Prologue


Les parois des geôles transpiraient une eau viciée, dégoulinant comme des larmes sur la pierre abîmée. Sur les murs, les flammes des torches ne rependaient qu’une lumière irrégulière dans les cellules nauséabondes. Dans l’une d’entre elle se tenait une fine silhouette qui dénotait avec celles des autres prisonniers. Comme une fleur aux pétales écrasés, la robe d’Elizabeth formait une corolle autour de son corps. Entre ses mains nouées, son voile de mariée ne ressemblait plus qu’à un morceau de tulle froissé, souillé par la poussière. Paupières closes, elle ravala le sanglot qui s’impatientait dans sa gorge.

 

La cérémonie au grand air avait été remplacée par un funeste rendez-vous derrière des barreaux. Il n’y avait plus de porcelaines délicates ni de fleurs parfumées. La musique de l’orchestre était devenue une cacophonie routinière mêlée d’échos plaintifs, de râles et de toux rugueuses.

 

La jeune femme serra les dents tandis qu’elle sentait monter en elle une vague douloureuse. A travers l’unique ouverture, la jeune femme avait vu le jour décroître et laisser place à la nuit. Personne n’était venu la chercher et son rêve venait de se briser, emportant avec lui l’espoir d’être un jour unie à Will.

 

Un hurlement couvait au plus profond de ses entrailles, brûlait comme un brasier. Fébrile, elle s’effondra à terre en attrapant les barreaux de sa cellule et les empoigna jusqu’à sentir les fers marquer sa peau.

 

« Elizabeth ! »

 

Elle releva brusquement la tête.

 

« Commodore ? Souffla-t-elle en reconnaissant la voix de l’homme auquel elle avait été promise.

- Seigneur Elizabeth... »

 

A son tour, il tomba à genoux et s’empara spontanément des mains de la jeune femme.

Les doigts chauds de James desserrèrent alors quelque peu l’étau qui la compressait.

 

« Pardonnez-moi de ne pas être venu plus tôt. Je ne savais pas…

- Vous êtes là maintenant, » le coupa-t-elle.

Heureuse de sa présence, elle pressa les mains de James. Jamais encore elle n'avait été si soulagée de le voir et pour la première fois, son allure placide la rassura. Seul son regard vert trahissait son inquiétude par delà son apparence stricte.

 

« Vous avez froid, constata-t-il en se dégageant doucement pour défaire de sa cape. Prenez-ça. »

Roulant le tissu, il le fit passer entre les barreaux afin que la jeune femme puisse se réchauffer.

 

« Cutler Beckett est responsable de votre emprisonnement, murmura-t-il.

- Mais qui est cet homme ?

- Un envoyé de la Compagnie des Indes. Quelqu’un dont il faut se méfier, répondit-il. Beckett est puissant.

- Mais pourquoi veut-il nous nuire ? Je n’ai pas revu Will depuis qu’il a emmené ! Nous ne sommes même pas mariés… »

 

Sa voix s’était brisée sur ces derniers mots.

« Je suis désolé Elizabeth, finit-il pas répondre. Je vais tout faire pour vous sortir d’ici.

- Mais Will…

- Vous êtes ma priorité, l’interrompit-il fermement. Je verrais ce que je peux faire pour Turner une fois que vous serez en sécurité. Beckett est connu pour son impartialité. Pour lui une collaboration avec un pirate est une mise à mort assurée. Ayez confiance en moi. »

 

Ses yeux verts luisaient dans la semi pénombre et Elizabeth se sentit momentanément rassurée par ses paroles.

« Merci James. »

Avec un dernier regard pour la jeune femme, il se leva et partit sans un mot.

« Attendez ! » cria-t-elle.

Le commodore se retourna alors qu’il s’apprêtait à gravir l’étroit escalier menant à la sortie.

« Je vous croyais parti, » dit-elle.

Quelques secondes s’égrenèrent dans le silence avant qu’il ne réponde :

« Je ne l’explique pas non plus. »

Il disparut alors en laissant derrière lui ces mots flotter dans la lourdeur des geôles.

 

()()

 

«  Faites-le entrer, » ordonna Beckett au lieutenant Gilette.

Il s’effaça pour laisser entrer Norrington.

« Nous n’avons pas encore été présentés, déclara l’envoyé en ébauchant un sourire narquois.

- Jusqu’à présent cela ne constituait pas un manque, » répondit froidement James.

 

Ses yeux verts fixaient l’inconnu richement vêtu d’un costume beige. Sa perruque parfaitement posée sur son crane était parée de quelques reflets fauves sous les flammes des chandeliers.

 

Beckett ne releva pas mais son sourire s’élargit.

 

« Désirez-vous un verre ? proposa-t-il en se servant un brandy. A ce qu’on raconte, vous aimez particulièrement cela. »

La mâchoire du commodore se contracta.

 

Deux jours plus tôt, il avait frayé avec l’alcool au su de son propre équipage. Il avait malgré lui fissuré son image inflexible devant ses hommes en s'abandonnant à l'ivresse...

 

« Ce que je fais de mon temps libre ne regarde que moi, rétorqua-t-il en serrant le pommeau de son sabre.

- Détrompez-vous, répondit le lord en savourant une gorgée de liquide ambré. Par votre attitude vous desservez la Marine Royale donc la Couronne britannique. En revanche, je connais un autre de vos penchants... Miss Swann se trouve en mauvaise posture.

- Vous n'avez aucune raison de la retenir ! S’exclama-t-il. Relâchez-la !

- Au contraire, rétorqua glacialement l'envoyé. Elizabeth Swann s'est retrouvée complice d'un pirate et sera jugée en conséquence mais peut-être la justice sera-t-elle clémente. Votre ex fiancée est une femme fort attirante... »

A dessein, Beckett avait teinté ses dernières paroles d’un ton concupiscent.

«  Ne vous approchez pas d'elle ! » Rugit James.

 

Le sourire railleur qui marquait le visage de Beckett disparut.

« Je vous conseille de vous calmer, commodore Norrington. Ne vous ai-je donc pas rendu service en vous débarrassant de William Turner ? Il est plus aisé d'oublier une femme morte qu'une femme mariée. »

Le militaire dégaina son sabre d'un geste souple et approcha sa lame de sa gorge.

« Si vous la touchez je jure de vous le faire payer ! »

Loin de s'en offusquer, le lord porta de nouveau son verre à ses lèvres :

 

« Je suis prêt à oublier vos menaces en l'échange d'une alliance. En dépit de votre égarement vous restez un bon élément auquel je désire m'associer. J'ai besoin d'un homme sachant commander toute une flottille quand arrivera l'heure de la confrontation finale.

- De quoi parlez-vous ? demanda James en la gardant toujours en joue.

- A la fin du fléau pirate, répondit-il. Je veux réduire au néant tous ces criminels qui souillent nos océans ! Songez-y Amiral...et je pourrais même envisager de libérer Elizabeth Swann.

- C'est une promesse ? gronda le militaire en le dominant de sa stature.

- Ne suis-je donc pas, comme vous, un homme d'honneur ? »

 

Une minute s'écoula dans un silence pesant avant que James ne recule.

« Veillez à tenir votre parole lord Beckett. »

Ce dernier leva ironiquement son verre à l'adresse du militaire et le regarda quitter la pièce.

« Qu'en pensez-vous Monsieur Mercer ? demanda Cutler en caressant d'une main distraite le carafon de brandy.

- Que son aveuglement pourrait lui coûter la vie s'il met en péril vos projets, milord. »

Un petit sourire s'inscrit sur les lèvres fines de Beckett.

« Je préfèrerais l'avoir à mes côtés. Malgré son entichement ridicule pour cette fille, il peut nous être utile mais s'il se révèle inefficace ou s'il se rebelle... je vous fais confiance pour nous débarrasser de lui.

