Chapitre 14 : Révélations


La mort « accidentelle » du vieux Mac Drache plana longtemps sur le village de Cornwallis en général et sur Arabella en particulier. Depuis que la jeune femme avait compris l’implication de Ian Mercer dans cette dernière elle s’était surprise à regretter à plusieurs reprises d’avoir refusé l’offre de sa mère et de Reece de l’aider à s’établir ailleurs… Mais elle n’était pas assez naïve pour imaginer que la Compagnie ne la retrouverait pas et puis surtout, que penserait Bill en ne la trouvant pas à son retour ? Elle le perdrait à coup sûr et bien entendu cela était inacceptable pour la jeune femme.

 

Des mois de peur et d’angoisse passèrent, rythmés par les potins du village, Sarah avait accouché d’une jolie petite fille à la tignasse rousse qui avait rappelé à tous les circonstances douteuses de l’arrivée de Rebecca, et les progrès des enfants. William était devenu un vrai petit garçon désormais, un enfant calme qui suspendait souvent ses amusements pour aider sa mère tandis que Rebecca qui avait hérité du caractère de Laura réussissait l’exploit de se brouiller avec toutes les petites camarades de jeu qu’elle aurait pu avoir. Mais Arabella ne se plaignait pas… Ses deux petits savaient lire et tracer les lettres de l’alphabet ce qui était déjà beaucoup dans le village.

 

Elle rencontrait souvent Mercer au village, l’homme avait apparemment renoncé à tout projet matrimonial depuis que sa demande avait été écartée par les Mac Drache. Elle le saluait d’un signe de tête, écartait les enfants de sa vue et se détournait avant de sentir invariablement son regard froid peser sur elle comme une menace sourde.

 

Finalement, un jour qu’elle préparait le repas, Tim passa la porte de son jardin, une lettre à la main

« V’la des nouvelles M’dame. »

Un long soupir de soulagement échappa à Arabella qui s’empressa auprès du jeune vacher et décacheta la lettre de Bill avec fébrilité. Ses yeux parcoururent rapidement la missive, la première qu’elle recevait depuis celle qui avait suivi le naufrage. Un sifflement désespéré lui échappa en lisant que Bill s’était lancé dans une nouvelle aventure en mer qui retarderait encore un peu son retour (il était bien évidemment certain qu’elle comprendrait). Anéantie, Arabella se laissa retomber sur une chaise et lutta contre les larmes

 

Tim la considéra avec embarras et se dandina quelques instants sur ses pieds avant d’oser lui parler

« Ça va pas M’dame ? »

Arabella leva vers lui un regard las tout en serrant la lettre dans sa main

« Si… Billy va bien… C’est juste qu’il aura du retard. Encore. » Soupira-t-elle

Tim ne répondit pas, cette nouvelle ne faisait que confirmer ce que tout le village pensait déjà : William Turner ne reviendrait jamais

« Maman ! » S’exclama Will qui remontait vers la maison en courant, suivi de près par Rebecca

Arabella se força à sourire et agita la lettre

« Papa nous a écrit

- Il dit quoi ? Demanda Rebecca

- Que… qu’il va bien, qu’il vous embrasse et qu’il nous aime… Répondit Arabella

- Il revient ? Demanda Will d’un ton rempli d’espoir

- Pas encore… » Répondit Arabella, une boule dans la gorge

 

Le regard de Will se remplit de chagrin et le petit garçon s’écarta tandis que Rebecca venait se nicher contre sa mère, guère affectée par la nouvelle. Arabella fronça les sourcils en voyant Will sortir et se tourna vers Tim

« Tu veux bien surveiller Becca une minute ? Lui demanda-t-elle

- Oui M’dame. » Répondit Tim qui n’était pas contrariant et qui du reste avait un peu pitié de la gentille Madame Turner qui était si seule depuis tant d’années

 

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Arabella sortit. Elle posa un châle sur ses épaules et s’approcha doucement de Will, qui le corps droit, fixait la mer. Elle passa une main dans ses cheveux et écarta une mèche du petit visage avant d’entourer ses épaules de son bras

