Chapitre 14 : La chanson de Calypso


Tour de Londres…

 

 

A la nuit tombée, Jack et Barbossa revêtirent de longues capes noires équipées de capuches afin de cacher leurs visages. Mal à l’aise Barbossa interrompit une nouvelle fois Jack et le retint par la manche alors qu’ils progressaient vers la sinistre prison.

« Es-tu sur que c’est une bonne idée ? »

Les yeux de Jack luisirent dangereusement, affirmant la détermination du pirate, tandis qu’il expliquait à nouveau son plan à son ancien second.

« Seuls les Tourmenteurs du Roi d’Angleterre peuvent pénétrer dans ces murs…

- Dois-je te rappeler que la Couronne ne se mêle pas des histoires de Piraterie ?

- Dois-je te rappeler qu’Elizabeth est accusée de Sorcellerie ? C’est pour ce chef d’accusation que nous allons intervenir. »

 

Barbossa hésita et glissa un lourd chapelet autour de son cou ce qui attira un sourire moqueur sur les lèvres de Jack.

« Et tu es sûr qu’elle sait où est la carte de la fontaine de Jouvence ? »

Jack le regarda sérieusement.

« Je te l’ai dit cent fois, elle n’avait pas confiance en moi, aussi l’a-t-elle prise et cachée pour s’assurer de mon aide. Mentit-il sans vergogne.

- Une femme avisée. » Grogna Barbossa en le regardant de travers.

Il songea pour la centième fois que c’était la stupidité de Jack qui l’obligeait à pénétrer dans la plus redoutable des geôles pour sauver une femme dont il se moquait.

 

Jack le fixa ironiquement.

« Alors tu es prêt ?

- Et rappelle moi pour JE suis obligé de venir avec toi plutôt que Tai.

- Tout simplement parce que Tai ne s’enfuira pas dès que nous aurons le dos tourné. Je sais que ça va t’étonner mais il existe des seconds fidèles à leurs capitaines.

- Peut-être parce que le dit Capitaine est un bon capitaine contrairement à d’autres. Rétorqua Barbossa.

- Raison de plus pour ne pas laisser un si exceptionnel Capitaine être pendu. » Répondit Jack en commençant à avancer.

 

Les deux hommes progressèrent jusqu’à la Tour, et Barbossa se préparait à s’avancer lorsque Jack, les yeux sur l’horloge lui fit signe t’attendre. Barbossa eut un soupir exaspéré alors que commencèrent à résonner, tel un glas, les coups sonnant les dix heures. Au moment où mourait sinistrement le dernier coup, Jack frappa le heurtoir de la lourde porte, attirant malgré lui un sourire admiratif à Barbossa. Jack était peut-être le plus idiots des pirates, préférant négocier plutôt que tuer mais il savait s’entourer d’effets. Il baissa bien vite la tête alors que la porte s’ouvrait dans un grincement.

« Messieurs, nous sommes venus pour la sorcière. » Annonça Jack d’une voix feutrée.

 

Les gardes reculèrent instinctivement à la vue des deux hommes vêtus de noir et qui semblaient porter la mort avec eux.

« Qui… qui êtes-vous ? Bredouilla l’un d’entre eux

- Les Tourmenteurs du Roi. Lâcha Jack d’un ton funèbre.

- Nous venons pour questionner la diablesse. Ajouta Barbossa pour faire bonne mesure

- Avez-vous, l’autorisation de Lord Beckett ? » Demanda l’un des gardes du bout des lèvres.

A la stupéfaction de Barbossa, Jack exhuma un parchemin de sa poche et le tendit au garde.

« Je ne crois pas me souvenir que ce Lord Beckett soit le souverain de ce pays. En revanche cette lettre porte le sceau de Sa Majesté. » Déclara-t-il d’un ton coupant.

Les soldats baissèrent la tête d’un air soumis en découvrant le papier.

« Désirez-vous qu’on vous conduise ? »

- Non, nous saurons trouver le démon qui réside dans ces murs, c’est notre métier. Annonça Jack en commençant à avancer.

- Tu m’as presque fait peur.  Murmura Barbossa à Jack tandis qu’ils s’éloignaient des gardes.

- Presque ? » Ironisa Jack tandis que les lourdes portes de la Tour de Londres se refermaient sur eux.

