacial à Kaydel alors qu’elle se présentait à son poste en compagnie de Miskin.

« Changement d’affectation, Cottbick. »

La jeune femme, un peu vaseuse après ses excès de la veille, la regarda sans comprendre.

« Vos services sont requis auprès du général Hux. Vous faites désormais partie de son cercle restreint. Vos affaires seront déménagées dans la journée et vous intégrerez votre nouveau logement individuel dès ce soir. Félicitations, capitaine Cottbick, on dirait que vous êtes parvenue à vous rendre indispensable. »

En dépit des mots qu’elle prononçait, le visage de la lieutenante transpirait l’hostilité et Kaydel bredouilla :

« Lieutenante, je n’ai jamais…

— Je vous conseille de rejoindre votre poste dans les plus brefs délais, le général Hux déteste le retard, » la coupa la femme d’un ton sec.

 

Stupéfaite, Kaydel se tourna vers Miskin mais la jeune femme s’écarta d’elle.

« Quand je pense que je t’ai presque crue… »

Le cœur lourd, Kaydel sortit de la salle des transmissions. Certes, graviter dans l’entourage proche de Hux servait ses projets mais, elle n’ignorait pas qu’elle venait de se faire au moins deux ennemies à bord du destroyer…

 


Chapitre 7                                                                                                         Chapitre 9


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