« Tu devrais rentrer Willy… Tu vas prendre froid… Et tu viens d’être malade on ne tient pas à ce que ça recommence. » Déclara-t-elle d’une voix douce, se rappelant sans mal les heures d’angoisse passées à veiller le petit garçon le mois dernier

Will leva la tête vers elle, ses yeux brillant de larmes contenues

« Papa il reviendra jamais hein… »

 

Arabella frissonna en l’entendant dire à voix haute ce qu’elle redoutait le plus en son fort intérieur

« Bien sûr que si Willy… C’est juste que là… Son bateau ne va pas en Écosse c’est tout

- Le bateau de papa ne vient jamais ici. Répondit Will. Jamais. »

Arabella soupira en percevant la touche de rancœur dans la voix de son fils et le serra un peu plus contre elle

« Ce n’est pas sa faute chéri. Papa est un marin marchand, il va où son capitaine lui ordonne d’aller, lui aussi il regrette de ne pas être avec nous

- Non. Si on lui manquait il serait revenu nous voir. » Déclara Will

Un nouveau soupir échappa à Arabella et elle ne répondit pas tandis que Will continuait

« Patrick et les autres ils disent que papa ne reviendra jamais, qu’il nous aime pas… Et puis j’ai entendu Madame Hatcher dire à Mme Greene que tu ferais mieux de te remarier ou d’avoir un homme plutôt que d’attendre papa. Maman ça veut dire quoi «  avoir un homme » ? »

 

Arabella blêmit et nota mentalement de dire deux mots à Suzie Hatcher qui n’était effectivement pas en reste sur la question «  d’avoir un homme » au vu de sa liaison avec le bellâtre Gois. Ignorant la question de Will elle s’agenouilla et le fixa.

« Willy. Patrick et les autres ont tort tu peux me croire. Ton papa va revenir.

- Mais comment tu peux le savoir ? Demanda Will qui ne demandait au fond qu’à la croire

- Parce qu’il me l’a promis et que j’ai confiance en lui. Expliqua Arabella. Ton papa est un homme de parole, un homme en qui on peut avoir confiance.

- C’est pour ça que son capitaine ne nous le rend pas ? »

Le cœur d’Arabella se serra un peu plus et elle attira Will contre elle

« Sûrement mon chéri

- J’aimerais bien qu’il ait moins confiance en papa alors… Soupira Will

- Moi aussi… »

 

La mère et le fils restèrent silencieux un moment puis Will reprit la parole avec timidité

« Maman… Comment il est papa ?

- Comment ça ? » Demanda Arabella, surprise par sa question

Embarrassé, Will baissa le visage

«  Je sais plus comment il est … J’ai oublié… Répondit-il d’un ton coupable. Et quand Patrick m’a demandé j’ai pas su »

Arabella soupira et répondit, le regard perdu dans ses souvenirs

« Ton père est grand. Et fort. Il a de grands yeux bleus océan, pas des mers d’ici non, plus bleu que ça, comme de là où je viens

- C’est où que tu viens ?

- Des Caraïbes… C’est très très loin d’ici. Expliqua Arabella. Près des Amériques

- C’est là bas qu’est papa ?

- Je ne sais pas chéri… Soupira Arabella. Allez viens, rentrons je ne veux pas que tu prennes froid

- Tu me parleras de papa ?

- Oui chéri. Et à Rebecca aussi. » Répondit la jeune femme, le cœur serré

 

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Une semaine plus tard, Arabella eut la désagréable surprise de trouver toutes ses voisines et amies pour le thé, toutes décidées à « lui ouvrir les yeux ». Ce fut Emmaline qui ouvrit le sujet délicat

« Le petit Patrick a dit à Linda que votre mari ne rentrait pas encore.

- En effet. » Confirma Arabella sur ses gardes

Emmaline échangea un regard avec la vieille Henriette et Suzie puis se décida

« Arabella chérie, vous savez à quel point nous vous aimons… Aussi je crois qu’il est de mon devoir de vous dire ça…

- De me dire quoi !

- Bill ne reviendra pas. » Intervint Suzie

 

Le rouge aux joues, Arabella se tourna vers elle

« Qu’en savez-vous Suzie ! »

Emmaline lança un regard de biais à celle qui venait de lui couper tous ses effets et saisit la main d’Arabella d’un air compatissant.

