Chapitre 22 : La reine des ondines


 

 Queen Anne’S Revenge

Cabine

 

Rouge de honte, bouleversée par ce qui venait de se produire et ses propres réactions, Angelica poussa la porte de la cabine qu’elle partageait avec Jack, priant pour que ce dernier soit encore endormi. Malheureusement pour elle, ce n’était manifestement pas le cas.

« Angie chérie… Tu m’as manqué. » Lui lança Jack, assis dans le lit et occupé à vider méthodiquement une bouteille de rhum.

Angelica se crispa en songeant à quel point elle en était venue à haïr le sobriquet de Angie dont le pirate la gratifiait .

«  Et bien je suis là maintenant. » Répondit elle avec un zeste de rage.

 

Jack se troubla légèrement et lui adressa un regard froid

«  Que s’est-il passé ? » Lui demanda-t-il d’un ton qui tranchait étrangement avec l’air enjoué qu’il arborait quelques secondes plus tôt.

Angelica se crispa. Elle préférait mourir plutôt que d’avouer la scène humiliante à laquelle elle venait de participer… Et l’effet que les caresses de la blondinette avait eu sur elle.

« Rien. J’étais avec Teach et sa « fiancée ». »Répondit elle

Jack baissa rapidement les yeux à cette nouvelle puis sourit

« Au fond quelle importance trésor ? » Susurra-t-il d’une voix séductrice en l’embrassant dans le cou.

 

Angelica frissonna à son contact puis se tourna vers lui, ses lèvres épousant fiévreusement celles de Jack. Ce soir l’identité de son partenaire n’avait pas d’importance… Seul comptait le fait qu’il soit un homme. Et à tout prendre, Jack Sparrow en valait bien un autre. Un grognement salua son initiative et Angelica soupira en sentant les mains du pirate agripper sa poitrine opulente.

« J’aime vraiment notre nouvel accord… Soupira Jack en la caressant

- Moi aussi. » Répondit Angelica, plus sincère qu’elle ne l’avait été durant les semaines écoulées.

 

Queen Anne ‘S Revenge

Pont

 

Serrant la bague que lui avait prêté Jack Sparrow dans sa main moite, Philip jeta un coup d’œil rapide alentour pour s’assurer qu’il était bien seul. Constatant avec plaisir que le pont était endormi et que ni Davies, ni Teach n’étaient en vue ( les cris s’échappant de la cabine de ce dernier l’informant qu’il mettrait un long moment à en ressortir) Philip s’approcha du bastingage, se sentant un peu ridicule il jeta la bague à la mer et sursauta en entendant le bruit léger qu’elle fit en touchant la surface. Quelqu’un l’avait il entendu ? Inquiet, Philip se retourna avant de laisser échapper un soupir de soulagement : le pont était aussi calme que quelques secondes plus tôt. Philip se retourna donc vers le bastingage, attendant que quelque chose se produise.

 

De longues minutes s’écoulèrent sans que rien ne vienne troubler la surface de l’eau.

 

Philip en était venu à penser que Jack Sparrow s’était moqué de lui et s’apprêtait à déserter son point d’observation lorsqu’un bruit léger lui fait baisser les yeux.

 

Abasourdi, le jeune homme découvrit un visage féminin encadré par de lourdes boucles blondes au milieu duquel s’étirait un sourire carnassier. La femme ondula gracieusement dans l’eau et Philip la contempla un instant, oubliant tout ce qu’il devait lui demander. Puis, son regard rencontra la bague qu’elle tenait et il se pencha

« Naia ? Demanda-t-il avec hésitations

- Oui . Lui répondit la femme d’une voix envoûtante, c’est ainsi que l’on me nomme… Mais tu n’es pas notre gentil Jack… Qui es-tu et que fais-tu avec son talisman ? »

 

Talisman ??? Se demanda Philip avant de conclure que ça n’avait pas d’importance

« Je suis Philip et le talisman il me l’a prêté…. Parce que Syréna… A dit de vous appeler

- Syréna ??? Tu sais où elle est ? Lui demanda la femme d’un air alerte.

