Chapitre 4 : Leçons et déclarations


 

Port Royal.

 

Elizabeth Swann en guêtres et pantalon masculin se faufila hors de la maison de son père, le gouverneur. Ça faisait déjà plusieurs semaines qu'ils avaient appris avec consternation la nouvelle du meurtre de son fiancé à quelques mètres à peine de chez elle. Les premiers temps avaient été difficiles pour la jeune femme qui étouffait sous la sollicitude de leurs nombreux amis et serviteurs, chacun semblant croire qu'elle ne devait pas rester seule avec son chagrin. Mais en vérité Elizabeth, même si elle avait véritablement pleuré James, ne se sentait pas aussi triste et malheureuse que tout le monde se plaisait à le croire. Bien sûr elle avait toujours eu une affection sincère et du respect pour le commodore mais cela s'arrêtait là, en conséquence de quoi elle ne considérait pas sa vie brisée par la mort de son prétendant. Tirée de ses pensées, elle sourit légèrement en constatant qu'elle était arrivée à destination. Profitant d'un oubli fâcheux d'un garde elle pénétra dans le bureau en passant par le balcon et atterrit souplement dans la pièce. Étonnée, elle fouilla l'endroit des yeux à la recherche de celui qu'elle voulait surprendre et déglutit en sentant le canon d'une arme dans son dos.

 

« Vous êtes morte Elizabeth. » Énonça d'une voix amusée l'homme.

Elizabeth se retourna doucement.

« Je pensais pourtant pouvoir vous surprendre. Dit-elle en souriant.

- En passant par une fenêtre ouverte ? Tssss. Vous avez encore beaucoup à apprendre ma chère.

- Dans ce cas, apprenez moi je suis prête pour notre leçon. » Déclara-t-elle en s'emparant d'une épée.

 

Cutler Beckett la contempla en souriant avant de prendre à son tour son épée. Depuis la mort de Norrington il passait beaucoup de temps auprès de la jeune femme et allait jusqu'à lui donner des cours d'escrime en secret. En effet, il voulait qu'elle sache se défendre. Ce serait tellement plus amusant ainsi de la soumettre lorsque le moment serait venu. Cutler aimait la résistance, sentir une volonté farouche s'opposer à la sienne, sa victoire n'en avait ainsi que plus de saveur. De plus il devait reconnaître qu'il prenait beaucoup de plaisir dans ces rendez-vous secrets qui étaient pour lui l'occasion de se rapprocher de la jeune femme. Il avait été étonné de l'entendre accueillir favorablement sa proposition de leçon peu de temps après la mort du Commodore. Il avait cru que la jeune femme lui opposerait la bienséance mais ça ne fut pas le cas. Au contraire, Elizabeth accepta immédiatement sa proposition et alla jusqu'à suggérer elle-même que leurs leçons se déroulent en secret.

 

Il revint au présent et sourit en parant une botte qu'il lui avait apprise la veille. Elle était douée et pleine de promesses. Chaque fois qu'il la voyait il s'émerveillait de ce côté naïf voir enfantin qu'elle avait su garder. Elle ne voyait apparemment pas quoique ce soit de scandaleux dans le fait de rencontrer un homme en secret. Certes, leurs échanges avaient gardés le piquant de leur première rencontre, mais Cutler veillait à ne pas outrepasser les limites, il prenait plus de plaisir à la voir s'engager peu à peu sur le chemin qu'il traçait pour elle qu’une reddition trop rapide ne lui en aurait offert.

 

Elizabeth quant à elle, s’appliquait, elle aimait ces exercices quotidiens. Elle appréciait le fait que Lord Beckett ne la traite pas comme une petite chose fragile contrairement aux autres hommes qu'elle avait connu, enfin sauf Jack Sparrow mais celui-ci n'était somme toute qu'un pirate. Elle réussit une passe difficile et surprit son adversaire, un petit cri de victoire lui échappa tandis qu'elle posait sa lame sous la gorge de son professeur.

« Vous êtes mort Lord Beckett. Déclara-t-elle fièrement.

- On dirait bien … » Lui répondit celui-ci en la fixant dans les yeux.

