Chapitre 13 : Will se fait un ennemi


Will rama longtemps pour parvenir jusqu’au navire que Jack lui avait désigné comme le Hollandais Volant. Pourtant, une fois arrivé à quelques mètres du bateau, le jeune homme plissa les yeux, surpris.

« Mais ce n’est pas un navire, c’est une épave. »Marmonna-t-il.

Le jeune homme reposa alors ses rames et s’accorda quelques minutes pour réfléchir. Il y avait forcément quelque chose qui n’allait pas. Le front plissé, Will tenta de rassembler ses souvenirs, cherchant dans sa mémoire les paroles prononcées par l’étrange Tia Dalma à qui ils avaient rendu visite quelques semaines plus tôt

 

Sans succès.

 

En vérité, la seule chose qui lui revenait à l’esprit sur cette visite était le visage concentré d’Elizabeth tandis que la sorcière racontait son histoire, paraissant ne s’adresser qu’à elle. Un sourire attendri échappa à Will alors qu’il refaisait en pensée le tracé du visage d’Elizabeth, caressant la cambrure de sa bouche avant de se reprendre, décidé à remplir au plus vite la mission que Jack avait exigée de lui.

 

Will s’apprêtait à reprendre les rames pour s’approcher de l’épave lorsqu’une gerbe d’eau fusa. La mer s’écarta pour livrer le passage à un navire aussi grandiose que monstrueux Éberlué, Will découvrit le navire qui paraissait être vomi par l’océan, son regard parcourut avec dégoût la coque verdâtre incrustée de milliards de coquillages.

« Incapable de ne pas mentir… » Marmonna-t-il, adressant une pensée sans complaisance à Jack.

 

Prudent, Will se dissimula dans la chaloupe et observa les monstres marins qui abordaient l’épave que Jack lui avait désignée comme le Hollandais Volant. Une grimace vaguement dégoûtée lui échappa. Les créatures n’avaient rien de naturel et semblaient être des croisements étranges entre l’humain et le poisson. Will les observa alors qu’ils traînaient un pauvre marin derrière l’eau, l’homme se trouvant visiblement être un improbable rescapé de ce qui avait coulé le navire et dont il préférait continuer à ignorer la nature.

 

Avec réticences, Will se laissa couler hors de sa chaloupe et franchit à la nage les mètres le séparant du Hollandais Volant, ses mains épousèrent la coque visqueuse du navire tandis qu’il l’escaladait discrètement et se dissimulait dans la gueule ouverte que formait la proue du navire. Le jeune homme se hissa ensuite jusqu’à avoir son regard au ras du pont et observa la scène qui s’y déroulait.

 

L’homme que les créatures avaient sorti de l’épave se tenait agenouillé sur le pont et Will dut se retenir pour ne pas se précipiter à son secours, le cœur serré devant ses tremblements. Alors que Will se décidait à tenter sa chance malgré la très nette supériorité numérique des monstres, un bruit sourd résonna sur le navire à intervalles réguliers et Will blêmit en voyant se profiler la haute silhouette déformée d’un monstre encore plus affreux que les autres dont la tête semblait être un poulpe géant au milieu duquel les deux yeux bleus et terriblement humains paraissaient irréels.

 

Le monstre se pencha vers le malheureux rescapé et Will constata avec horreur que la créature parlait. Elle proposa un marché plus que révoltant au marin : Cent années de servitude contre le report de sa mort. A la grande surprise de Will, l’homme accepta l’odieux chantage et le jeune homme entendit le pas du poulpe décroître.

 

Sans perdre de temps, le jeune homme escalada le navire jusqu’au pont et profita de l’inattention des hommes pour s’y glisser. Rapidement, il se couvrit maladroitement d’algues, espérant ainsi passer plus facilement pour un homme d’équipage, et se glissa discrètement vers le ventre du navire, certain d’y trouver le cœur de Jones que Jack convoitait tellement. Will erra longtemps dans le navire, écœuré par l’aspect vermoulu et détrempé de l’ensemble et se dissimula soigneusement aux regards des monstres. Finalement, comprenant qu’il n’y arriverait pas ainsi, Will se dissimula dans un coin et glissa sa lame sous le cou du premier monstre qu’il croisa.

 

La créature poussa un léger cri surpris et Will observa avec dégoût l’étoile de mer qui barrait son visage.

« Je ne te ferais pas de mal. Souffla-t-il. Dis-moi où est le cœur de Jones… C’est tout ce que je veux savoir. »

La créature gémit lamentablement.

« Pas de cœur…

- Il y a un coffre. Insista Will. Un coffre fermé à clef qui contient le cœur de Jones. »

La créature reprit la parole d’une voix râpeuse.

« Pas ici. »

Alors que Will se penchait vers lui, une forme sortit soudainement du mur adjacent et manqua de le faire hurler.

« La clef est ici. Il l’a toujours sur lui, le coffre ailleurs…. Déclara la créature tandis que Will surpris, relâchait son étreinte sur le monstre.

- Comment trouve t’on la clef ? Chuchota Will d’un ton urgent

- On ne la trouve pas elle est cachée. Répondit le monstre du mur en laissant tomber un croquis que Will s’empressa de ramasser, notant au passage qu’il représentait une clef.

- Et le coffre ? Demanda Will en empochant soigneusement le dessin que l’autre avait laissé tomber par inadvertance.

- On ne le trouve pas. Il est caché. »

 

Alors qu’il analysait les curieuses paroles du monstre, celui qu’il avait menacé en premier lieu sembla se réveiller soudainement et se dégagea, tournant son regard bleu vers lui.

« Tu n’es pas un des nôtres … Réagit-il avec horreur. Tu ne fais pas partie du navire… CAPITAINE !! Commença-t-il à hurler au grand affolement de Will. Il y a un intrus à bord.

- Tais-toi ! » Chuchota Will, désespéré.

 

Le monstre se retourna vers lui et plongea son regard dans le sien. Will se troubla, mal à l’aise alors que le monstre lui semblait curieusement familier. Le jeune homme tenta de se débattre et chercha une échappatoire du regard mais il n’eut pas le temps d’en trouver une. Le pas lourd et pesant qu’il avait entendu un peu plus tôt résonna brutalement sur le pont et se rapprocha d’eux avec une curieuse rapidité.

 

Will déglutit et essaya de repousser l’homme qu’il avait attaqué et qui le maintenait à présent contre le mur.

« Lâche-moi… Murmura Will. Je ne te veux pas de mal mais lâche moi. Supplia-t-il avec désespoir tout en cherchant à saisir son arme pour embrocher la créature.

- Que fais-tu ici ? Demanda une voix aux intonations sépulcrales qui fit dresser ses cheveux sur la tête de Will.

- Il est monté sur le navire Capitaine Jones. » Annonça la créature.

Will désespéré fixa le monstre que son « otage » avait appelé « capitaine » et un vague de dégoût monta en lui en le découvrant entièrement.

 

Le capitaine du Hollandais Volant était semblable à son équipage. Monstrueux. Son corps n’avait plus rien d’humain et paraissait formé de crustacés et autres poissons, une de ses mains était même une pince de crabe. Mais le pire était son visage. Le poulpe que Will n’avait fait qu’entrevoir un peu plus tôt se mouvait à présent, le désordre de ses tentacules exprimait clairement à Will la colère du monstre. Ce dernier le saisit vivement, sa pince se referma sur sa gorge, l’étranglant à demi.

« Tu n’es ni mort ni moribond… Alors que fais-tu à bord ? »

 

Will réfléchit rapidement et tenta la candeur.

« Je me suis perdu… Répondit-il d’un ton naïf, espérant que la créature qui avait donné l’alerte tairait les questions qu’il lui avait posées.

- On ne se perd pas sur le Hollandais Volant. Ricana le monstre. Qui es-tu ?

- William…. Smith. » Répondit Will.

Davy Jones haussa légèrement ce qui lui tenait lieu de sourcils et le dévisagea avec un regard dépourvu d’humanité.

« Smith… Et bien Monsieur Smith vous voilà devenu membre du Hollandais Volant.  Se moqua la créature.