- Et pour le forgeron ? demanda l'homme de main.

- Contre toute attente, je l'ai envoyé régler... une petite affaire. Je le pense capable de retrouver un objet que je tiens particulièrement à retrouver. Après cela... je vous laisserai vous occuper de lui tout comme vous l'avez fait pour ce cher Gouverneur.

- Et la fille ? »

 

Lentement, Beckett se dirigea vers la fenêtre offrant une vue imprenable de la baie. La lune faisait briller les flots noirs de rais blêmes…

« Je m'en occupe personnellement,» répondit-il en souriant aux ténèbres. 

 

()()

 

William Turner posa un regard égaré sur le navire marchand à bord duquel Beckett l’avait fait embarquer. Il était perdu, désorienté. A cette heure, alors que les rayons du soleil avaient laissé place à la lumière lunaire, il aurait du être avec Elizabeth. Il aurait du découvrir son corps, embrasser sa peau tendre avant de la faire enfin sienne ainsi qu’ils se l’étaient promis. Comme il se devait. Et au lieu de ça…

 

Le jeune forgeron serra rageusement les poings au souvenir de la journée écoulée et de Beckett. Les paroles prononcées par le Lord tournèrent dans son esprit et il vacilla, prit par un vertige soudain.

 

« Si vous tenez à la liberté et disons…à l’intégrité de Miss Swann, vous veillerez à ne pas revenir sans un objet dont la possession me tient autant à cœur que celle de Miss Swann pour vous Turner. »

 

Perplexe, Will avait attendu que le lord poursuive, ce que ce dernier n’avait pas manqué de faire d’une voix suave dans laquelle perçait la froideur d’une lame.

 

«  Vous connaissez Jack Sparrow. Trouvez le et ramenez moi son compas. Si vous obéissez avec diligence, peut-être vous accorderais je ma clémence ainsi qu’à votre fiancée. »

 

Will soupira. Beckett avait été clair. Il lui accordait trois mois. Pas un jour de plus. Si au terme de ce délai il n’était pas revenu muni du compas… Le Diable seul savait ce qui arriverait à Elizabeth.

 

Le cœur emplit de pensées sinistres, Will regarda Port Royal diminuer à l’horizon, jusqu’à ne devenir qu’un point minuscule. Il réprima un sanglot à la pensée d’Elizabeth. Il n’avait même pas pu la voir avant son départ. Pas plus qu’il ne savait si elle était encore en vie. Pour toutes ces choses, il n’avait qu’un seul choix : s’en remettre à l’homme qui avait brisé son mariage…

 

()()

 

Une fois sorti du bureau à l’atmosphère lourde et pesante de Beckett, James Norrington contracta sa bouche. Le Lord ne lui inspirait aucune confiance. Quant à sa promesse sous entendue de faire de lui un Amiral, il n’y croyait guère. Ou plutôt, la chose lui paraissait hautement suspecte.

 

Car enfin, lui-même était responsable de l’évasion de Sparrow. Au regard de la loi derrière laquelle Beckett se réfugiait pour tisser sa toile, il en était même le principal à blâmer. Alors pourquoi une telle proposition ?

«  Vous allez bien Commodore ? » Lui demanda Groves, interrompant le cours des pensées de James.

 

Ce dernier lui adressa un regard absent.

«  Que voulez-vous Groves ? » Demanda-t-il d’un ton sec sans répondre.

Le jeune lieutenant se dandina quelques secondes sur ses pieds puis répondit.

«  Vos ordres Monsieur.

- Sur quel sujet ?

- Et bien, le Gouverneur… »Commença Groves avant de s’interrompre.

Agacé, James le toisa.

« Qu’y a-t-il donc Groves ! Parlez ! »

Une lueur chagrine brilla un instant dans le regard du sous fifre et il soupira.

