Chapitre 27 : Jones s'offre une détente


Profitant d'un moment de liberté Davy Jones se décida enfin à aller rendre une petite visite à son nouveau pensionnaire, sûr que le spectacle de sa souffrance lui permettrait durant un bref moment d'oublier ses soucis actuels. Il donna ses ordres à Maccus puis se mit en route pour son Purgatoire.

 

La première chose qu'il vit en arrivant fut une forme indistincte recroquevillée sur le sol. Jones grimaça un sourire à sa vue, décidément cet homme n'avait aucune résistance ! Il s'assit et bourra sa pipe, il avait tout le temps du monde et n'était pas pressé de voir l'homme se réveiller.

 

Norrington reprit vaguement conscience peu de temps après l'arrivée de Jones. Il ouvrit douloureusement les yeux et eut un mouvement de recul involontaire lorsqu'il découvrit Jones assit en face de lui. Il cligna rapidement des yeux pour essayer de reprendre ses esprits, sous l'œil goguenard de l'autre qui l'observait en souriant. James, mu par un reste de dignité, essaya tant bien que mal de se redresser. Après de nombreux efforts infructueux il y parvint. Jones, qui n'avait cessé de l'observer prit alors la parole.

« Alors vous êtes satisfait de votre séjour parmi nous ? Demanda t'il, moqueur.

- L'accueil manque de chaleur, répondit Norrington sur le même ton, en essayant de chasser les voix qui se bousculaient dans sa tête.

- Et pourquoi devrait-il en être autrement ?

- Oui, bien sûr, répliqua acide le Commodore. Bien et puis je connaître le motif de votre visite, si cela n'est pas trop indiscret bien sûr.

- Je suis venu car j'aimerais connaître les raisons qui vous ont poussées à prendre la place de Sparrow.

- En quoi cela vous concerne-t-il ? Que je l'ai fait devrait vous suffire, répondit Norrington tenaillé par la soif.

- Mettons cela sur le compte de la curiosité… Allez y servez-vous, vous mourrez d'envie de vous abreuvez. Déclara Jones avec un rictus malfaisant.

- Ça ira. Répondit Norrington dans un sursaut de fierté malgré les voix qui menaçaient de l'envahir d'un instant à l’autre. Et encore une fois mes raisons pour sauver ce pirate ne vous concernent pas.

- Très bien dans ce cas je vous laisse en votre propre compagnie …. Déclara Jones qui savait très bien que dès qu'il serait parti l'homme s'écroulerait à nouveau.

- NON ! » Cria Norrington qui tremblait de peur à l’idée d'être seul à nouveau.

 

Il en était arrivé à un tel point que toute diversion aux voix et aux images qui existaient dans sa tête était la bienvenue.

«  Je vous en prie, restez. Ajouta t'il à contre cœur.

- Vous répondrez à mes questions ? Enfonça Jones qui sourit de sa victoire sur la fierté de l'homme.

- Oui, tout ce que voudrez. Promit Norrington, terrifié par la solitude qui le guettait.

- Très bien, alors pourquoi vous êtes-vous sacrifié pour sauver un homme que vous haïssez ? »

James réfléchit un instant à la question que le monstre assis en face de lui venait de lui poser. En fait il avait beaucoup de difficultés à ordonner ses idées et ne se rappelait plus au juste de ce qui l'avait motivé vraiment. En face Jones, s'impatienta.

«  Alors, j'attends….

- Eh bien à vrai dire, je n'en sais rien. J'étais sur ce navire avec les autres qui cherchaient tous à récupérer ce pirate. » Commença James avec un pincement au cœur à la pensée de la détresse d’Elizabeth.

 

Jones sentit sa peine, et s'en réjouit, il avait posé la bonne question, celle qui alourdit le cœur, tout en offrant un répit à l'homme avant qu'il ne sombre totalement dans la folie. Oh il n'avait pas fait ça par pure bonté d'âme au contraire, Jones savait juste qu'une fois que l'homme aurait totalement basculé il serait trop tard pour lui. Il vivrait alors totalement dans un monde chimérique où il serait imperméable à la tristesse et au chagrin. Dans la situation présente, à la frontière entre raison et folie, la souffrance était décuplée. Chaque jour Jones sentait le désespoir de l'homme qui se voyait glisser inexorablement, chaque jour il se délectait des hurlements poussés par l'homme durant ses moments de veille. Jones sentait aussi son désir presque charnel de se saouler pour oublier, auquel il succombait d'ailleurs invariablement. Il se délecta par anticipation de ce qui allait suivre et des blessures que ça allait réveiller chez son invité et l'encouragea à poursuivre d'un geste de la tête.