 

Antre de Calypso

 

Les yeux perdus dans une de ses visions, Calypso observait le Hollandais Volant et savourait le trouble et la détresse de son capitaine. L’âme de Will souffrait, ses belles certitudes enfouies sous les doutes qui l’accablaient sans relâche. Elle avait vu le père de Will tenter de raisonner le jeune capitaine sans succès. Elle caressa du bout des doigts le corps du jeune homme, impatiente qu’il obéisse enfin à son destin et qu’il vienne vers elle, comme elle l’avait choisi, comme elle désirait qu’il soit.

 

Avec un sourire elle observa les larmes qui roulaient sur les joues du jeune capitaine tandis qu’il se réfugiait dans sa cabine et finissait par pianoter machinalement sur l’orgue de Jones. Au début les notes furent hésitantes puis il prit de l’assurance et joua à nouveau l’air qui avait résonné durant des siècles déjà sur le Hollandais Volant et qu’elle connaissait si bien. Doucement, ressemblant presque à la femme ordinaire qu’elle avait été pendant un temps, Calypso se pencha sur son médaillon et laissa à son tour s’égrener la mélodie de la  Chanson de Calypso. Le chant que jadis Ulysse avait demandé à Orphée de composer pour elle. Sa chanson d’amour, témoignage de la vénération qu’elle avait inspiré au rusé Ulysse. Calypso sourit plus largement, elle gagnerait cette fois encore. Elle s’installait peu à peu en Will Turner, le jeune homme à son tour charmé par le chant qui, comme Calypso, faisait partie intégrante du Hollandais Volant. Bientôt, il serait à elle, comme tous les autres capitaines du navire maudit.

« Oui William … Murmura-t-elle tandis que la musique enflait sur le Hollandais Volant. Continue ainsi pense à Jack, pense à ta pauvre petite mortelle en train de l’embrasser. Et bientôt tu seras à moi. Et alors je me vengerais de ces maudits pirates. »

 

Une lueur interrompit sa douce rêverie et Calypso se retourna, furieuse.

« Tu n’es pas la bienvenue ici.

- Laisse la tranquille.

- Qui cela Périboéa ? Demanda Calypso d’un air innocent.

- Elizabeth Turner. Elle est sa femme, la femme de ton capitaine. Cela ne se peut, tu ne peux pas l’avoir. À moins que tu la laisses tranquille. Alors tu auras le capitaine. » Annonça Périboéa, forte du choix vers lequel l’avait guidée le cœur d’Elizabeth.

 

Calypso sourit méchamment.

« Non. Je n’ai pas besoin que tu m’aides pour l’avoir. Elle est en train de mourir tout comme Sparrow mourra. Il a choisi son camp en tentant de l’aider. Je les détruirais tous. Ces pirates qui ont osés s’en prendre à moi. Et je commencerai par cette fille.

Périboéa recula d’un pas.

« Mais quel monstre es-tu donc ? Ne comprends tu pas que ceux que tu mets tant d’acharnement à vouloir détruire sont justement les amis, la femme de celui que tu prétends désormais aimer ? »

Calypso sourit et effleura le profil de Will.

« Ce ne sont plus ses amis… plus maintenant. »

Le son de sa voix alerta Périboéa, qui, renonçant à lui faire entendre raison, s’éloigna sans un bruit laissant Calypso perdue dans ses rêves de vengeance pour aller chercher un moyen de protéger celle qui ressemblait tant à sa fille.

 

 

Tour de Londres

 

 

La descente ne semblait pas avoir de fin, comme s’ils allaient jusqu’en enfer. La puanteur était de plus en plus forte à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la tour et l’odeur évoquaient des relents de sueur, de sang et de mort. A chaque cellule devant laquelle ils passaient ils étaient salués par un gémissement de terreur qui leur prouvait la réussite de leur déguisement. Ils finirent par arriver en bas et Barbossa suivit Jack, un peu étonné par l’aisance avec laquelle ce dernier se déplaçait dans le dédale des couloirs.

« Tu es déjà venu ici ? Demanda-t-il

- Il y a longtemps. » Répondit sèchement Jack, qui ne souhaitait manifestement pas en parler.

 

Finalement, Jack s’immobilisa devant une cellule, le regard voilé en découvrant une mince silhouette tapie dans un coin. Il n’avait pas besoin de son compas pour la reconnaître. Les mains un peu tremblantes, il ouvrit la porte et constata avec surprise qu’elle n’était même pas fermée à clef. Jack entra doucement et serra les poings en découvrant Elizabeth. La jeune femme était exsangue, la jambe tordue dans un axe improbable et du sang maculait ses cuisses et son visage. Sa respiration était sifflante et son corps meurtri tremblait légèrement tandis que son poignet était entouré fermement par un bracelet d’acier qui ne lui accordait aucune liberté de mouvement. Jack sentit une rage comme il n’en avait encore jamais éprouvé s’emparer de lui et se força au calme pour approcher la jeune femme.