- Oui…. Elle est ici. Ils l’ont… Commença Philip, les larmes aux yeux. Elle est enfermée…

- C’est Jack qui a fait ça ? Demanda Naia d’un air méfiant

- Non, Blackbeard… Le Capitaine Sparrow m’a donné la bague quand il a su… »

 

La femme s’agita légèrement et Philip eut le temps d’apercevoir sa queue aux écailles luisantes tandis qu’elle s’approchait de la coque du navire.

« Vous allez… vous allez la sortir de là ? Lui demanda Philip avec inquiétude

- Je ne peux pas… Répondit la sirène. Des charmes entourent ce navire. De la magie sombre mauvaise… Cracha-t-elle d’un air dégoûté

- Mais Syréna a besoin de vous ! » Cria presque Philip.

La sirène parut réfléchir quelques secondes puis le regarda d’un air enjôleur

« J’en parlerais à Calypso… Elle seule est assez puissante pour agir… En attendant Philip… veux-tu que je chante pour toi ? » Lui proposa-t-elle d’une voix tentatrice.

Hypnotisé par sa beauté Philip ouvrit la bouche pour répondre par l’affirmative avant de se reprendre. Syréna ne serait sûrement pas contente d’apprendre qu’il lui faisait des « infidélités »

« Non merci…

- Ma voix vaut bien celle de Syréna tu sais… » Répondit Naia d’un ton enjôleur.

 

Philip déglutit en notant la blancheur parfaite de sa peau nacrée qu’éclairait un rayon de lune et se força à revenir au présent

« J’aime Syréna. » S’entendit il répondre, les mots franchissant ses lèvres sans qu’il ait eu le temps d’y réfléchir.

Un rire cristallin salua sa déclaration et Naia se remit à nager, décrivant un cercle léger dans l’eau

«  Mais moi je pourrais écarter mes écailles pour toi … Ça te plairait ? »

 

Cette fois, Philip retint son souffle. Naia lui proposait au bout de quelques instants ce qu’il attendait désespérément de Syréna depuis des semaines.

«  Je, je .. Je … Balbutia-t-il.

- Il te suffirait de plonger et de venir me rejoindre… » Roucoula Naia.

Philip faillit se laisser tenter mais l’image de la pauvre Syréna seule dans sa cabine le ramena à sa mission

«  Pas sans Syréna. Je ne partirais pas sans elle. » Annonça-t-il, évitant toutefois de regarder en direction de la trop troublante Naia.

Il ne vit donc pas la moue dépitée de celle-ci ni ses lèvres se retrousser sur ses dents acérées.

«  Dommage pour toi. Lança-t-elle. Syréna ne te procurera pas le quart du plaisir que je pourrais te donner. »

L’esprit submergé par des images plus voluptueuses les unes que les autres, Philip rougit et se força à être ferme

 «  J’aime Syréna. S’il vous plait… Aidez-moi à la sauver. »

 

Naia soupira lourdement et son œil s’alluma en sentant la présence d’un autre navire

« D’accord Philip mais tu ne sais pas ce que tu perds ! Lui lança-t-elle en lui jetant l’anneau. Rend le à Jack. Dis-lui que la Reine des Ondines lui renouvelle son affection. »

Philip l’attrapa au vol et regarda la fille

« Mais à quoi sert-il au juste ? » Demanda-t-il en pure perte : Naia était déjà partie.

 

 

Queen Anne ‘S Revenge

Geôles

 

«  Jamais nous n’aurions du faire confiance à ce rat, à ce fils de chien à ce maudit bâtard de Sparrow ! » Explosa Barbossa pour la centième fois depuis que Blackbeard avait tiré Jack de prison.