 

Doucement il prit la main de la jeune femme et sentit son pouls battre plus fort sous l'excitation de la victoire. Sans mot dire il la caressa du bout des doigts et vit avec plaisir la jeune femme fermer brièvement les yeux à son contact. Brutalement, il lui tordit le bras, veillant néanmoins à ne pas lui faire mal. Pas encore. Ce faisant il la retourna, la désarma et la plaqua contre le mur.

« Elizabeth … Je vous l'ai dit ne relâchez jamais votre vigilance lorsque vous vous battez. Souffla-t-il à son oreille.

- Laissez-moi ! » S'exclama-t-elle.

Son cœur s'affola en sentant le corps de l'homme frôler le sien.

« Oh et pourquoi ferais-je ça Elizabeth ? Persuadez-moi. Murmura-t-il, curieux de voir jusqu'où son élève pourrait aller.

- Je pourrais vous tuer à notre prochaine passe d'arme !

- Oh, ce sont là tous vos arguments ? Vous me décevez j'attendais mieux de vous. » Lui dit-il avant de la relâcher à regret.

 

Elizabeth le regarda un instant, encore plus troublée par la déception qu'elle lisait effectivement sur son visage. Cutler, secrètement ravi de la voir répondre aussi parfaitement à ses provocations, la dévisagea d'un air hautain tout en allant se rasseoir derrière son bureau.

« Et bien Elizabeth ne restez pas plantée là, la leçon est finie ! »

Elle le regarda et décida d'entrer dans son jeu ou tout du moins ce qu'elle pensait être son jeu. Elizabeth se rapprocha lentement du Lord qui la dévisagea, brusquement intéressé il se demanda jusqu'où elle oserait aller. Elle se pencha sur lui, sa bouche à quelques centimètres de la sienne et lui sourit.

« Je suppose que nous nous verrons ce soir. » Murmura-t-elle.

 

Cutler écarta d'un geste volontairement nonchalant une boucle de cheveux échappée du chignon de la jeune femme avant de reprendre en rétablissant une distance entre eux.

«  En effet, votre père m'a convié à dîner. Pour cette occasion puis je vous suggérer de mieux attacher vos cheveux ? » Suggéra-t-il, vaguement ironique.

Elizabeth eut une moue dépitée avant de s'écarter.

« Je ferais ce qui me chante Lord Beckett ! » Déclara-t-elle avant de sortir par la fenêtre.

 

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Une fois qu'elle fut partie, Mercer sortit de l'ombre dans laquelle il restait dissimulé à chacune des visites de la jeune femme.

« Alors Mercer. Qu'en dites-vous ?

- Instructif … Elle recherche votre compagnie mais sans pour autant abandonner toute résistance.

- Elle est obstinée. Sourit Beckett. Et plus que prête à se marier si j'en crois l'approche dont elle m'a gratifiée avant de partir.

- J'en déduis que vous songez à vous déclarer … Ironisa Mercer.

- Oh Mercer je crois que la demoiselle est suffisamment engagée dans notre petit jeu pour accepter ma demande. Et ensuite, j'aurais enfin le plaisir de l’humilier, de la voir se plier à mes volontés… Rêva à voix haute Beckett.

- Et son père ? Demanda nonchalamment Mercer en aiguisant la lame de son couteau.

- Mourra au moment où il deviendra inutile ou trop curieux. » Sourit Beckett.

 

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Elizabeth se glissa silencieusement dans sa chambre et eut juste le temps de passer une robe de chambre avant que son père ne fasse son entrée. Le gouverneur la considéra avec inquiétude. Depuis la mort de James Norrington il lui semblait que sa fille se comportait étrangement. Elle restait parfois introuvable des heures durant. Cela l'angoissait d'autant plus que pendant ces dernières semaines trois jeunes femmes de Port Royal avaient disparues mystérieusement sans que l'on parvienne à trouver le moindre indice sur ce qui leur était arrivé.

«  Je t'ai apporté un petit cadeau pour le dîner de ce soir ma chérie.

- Encore ? Père vous me gâtez outrageusement. Badina Elizabeth qui découvrit avec émerveillement la dernière folie de son père.

- Parce que je suis fou de toi ma chérie. Et que les derniers temps n'ont pas été faciles pour toi.

- Oui. Se força à dire Elizabeth. La mort de James m'a vraiment peinée et avec le départ de Will… