Chapitre 6 : Visite nocturne


Contrairement à ses espérances, Arabella dut attendre plusieurs jours pour parler à Bill de sa rencontre avec Fitzwilliam. En effet, les poissons se faisaient rares autour du village et les pêcheurs avaient été forcés de s’éloigner de ses côtes, passant plusieurs jours en mer afin de rentrer les cales pleines. Arabella avait donc du ronger son frein, peinant à dissimuler sa détresse lorsque Joe Mc Drache était venu lui glisser que Bill ne rentrerait pas ce soir-là, ni les suivants…

 

La jeune femme était paisiblement allongée sur son lit, Will à côté d’elle, et s’amusait à faire rire le bébé lorsque Bill, le visage gris de fatigue, passa la porte, le sac empli de poissons séchés. Le pêcheur observa quelques instants sa femme et son fils en silence. Il chercha en lui quelques sentiments pour le bébé avant de renoncer et de s’approcher de sa femme.

 

En le voyant, Arabella poussa un cri de joie qui réchauffa le cœur de Bill et il la serra doucement contre lui, unissant leurs lèvres jusqu’à ce que William ne les interrompe avec des gazouillis que Bill jugea totalement déplacés.

« Tu m’as manquée… Déclara-t-il à sa femme en se contentant d’une tape sur la tête de Will

- Tu m’as manqué aussi. Répondit Arabella avec ferveur. J’ai cru que j’allais devenir folle en ton absence. »

 

Bill fronça les sourcils, ça ne ressemblait pas à Arabella de s’inquiéter autant.

« Il y a un problème avec Willy ? »

Arabella secoua la tête en guise de dénégation

« Non, non ne t’en fait pas notre petit Will va très bien. Mais... Il y a autre chose c’est vrai.

- Ta mère ? Demanda Bill en jetant un œil inquiet autour d’eux, comme si le fait de parler de Laura avait le pouvoir de la faire apparaître.

- En quelque sorte… Répondit Arabella en se levant. Tu dois avoir faim…

- Je ne serais pas contre une bonne assiette de ragoût. » Admit Bill en prenant Will dans ses bras par automatisme

 

Arabella s’empressa d’attiser le foyer

« Je te réchauffe le ragoût, tu peux t’installer. » Lança-t-elle à son époux

Bill s’assit tandis que Will s’amusait à tirer sur ses boutons et observa sa femme pendant qu’elle s’affairait. Le visage d’Arabella était réellement soucieux, plus qu’il ne l’avait jamais vu.

« Raconte-moi Arabella que s’est-il passé ? »

Tout en préparant le repas, Arabella expliqua Fitzwilliam, leur rencontre, sa fonction au sein de l’armée et les menaces à peine voilées qu’il avait faites à l’encontre de sa mère. Elle raconta tout et omit toutefois la dernière scène de « séduction » de Fitz, jugeant inutile d’attiser une jalousie qui n’avait pas lieu d’être.

 

Lorsqu’elle eut finit son récit, elle déposa une assiette fumante devant Bill et le fixa avec angoisse

« Qu’allons-nous faire ?

- Faire ? » Demanda Bill un peu surpris

Arabella laissa exploser l’angoisse qui la rongeait depuis des jours et qui l’avait poussée à se représenter des issues plus catastrophiques les unes que les autres.

« Oui faire ! Billy… j’ai peur, peur qu’il revienne et qu’il trouve une preuve, qu’il, qu’il nous jette en prison … Et , et que deviendrait William alors ? »

 

Bill baissa le regard sur le petit toujours sur ses genoux et tendit la main vers Arabella

« Calme-toi. S’il voulait te jeter en prison il l’aurait fait non ?

- Mais tu n’as rien écouté ?? Fitzy est un espion ! Il a passé des mois à faire semblant lorsque nous étions sur le Bernacle !