- Il n’a pas prêté serment. Remarqua la créature que Will avait menacée, s’attirant un regard noir du jeune homme

- Il n’est pas encore moribond. Ricana Davy Jones. Par conséquent il est libre de partir … Quand nous aborderons une côte ! »

 

Avec angoisse, Will regarda les hommes éclater de rire autour de lui et se força à reprendre contenance. Après tout il pouvait rester ici suffisamment longtemps pour s’emparer de ce que convoitait Jack et honorer ainsi sa dette envers le pirate.

« Relâche le Bill, il travaillera comme les autres ou alors il mourra… » Ricana Jones en s’éloignant.

La créature lança un regard hostile en direction de Will et s’éloigna tandis que Jones faisait de même, laissant Will tremblant.

 

Le jeune homme se laissa aller contre la paroi spongieuse et faillit pousser un hurlement lorsque le monstre qui lui avait parlé un peu plus tôt reprit la parole

« On ne quitte pas le Hollandais Volant. Déclara-t-il d’un ton qui résonnait comme une sentence.

- C’est-ce que nous verrons. » Rétorqua Will d’une voix tremblante, le visage d’Elizabeth à l’esprit.

Sans attendre de réponse du monstre, Will s’écarta de la paroi et commença à se diriger vers le pont, le souvenir d’Elizabeth l’emplissant entièrement. Il devait trouver un moyen, n’importe lequel… Il ne pouvait pas la laisser. Il avait choisi et son choix lui apparaissait à présent comme une évidence. Elizabeth. Ça avait toujours été elle.

 

()()

 

Will découvrit avec une nausée les monstres qui s’activaient sur le pont. Il comprenait à présent que les créatures avaient jadis été des hommes comme lui. Des marins qui avaient commis l’erreur de vouloir repousser l’heure de leur mort et vendu leur âme à Jones.

 

Sous les regards hostiles des hommes, Will se fraya un passage. Il chercha du regard une cachette dans laquelle Jones aurait pu dissimuler la précieuse clef que Jack l’avait envoyé chercher, enfin c’était le cœur à la base, mais nul doute que maintenant Jack voudrait la clef.

« Tu ne t’appelles Smith. » Murmura une voix derrière lui.

Will se retourna et rencontra le regard brusquement avide de la créature qu’il avait menacée et qui semblait décidée à s’attacher à ses pas.

« Quelle importance ? » Répliqua-t-il.

 

La créature lui jeta un regard brouillé et secoua la tête.

« Est-ce que c’est lui qui t’envoie ?

- Qui ça ? Demanda Will.

- Jack… Répondit le monstre dans un chuchotis

- Je ne connais pas de Jack. » Répondit Will d’un ton ferme en se retournant vers les créatures assises à quelques mètres de lui qui paraissaient absorbées par un jeu étrange.

Intrigué, Will s’approcha d’eux et fronça les sourcils en les voyant lancer des paris d’une voix excitée puis retourner des godets pour faire apparaître des dés au fur et à mesure des enchères.

« Quel est ton nom ? Insista la créature, derrière lui

- Que font-ils ? Répondit Will en désignant les hommes, ignorant la question.

- Ils parient la seule chose qu’il nous reste… Des années de services, pourquoi restes tu ici ? Demanda le monstre

- Oh … Et on peut défier qui on veut ? Demanda Will, songeur.

- Oui qui on veut… » Ricana la créature.

 

Will hésita quelques instants. Son plan était risqué mais c’était sans nul doute le meilleur moyen d’obtenir au plus vite ce qu’il convoitait. Et ainsi retrouver Elizabeth, certain que malgré ses assurances, Jack ne serait pas tendre avec la jeune femme.

« Je défie Davy Jones ! » Lança-t-il d’une voix forte.

Les créatures s’immobilisèrent brusquement et le toisèrent avec surprise.

« Et je relève ce défi ! » Répondit la voix de Jones suivie par son pas pesant.

Le monstre se planta devant Will qui déglutit tandis que Jones s’allumait une pipe.

« La vérité n’a pas été longue à sortir du puits Monsieur Smith… Ironisa ce dernier. Que voulez-vous ?