« Ce serait plus charitable de lui coller une balle dans la tête. » Déclara Barbossa sans émotion.

Jack se retourna, un éclair sombre dans les yeux.

« Encore un mot comme ça et c’est toi qui recevra une balle dans le crâne. Annonça-t-il calmement avant de se pencher sur Elizabeth. Lizzie, réveillez-vous. »

 

Elizabeth battit faiblement des cils, son corps douloureux ne lui laissait pas de répit, percluse de terreur elle sentit une main se poser sur son épaule et recula nerveusement, tirant sur son poignet emprisonné à le briser.

« Je ne parlerais pas. Jamais trahirais Will. Jamais. Will…

- Chut, Lizzie. Chut. » Murmura Jack d’un ton apaisant, le cœur serré en entendant l’amour qui vibrait dans sa voix alors qu’elle prononçait le nom de William.

Elizabeth releva ses yeux fiévreux vers celui qui lui parlait et ne vit que les habits des Tourmenteurs.

« Non ! Pas. Jamais. Jamais. Jamais !!!! Préfère mourir … Will … »

Jack sentit son cœur se briser en découvrant la marque que Beckett lui avait faite au visage et qui la défigurait tout en lui interdisant toute vie honorable. Derrière lui Barbossa eut un hoquet de dégoût.

« Demande lui où est la carte et on s’en va. Souffla-t-il. Elle est devenue folle de toute manière. »

 

Jack ne lui accorda pas un regard et brisa violement le haut de leur lanterne contre le mur pour récupérer l’huile qu’elle contenait. Il commença à en enduire généreusement le poignet d’Elizabeth, tandis que Barbossa poussait un soupir d’exaspération.

« Où est la carte Madame Turner !!

- Capitaine. Murmura Elizabeth. Will, jamais voulu trahir. »

Jack sourit malgré lui en l’entendant rectifier Barbossa et finit par dégager le poignet fin de la chaîne qui le retenait.

« Tu ne comptes quand même pas la sortir d’ici Jack ?

- Bien sûr que si. » Répondit ce dernier avant de la prendre dans ses bras.

Il grimaça en la découvrant si légère sous ses vêtements en lambeaux.

« C’est de la folie ! Ils ne nous laisseront jamais sortir avec elle. »

Elizabeth commença à se débattre faiblement et ramena sur elle les débris puants qui lui servaient de robe.

« Non, pas encore. Murmura-t-elle. Pas ça, je vous en prie. Je … Will... Parlerais pas... Arrêtez... Implora-t-elle une fêlure dans la voix.

- Tu parles d’une reine... Une gamine pleurnicharde oui ! Annonça Barbossa avec une pointe de dégoût.

- Avance. » Lui ordonna Jack qui serra contre lui Elizabeth tandis que son cœur battait à tout rompre.

 

Barbossa haussa les épaules et les deux hommes commencèrent à gravir les marches, Jack ne cessant de maintenir fermement la jeune femme contre lui. Une fois en haut, il grimaça et tourna la tête alors qu’il appuyait sur son genou brisé, arrachant un hurlement de douleur à Elizabeth.

« Pardon. Murmura-t-il, atterré de devoir agir ainsi. Mais c’est le seul moyen. »

Les gardes les regardèrent approcher avec dégoût, Elizabeth à demi évanouie sous la douleur ne bougeait plus tandis que Jack la portait sans douceur. Le pirate passa devant les gardes et se dirigea vers les lourdes portes sans hésitation.

« Ouvrez.

- Mais, elle ne doit pas sortir d’ici. Objecta un garde.

- Écoute moi bien Soldat…Cette sorcière est possédée par le démon. Tu ne voudrais pas qu’elle t’envoûte non ?

- Mais elle ne doit pas sortir d’ici.

- Et nous, nous devons voir jusqu’où va sa perversité. » Répondit Jack en affichant un regard lubrique.

Hector sourit intérieurement en comprenant le plan de son compagnon. Il s’approcha d’Elizabeth et glissa la main sous l’étoffe qui la couvrait pour caresser la pointe d’un de ses seins faisant pousser un cri de détresse à la jeune femme.

« Nous avons tellement de démons à extirper d’elle que nous devons l‘emmener là où nous avons notre matériel. Annonça Barbossa.