- Oui mais c’était après Jack Sparrow qu’il en avait, pas après toi… Et puis tu dis toi-même qu’il a confirmé ton histoire sur Laura. Ajouta Bill, crispé à l’idée d’être maintenant vu comme celui qui avait épousé la bâtarde d’une catin

- Oui mais peut être fait il ça pour endormir notre méfiance… Pour pouvoir mettre la main sur Laura quand elle reviendra… »

 

Bill digéra l’information et se surprit brusquement à regretter de ne plus être à bord du petit bateau de pêche, loin des ennuis, avant de se reprendre

« Et bien je vais tâcher de faire passer l’information auprès des marins que je rencontrerai, ta mère l’apprendra sûrement et elle comprendra que venir actuellement n’est pas une bonne idée. » La calma Bill

Arabella hocha la tête puis

« Le problème est que … son bébé, il va bientôt naître... »

Bill se crispa à cette mention, il avait totalement oublié l’enfant qui emplirait bientôt la maison de ses cris, comme si Will ne suffisait pas à le faire…

« Nous aviserons en temps voulu. Répondit-il d’un ton ferme. Ne t’en fais pas… Après tout tu l’as dit Fitz et toi étiez amis non ?

- Oui… » Répondit Arabella sans conviction.

 

Bill se leva et déposa William dans son berceau avant de se retourner vers sa femme.

« Nous n’avons pas d’autres choix… Il faut juste espérer que ce Fitzwilliam comprendra rapidement qu’il n’y a rien de suspect chez nous et qu’il ne reviendra pas. »

Les joues d’Arabella se colorèrent légèrement au souvenir de la manière dont Fitz lui avait pris la main

« Si tu le dis… » Répondit elle, le cœur lourd de doutes.

Et si Fitz ne renonçait pas ? Et si son intérêt pour elle dépassait celui qu’il portait à sa mère ?

 

Bill l’observa en silence et s’approcha d’elle, inquiet

« Arabella… Ce Fitzwilliam… Ce, ce n’est qu’un vieil ami n’est-ce pas ? Je veux dire entre vous … Il, tu… »

La jeune femme sentit son cœur fondre devant l’inquiétude manifeste de son époux et elle se serra farouchement contre lui

«  Il n’y a jamais rien eu entre nous Billy. Pas même le commencement d’un flirt. Et il n’y aura jamais rien. C’est toi que j’aime Billy. Toi et personne d’autre. »

Bill lui rendit son étreinte, soulagé, et l’embrassa légèrement avant de la pousser contre le mur, ses mains calleuses parcourant son corps

« Viens … » Souffla-t-il

Arabella rit légèrement et se dégagea

« William ne dort pas encore… »

 

Bill l’attira un peu plus contre lui, agacé par la mention de l’enfant qui semblait se dresser sans cesse entre eux

« William n’a pas besoin de nous pour s’endormir. Et moi j’ai besoin de ma femme… Déclara-t-il en accentuant ses caresses.

- Billy… Murmura faiblement Arabella

- Tu m’as vraiment manquée… » Rétorqua le jeune homme en fourrageant dans son corsage.

Arabella laissa échapper un soupir et rendit les armes tandis que la main de Bill se glissait sous ses jupes et les remontait

« Ici ? Demanda-t-elle avec un petit sourire

- Partout. » Répondit Bill en la soulevant légèrement.

 

Un coup sec frappé à la porte les interrompit et Bill jeta un regard furieux vers cette dernière

« C’est pas vrai ! J’espère que c’est pas Mme Mac Drache ! »

Réajustant ses jupons, Arabella lui lança un regard d’excuses puis alla ouvrir.

 

Son sang se figea dans ses veines en découvrant Fitzwilliam, suivi de près par un garde.

« Bonjour Bella. La salua Fitz avec un sourire affable. J’espère que tu me pardonneras de venir ainsi mais nous étions en patrouille dans le secteur et je n’ai pas pu résister au plaisir de rendre visite à une vieille amie. »

Arabella hocha la tête sans croire une seconde à l’excuse de l’autre.

