Chapitre 61 : Finn


 

Tatooine,

 

 

Les croiseurs du Dernier Ordre sont partout, ils obscurcissent le ciel, cachant les rayons des deux soleils. C’est comme si la nuit était brusquement tombée sur Tatooine. Poe nous crie de rejoindre le Faucon mais je ne peux pas. Je ne peux pas laisser Rey. Je cours dans la direction qu’ils ont pris et le cœur me manque en voyant un vaisseau se poser non loin d’eux. Même à cette distance, je peux voir qu’ils sont étroitement enlacés, leurs corps réunis comme s’ils ne formaient plus qu’un. Je crie pour l’avertir mais c’est trop tard. Ren redresse le visage et je me retrouve projeté en arrière avec une rare puissance.

 

La poigne de Rose se referme sur mon bras.

« Laisse, tu ne peux rien pour elle, il est trop tard ! »

Non, je ne veux pas, je ne peux pas. Elle me force à me lever et je sens la main ferme de Poe remplacer celle de Rose.

« Elle a raison, monte ! »

Sans ménagement, il me tire à l’intérieur du Faucon.

« Paré, Nien ! » hurle-t-il.

La plateforme d’embarquement se referme et la dernière chose que je vois c’est Ren en train de forcer Rey à se lever sans douceur.

 

Faucon Millénium,

 

Poe est aux commandes, le visage concentré.

« Ça ne va pas être du gâteau. Ils sont partout et nous sommes par trop visibles. »

Tout en parlant, il s’efforce de louvoyer entre les tirs des croiseurs tandis que Rose m’a remplacé aux commandes du quadrilaser et arrose copieusement nos ennemis. Mon sang se fige en comprenant que Poe tente de rejoindre l’atmosphère de Tatooine afin de passer en vitesse hyperespace.

« Qu’est-ce que tu fais ? Et Rey ? On ne peut pas l’abandonner ! »

Poe évite de justesse un tir de laser et le vaisseau tout entier est secoué par la puissance de feu.

« Il est trop tard pour aller la chercher, le Dernier Ordre a déjà mis la main sur elle. La seule chose que je peux tenter c’est de nous sortir de ce bourbier.

— Mais, Poe, c’est Rey ! »

Une nouvelle secousse ébranle le Faucon et je suis projeté contre la porte.

«  Elle n’a pas plus de valeur que ceux qui sont ici.

— Bien sûr que si ! Poe, c’est la seule à maitriser la Force ! 

— Je suis désolé Mais entre la vie d’une douzaine d’entre nous et celle de Rey, je nous choisis. Maintenant, va te mettre aux commandes du second quadrilaser. C’est un ordre. 

— Je t’en prie, Finn, supplie Rose, des sanglots dans la voix. Rey n’est pas la seule à avoir besoin de ton aide. »

Les visages sont blêmes et j’obéis. BB-8 salue mon arrivée avec un gazouillis satisfait tandis que C3 ne cesse de répéter que nous allons tous mourir. 

 

Je canarde les vaisseaux ennemis sans discontinuer. Le Faucon tremble un instant alors qu’un de leur tir nous touche.

« R2, étendue des dégâts ? » interroge Poe.

Le droïde fait une rapide analyse et son diagnostic nous plonge dans le désarroi. Le propulseur est hors d’usage. Nous n’allons pas tarder à perdre notre seul avantage : la vitesse.

« Non ! s’exclame rageusement Poe. Pas comme ça ! » 

Il frappe violemment la console de commande et, à ma stupéfaction, nous entendons un ronronnement provenant de notre gauche. Inexplicablement, le propulseur vient de repartir.

« Oh tu sais que je t’aime, toi ! » s’exclame Poe à l’intention du Faucon.

 

Son enthousiasme nous galvanise tous et nous redoublons d’efforts pour échapper aux TIE lancés à notre poursuite. Un cri de victoire échappe soudain à Poe et il lance le Faucon à pleine puissance. J’ai le vertige. L’espace entre les deux croiseurs vers lesquels il se dirige est minuscule. Rose pousse un cri d’angoisse et je me retiens pour ne pas faire de même. Nous sentons l’arrière racler légèrement quelque chose puis nous débouchons dans la Galaxie. Sans attendre, Poe active l’hyperpropulsion.