«  Et moi, j'étais là, et puis elle… souffla James les yeux baissés, avec une envie de plus en plus grande de boire.

- Elle ? releva Jones sachant par expérience que c'était en vérité là qu'il y avait le plus de souffrance.

- Elizabeth… Elle est venue me voir, elle était si furieuse. Elle m'a dit qu'elle me méprisait, que je n'étais pas un homme d'honneur et qu'elle ne me pardonnerait jamais la mort de Sparrow et la maladie de son père, continua James, des sanglots dans la voix.

- Et alors, qu'avez-vous donc fait ? S’amusa Jones qui le savait très bien.

- Je ne savais plus comment faire pour regagner son respect, pour qu'elle me voie à nouveau comme un être humain, continua Norrington, les yeux dans le vague, perdu dans ses souvenirs. En fait j'avais perdu l'espoir d'y parvenir malgré ce que me disait cette femme.

- De quelle femme parlez-vous ? demanda Jones intrigué et désireux de savoir si cette autre femme était cette Ellen que son prisonnier appelait parfois dans ses délires.

- La sorcière… l'amie de Sparrow. Tia Dalma. Finit James dans un souffle.

- Tia Dalma, répéta Jones qui apprit ainsi le nom de celle qui l'avait rendu tel qu'il était à présent.

- Elle a dit qu'un moment viendrait où j'aurais l'occasion de racheter mes actes aux yeux d'Elizabeth, et que je saurais reconnaitre cet instant. Lorsque je vous ai vu et que vous avez exigé une âme en échange de celle de Sparrow, j'ai su que c'était ce dont elle voulait parler.

- Vous voulez dire que vous vous êtes sacrifié parce que cette Tia vous a dit de le faire ?? Répéta Jones incrédule. Je n'ai jamais rien entendu d'aussi stupide, ne put il s'empêcher d'ajouter.

- Stupide oui ! confirma Norrington dans un rire amer. Depuis, je vous assure que j'ai eu le temps de le regretter, mais ça vous le savez n'est-ce pas ? » Ajouta-t-il en plongeant son regard dans les yeux d'un bleu surnaturel de son vis-à-vis.

 

Alors qu’il croisait le regard de Norrington pour la première fois, Jones eut une désagréable impression de malaise, de déjà-vu. Non décidément ce prisonnier n'était pas ordinaire il se dégageait de lui une force morale incroyable comme Jones l'avait perçu à leur première rencontre mais pourtant l'homme avait commencé à basculer dans la folie en un temps record. Jones ne pouvait se cacher qu'il était intrigué, qu'est ce qui n'allait pas avec celui-là ? Pourquoi était-il aussi différent des autres, et la sorcière, pourquoi tenait elle tellement à ce qu'il vienne dans son Purgatoire ?

Au moment où Jones cherchait par quelle question commencera, un appel retentit dans sa tête, signe que Maccus et les autres avaient fini la besogne qu'il leur avait confiée et qu'il y avait probablement des âmes terrifiées par la mort qui attendaient qu'il vienne les cueillir. Il se leva à regret et se promit de revenir avant que l'homme soit tout à fait fou.

« Bien j'ai des choses à faire, je vous laisse seul. » Dit-il avec un sourire en voyant la terreur envahir le visage de son prisonnier.

 

Sans attendre de réponse, Jones repartit vers son navire. Encore sous le choc de son entrevue avec son geôlier, James se pencha vers le rhum pour étancher enfin sa soif dévorante .A cet instant les voix et les images qui l'avaient laissé en paix tant qu'il n'était plus seul revinrent le harceler. Et doucement, tout doucement Norrington replongea dans le délire à la grande satisfaction de Jones qui sourit lorsque retentirent ses premiers hurlements.


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