- La clef. » Répondit simplement Will.

 

Jones verdit légèrement et se retourna vers ses hommes comme pour les prendre à témoin.

« Et quelle clef ? Se moqua-t-il

- Celle-ci. » Rétorqua Will en lui tendant le croquis que son informateur involontaire avait laissé tomber.

Jones s’empara du document d’un tentacule rageur et fixa Will

« Où as-tu trouvé ceci ?

- Ça ne fait pas partie du jeu. Répondit Will en affichant un calme qu’il était loin de ressentir.

- Et que proposes-tu en échange ? » Rugit Jones, furieux.

Will marqua un temps d’arrêt pour affermir sa décision.

« Mon âme. » Finit-il par dire, le cœur cognant dans sa poitrine à l’idée qu’il pourrait perdre.

 

Jones haussa ce qui lui servait de sourcil tandis que les créatures échangeaient des murmures moqueurs, cherchant visiblement à trancher dans quelle mesure le jeune homme était sain d’esprit… Jones les ignora et se pencha vers Will.

« Qu’est-ce qui te dit que ton âme vaut cette clef ? »

Will se troubla et fixa le poulpe.

« Je vous l’offre pour l’éternité. Murmura-t-il.

- Tu prendrais le risque de renoncer à ta vie entière pour avoir cette clef ? Ironisa Jones en serrant le croquis dans sa tentacule. C’est donc qu’elle a peu de prix. Pourquoi prendrais-je un risque pour m’emparer d’une âme sans valeur ? »

Will le regarda, désespéré, et les paroles de Tia Dalma lui revinrent brusquement à l’esprit ainsi que les causes de la métamorphose de Jones.

« Vous vous trompez. J’ai une fiancée qui m’attend, elle veut la clé. C’est pour ça que je suis ici. » Improvisa Will en priant pour Jones avale son mensonge.

Le poulpe se troubla.

« Une fille, dis-tu ? Et comment est cette femelle !! »

Will s’adoucit légèrement alors que la réponse lui venait spontanément aux lèvres.

« Elle est blonde, douce, jolie… Elle s’appelle Elizabeth. » Murmura-t-il, réalisant une fois de plus que la jeune femme était la première à lui venir à l’esprit.

 

Jones le regarda avec ironie.

« Aucune fille ne vaut la peine que l’on mette son âme en danger pour la posséder.

- Celle la si. Rétorqua Will. Alors acceptez-vous mon défi ? »

Jones se troubla légèrement, l’air brusquement ailleurs, mais bien vite ce qui lui tenait lieu de visage reprit son expression dure.

« Il est moitié moins cruel de te réduire en esclavage que de te laisser épouser cette fille. » Déclara-t-il en abattant brutalement son godet sur la table.

Will laissa échapper un soupir à demi soulagé tandis que les créatures, excitées par l’enjeu, se massaient autour d’eux.

« Je parie deux trois. » Déclara Jones.

 

Will réfléchit quelques secondes et chercha à calculer le meilleur pari.

« Trois cinq. » Annonça-t-il finalement.

Jones sourit légèrement.

« Cinq cinq. » Surenchérit il en soulevant son godet.

Troublé Will reprit la parole d’une voix tremblante.

« Six cinq. » Annonça-t-il en soulevant son godet, y découvrant avec soulagement cinq cinq

Jones ricana et se pencha vers lui.

« Menteur. Lâcha-t-il en soulevant découvrant ses dés, parmi lesquels restait un seul cinq. Tu as perdu Smith, te voilà membre de mon équipage à jamais. “

Will sourit légèrement et souleva son godet.

« Non, j’ai gagné. » Corrigea-t-il en montrant ses cinq cinq

 

Les tentacules de Jones se tordirent dans tous les sens et le poulpe exhuma une clef remplie d’une matière visqueuse de sous sa tête.

« Voilà ta clef. »

Will l’empocha tranquillement sous les regards abasourdis des hommes et se leva.

« Consignez ce rat ! Hurla Jones. Mettez-le aux fers ! »

Will blêmit lorsque les pinces des monstres se refermèrent sur lui.