Le reste de l’équipage échangea un regard blasé tandis que le pirate continuait d’un ton  rageur

«  J’aurais du en finir avec lui tant qu’il était enfermé avec nous !! Oui c’est ça.. Fracasser son  sale petit crâne de menteur sur le mur jusqu’à ce que sa cervelle explose ! » Continua Barbossa

 

Gibbs soupira lourdement mais un reste de sa légendaire fidélité le poussa à prendre la défense de son capitaine et ami

« Le capitaine Jack a dit qu’il avait un plan… Alors sans doute que ça en fait partie. » Tenta-t-il.

 

Barbossa lui lança un coup d’œil acéré et s’approcha de lui

« Le seul plan que Sparrow ait est de se sauver lui-même et d’agir comme le lâche qu’il est !! » Déclara Barbossa sous les regards approbateurs des autres hommes.

Gibbs déglutit et tenta

«  Mais peut être qu’il a besoin que nous restions ici pour… pour…

- Pour ? Se moqua Barbossa

- Je .. Il vous a demandé quelque chose non ? » Bafouilla Gibbs à court d’arguments.

Un reniflement méprisant lui  répondit et Barbossa secoua la tête

« Ce crétin m’a endormi avec ses belles paroles mais ça fait des jours que nous croupissons ici sans que rien ne se passe !!! Non la vérité c’est que ce traître est passé du côté de Teach. »

 

Cette fois Gibbs s’indigna

« Oh non sûrement pas, je connais le capitaine Jack, il nous mène souvent en bateau, il nous utilise mais jamais il ne laisserait tomber l’équipage du Pearl !

- Vraiment … Susurra Barbossa. Dans ce cas comment expliquez vous ce qu’il a fait à Madame Turner ? »

 

Le Victory,

Errant autour d'une île

 

A la tête des opérations depuis maintenant plusieurs jours, le Commodore Groves s'efforçait vainement d'afficher un air sûr de lui, feignant d'ignorer les regards de plus en plus insolents dont le gratifiait l'équipage. Il fallait avouer qu'il y avait de quoi... Ils avaient fait plus de dix fois le tour de l'île, il avait envoyé des hommes l'explorer... Sans succès. Au contraire... Seulement la moitié des hommes qu'il avait envoyé sur l'île était revenue ce qui n'avait pas contribué à améliorer la confiance déjà chancelante de l'équipage à son égard et à celui de l'Amiral.

 

De plus en plus sceptique quand à leurs chances de réussite et aux indications délivrées par Le Gardien du Code, Groves observa le cours d'eau qui serpentait au milieu des falaises bordant l'île. L'eau lui paraissait peu profonde mais c'était justement les explorateurs de cette partie de l'île qui manquaient à l'appel...

«  S'il y a quelque chose c'est forcément là... » Marmonna t'il entre ses dents.

Seulement avoir une intuition était une chose... en être certain en était une autre et Groves redoutait les conséquences d'une décision hâtive qui pouvait soit les mener au succès, soit détruire définitivement le peu de confiance que l’équipage avait encore en ses chefs.

 

Ignorant les chuchotements des hommes sur son passage, Groves se dirigea vers la cabine de Greitzer, désireux d’avoir son avis sur qu’il convenait de faire à présent lorsqu’il s’arrêta net. Son cœur se serra d’émotion et des larmes lui montèrent aux yeux en entendant le chant doux que la brise joueuse portait jusqu’à eux. Oubliant sur le champ toutes ses préoccupations, Groves se précipita au bastingage et fouilla l’horizon à la recherche de la chose qui les régalait ainsi de sa voix céleste. Le regard noyé de désir, il ne remarqua pas que les autres hommes, du simple mousse au canonnier, agissaient de la même manière que lui et lançaient des regards hallucinés vers l’horizon

 

 

Le cœur de plus en plus lourd et les mains tremblantes d’impatience, Groves vit finalement la source du chant. A quelques mètres du Victory, soigneusement appuyée contre l’un des rochers acérés qui le faisait hésiter à s’engager sur le cours d’eau qui serpentait dans l’île, se tenait la plus belle femme que Groves ait jamais vue. Ses longs cheveux d’un blond si pâle qu’ils étaient presque blancs cascadaient sur ses épaules, retombant en boucles épaisses et encadrant un visage au teint plus pur que celui de la plus fraîche des jeunes filles qu’il avait eu le bonheur de courtiser. Même à cette distance, il devinait la bouche pleine aux lèvres roses et brillantes qui laissait apparentes deux rangées de dents d’une blancheur parfaite entre lesquelles pointait de temps à autres une langue d’un rouge vif, contrastant avec la pâleur de son teint.