« J’en supplie, c’est pas le moment de nous lâcher, »murmure-t-il. 

 

Quelques instants plus tard, nous bondissons à travers un champ de météorites. Aucun d’entre nous n’ose parler. J’ai les jambes qui flageolent et je crois que je ne suis pas le seul. 

Nous avons réussi. Nous sommes passés !

Rose, tremblante, se jette dans mes bras et je la serre contre moi. Nous nous congratulons tous, heureux d’avoir réussi à échapper au Dernier Ordre.

« Une idée de destination, R2 ? Si possible, un endroit reculé sur lequel nous aurons le temps de réparer cette petite merveille, » ajoute Poe.

 

Jalindi,

 

 

Des rochers, des montagnes, encore des rochers… Cette fois, R2 s’est surpassé dans le côté inhospitalier. 

« Nous devrions être tranquilles, ici. Bien joué, » le félicite pourtant Poe avant de se laisser tomber sur le sol.

Il a l’air exténué et mérite largement de prendre du repos, comme nous tous, pourtant je ne peux oublier que nous avons laissé Rey derrière. Nous l’avons abandonnée aux mains de Ren. Je doute qu’elle puisse se reposer, elle.

« Je crois qu’il faut qu’on parle de ce qui s’est passé et de ce qu’on va faire, maintenant, » j’annonce.

Poe lève un visage aux traits creusés par la fatigue vers moi.

« Pas avant d’avoir tous pris le temps de manger et de se reposer quelques heures. »

Kaydel, diligente, est déjà occupée à se charger de la logistique et bientôt, un fumet appétissant caresse mes narines. Pour un peu, j’en oublierai presque Rey.

 

Les rations sont limitées mais la nourriture nous apporte l’énergie dont nous avions besoin. Comme les autres, je racle mon écuelle jusqu’à la dernière miette. Une fois ma faim un peu assouvie, je reprends la parole.

« Nous l’avons abandonnée. »

Un grand soupir de lassitude me répond.

« Pas maintenant. Pas tant que nous n’aurons pas dormi, toi inclus, » déclare Poe d’un ton sans appel avant de se retourner et de rabattre une des couvertures de survie sur lui.

Je proteste mais ne rencontre que des visages las. Peiné par leur indifférence, je m’enroule dans une couverture et regarde les flammes dansantes du feu sommaire.

 

J’ai dû finalement sombrer dans le sommeil car, lorsque j’ouvre les yeux, un soleil mauve darde ses faibles rayons sur la roche où nous avons trouvé refuge. Mon dos me fait mal à hurler et je croise le regard de Rose.

« Bien dormi ?

— Non, contrairement à vous, j’ai une conscience, je réponds avec agacement.

— Il faut croire qu’elle t’a laissé en paix pendant une bonne quinzaine d’heures dans ce cas », se moque Nien.

Quoi ? Quinze heures ! Comment ai-je pu dormir aussi longtemps alors que Rey a besoin de nous ? 

 

Affolé, je me redresse et Poe pousse un soupir.

« Je sais ce que tu vas dire et je ne doute pas que tu juges tes reproches justifiés. Seulement, Rey était déjà cernée. Ni Ren, ni elle, n’ont fait mine de vouloir se battre pour leur liberté. Les soldats du Dernier Ordre étaient partout. Nous ne sommes qu’une poignée. Aller à son secours aurait été suicidaire, au mieux nous serions morts, au pire capturés. 

— Nous aurions dû essayer ! 

— Poe a raison, intervient Kaydel. C’est ce que Rey aurait voulu. Elle aurait voulu qu’on se sauve.