« Vous trichez ! Vous n’avez pas le droit !

- Et bien plains toi au capitaine ! » Ricana Jones en se levant.

 

Révolté, Will n’eut pas d’autres choix que de se laisser entraîner par les monstres et serra dans sa main la clef désormais inutile puisqu’il allait être enfermé.

 

()()

 

Une fois dans la geôle, Will attendit d’être seul pour observer les gonds de cette dernière et il ne put retenir un sourire victorieux en les découvrant.

« Des gonds à demi cylindre. »Murmura-t-il, ravi.

Sans perdre de temps et après avoir glissé la clef en sécurité contre son torse, Will fouilla sa cellule du regard à la recherche d’un moyen de faire pression. Finalement il détacha une planche vermoulue du navire, le cœur battant à l’idée que celle-ci cède avant qu’il ne soit parvenu à ouvrir la geôle. Pesant de tout son poids, Will adressa un remerciement muet à la chance en sentant les gonds céder, le libérant.

« J’aurais bien aimé que tu vois ça Jack. » Marmonna-t-il, se souvenant du nombre de fois où le pirate avait qualifié ses actes de stupides.

 

Sans accorder plus de temps à une juste autosatisfaction, Will avança avec précaution dans la cale à la recherche d’un moyen de rejoindre l’océan et ainsi d’échapper au terrible Hollandais Volant. Alors qu’il commençait à monter doucement les escaliers, la musique funèbre qui résonnait sur le navire masquant le bruit de ses pas, une main rude le tira brusquement en arrière.

Will porta la main sur son épée et la dégaina d’un geste sec, posant sa lame contre le cou de son agresseur.

« Encore toi… » Murmura-t-il en reconnaissant la créature qui avait donné l’alerte quelques heures plus tôt.

 

La créature le fixa de ses yeux délavés et ouvrit la bouche.

« Si tu parles je te tue… Le menaça Will avec désespoir, incertain sur le fait que ces créatures pouvaient mourir.

- Est-ce que c’est lui qui t’envoie ? » Redemanda l’homme d’une voix chuintante.

Désespéré Will répondit, espérant que la créature se satisferait de ça.

« Oui.

- Jack ne s’en sortira pas, pas cette fois… Murmura l’homme.

- Je vous en prie, ne dites rien, ne donnez pas l’alerte. Le supplia Will en appuyant sa lame

- Quel est ton nom ? Lui demanda l’autre à brûle pourpoint.

- Si je vous le dis, promettez de ne pas donner l’alerte. » Négocia Will le cœur battant.

 

La créature le fixa et hocha silencieusement la tête, la lame de Will lui entaillant la gorge par ce simple geste. Le cœur soulevé d’un mélange de pitié et de dégoût, Will regarda s’écouler la matière verte et épaisse que sa lame avait libérée et songea avec désespoir que son instinct était dans le vrai. Ces créatures ne pouvaient pas être tuées…

« Turner. Chuchota-t-il. William Turner. »

La créature secoua alors la tête et ses yeux s’emplirent d’humidité à la grande surprise de Will0

« Oh non… Pas toi, pas toi… Murmura la créature en se dégageant facilement de sa lame et en courant vers le pont

- Non ! » Gémit Will, se retenant d’hurler, certain que l’autre était parti chercher le reste des hommes.

 

Avec désespoir, Will se précipita vers la coque du navire et utilisa son épée pour tenter de s’y frayer un passage. Il l’avait à peine entamée lorsque la créature revint et posa sa main à demi humaine sur son épaule.

« Suis-moi. » Chuinta-t-elle.

Will hésita. La créature était seule et ses efforts pour entamer la coque n’avaient guère été couronnés de succès.

« Je vais t’aider. » Murmura la créature d’un ton pressant.

Serrant son épée d’une main qui tremblait légèrement, Will lui emboîta le pas à contre cœur. Il n’était pas certain de pouvoir lui faire confiance mais il n’avait pas d’autres choix…

 

Le monstre le guida silencieusement à l’intérieur du navire, progressant rapidement et Will songea un bref instant que Jack avait raison. Il était stupide, sinon pourquoi suivrait-il ainsi cette créature qui l’avait déjà mené une fois à sa perte ?