« Allons ma chérie, ça va faire combien …Bientôt quatre ans que votre Billy est parti... Vous êtes seule depuis si longtemps… Vous devriez… »

Arabella rouge de colère retira sa main

« Je devrais quoi ? Bill va revenir !! Il me l’a écrit

- Ça fait quatre ans qu’il vous l’écrit. » Souligna Henriette d’un ton précautionneux

 

Arabella se retourna vers elle, d’autant plus furieuse qu’elle avait la nette impression d’être tombée dans un piège

« Billy reviendra je le sais !

- Et que fera-t-il alors ? Il repartira pour de longues années à nouveau. Souligna Suzie.

- Bien sûr que non ! Il achètera un bateau de pêche et il .. Il… » Balbutia Arabella en sentant des larmes monter

Emmaline posa à nouveau une main apaisante sur la sienne

« Allons ma chérie, nous ne voulons pas vous faire de peine. Nous nous inquiétons pour vous …. Ça fait si longtemps qu’il est parti

- Et c’est pas bon pour une femme de rester aussi longtemps toute seule. Souligna Suzie. Surtout que jolie comme vous êtes… »

Arabella la fixa

« Cela ne risque pas de vous arriver Suzie Hatcher !

- Que voulez vous dire ? Demanda la jeune femme en rougissant un peu

- Que contrairement à vous je n’oublie pas les vœux que j’ai prononcé parce que mon mari est au loin. Et que je ne compte pas prendre un amant parce que je me sens seule ! Que dirait Bill en apprenant ça ?

- Faudrait déjà qu’il revienne…. » Marmonna Suzie.

 

Arabella se leva, furieuse.

« J’en ai assez entendu. Et je pense qu’il est heureux pour vos maris qu’ils ne sachent pas ce que vous feriez s’ils étaient au loin.

- Arabella, il n’est pas question de ça .. La situation est différente. Tenta Emmaline. Vous êtes jeune et …

- Et une femme qui couche avec un autre que son mari vous êtes la première à l’appeler putain. Ragea Arabella. Je m’étonne donc que vous désiriez me voir en devenir une !

- Quoi ?? » Glapit Suzie en se tournant vers Emmaline qui rougit violement

Arabella sourit cyniquement

« Oh vous l’ignoriez Suzie ? Et bien vous me pardonnerez de ne pas rester pour la suite de votre amicale discussion. J’en ai assez entendu pour aujourd’hui. » Grinça t’elle avant de sortir, claquant la porte derrière elle.

 

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Encore furieuse et ne regrettant pas une seconde d’avoir dit à voix haute à Suzie ce que toutes pensaient tout bas, Arabella se dirigea d’un pas énergique vers sa maison.

 

Sa progression fut stoppée net par une main de fer qui se referma sur son bras. Trop furieuse pour avoir peur, Arabella se retourna pour faire face à son agresseur

« Lâchez-moi !

- Dans un instant Madame Turner…. Répondit Mercer.

- Que me voulez-vous… » Lâcha Arabella d’une voix blanche

Mercer la fixa d’un air cruel

« Vous annoncer mon départ… Nous estimons que continuer à vous surveiller aussi étroitement est une perte de temps

- Ça j’aurais pu vous le dire tout de suite. Cracha Arabella

- Ce qui ne veut pas dire que vous ne serez plus surveillée.. Ni que je ne peux pas revenir s’il s’avérait que vous déteniez des … informations. » Susurra Mercer

 

Arabella posa un regard brûlant de haine sur lui et se libéra

« Dans ce cas je suis certaine de ne jamais vous revoir

- N’en soyez pas si sûre… Après tout votre survie dépend également de… L’obéissance de l’Amiral Norrington. Rétorqua Mercer, la faisant blêmir

- Vous êtes un porc…

- Je vous conseille de ne pas tenter de quitter la région. Vous et vos enfants le regretteriez rapidement Madame Turner. Souvenez-vous de Mr Mac Drache… » Se moqua Mercer en s’écartant

Arabella blêmit de plus belle et se laissa aller contre le mur

« Vous êtes monstrueux. »

Mercer inclina moqueusement la tête à son adresse puis s’écarta

« Au revoir Madame Turner… »

 