«  Je vois… »

Fitz se contorsionna et chercha à apercevoir la pièce

« Tu ne me proposes pas d’entrer ? Gild restera dehors, il n’aime pas trop les visites. Précisa Fitz en jetant un bref regard au grand blond qui l’accompagnait

- Si… Bien sûr… » Répondit faiblement Arabella en s’écartant

 

Fitz pénétra dans la pièce et dévisagea Bill. De son côté le jeune homme serra les poings.

« Ah tu as déjà de la visite… Commenta Fitz

- Je ne suis pas un visiteur. Déclara Bill d’un ton coupant. Je suis le mari d’Arabella et j’apprécie guère que vous veniez la voir en mon absence. »

Fitz sourit légèrement

« Ah … William Turner je crois ? Je me présente, Fitzwilliam Norrington. Madame Mac Drache a dit beaucoup de bien de vous. Je suis ravi de pouvoir mettre un visage sur le nom de celui que notre Bella a épousé. »

 

La dite Bella rougit de colère en comprenant que la visite de Fitz n’avait eu que pour but de s’assurer qu’il ne connaissait pas son mari… Ce qui lui prouvait par la même occasion que Fitz la faisait bel et bien surveiller… Sinon par quel heureux hasard aurait-il pu se présenter si vite après le retour de Bill ?

 

De son côté Bill était tout aussi en colère que sa femme mais pour une raison différente et bassement triviale… Il détestait la manière dont Fitz regardait Arabella.

« Et bien voilà qui est fait. Je suis surpris de vous rencontrer… Arabella ne m’a jamais parlé de vous. »

La jeune femme, surprise, fixa Bill tandis que la bouche de Fitz se tordait en une grimace

« Vraiment ?

- Vraiment. Répondit Bill en glissant une main possessive autour de la taille d’Arabella. Voyez-vous Capitaine, Arabella et moi nous évitons d’évoquer le passé.

- Des mauvais souvenirs ? Demanda Fitz

- Non. C’est juste que cette vie-là est derrière nous maintenant. » Répondit Bill

 

Fitz les observa tous les deux et se tourna vers Arabella

«  Je suis heureux d’entendre cela. »

La jeune femme ne bougea pas tandis que Bill reprenait.

« Je suis certain que Mme Mac Drache se fera un plaisir de vous offrir du thé Capitaine. Elle en a du prêt en permanence. »

Fitz plissa les yeux.

« Turner hein…

- Un nom courant. Ma famille est de la Nouvelle Angleterre. J’ai été élevé par mon oncle et ma tante après la mort de ma mère. » Débita Bill.

 

Fitz ne s’y trompa pas et s’inclina légèrement

« Bien… Je vois que je vous ai interrompu… J’ose croire que votre passé restera où il se trouve Mr Turner.

- Sans aucun doute ! Intervint Arabella. Au revoir Fitz. »

Le capitaine n’eut pas d’autres choix que de sortir.

 

Une fois seuls, Bill regarda Arabella.

« Je n’aime pas la manière dont il te regarde

- C’est son problème. Répondit Arabella en se glissant contre lui. Et je crois qu’il a compris

- Il a intérêt… » Répondit Bill en l’embrassant.

Arabella sourit et l’attira un peu plus contre elle.

« Où en étions-nous Billy ?

- Je crois que j’allais faire l’amour à ma femme … » Répondit le jeune homme en l’embrassant dans le cou.

 

 ()()

 

Les semaines puis les mois se succédèrent sans que Fitzwilliam ne se manifeste à nouveau, au grand dam d’Emmaline qui ne cessait d’houspiller Sarah. Arabella avait retrouvé la paix de l’esprit et goûtait entièrement sa fierté de mère, Will ayant fait ses premiers pas quelques jours plus tôt sous l’œil ravi de son père.

 

Tout allait donc pour le mieux pour les Turner qui agrémentaient leur quotidien en usant avec parcimonie du pécule laissé par Laura.

 

Une nuit d’orage, leur quotidien fut brusquement bousculé par des coups violents frappés à la porte qui réveillèrent le jeune William … et ses parents.

Bill bondit sur ses pieds.

« Qui peut donc venir en pleine nuit !! Et par un temps pareil en plus ! Il faut être complètement fou … Grogna-t-il en ouvrant la porte, une hache dans sa main libre.