 

Le bas ventre de Groves se mit à grogner devant cette apparition qui lui rappelait qu’il n’avait pas connu de femmes depuis des mois et il se tourna d’un air éperdu vers l’équipage

« Les voiles, l’ancre… Tout … Il faut la rejoindre. » Ordonna-t-il inutilement.

En effet, les hommes semblaient avoir devancé son désir et Le Victory s’engageait lentement sur le fleuve que Groves hésitait tellement à emprunter quelques minutes plus tôt.

 

Le cœur battant, Groves vit se rapprocher lentement la femme, trop lentement… Ému jusqu’aux larmes par son chant dont il ne comprenait pourtant pas le traître mot, il chercha à accrocher les yeux d’un bleu océan que la blonde promenait sur l’équipage.

 

Inquiet par le brusque mouvement du navire, Greitzer sortit à la hâte de sa cabine et grimaça en entendant le son discordant qui hurlait dans le vent.

« Mais faites taire cette chose ! » Ordonna-t-il en pure perte.

Surpris par les visages envoûtés de son équipage, Greitzer jeta un regard vers ce qu’ils regardaient tous et frémit en apercevant la femme blonde à la queue de poisson. Une sirène.

« Arrêtez ! Faites demi tour ! » Hurla-t-il en pure perte.

 

Groves grimaça en entendant un cri derrière lui et ne se retourna même pas, fasciné par la femme. Celle-ci commença à bouger, un rire cristallin remplaçant son chant et le cœur de Commodore devint pierre en comprenait qu’elle s’apprêtait à partir.

« Non !!! Non, reste ! La supplia-t-il, sa voix faisant écho à celles des autres.

Voyant qu’elle ne les écoutait pas, Groves enjamba le bastingage pour plonger afin de la rejoindre mais une poigne puissante le tira brusquement en arrière

- Laissez moi ! » Hurla-t-il, comme possédé, tout en frappant à l’aveuglette son assaillant.

 

Greitzer encaissa les coups et le poussa avec rudesse sur le pont, s’asseyant sur lui pour le ceinturer.

Tandis que Groves et Greitzer se livraient ce curieux combat, deux hommes se précipitèrent à l’eau et le chant de la sirène se tut enfin. Rapide comme l’éclair, cette dernière se précipita vers les deux malheureux, déchirant rapidement les chairs en les entraînant vers les profondeurs, laissant derrière eux un nuage rouge à la surface de l’eau.

 

Au bout d’un moment, et alors que Greitzer était à bout de forces, Groves revint à lui, papillonnant des yeux sans comprendre comment il s’était retrouvé allongé sur le pont, une érection gonflant son fut tandis que Greitzer assis sur son ventre lui maintenait les poignets.

« Que… que … se passe t’il ? » Balbutia-t-il d’une voix égarée

Greitzer poussa un soupir de soulagement en l’entendant et sa poigne se relâcha légèrement

« Vous avez été envoûté par une sirène. J’ai du vous maintenir pour vous empêcher de sauter. » Expliqua-t-il, à bout de souffle tout en se relevant.

 

Groves cligna des yeux et accepta la main que l’autre lui tendait

« Une quoi ?

- Une sirène. Répéta Greitzer d’un ton agacé où perçait toutefois le soulagement. Je suis arrivé à temps pour vous empêcher de connaître le même sort que les imbéciles qui ont sautés. » Lui expliqua-t-il en lui désignant l’eau encore teintée de rouge par endroits.