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Mercer fit ainsi qu’il l’avait dit et le petit village respira soudainement mieux, libéré de sa présence… De son côté, Arabella se réconcilia bien vite avec ses amies et reprit la délicieuse habitude du thé

 

Quelques semaines après le départ de Mercer, Emmaline Mac Drache vint la voir, un sourire joyeux aux lèvres

« Arabella ma chérie, vous devez absolument venir chez nous ce soir

- Pourquoi cela ? Demanda distraitement Arabella qui était fort occupée à faire les comptes de la maison, lesquels étaient peu brillants en dépit de la petite somme envoyée par Bill quelques jours plus tôt

- Charlotte est ici ! » S’exclama Emmaline

 

Cette nouvelle fit naître un authentique sourire sur les lèvres d’Arabella et elle répondit avec chaleur

« C’est une excellente nouvelle ! Vous devez être aux anges

- Oh et bien oui… Même si c’est une visite d’adieu

- D’adieu ??? »

Emmaline se rengorgea

« Son mari a reçu une importante promotion et ils partent tout deux tenir l’un des bureaux de la Compagnie dans les Indes. Expliqua-t-elle d’un ton qui laissait sous-entendre que c’était elle et non pas son gendre qui avait été ainsi distinguée. Vous vous rendez compte ? Une Mac Drache dans les Indes ! »

 

Arabella retint un petit rire et salua la nouvelle comme il se devait

« Vous devez être très fière

- Oh j’ai toujours su que John irait loin. Pavoisa Emmaline. Voilà pourquoi j’ai dit à Joe : laisse la petite l’épouser. Pour l’instant c’est peut être qu’un aspirant mais ce jeune homme ira loin ! »

Arabella retint la réplique acide qui lui venait. Elle se souvenait fort bien de l’opposition forcenée de sa voisine au mariage et du jour où elles avaient découvert Charlotte nue dans les bras de l‘ancien aspirant, la jeune fille n’ayant trouvé que cela pour faire céder sa mère. Cependant, ne souhaitant pas créer une nouvelle discorde alors qu’elles venaient de se réconcilier, Arabella se garda de corriger Emmaline.

« Mais … si ils partent, ce serait peut-être mieux de vous laisser en famille. »

 

Emmaline la prit chaleureusement par le bras

« Allons ne dites donc pas de bêtises Arabella. Vous faites partie de la famille même si vous n’êtes pas une Mac Drache. Grand Pa vous a toujours adorée et c’est d’ailleurs sans doute le seul point sur lequel nous étions d’accord, paix à son âme. Donc vous venez avec vos petits ce soir. »

Les larmes aux yeux, Arabella hocha la tête et songea que malgré tous ses défauts et sa langue de vipère dont elle avait déjà fait les frais, Emmaline Mac Drache était sans doute ce qui se rapprochait le plus de la mère qu’elle aurait aimé que soit Laura

« Si vous êtes sûre que nous ne vous dérangerons pas….

- Bien sûr que je suis sûre ! On vous attend pour sept heures. » Répondit Emmaline avec un sourire

 

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Le soir venu, Arabella accompagnée d’un William ravi et d’une Rebecca maussade, la petite fille détestait toujours autant Penny, se présenta à la porte des Mac Drache et fut accueillie par le sourire joyeux de Joe

« Jour ma belle. Jour les petits. Penny vous attend

- Maman….. » Soupira Rebecca tandis que Will filait

Arabella se pencha sur la petite fille et l’embrassa sur la joue

« Allez Becca vas y et sois mignonne

- Pourquoi ? Elle est méchante et elle veut que Will pour jouer …

- Il y a Patrick aussi. » Souligna Joe

 

Le visage de Becca s’éclaira à la mention du bambin, elle cessa de renâcler et se précipita vers le coin qu’occupaient les enfants

« Madame Turner ! » S’exclama Charlotte en la voyant tandis que son mari lui adressait un discret signe de tête

Le regard d’Arabella se posa sur la robe coûteuse mais sobre de Charlotte et elle sourit

« Charlotte ma chérie tu es magnifique.

- Vous aussi Madame Turner vous ne changez pas… N’est-ce pas John ?