- Tout le monde ne craint pas la pluie… Ce n’est qu’un petit grain. » Rétorqua une Laura soigneusement emmitouflée en pénétrant dans la pièce, suivie de peu par Reece.

 

Bill jeta un petit coup d’œil alentour avant de fermer la porte tandis qu’Arabella se précipitait vers sa mère et la serrait brutalement contre elle

« Mère ! »

Laura lui rendit son étreinte à distance

« Ne l’écrase pas ! Souffla-t-elle en écartant les pans de son manteau, dévoilant une chose frêle et fripée.

- Désolé pour le réveil. S’excusa Reece à l’adresse de Bill

- Mais vous êtes très surveillés. Commenta Laura.

- Fitz ? Demanda Arabella

- Oui… » Confirma Laura en s’asseyant, le bébé toujours endormi dans ses bras.

 

Arabella jeta un coup d’œil à la fois curieux et un peu hésitant au bébé et Laura reprit, les yeux brillant de fierté

« Je suis venue te présenter ta petite sœur. Rebecca. »

Arabella sentit sa colère se réveiller à cette nouvelle

« Dis plutôt que tu es venue me la déposer ça ira plus vite.

- Oui… Aussi. Avoua Laura sans se formaliser.

- Du moins si vous êtes toujours d’accord pour veiller sur elle. » Souligna Reece sans quitter le bébé des yeux.

Bill regarda sa femme avant d’hausser les épaules.

« Tu ne demandes pas de nouvelles de ton petit fils ? Rétorqua Arabella

- Bien sûr que si… Répondit calmement Laura. En fait nous serions venus avant la naissance de Rebecca si ce Fitzwilliam n’avait pas été dans les parages.

- Nous avons eu du mal à trouver une nuit propice… » Précisa Reece.

 

Arabella s’empressa de mettre de l’eau à chauffer tandis que Laura évoquait les dernières semaines et confirmait à sa fille et à son gendre que Fitzwilliam était bien sur ses traces.

« Nous avons préféré éviter d’être vu par vos voisins. » Conclut Reece.

Arabella garda le silence durant tout leur récit, les yeux rivés au bébé que portait Laura, partagée entre l’angoisse et une pointe de jalousie. Finalement Rebecca se réveilla et observa la pièce avant de rencontrer le regard de sa sœur.

 

Arabella se sentit fondre en la voyant ainsi

« Elle est très jolie Mère…

- Autant que toi à ta naissance… Répondit Laura en dissimulant son émotion.

- Tu... Tu veux bien que je la prenne ? Demanda brutalement Arabella.

- Oui… » Murmura Laura en embrassant le front du bébé avant de lui tendre avec une expression chagrinée.

Arabella serra Rebecca contre elle tandis que Reece et Laura échangeaient un long regard

« Billy, viens voir ce qu’elle est belle … » Souffla Arabella émue

 

Bill obéit et se pencha sur le bébé, frappé par l’expression de sa femme

« Une petite fille… Murmura Arabella en souriant au bébé. Rebecca Reece.

- Non…Smith. Corrigea Laura. Il vaut mieux qu’elle porte un nom plus commun, nous en avons longuement parlé avec … avec Reece. »

Ce dernier serra brièvement la main de sa capitaine et amante puis détourna les yeux de la petite

« Nous en prendrons soin… Murmura Arabella. N’est-ce pas Billy ? »

Bill regarda la petite puis Arabella. Son cœur se serra brièvement en lisant dans le regard de sa femme à quel point elle désirait ce bébé et il répondit la seule chose qui lui était possible

« Oui… Elle tiendra compagnie à Willy. »

 

Laura hocha la tête, la lèvre tremblant légèrement et prit la main de sa fille

« Merci Arabella. Merci à tous les deux… »

Reece s’écarta brusquement des femmes et Bill, surpris le rejoignit

« Quelque chose ne va pas ? » Lui demanda-t-il

Reece garda les yeux dans le vague et répondit sans le regarder

« J’ai jamais eu d’enfants avant Rebecca… Et… Même si c’est la seule solution… La plus sûre pour elle.. Je crois que je l’aime déjà trop… Enfin tu vois ce que je veux dire mon gars

- Oui bien entendu… » Répondit mollement Bill qui était loin de comprendre.