— Bon sang ! Arrête ! Qu’est-ce que tu connais de Rey ? De quel droit oses-tu parler de ce qu’elle aurait choisi ? Tu ne sais rien d’elle ! »

Poe m’adresse un regard d’avertissement mais je m’en moque. J’en ai assez de Kaydel, de ses avis sur tout, de ses interférences et de l’ascendant qu’elle exerce sur notre commandant ! 

« En fait, tu sais quoi, Kaydel ? Je pense que tu n’as tout simplement rien à faire avec nous. Depuis le début tu passes ton temps à défendre Ren, ton précieux Ben ainsi que tu l’appelles. Si Rey s’est retrouvée isolée sur Tatooine, c’est entièrement ta faute. C’est toi qui as provoqué la panne du Faucon, avoue ! »

 

Poe, rouge de colère, s’approche de moi mais la réponse de Kaydel nous impose le silence.

« Oui, c’est moi. J’ai profité d’être seule aux commandes pour dérégler deux trois appareils.

— Kaydel ! » s’exclame Poe, choqué.

Elle a la décence de baisser les yeux avant de les relever vers lui.

« Je ne l’ai pas fait pour nous nuire ou pour piéger Rey comme Finn le sous-entends. Si j’ai fait ça, c’est pour que Ben et elle aient l’occasion de se dire au revoir tranquillement. 

— Donc tu admets être un agent de Ren ! je m’exclame.

— Je n’admets rien du tout ! Je voulais simplement leur offrir un moment d’intimité, peut-être le dernier, si ce qu’ils nous révélé sur la prophétie de la Dyade est juste.

— Que Ren meure, qui s’en soucie ? rétorque Rose.

— Rey. Rey s’en soucie, déclare Kaydel. Que cela te plaise ou non, elle l’aime. Et elle a déjà tellement perdu. Quel droit avions-nous de la priver de ce moment ? De les priver de ce moment. 

— C’est pas possible d’être aussi bête ! je m’exclame. Parce que tu crois vraiment que Ren ressent quelque chose pour elle ou que l’affection de Rey est liée à autre chose qu’à ce lien qu’ils ont ?

— Je crois qu’ils sont tous les deux prêts à tout pour l’autre. Je crois que leur Dyade leur sert de balance. Je crois que lorsque l’un d’entre eux fait un pas vers le Côté Lumineux, l’autre en fait un vers l’Obscurité. »

 

Poe semble réfléchir sérieusement à la question mais c’est Nien qui réagit en premier.

« Ren a guéri le Porg. Et il a été admis dans la Lumière. »

Kaydel lui adresse un sourire d’assentiment.

« Alors que Rey s’est enfoncée dans l’Obscurité et se contrôle de moins en moins.

— A cause de Ren ! je leur rappelle.

— A cause de la Force et de ce qu’elle est ! »

Nous nous affrontons du regard. Jamais je ne me serais douté que Kaydel était aussi butée. Ni que Poe semblerait prendre autant au sérieux ses divagations :

« Donc, selon toi, la Dyade leur permet de se répartir entre les côtés ? Comme s’il devait toujours en avoir un dans chaque camp ? 

— Oui c’est cela. C’est pour ça qu’ils ne peuvent pas instaurer l’Equilibre. La Force a besoin d’une personne neutre.

— Est-ce qu’on est vraiment obligés de l’écouter ? je proteste. Je vous rappelle qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’est la Force.

— Tu crois vraiment ? Ce n’est pas parce que j’y suis insensible que je suis incapable de comprendre son concept. J’ai passé ma vie auprès de personnes qui ne parlaient que de ça, qui ne vivaient que pour ça. Pendant que tu te conformais sans sourciller aux ordres de tes supérieurs, j’étudiais les livres Jedis à la demande de Leia. »

 

Je suis estomaqué par l’assurance dont elle fait preuve et je me tourne vers Poe. Il est notre chef, il doit être capable de discerner la justesse de l’imagination.

« Cela ne nous dit pas ce que nous devons faire, intervient Rose. Faut-il chercher ce fameux personnage qui incarnerait l’Equilibre ?

— Non ! On doit aller chercher Rey ! » je m’insurge.