- Euh oui… » Bredouilla l’aspirant

 

Arabella lui adressa un grand sourire et s’assit

« Appelle moi donc Arabella, Charlotte, tu n’es plus en âge de m’appeler  Madame »

Sarah sursauta en l’entendant et lança un regard haineux à sa cadette avant de reprendre

« Soir Arabella »

Arabella jeta un regard noir à la jeune fille tandis que Charlotte s’esclaffait

« Sarah fait attention tu vas étouffer de rage si tu continues. » Se moqua-t-elle

Arabella sourit tandis que Tim se penchait vers elle

« Sarah elle attend not’ troisième m’dame

- Et bien… Répondit mollement Arabella

- Sarah est comme une poule pondeuse… » Releva Charlotte

 

Emmaline soupira et Charlotte leva les yeux au ciel

« Ça va … Excuse-moi Sarah

- Tout l’monde est pas pas capable comme toi… » Jeta Sarah

Le visage de Charlotte se durcit, elle se leva brusquement et lissa sa robe sur son ventre légèrement bombé

« Arrête de parler sans savoir

- Charlotte tu es enceinte ! S’exclama Emmaline

- Ou alors j’ai mangé trop de scones. » Rétorqua Charlotte

 

La famille se perdit en félicitations et Arabella nota avec tendresse que Joe avait le regard humide en serrant sa fille contre lui

« Oui mais c’est pas un bébé d’chez nous. » Commenta platement Sarah

Arabella lui lança un regard sombre et fixa Charlotte

« Alors dis-moi… Londres te plait il ?

- Non. Répondit la jeune femme sans détour. La vie y est fatigante et son seul intérêt réside en ses pièces de théâtre.

- Peuh… Lâcha Sarah tandis que Tim ouvrait de grands yeux

- John et moi adorons le théâtre mais nous sommes pressés de voir les Indes

- Vous avez raison c’est magnifique. » Approuva étourdiment Arabella

 

A ces mots toutes les têtes se tournèrent vers elle

« Vous connaissez les Indes Arabella ? S’étonna Emmaline. Je l’ignorais.

- Qu’est-ce qu’Arabella ne connaît pas… » Ironisa Sarah entre ses dents

Arabella évita la jeune Sarah, se tourna vers les autres puis expliqua

« Mon beau père Mr Reece m’y a emmenée il y a longtemps

- C’est ça … » Ricana Sarah

Sentant que la conversation s’engageait sur un terrain glissant, Joe s’empressa d’intervenir

« Papa aurait été fier de toi Charlotte »

Une ombre passa sur l’assemblée, chacun regrettait (ou pas) l’absence du vieux Mac Drache dont le crachoir trônait toujours sur la petite table, malgré tout l’agacement que lui avait procuré le vieil homme, Emmaline n’avait pu se résoudre à l’enlever.

 

John toussota et reprit la parole

« Ma chère Charlotte a raison… Londres est glaçante

- Pourquoi ????? S’exclama une partie de l’assemblée. »

John jeta un petit regard à Charlotte qui se mit en devoir d’expliquer

« Et bien… Les femmes là-bas sont de vraies langues de vipères, on se croirait à l’un des thés de maman.

- Charlotte ! Rougit Emmaline tandis qu’Arabella étouffait un rire sous le regard outré de Sarah

- Et tout le monde y est plus nerveux … Il y a des drames … »

 

Emmaline se pencha avec attention

« Des drames ?

- J’étais sûre que cela vous intéresserait. Ironisa Charlotte. Et bien par exemple le dernier … N’est rien moins que le suicide d’un Amiral. »

Arabella blêmit brutalement, le cœur serré par une étrange prémonition

« Oh Seigneur ! S’exclama Emmaline. Quelle horreur !

- Bah pourquoi il a fait ça ? Demanda Joe

- On ne sait pas … Soupira Charlotte. Je connais un peu sa femme, Viola et elle semble anéantie… Arabella vous êtes bien pâle. » Remarqua-t-elle soudain

Arabella se mordit la lèvre et secoua la tête

« Je … c’est que je .. C’est de l’Amiral Norrington dont tu parles non…

- Oui en effet. S’étonna Charlotte. Vous le connaissez ?