Groves rougit violemment tandis que des murmures d’incompréhension agitaient l’équipage.

« Seigneur… J’ai failli conduire le Victory a sa perte. » Réalisa Groves, encore ému au souvenir de la créature parfaite qui l’avait tenté.

- Ils n’ont pas eu besoin de vous pour ça. Rétorqua Greitzer. Eux aussi étaient sous le charme.»

Groves le remercia d’un regard puis soupira

« Ça ne suffit hélas pas… Je suis officier pas eux. C’est mon devoir de garder la tête froide. Comme vous l’avez fait. »

Greitzer rougit et Groves comprit avec surprise qu’il était plus gêné que flatté par le compliment qu’il venait de lui faire

« Laissez ça. Répondit Greitzer en évitant son regard. DEMI-TOUR ! »Ordonna-t-il à l’équipage.

 

Se remettant lentement de ces émotions, ce dernier s’apprêtait à obéir lorsque les yeux de Groves s’arrondirent de stupeur.

« Non ! Attendez .. Je, Amiral Greitzer, regardez ! Lança-t-il d’une voix tremblante d’excitation . Là, le lit s’élargit … on dirait un… un lac ?

- Quoi ??? Mais on a exploré l’île et il n’y a pas de … » Commença Greitzer avant de s’interrompre bouche bée.

 

Groves comprit au même moment que l’étendue qui s’étirait devant eux n’était pas un lac. Le ressac et les vagues remplies d’écume qui l’agitaient n’avait rien de la placidité des lacs… Non c’était bel et bien une mer. Une mer qui ne se trouvait sur aucune des cartes qu’ils possédaient

« Ainsi c’était vrai… Murmura Greitzer. Il existe bel et bien des mers ignorées… »

 

Palais au fond des Océans

 

Repue par les deux marins dont elle avait perçu la présence tandis qu’elle tentait sans succès d’attirer Philip, Naia se décida à remplir la mission que le jeune homme lui avait confiée et dirigea à coups de nageoires souples vers sa maîtresse. Maintenant que l’urgence de se nourrir avait été satisfaite, elle s’inquiétait du sort de sa sœur.

 

Évoluant gracieusement entre des statues de coraux et d’or qui  auraient faites pâlir d’envie plus d’un homme, elle se présenta devant la nymphe qui régnait sur le palais depuis son retour après un long exil parmi les hommes.

« Calypso… » Souffla-t-elle de sa voix chantante.

La créature assise sur le trône ouvrit un œil paresseux et un sourire cruel étira ses traits en la reconnaissant

« Naia… La Reine des Ondines se décide enfin à faire ses hommages… » Souligna-t-elle.

 

Naia se crispa. Ça commençait mal. Il fallait dire qu’elle n’avait pas jugé utile de venir saluer Calypso depuis son retour… En vérité, et même si elle ne l’admettrait jamais à voix haute, son peuple ne s’était jamais aussi bien porté que lorsque le tyran des mers s’était trouvé éloignée de son palais

« Les hommes s’attaquent à notre peuple. » Lui jeta elle

Calypso la regarda d’un air détaché tout un caressant l’un des crabes translucides qui peuplaient les fonds sous marins et dont les hommes ignoraient l’existence

« Alors voilà pourquoi tu te décides à te présenter devant moi… Je suppose que tu souhaites avant tout renouveler ton allégeance ? Se moqua Calypso

- Je souhaite obtenir votre aide Calypso. Ainsi qu’il est de votre devoir de l’apporter à vos vassaux. » Répondit elle, les derniers mots lui écorchant la bouche

 

Calypso la fixa d’un air triomphant et lui désigna un siège de corail

« Quel péril affrontes tu Naia ? »

La reine des Ondines s’assit et la fixa

« Un pirate a capturé l’une des miennes, Syréna, et il la retient sur son navire.