 

A sa grande surprise, ils débouchèrent sur le pont, à côté d’une chaloupe aussi sinistre que le reste du navire.

« Monte là-dedans. Ordonna la créature. Je vais te descendre. Une fois que ce sera fait, pars le plus loin possible d’ici et reste à terre. Tu as compris ? Reste à terre ! »

Surpris, Will secoua la tête avec incompréhension

« Pourquoi m’aidez-vous ? » Demanda-t-il en montant toutefois dans la chaloupe.

Le visage du monstre se remplit de regrets et il le fixa brièvement.

« Disons que c’est pour rattraper mes erreurs passées William… Allez monte et souviens-toi. Reste sur la terre ferme. »

Will fronça les sourcils et l’observa à la faveur d’un rayon de lune.

« Votre visage… Murmura-t-il. Nous nous connaissons ? Il m’est familier. »

 

Le monstre lui répondit par un regard triste et commença à descendre lentement la chaloupe.

« Attendez ! S’exclama Will, le cœur serré par la tristesse de son allié inattendu. Venez avec moi, vous n’êtes pas obligé de rester ici…

- Une fois que t’as prêté serment tu ressors plus du Hollandais petit. Va-t’en … Lui répondit l’autre en continuant à faire descendre la chaloupe

- Attendez ! Dites-moi votre nom au moins ! Le supplia Will. Que je sache qui je dois remercier.

- Bill. Répondit la créature. Bill Smith. » Ajouta-t-il avec une pointe d’ironie avant de trancher d’une main ferme les cordages qui retenaient la chaloupe.

 

Retenant un cri de surprise, Will se cramponna à la chaloupe tandis que celle-ci rencontrait l’eau sombre avec un bruit lugubre. Il leva les yeux vers son sauveur et aperçut la silhouette de ce dernier en pleine discussion avec un autre monstre. Terrifié à l’idée d’être repéré, Will s’empara des rames et commença à s’éloigner du navire.

« Merci Bill Smith. » Souffla-t-il.

 

Sur le Hollandais Volant, Bill se débarrassa rapidement du matelot qui s’était porté à son secours et tourna son regard délavé vers les eaux sombres.

« Sois heureux mon fils… Murmura-t-il avec tristesse. J’aurais voulu faire plus pour toi.

- Turner !! Résonna derrière lui la voix mauvaise du maître d’équipage. Viens sécuriser le pont avant dépêche-toi !!! »

Avec un léger soupir, Bill Turner adressa un dernier regard aux ténèbres qui avaient engloutis son fils et se précipita, obéissant pour les cent ans à venir ainsi qu’il l’avait promis….

 

()()

 

De son côté, Will grelottait dans sa chaloupe et observait avec soulagement les lumières pales du Hollandais Volant décroître. Il était sauvé, même s’il ne s’expliquait toujours pas ce qui avait poussé ce Smith à l’aider. Si tant est que Smith soit son vrai nom… Chassant de son esprit la créature étrange, Will plissa les yeux et réalisa avec angoisse qu’il ne reconnaissait pas la baie dans laquelle le Pearl l’avait laissé quelques heures plus tôt. Inquiet, le jeune homme scruta l’horizon et chercha les falaises de la crique où avait mouillé le Pearl à la faveur d’un rayon de lune. Le jeune homme finit par pousser un soupir dépité, il ne reconnaissait rien.

 

Alors qu’il cherchait à s’orienter à la faveur des étoiles sans succès, Will se souvint brusquement du compas cassé que Jack lui avait remis. Sans trop y croire, il le sortit de sa poche, certain que c’était inutile mais prêt à tout pour rejoindre Elizabeth et effacer sa peine en lui disant qu’il n’avait jamais cessé de l’aimer, qu’elle était la seule. A sa grande surprise, l’aiguille se fixa brutalement et indiqua une direction.

« Bien de toute manière je crois que je n’ai pas d’autre choix… » Marmonna Will en suivant la direction indiquée, priant pour que ce soit la bonne.


Chapitre 12                                                                                                      Chapitre 14


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