- Grand dieu ! S’exclama Emmaline. Mais bien sûr et toi aussi ! C’est cet officier qui faisait la cour à Sarah ! »

 

Tim ouvrit des grands yeux surpris mais cela n’arrêta pas Sarah

« Oui, j’ai pas voulu pasqu’il me semblait pas normal. »

Arabella ne releva pas, les larmes aux yeux en songeant à Fitzwilliam. Fitzy, l’ami fidèle… celui qu’elle avait éconduit et qui l’avait tellement aidée… Et voilà qu’il était mort. Non pire…. Suicidé.

« Toujours est-il que personne ne connaît les raisons de son geste. Soupira John

- Et que le tout Londres en fait des gorges chaudes. Ajouta Charlotte avant de fixer Arabella. Vous êtes certaine que ça va aller ?

- Oui… Balbutia Arabella. Pardonnez-moi, c’était , c’était une relation de mon beau père… Et je crois que j’ai besoin de prendre l’air… »

 

Sans attendre elle se leva et se précipita dans le jardin, des larmes amères aux cils. Les autres ne savaient peut être pas pourquoi Fitzy s’était suicidé … Mais pour elle, il y avait fort à parier que Mercer et son commanditaire en étaient responsables…

 

Le restant de la soirée se déroula dans un brouillard de chagrin pour la jeune femme et elle retrouva avec soulagement sa maison, le cœur lourd de peine pour son ancien ami…

 

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Arabella s’était à peine remise de l’annonce de la mort de Fitz et Charlotte et John étaient partis depuis quelques jours lorsqu’un nouveau drame obscurcit son horizon en la personne de Rebecca qui, les yeux rouges, s’engouffra soudain dans la maison alors qu’elle la croyait chez Suzie Hatcher.

 

Saisie, Arabella reposa son ouvrage tandis que la petite fille se contentait de rester au milieu de la pièce, les larmes roulant sur ses petites joues

« Becca ? » Interrogea Arabella, d’autant plus inquiète que la petite fille n’était guère émotive.

Rebecca ne répondit pas et se contenta de la fixer tandis que Will poussait brusquement la porte

« Becca ! S’exclama-t-il. C’est pas vrai ce qu’il dit »

 

A ces mots une nouvelle prémonition envahit Arabella (qui était décidément en forme côté prémonition) et elle s’approcha de Rebecca.

« Qu’est-ce qu’on t ‘a dit ?

- Que t’étais pas sa maman et qu’elle était une bavarde. » Expliqua Will

Arabella se crispa tandis que Rebecca levait un regard suppliant sur elle

« Willy chéri… Retourne chez Suzie tu veux et continue à jouer avec Marvin

- Non ! Je vais pas jouer s’il fait pleurer Becca ! » S’exclama le petit garçon

Arabella sourit avec attendrissement et caressa la joue de Will

« Alors va voir Penny. Je dois parler à Rebecca

- Mais maman.. Protesta Will

- Tu n’as rien fait de mal. Lui assura Arabella en fixant Rebecca qui se décomposait de plus en plus. Va maintenant chéri. »

 

Will hésita quelques instants, puis, lisant la fermeté de sa mère dans son regard, il s’inclina et sortit, laissant Arabella seule avec Rebecca.

 

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Une fois le jeune Will parti, Arabella laissa échapper un profond soupir et se tourna vers Rebecca qui n’avait pas bougé et se contentait de la fixer de ses grands yeux sombres et tristes

« Viens t’asseoir.. » Lui suggéra Arabella en la prenant sur ses genoux

La petite fille ne broncha pas et Arabella lui caressa lentement les cheveux, cherchant comment adoucir la vérité

 

Finalement, elle se décida à prendre la parole avec précaution

« Que t'a t'on dit ? »

Rebecca se nicha contre elle et ne répondit tout d'abord pas, une boule dans la gorge

« Marvin a dit que t'étais pas ma maman et que c'était papa qui t'avais obligée à me prendre parce que j'étais sa ba...bavarde et que maintenant il t'avait laissée pour partir avec ma vraie maman ou une autre et puis que tu voulais pas mais que t'étais obligée de m'avoir... Et que tout le monde dit que t'es bien gentille de t'occuper de moi. »

Arabella garda un silence consterné sous le flot des paroles de Rebecca qui leva vers elle un regard inquiet