- Un pirate ! Se crispa sur le champ Calypso qui n’avait pas oublié la douloureuse expérience de son premier enfermement par la Confrérie

- Oui, un  certain Blackbeard ! Il la retient avec sa magie noire. Vous devez agir ! »

 

Calypso la regarda pensivement, songeant que depuis son retour, elle ne s’était que peu ( en fait pas du tout) intéressée à ce qui se passait à la surface

« Serait ce ton vieil ami Jack Sparrow qui t’aurait avertie ? » Ironisa-t-elle

Le visage de Naia se ferma et Calypso poursuivit

« Je vois… Je ne comprendrais jamais la faiblesse qui t’a poussée à lui faire cadeau d’un tel talisman…

- Il m’a aidée. Répondit Naia

- Oui… je sais … On m’a parlé de la rébellion que tu as subi durant mon… exil. En fait, à ce qu’on dit, tu dois ton trône à Sparrow

- On vous a bien renseignée… Ragea Naia. Sparrow m’a en effet aidée… Voilà pourquoi je l’ai récompensé en le protégeant ainsi que les hommes sous ses ordres des chants de mes sœurs. Mais ma faveur s’arrête là. »

 

Calypso sourit d’un air rêveur et la fixa

« On dit que tu lui as aussi accordé une autre faveur… »

Naia rougit au souvenir des caresses appuyées du pirate. Ça avait été la seule fois où ses écailles s’étaient écartées sans tuer celui qui la pénétrait charnellement

« On dit que vous aussi. » Rétorqua-t-elle.

Calypso haussa les épaules d’un air négligent

« Et donc Jack se trouve en ce moment même avec le geôlier de ta Syréna…

- Oui, par hasard ! Il faut que vous agissiez

- Il n’y a pas de hasard Naia. Il n’y a que la main du destin… » Répondit Calypso d’une voix lointaine

Les écailles de Naia se retroussèrent de rage, c’était bien de Calypso de prétexter le destin pour ne pas avoir à intervenir ! Ses lèvres se retroussèrent en une grimace mais l’autre ne lui laissa pas le temps de parler

« Tu peux disposer Naia. Je vais y réfléchir… » Lui affirma Calypso d’une voix traînante.

 

Naia serra les poings de rage et obéit ainsi qu’elle y était obligée, toutefois, elle ne put retenir une dernière flèche

« Le monde de la surface connaît de nombreux bouleversements depuis votre retour Calypso… Continuer à les ignorer ainsi que vous le faites est le genre d’erreur qui pourrait vous conduire une fois encore à votre perte ! »

Le visage de la nymphe se déforma rapidement et Naia elle-même recula

« Ne me menace JAMAIS Naia … Ou alors ton peuple subira ma disgrâce ! Ragea Calypso d’une voix changée. Maintenant disparais ! »

Cette fois la Reine des Ondines s’empressa de quitter le palais de corail. Elle s’était suffisamment opposée à la nymphe et le courage n’était de toute manière pas la vertu première des sirènes…

 

Une fois sa désagréable invitée partie, Calypso réfléchit à ses paroles… Certes elle n’avait pas tort en affirmant qu’il fallait surveiller la surface… Cependant, cela pouvait bien attendre qu’elle ait terminé sa sieste… Et puis Calypso s’était suffisamment frottée aux humains durant les siècles écoulés pour ne pas avoir envie de les revoir. Le courage n’était pas non plus sa principale qualité… Elle préférait s’en remettre au destin

 

Le Hollandais Volant

Frontière entre les deux mondes

 

Will avait abandonné depuis longtemps tout espoir de secours de la part de Calypso…. Surtout en cet instant précis où les âmes mauvaises, jusqu’alors bloquées par une frontière invisible , franchissaient cette dernière avec des gémissements de souffrance pitoyables qui lui auraient serré le cœur s’il en avait encore possédé un. Mais ça n’était pas le cas. Pas plus que ce n’était le moment de s’apitoyer.

 

Les âmes damnées venaient de passer à l’attaque et leurs protecteurs étaient encore coincés dans l’autre monde. Ils étaient seuls face à une armée d’âmes sans conscience.