«  Au sujet de la cérémonie Monsieur, attendu que sa fille est… »

Devant l’expression mauvaise de Norrington, Groves se reprit.

«  Qu’elle est indisponible céans, que devons-nous faire ? »

 

James secoua la tête.

«  Mais enfin Groves cessez donc de parler par énigmes ! De quelle cérémonie est-il question ? »

Groves blêmit en réalisant que son supérieur ignorait ce qui était pourtant connu à présent de tout Port Royal.

« Monsieur… Le Gouverneur est mort. »

James cligna des yeux et balbutia.

« Non, non, vous devez vous tromper, je l’ai vu… je… »

 

Groves eut une grimace triste.

«  Il est mort il y a quelques heures monsieur. Il… »

Grove hésita devant l’expression qu’affichait maintenant le visage de son supérieur.

«  Continuez. Lui enjoignit Norrington, la bouche sèche.

- Il s’est ouvert les veines Monsieur. » Souffla Groves.

Un vertige saisit James à la nouvelle et il passa une main égarée sur son front perruqué.

« Quoi ? Mais… Pourquoi… Que…

- Nous pensons que c’est à cause de sa fille Monsieur, continua Groves. Il, il, n’a pas du supporter le choc. »

 

Une peine effroyable serra le cœur de James à la mention d’Elizabeth et il gémit.

«  Seigneur, pauvre Elizabeth…D’abord le mariage et maintenant… »

Groves le regarda et grimaça.

« Que devons-nous faire Monsieur ? »

James posa un regard égaré sur lui, sous le choc de la disparition du bon Gouverneur qu’il avait toujours considéré comme un mentor, une sorte de père de remplacement pour lui dont le père avait toujours été absent.

«  Faites nettoyer le corps et ouvrez une chapelle pour que la population puisse venir se recueillir. » Répondit James par un automatisme né de la rigueur militaire.

 

Menaçant d’être submergé par l’émotion, le Commodore tourna les talons sans attendre mais la voix de Groves le ramena à ses devoirs.

«  Mais, Commodore Norrington, cela est impossible, sauf votre respect. »

James se retourna et répondit d’une voix cinglante.

« Ce sont pourtant des ordres simples Groves.

- Oui, mais… il s’est suicidé, murmura Groves. L’église refusera d’accueillir un homme qui a voué son âme à la damnation éternelle. »

 

Cette fois, la rage emplit James et il posa sa lame sur le cou de son adjoint.

«  Le Gouverneur Swann était un homme bon. Il ne mérite pas d’être enterré comme un chien. Faites taire les rumeurs et propagez en une selon laquelle le Gouverneur est mort d’un arrêt du cœur. »

Groves écarquilla les yeux.

« Monsieur…

- Faites ce que je vous dis Groves ! S’emporta Norrington. Obéissez. J’assumerais seul les conséquences de cette décision. » Ajouta t’il devant la répugnance que l’autre ne se donnait même pas la peine de dissimuler.

Groves claqua ses talons dans un salut guindé.

« Oui Monsieur. » Répondit-il, soulagé au fond que la réputation du Gouverneur demeure sauve.

Comme l’avait dit Norrington, c’était un homme bon. Il n’était pas responsable des errances de la roulure qui lui servait de fille.

 

Groves commença à s’éloigner mais Norrington le rappela soudain.

«  Ne faites rien avec le corps pour l’instant. Soudoyez les domestiques qui l’ont trouvé.

- Soudoyer ??

- Je paierais sur mes deniers personnels. Combien sont au courant ?

- Tous Monsieur. »

James grimaça.

« Combien de personnes ont vu le corps ?

- Deux Monsieur.

- Alors payez les pour qu’ils changent leur histoire et faites fermer la chambre où, où se trouve le Gouverneur. Personne ne doit y pénétrer.

- C’est déjà fait Monsieur. » Se rengorgea Groves.

Un léger soupir de soulagement échappa à James et il reprit froidement.