Poe hésite.

« Je ne sais pas, Rey prévoyait de partir à la recherche de l’Equilibre mais que se passera-t-il si Sidious en profite pour la corrompre totalement ? »

J’ironise :

« Bah pas d’inquiétudes, si l’on en croit notre grande spécialiste Jedi, cela causera le passage de Ren du côté Lumineux. »

Kaydel me regarde avec froideur.

« La Force ne se limite pas aux Jedis, Finn. Si c’était aussi simple, les Siths n’existeraient pas. Cependant, pour une fois, je suis d’accord avec toi. Nous devons les rejoindre. A cause de ceci… souffle-t-elle avant de sortir le Cristal Obscur de sa chemise. Sans les deux artéfacts, Rey et Ben n’ont aucune chance de l’emporter face à Palpatine si les choses tournent mal. »

 

Poe souffle bruyamment et nous le regardons tous.

« Non, ce n’est rien, je viens de réaliser que, si Kaydel a raison, l’issue même de tout ce pourquoi j’ai combattu toute ma vie se trouve désormais entre les mains de deux personnes aussi instables l’une que l’autre. 

— Rey n’est pas instable !

— Bien sûr que si, soupire Rose.

— Oui, elle l’est, confirme Kaydel d’une voix douce. Et cela, nous ne pouvons totalement l’imputer à Ben ou à l’Obscurité. C’est avant tout notre faute. J’aimais Leia de tout mon cœur et j’aurais toujours le plus grand respect pour elle mais, elle a eu tort de séparer Rey de sa famille, quand bien même c’était dans de bonnes intentions. Tout comme c’était mal de notre part de la couper de la Force ou de l’empêcher d’être avec Ben. Au moment où elle a eu le plus besoin de nous, de notre soutien, nous l’avons rejetée sans chercher à la comprendre. »

 

Du coin de l’œil, je vois les joues de Rose s’enflammer à ce reproche. J’avoue que je me sens un peu mal à l’aise, moi aussi.

  « Tous, nous voulions bien faire et la protéger, poursuit Kaydel. Mais, nous ne pouvons nous cacher que nous sommes en partie responsables de l’attirance qu’elle ressent pour l’Obscurité. Alors maintenant, c’est peut-être le moment de croire en elle et de lui apporter les moyens d’accomplir ce que la Force attend d’elle, » termine-t-elle en fixant le cristal.

Poe soupire bruyamment.

« Au point où nous en sommes… Reste à savoir où ils vont l’emmener, s’ils ne l’ont pas déjà tuée.

— Sidious ne la tuera pas, affirme Kaydel, il convoite trop sa puissance pour ça.

— Cela ne nous dit pas ce qu’ils vont faire d’elle », soupire Nien.

BB8 s’exprime brusquement avec virulence et Poe pousse un nouveau soupir.

« Oui, il est probable qu’ils la conduisent à Sidious. »

Un vent glacial se lève et je frissonne.

« Sur Exégol ? »

R2 semble d’accord avec cette supposition, tout comme Poe.

« On va devoir y retourner… Mais avant, nous devons impérativement reprendre des forces et essayer de mobiliser les rares alliés qu’il nous reste. 

— Je vais lancer un appel à l’aide dans la Galaxie », annonce Kaydel.

 

Poe la suit des yeux, l’air soucieux tandis que notre groupe se disperse. Je saisis l’occasion qui m’est donnée de lui parler seul à seul.

« Tu penses réellement qu’elle a raison ou tu fais ça pour la mettre dans ton lit ? »

Ma tentative de plaisanterie tombe à plat. Poe m’adresse un regard noir.

« Kaydel ne mérite pas d’être sans cesse rabaissée comme tu le fais. La Générale Organa lui demandait souvent conseil, elle admirait son intelligence et elle avait le plus grand respect pour ses analyses. »

Brutalement, je me sens idiot.

« Excuse-moi, je ne voulais pas te vexer.

— Ce n’est pas à moi que tu dois dire ça. C’est à elle. »

 

 


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