 

Bill poussa un cri effaré en voyant les premières âmes se déverser sur le pont du Hollandais Volant, poursuivant les âmes infortunées qui n’étaient à bord que pour trouver un juste ( ou pas ) repos.

« Will qu’allons nous faire ?

- Je ne sais pas… Murmura le jeune homme d’une voix blanche en voyant les autres s’attaquer à ceux dont il avait la charge. Mais je crois que … Nous n’avons pas le choix … Nous devons nous battre !

- Ils sont déjà morts que veux tu que nous leur fassions de plus ? Lui demanda Bill avec angoisse

- Je ne sais pas… » Répondit Will en se jetant dans la bataille, l ‘épée au poing.

 

La tâche était impossible. Et la douleur que procurait le contact des âmes à Will était intense même si leurs blessures ne pouvaient le tuer. Submergé par un flot d’âmes dont l’esprit incandescent brûlait sa peau et son esprit, Will entendit de très loin le hurlement de souffrance poussé par son père…

« Papa ! Sauve toi … » Tenta-t-il de dire.

Mais les hommes du Hollandais Volant n’avaient aucun endroit où fuir. Petit à petit, les âmes destructrices brûlaient leurs chairs déjà mortes, les transformant peu à peu en des monstres d’une allure différente de celle qu’ils avaient revêtue durant le règne de Jones… Des cloques bombaient leur peau jusqu’à exploser, laissant les chairs à vif… Certains avaient eu la tête arrachée et leur corps tentaient vainement de la protéger tout en faisant face à leurs ennemis.

 

Mais le pire était encore ce que subissaient les âmes en transit vers le repos éternel. Celles-ci n’étaient pas protégées par le pacte que l’équipage restant du Hollandais Volant avait passé jadis avec Jones et qui leur conférait un statut de morts non morts et non vivants… Les âmes dont Will avaient la charge s’éteignaient une par une , poursuivies par la furie des damnés qui les transperçaient allègrement, soufflant les lanternes qui représentaient leur salut. Les plus infortunées d’entre elles, les plus faibles, se voyaient capturées par l’appétit dévorant des damnés, devenant l’un d’entre eux comme le comprit avec horreur Will en sentant sur sa jambe la morsure de l’âme d’un jeune mousse qu’il avait embarqué quelques heures plus tôt.

 

Une vive nausée aux lèvres, Will lui balança un coup de pied pour le faire lâcher et poussa un gémissement en entendant le bruit spongieux que fit sa cervelle en s’écrasant sur le pont suite à la violence du coup. Pourtant l’heure n’était pas à la pitié. Pour chaque adversaire mit temporairement hors de combat, trois autres le remplaçaient, les damnés se nourrissant des âmes qu’ils détruisaient et enchaînaient à leur rangs.

 

Perclus de souffrance, Will vit avec désespoir ses âmes et son équipage submergés… Pourtant il trouva la force de lever son épée une fois de plus. Perdu pour perdu… Mieux valait continuer à se battre …

 

C’est alors qu’une lueur aveuglante, une lumière telle que Will n’en avait jamais vue dans cet autre monde peuplé d’ombres et de ténèbres explosa dans le ciel, immobilisant les combattants, tous surpris par ce gigantesque éclair.  Will leva les yeux et faillit pleurer de soulagement en reconnaissant la silhouette immense qui dominait le navire

« Calypso… j’ai jamais été aussi content de vous voir… Ricana-t-il nerveusement, un sourire béat éclairant son visage.

- Paaaaaaarteeeeeeeeeeeez ! » Ordonna la nymphe d’une voix étrange en levant le bras gauche.

 

Will frémit en sentant des milliers de pattes frôler son corps, appartenant aux crabes translucides que Calypso venait de lancer à l’assaut. Ces derniers se ruèrent vers les âmes damnées, les recouvrant tandis que leurs mâchoires déchiraient leurs formes spectrales. C’était un carnage. Will détourna le regard et se dirigea en clopinant vers son père, qui à terre, avait le corps recouvert de cloques.