«  Ne laissez entrer personne tant que je ne me serais pas rendu à son chevet. »

 

Sans attendre la réponse de Groves, Norrington s’éloigna, le cœur lourd.

 

()()

 

«  Non Commodore, je suis désolé, mais les ordres de Lord Beckett sont formels. Personne n’entre. » Lui déclara le soldat de faction pour la troisième fois avec un air embarrassé.

James poussa un juron qui fit écarquiller les yeux du soldat, peu habitué à un tel relâchement chez son supérieur.

«  Je dois la voir entendez-vous !!! »

Le soldat secoua la tête, embarrassé.

«  Oui Monsieur, mais c’est la prisonnière exclusive de Lord Beckett. Il a été formel. Personne ne passe sans avoir un sauf conduit signé de sa main.

- JE SUIS COMMODORE DE CETTE VILLE !!! Hurla James. Depuis quand est ce que Lord Beckett commande à mes soldats !! »

 

Gêné, le jeune soldat baissa les yeux.

« Depuis que le Gouverneur Swann est mort et que la ville se trouve sous l’autorité de la Compagnie des Indes Monsieur.

- Quoi ??? » Ragea Norrington avec incrédulité.

Le soldat se dandina sur place.

«  Je suis désolé Commodore, mais… Lord Beckett a menacé de la corde tous ceux qui désobéiraient à ses ordres alors… »

Écœuré, James se détourna, comprenant qu’il ne tirerait rien de celui-ci. Le jeune soldat était trop terrifié par les menaces de Beckett pour lui être d’une quelconque aide.

 

Le cœur battant à la pensée de ce que devait être le chagrin d’Elizabeth, James se précipita vers le bureau de Beckett.

 

()()

 

Le visage grêlé de Mercer l’accueillit.

«  Navré Norrington, mais Lord Beckett ne peut vous recevoir.

- J’insiste !

- Il est absent. » Rétorqua Mercer.

Pendant de longues minutes, les regards des deux hommes s’affrontèrent puis James reconnut sa défaite. Contrer ouvertement Beckett ne l’aiderait pas. Pas plus que ça n’aiderait Elizabeth. A présent que son père était mort, Beckett était la plus haute autorité de Port Royal, bafouer son autorité serait un suicide aussi évident que celui du Gouverneur. Le cœur rempli de haine pour Beckett et d’inquiétude pour Elizabeth, Norrington se força à baisser servilement la tête ainsi qu’on le lui avait enseigné durant son apprentissage militaire.

«  Soit Monsieur Mercer. Faites dire à votre maître, que j’aimerais le rencontrer au plus vite, à l’heure qui lui conviendra. Je suis à son entière disposition. Se força-t-il à ajouter.

- Evidemment, » ricana Mercer avec un plaisir évident avant de lui claquer la porte au nez.

 

()()

 

Après avoir échoué tant à voir Elizabeth que Beckett, James se rendit à la demeure du Gouverneur Swann. Une boule se forma dans sa gorge à la vue des visages tristes des domestiques et il posa un regard chagriné sur une petite bonne qui pleurait toutes les larmes de son corps.

«  Pauvre Miss Elizabeth, sanglotait cette dernière en boucle. Et pauvre Gouverneur… »

 

Le visage de James s’adoucit en reconnaissant en elle la femme de chambre d’Elizabeth, Estrella. Sous les regards rougis des domestiques, il s’approcha d’elle.

«  Allons ma fille, remettez-vous. » Lui déclara-t-il avec maladresse.

Estrella leva des yeux remplis de larmes sur lui et s’agrippa à son uniforme.

« Commodore Norrington…Miss Elizabeth devrait être ici au lieu d’être dans cette affreuse prison. Je vous en prie, faites quelque chose. »

James, conscient des regards avides des domestiques sur lui, grimaça.