- Ordre de notre roi. » Rappela Jack qui se forçait à garder le même ton froid qu’au début

Les deux gardes s’entre regardèrent puis jetèrent un œil écœuré vers la jeune femme qui tremblait.

« Si vous voulez nous accompagner, pour voir. Proposa Barbossa. Les tisons brûlants font des miracles Mr ? Quel est votre nom déjà ? »

Finalement les gardes s’écartèrent, jugeant qu’il était dangereux de se mettre en travers du chemin des Tourmenteurs. Lentement, Jack, Barbossa et Elizabeth passèrent la porte de la Tour de Londres.

 

Jack avança lentement vers le carrosse noir que Tai avait amené, conformément à ses instructions et jeta Elizabeth à l’intérieur après que Barbossa ait pris place. Il prit garde à ne pas paraître pressé, sur que les gardes les observait. Finalement il referma la porte de la voiture et Tai fouetta les chevaux, leur faisant quitter la place. Jack soupira de soulagement en voyant disparaître la Tour de Londres. Tout se déroulait comme prévu.

« Alors ! Où est la carte ! » Exigea de savoir Barbossa en se penchant sur Elizabeth qui avait sombré dans l’inconscience.

Le canon froid de l’arme de Jack sur sa tempe arrêta net son geste.

« Touche la encore une fois et ce sera ton dernier geste dans ce monde. » Annonça calmement Jack.

Barbossa se tourna vers lui.

« Qu’est-ce qui te prend Jack ! Tu ne veux plus devenir immortel ? »

 

Jack ramena doucement Elizabeth contre lui. Il l’entoura de ses bras et réajusta l’étoffe qui la couvrait à peine.

« Elle vient d’être torturée sans relâche. Ce n’est pas en lui hurlant dessus que tu vas avoir une réponse Hector. »

Elizabeth frissonna longuement en sentant les bras de Jack se refermer sur elle et des larmes d’impuissance commencèrent à cascader sur ses joues tandis qu’elle se débattait faiblement. Jack la regarda d’un air inquiet et posa doucement la main sur son front.

« Elle a de la fièvre. C’est pour ça qu’elle ne nous reconnaît pas. Lizzie, calmez-vous. On ne vous fera rien. »

Barbossa leva les yeux au ciel.

« Te voilà sentimental à présent. Seulement la reine des pirates étant à demi morte, je suggère que quelqu’un prenne sa place.

- Toi par exemple ?

- C’est une idée … »

 

Jack ne répondit rien et essuya doucement les larmes d’Elizabeth.

« Allons trésor, je vous l’ai dit déjà non ? Les reines ne pleurent pas. »

Tai immobilisa alors la voiture et ouvrit la porte pour les faire sortir à la hâte. Jack prit Elizabeth dans ses bras et tous se précipitèrent à bord du Black Pearl.

« On lève l’ancre. » Ordonna Jack d’un ton sans appel avant de porter Elizabeth dans la cabine principale et de la coucher.

Barbossa entra à sa suite.

« Cette cabine est la mienne Jack

- Plus maintenant. Va chercher la fille, elle va avoir besoin de soins.

- Va donc la chercher toi-même Sparrow !!

- Euh elle est là. Intervint Pintel qui se trouvait à la porte avec une femme terrorisée.

- Parfait, on ne te fera pas de mal ma belle. On veut juste que tu la laves et que tu la soignes savvy ? »

 

La servante hocha la tête en reniflant, sans comprendre pas ce qui lui arrivait. Une heure avant elle fermait la maison de ses maîtres, lorsque deux hommes lui étaient tombés dessus et l’avait enlevée sans autre forme de procès. Et maintenant on lui demandait de faire la toilette d’une inconnue. Habituée à obéir elle avança tandis que Ragetti lui tendait obligeamment un seau d’eau chaude et un linge propre.

« Fais attention à ses blessures. » Murmura Jack avant de tous les pousser vers la porte

 

Une fois dehors Barbossa se tourna vers lui.

« Cette fois Jack j’exige de savoir la vérité, qu’est-ce que tu mijotes ?

- Nous n’avons pas de temps pour ça. Il nous faut mettre le plus de distance possible entre Beckett et nous. Déclara Jack qui se dirigea vers la barre, se débarrassant au passage de la longue robe noire qui le couvrait.. Allez tas de chiens !!! Du mouvement je veux du mouvement !! Hurla-t-il en prenant la barre sans hésiter. Emmène-nous loin d’ici ma belle. » Murmura-t-il à l’adresse du navire.

 


Chapitre 13                                                                                                      Chapitre 15


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