« Papa ! S’écria-t-il avec désespoir

- Ils m’ont pas eu…. J’ai résisté… Souffla Bill avec peine

- Ne meurs pas !

- Peut pas… à bord du Hollandais Volant. » Le rassura son père avec un sourire grimaçant avant de fermer les yeux, la lumière qui flottait autour de lui en un léger halo verdâtre s’éteignant brusquement.

 

Will poussa un gémissement avant de réaliser que le silence régnait à nouveau sur le navire. Les âmes avaient renoncé et avaient repris leur place à la frontière des mondes….

« Tu n’as pas su les protéger… » Commença une voix derrière Will.

Fou de colère et de chagrin, le jeune homme reposa doucement la tête de son père dont les yeux ne s’ouvriraient plus jamais et se retourna

«  Comment étais je censé lutter contre ça ?? »Hurla-t-il en notant les cadavres qui jonchaient le pont et qui étaient ceux de son équipage jadis damné

 

Calypso posa un regard indifférent sur les hommes et reprit

« Ta charge est de les protéger

- Mais ils les ont tués ! Hurla Will. Ils ont tué mon père !!!

- L’heure de sa mort avait sonné depuis longtemps. Répondit Calypso avec indifférence. Il n’avait fait qu’en repousser le terme… »

Will laissa rouler une larme sur sa joue et la fixa avec désespoir

«  Comment puis-je lutter contre eux alors qu’ils sont déjà morts !

- Les défunts… n’accèdent pas tous à leur paradis… Ta charge est de les protéger…. Pour les dix ans à venir et au-delà… L’âme de ton père a rejoint le néant. »

 

Will blêmit et la fixa avec haine

« Pourquoi ?

- Parce que le destin en a décidé ainsi. Répondit Calypso d’une voix lointaine. Bientôt un autre te secondera dans ta tâche… Mais pour l’instant il te faut continuer seul.

- Et si je refuse ?

- Alors tu deviendras un monstre comme l’était Davy Jones. Incapable de souffrir, incapable d’aimer ! » Lui rétorqua Calypso d’une voix rêche.

Will déglutit et lui attrapa le bras

« Elizabeth… Il n’est pas trop tard pour Elizabeth ! Blackbeard la retient… Je vous en prie laissez-moi l’aider … »

 

Calypso posa un regard lointain sur lui et prit la parole lentement

« Le destin d’Elizabeth ne t’appartient pas… Il est dans d’autres mains. Ainsi qu’il l’a toujours été…. Vos routes se sont croisées. Vos vies se rejoignent puis se séparent pour mieux se retrouver et se séparer de nouveau. Ainsi en a décidé le destin.

- Elle est en danger ! Hurla Will

- Je sais… Répondit Calypso d’une voix traînante. Mais il ne t’appartient pas de sauver son âme… Si elle peut l’être… »

Will frissonna et reprit d’un ton implorant

«  Je vous en prie laissez-moi essayer…

- Non. Elizabeth Swann appartient à la piraterie comme tu appartiens à l’autre monde… » Souffla Calypso avant de s’évanouir, laissant comme seule preuve de son passage une brume blanchâtre

 

Will se laissa retomber sur le pont, ses sanglots bloqués dans sa gorge

« Pourquoi …

- Ainsi en a décidé le destin… Souffla une voix à son oreille. Reprend ta charge Capitaine William Turner… »

Will se releva brutalement et tourna sur lui-même, hurlant son désespoir au vide qui l’entourait

«  Teague !!! Je sais que c’est vous !! Libérez moi !!!!!

- Jamais… Lui répondit la voix du vieil homme dans un murmure

- Les âmes t’attendent … » Ajouta comme en écho celle de Calypso

 

Serrant les poings d’impuissance, Will se retourna vers la frontière et poussa un gémissement. Là, des dizaines de barques attendaient qu’il agite sa lanterne et les guide. Ainsi qu’il se devait…

 


Chapitre 21                                                                                                     Chapitre 23


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