«  Je ferais ce qu’il faudra Estrella, je vous le promets. Je ne laisserai pas Elizabeth sans défense. Mais pour l’instant… Je dois la remplacer auprès de son père, vous comprenez ? »

La femme de chambre renifla bruyamment et hocha la tête.

«  Pauvre petite Mademoiselle, » gémit elle tout en précédant James.

 

Le cœur de James se serra, oppressé par l’ambiance de la demeure. L’air y était lourd, presque malsain. Une impression qu’il n’avait jamais éprouvée avant dans la maison de Gouverneur. A croire que le suicide de ce dernier et l’emprisonnement d’Elizabeth avaient vidés la demeure de toute sa vie.

 

Le cœur lourd, James pénétra dans la chambre du mort et fit face au cadavre blême du Gouverneur.

 

Un hoquet lui échappa alors que l’odeur pestilentielle du sang et de la mort effleurait ses narines. James se força à s’avancer vers le corps qui reposait sur le lit dans une indigne crudité. Son esprit enregistra la pose lascive, presque obscène du Gouverneur, les poignets éventrés aux coins desquels le sang avait séché en une croûte marron et odorante. Le Commodore se pencha presque par automatisme pour ramasser le coupe papier aux armes des Swann qui avait échappé aux doigts de son ami et s’immobilisa.

 

Les stries qui déchiraient les poignets du Gouverneur étaient dans le mauvais sens.

 

Jamais le Gouverneur n’aurait pu s’infliger une telle blessure sans aide. Pas ainsi. James tenta machinalement le geste sur son propre poignet avant de secouer la tête. C’était possible certes, mais trop compliqué pour le Gouverneur ou pour toute autre personne. Un vertige le saisit à cette idée et il sentit une bile âcre remonter le long de sa gorge. Personne ne le croirait s’il révélait ses soupçons, pire encore, le Gouverneur se verrait refuser toute sépulture religieuse. Il était coincé. Sans preuve et sans pouvoir ou presque à présent que son principal soutien était mort.

 

La tête lui tournant, James se tourna vers le soldat le plus proche.

«  Nettoie le, habille le et fais le mettre dans un cercueil fermé. » Ordonna-t-il.

Puis, sans attendre de réponse, James s’éloigna, les mains tremblantes. Il avait besoin d’un verre. Il en avait sacrément besoin.


                                                                                                                              Chapitre 1


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Commentaires: 8
  • #1

    emeline (lundi, 26 mars 2012 22:37)

    je veux la suite et vite

  • #2

    JessSwann (mardi, 27 mars 2012 07:59)

    Lol merciii pour la suite il faudra patienter un peu :)

  • #3

    Marquise des Ombres (mardi, 27 mars 2012 10:43)

    Merci emeline. La patience est toujours récompensée, la suite est en cours :)

  • #4

    emeline (mardi, 27 mars 2012 18:15)

    Je sens que cette fiction va être bien.

  • #5

    JessSwann (mardi, 27 mars 2012 18:17)

    Lol on espère Emeline :)

  • #6

    Ladypirate (mercredi, 28 mars 2012 15:01)

    Bravo pour ce début prometteur :)
    James est la seule personne à Port Royal pouvant venir en aide à Lizzie, j'aime l'idée qu'il ne soit pas parti (son penchant pour l'alcool l'accompagne quand même lol)
    En tout cas, j'ai l'impression que de sombres moments attendent Lizzie avec Beckett...

  • #7

    JessSwann (mercredi, 28 mars 2012 15:28)

    Coucou Miss ! Merciiii
    Côtés sombres moments, la Marquise et moi nous partageons le même gout pour le glauque et le tragique donc....
    Par ailleurs si tu ne connais pas ses textes, je t'invite à les découvrir via le lien laissé en présentation, ça devrait te plaire

  • #8

    Marquise des Ombres (jeudi, 29 mars 2012 18:23)

    Merci pour ton commentaire Lady Pirate. J'aime aussi l'idée que James ne soit pas parti^^ En espérant que la suite te plaise également, au plaisir