 

La nuit passa vite, trop vite pour les parents de Rebecca qui virent l’heure de l’aurore arriver avec chagrin. Finalement Laura se décida et serra brièvement son bébé contre elle avant de se tourner vers son aînée

« Je te la confie Arabella… je sais.. Que, que tu prendras soin d’elle… Je, nous reviendrons vous voir… Aussi souvent que possible… Quand nous serons sûrs, qu’il n’y aura pas de danger, pour elle comme pour vous… »

Reece détourna les yeux tandis qu’Arabella serrait la main de sa mère, se sentant plus proche d’elle qu’elle ne l’avait jamais été

« Je veillerais sur elle Mère… Et Billy aussi.. »

 

Laura se mordit nerveusement la lèvre et posa une bourse sur la table.

« Il y en aura d’autres... Arabella, même si… Nous reviendrons… »

Reece lâcha un long soupir et une fois de plus ses yeux croisèrent ceux de Laura.

« Le soleil ne tardera pas à se lever. Soupira Laura. Nous devons partir. Rester plus longtemps est trop risqué…

- Oui… » Répondit mollement Arabella, le cœur serré.

Reece et Laura s’arrachèrent brutalement à la chaleur de la petite maison et repartirent sous l’orage laissant derrière eux leur nouveau-né. A la fenêtre, Arabella, sa sœur dans les bras, sentit son cœur se serrer légèrement en voyant Reece se rapprocher de Laura et la serrer dans ses bras. Elle n’avait pas besoin de voir le visage de sa mère pour savoir qu’elle pleurait…

 

()()

 

Bill se fit assez rapidement à la présence de Rebecca qui n’était qu’un bébé de plus à ses yeux… Et il lui fut d’autant plus facile de s’y faire en voyant le bonheur d’Arabella. Elle avait beau tenter de le cacher… Il savait que sa femme était ravie de la présence du bébé (ce qu’il ne s’expliquait pas)

 

Expliquer la brusque arrivée de Rebecca chez les Turner aux voisins fut plus délicat…Bill et Arabella prétendirent qu’ils avaient trouvé le bébé sur le seuil de leur porte et le village se répandit en conjoncture sur l’identité de la mère de la petite durant des semaines. Quelle fille avait semblée plus grosse les derniers mois ? Quelle jeune fille aurait pu s’adonner aux plaisirs de la chair sans être mariée ? Et avec qui ?

 

Arabella joua les ignorantes, supportant les pires suppositions, la plus répandue étant que si le bébé s’était retrouvé précisément sous leur porche… c’était parce que William Turner n’était pas étranger à sa conception. Elle endura donc stoïquement les regards remplis de pitié de ses amies et les attentions dont-elles la gratifièrent ( à commencer par Emmaline ) ainsi que les louanges envers son bon cœur qui l’avait conduite à recueillir une orpheline ( qui de l’avis général ne l’était pas tant que ça)

 

Bill de son côté supporta les regards égrillards de ses compagnons et les questions vicieuses sur l’identité de celle avec qui il avait fauté. Certains allèrent jusqu’à lui imaginer une liaison torride avec la jeune Sarah Mac Drache dont le ridicule de la supposition eut au moins le mérite de faire rire à gorge déployée les Turner.

 

Le point culminant de l’affaire fut lorsque Sarah se présenta chez Arabella aux aurores en triturant sa robe.

« Madame Turner… Je voudrais bien vous parler… » Commença la jeune fille.