« Maman, dit c'est pas vrai hein ? »

 

La jeune femme la serra un peu plus contre elle  

« J'aurais vraiment voulu que nous n'ayons jamais cette conversation... Soupira-t-elle. D'abord et quoiqu'on en dise tu es ma fille, je t'ai tenue dans mes bras alors que tu n'étais qu'un bébé, je t'ai nourrie, élevée et je compte bien continuer à le faire. » 

Rebecca étouffa un sanglot

« Alors c'est vrai... Je suis que qu'une ...bavarde. »

Arabella sourit légèrement mais ne prit pas la peine de la corriger, pas sur ce mot-là.

« Non, tu n'es pas ce qu'ils disent pas plus que tu n'es l'enfant que papa a eu avec une autre femme.

- Marvin a dit que sa maman a dit à son papa que ma maman c'est Sarah et que c'est pour ça que tu la détestes... Renifla Becca. Moi je veux pas que Sarah soit ma maman, elle est bête et méchante comme Penny. »

Pour une fois, Arabella s'abstint de reprendre la petite et lui offrit un visage rassurant

« Non je peux te promettre que c'est faux, Sarah adorerait sans doute mais ce n'est pas le cas. »

 

Un peu soulagée, Rebecca leva à nouveau un regard inquiet sur Arabella 

« Mais tu n'es pas ma maman ?

- Si... Soupira Arabella. Mais je ne t'ai pas portée, ce sont tes ...Commença t-elle une boule dans la gorge

- Mes quoi ?

- Disons tes autres parents. Soupira Arabella.. Ils t'ont confiée à Bill et moi, pour que nous t'élevions

- Ils ne voulaient pas de moi ? Demanda Rebecca avec angoisse. Ils ne m'aimaient pas ? Et pourquoi ils t'ont demandé ? »

Arabella la serra un peu plus contre elle et expliqua lentement

« Si, ils t'aiment beaucoup beaucoup, c'est pour ça qu'ils t'ont confiée à moi. Parce que c'était le seul moyen pour que tu sois en sécurité tu comprends ?

- Non ... Pourquoi ils viennent jamais ? »

 

Arabella tourna un regard inquiet vers la porte et baissa la voix 

« Rebecca, je vais tout t'expliquer si tu me promets que tu ne le diras jamais jamais à personne même si quelqu'un faisait semblant de le savoir d'accord ? »

Surprise par sa gravité, la petite fille hocha la tête

« Même pas à Willy ?

- Même pas à Will. » Confirma Arabella qui se méfiait de la langue trop bien pendue de son aîné

Rebecca sourit d'un air satisfait, de toute évidence contente que Will soit exclu, problème sur lequel Arabella promit de se pencher un peu plus tard.

« Promis »

Arabella hésita encore, Rebecca était bien jeune pour porter un secret aussi lourd...

« Maman... La supplia presque la petite, venant à bout de ses dernières réticences

- D'accord... Tu te souviens du monsieur et de la dame qui viennent nous rendre visite de temps en temps la nuit ?

- Oui... je crois. Hésita Rebecca.

- Et bien, ce sont enfin c'est eux qui t'ont confiée à nous. »

Rebecca ouvrit de grands yeux et le cœur d'Arabella se serra un peu plus

« La dame s'appelle Laura, c'est ma maman à moi et la tienne aussi, c'est pour ça qu'elle t'a confiée à nous. Tu comprends ? »

 

Rebecca parut réfléchir un instant 

« Laura... Répéta t'elle.

- Oui... Et le monsieur qui l'accompagne, Mr Reece est ton « vrai » papa. » Expliqua Arabella en réalisant avec un choc qu'elle ignorait le prénom de celui qui partageait la vie de sa mère depuis des années

Rebecca resta silencieuse un très long moment et Arabella se décida à parler

« Becca ça ne change rien au fait que tu es ma petite fille, je t'aime pareil tu sais et Bill aussi et eux aussi. Tu as de la chance tu sais tu as deux mamans et deux papas qui t’aiment. »

La petite fille secoua vigoureusement ses boucles rousses

« Non s'ils m'aimaient ils m'auraient gardée avec eux ! Je les déteste !! »

Un soupir lourd échappa à Arabella devant sa réaction violente

« Becca, s'ils ont choisi de te laisser avec nous c'est parce que te garder aurait été trop dangereux pour toi et ils veulent que tu sois en sûreté. »

Rebecca écarquilla les yeux avec un doute visible.

 

Voyant cela, Arabella se résigna à tout expliquer et reprit 

« Rebecca, s'ils viennent la nuit c'est parce que ici c'est dangereux pour eux aussi, ils ... ce sont des pirates tu comprends ? Lâcha-t-elle en désespoir de cause

- Les pirates sont méchants ! S'exclama Rebecca révulsée

- Non pas tous et pas ceux-ci. Laura et Reece sont de gentils pirates je te promets.

- Mais le capitaine dit toujours que les pirates sont méchants. Observa la petite, qui faisait référence au capitaine Gois lequel passait son temps chez Suzie Hatcher (une chance que le mari soit souvent absent)

- Oui c'est vrai, il y a des pirates méchants. Confirma Arabella. Mais pas ceux là et si le capitaine dit qu'ils sont méchants c'est parce qu'ils ne veulent pas lui obéir tu vois ?

- Comme moi quand je veux pas jouer avec Penny quand tu me le demandes ? Interrogea Rebecca

- Oui voilà tu as compris

- Alors tu penses que je suis une méchante quand j'obéis pas ?

- Non. Répondit Arabella en riant. Mais le capitaine le penserait sûrement c'est pour ça qu'il ne faut surtout rien dire. »Expliqua t'elle en reprenant son sérieux

 

Rebecca digéra l'information puis garda une nouvelle fois le silence ce qui redoubla l'inquiétude d'Arabella... Avait-elle eu raison de lui dire la vérité ? Peut-être qu'un mensonge aurait suffi, après tout Rebecca était encore jeune et ... 

« C'est à cause de moi que papa est parti ? Enfin le papa de Will

- Ton papa aussi. La reprit fermement Arabella. Et le fait que nous t'ayons avec nous n'a rien à voir avec son départ. Il t'aime autant que moi. »

Rebecca ne répondit pas, visiblement perturbée

« Est ce que ... est ce que tu veux savoir quelque chose sur ...sur Laura ? Se força à demander Arabella

- Est ce que tu es une pirate aussi maman ?

- Je l'ai été. Soupira Arabella. Mais papa et moi on a tout arrêté quand j'ai su que j'attendais ton frère. »

Rebecca baissa la tête avec tristesse

« Pourquoi elle a pas fait ça pour moi ? Si toi t'as arrêté pourquoi pas elle ? »

Le cœur d'Arabella se serra encore un peu plus en lisant dans les yeux de Becca le reflet de la rancœur qu'elle avait nourri et nourrissait encore un peu envers leur mère

« Laura est capitaine tu sais, c'est plus difficile pour elle et puis les soldats la connaissent, elle ne pourrait pas s'installer comme nous, elle courrait trop de risques tu comprends ? »

Rebecca hocha la tête à regret et fixa Arabella

« Mais je peux toujours t'appeler maman ? »

Cette fois un vrai sourire éclaira le visage d'Arabella et elle serra la petite contre elle

« Évidemment ma chérie, quoiqu'il arrive tu seras toujours ma petite fille, le reste importe peu.

- Et si Marvin m'ennuie encore ?

- S'il t'ennuie encore tu lui diras que ta maman s'appelle Arabella Turner et qu'elle t'aime et que tu te fiches de ce qu'on dit. Tu es ma fille Rebecca, c'est tout ce qui compte pour moi d'accord ? »

 

Rebecca hocha la tête et lova dans les bras d’Arabella qui caressa doucement ses cheveux

« Allez ne pleure pas, tout ira bien... »

A ce moment, Will passa la tête par l'embrasure

«  Je peux venir ? » Demanda t'il, inquiet.

Arabella ouvrit les bras pour toute réponse et le petit garçon s'empressa de venir s'y blottir. Tandis qu'elle câlinait ses deux enfants, Arabella songea brièvement qu'il ne lui manquait qu'une seule chose pour que son bonheur soit parfait : son mari...


Chapitre 13                                                                                                      Chapitre 15


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