Arabella haussa le sourcil puis s’effaça pour la laisser entrer

« Tu veux une tasse de thé Sarah ? » Lui demanda-t-elle, en calant Rebecca contre elle tandis que William jouait avec un morceau de bois

Rougissante, Sarah hocha la tête puis se décida brutalement

« Je voulais vous dire que ce qu’on raconte est pas vrai… Vot’ mari il m’a jamais regardée… »

 

Arabella refoula un fou rire et déposa une tasse de thé devant la jeune fille

« Je le sais Sarah, tu n’as pas besoin de me le dire, je te crois »

La jeune fille, sur sa lancée, continua en rougissant

« C’est vrai que je le trouve… Enfin mais il n’y a jamais rien eu… »

Cette fois l’envie de rire d’Arabella se dissipa totalement et elle fixa Sarah

« Que tu le trouves ? »

Sarah se tortilla sur sa chaise, sa décision de venir parler à Arabella lui paraissant d’un seul coup stupide

« Je… beau… Mais je sais que c’est vot’ mari et je … »

Arabella ressentit un mélange de colère et de pitié en comprenant ce que la jeune fille n’osait pas lui dire : elle était amoureuse de son mari.

« Je vois. Et bien Sarah je pense qu’il est inutile de se lancer dans plus d’explications. » Répondit elle d’un ton sec.

 

Sarah rougit brutalement et Arabella soupira, honteuse de sa réaction. Après tout Sarah n’était encore qu’une enfant, et il fallait bien avouer que la pauvre fille n’avait pas beaucoup de succès auprès des hommes du village. Et puis quoi de plus naturel de tomber amoureuse de Billy ? Il était tellement gentil

« Allez Sarah bois ton thé il va refroidir. S’adoucit Arabella.

- Oui… merci Madame… Vous, vous direz rien à ma mère hein ? »

Arabella sourit gentiment

« Non je ne dirais rien ma petite Sarah et je suis sûre que tu trouveras bientôt un gentil garçon à épouser. Pour le reste, laisse les dire, une fois qu’ils comprendront que toutes leurs suppositions sont stupides, ils se lasseront. »

Sarah renifla avec peu d’élégance. Arabella grimaça et lui tendit un mouchoir.

« Surveille Will tu veux, je vais changer Rebecca. »

 

()()

 

Arabella leva un regard soulagé vers Bill tandis qu’il riait à perdre haleine

« Sarah amoureuse ! Tu dois, tu as du mal comprendre Arabella. Ce n’est qu’une gamine.

- Elle a seize ans Billy. A cet âge on est plus une enfant. Et je n’ai pas envie qu’elle souffre de notre mensonge. Elle aura déjà assez de mal à se dégoter un mari sans en plus avoir une réputation de traînée… »

Bill sourit et glissa ses mains autour de la taille de sa femme.

« Mais je crois qu’on y peut pas grand-chose…. Et puis certains hommes aiment ça ... » Plaisanta-t-il en l’embrassant dans le cou.

Arabella sourit légèrement et s’apprêtait à répondre lorsque Will fondit brusquement en larmes.

« Oh Willy... S’empressa Arabella en le relevant prestement. Ça va mon chéri ? Tu ne t’es pas fait mal ? »

 

Bill posa un regard peu amène sur le petit Will qui refermait ses bras autour du cou de sa mère.

« Il est tombé c’est tout. Laisse le se débrouiller un peu »

Arabella referma ses bras autour de Will et le berça légèrement

« Il s’est fait mal sinon il ne pleurerait pas ! »

Bill ouvrit la bouche pour répondre avant de la refermer. C’était inutile, Arabella ne l’écoutait déjà plus…. Les mains tremblantes et une brusque sensation d’oppression sur la poitrine, Bill ramassa son veston tandis que les pleurs de Will se calmaient peu à peu

« Tu sors ? Lui demanda Arabella

- Une course à faire sur le port. Je viens juste de m’en rappeler. Je ne serais pas long. » Lui lança Bill à la hâte avant de sortir.

 

Une fois dehors, il se précipita vers les falaises et inspira à grands coups l’air de la mer. Puis, le poids de sa poitrine enfin chassé, Bill observa l’horizon tout en se demandant brièvement pourquoi il était incapable d’éprouver pour William ce qu’il ressentait pour Arabella…


Chapitre 5                                                                                                         Chapitre 7


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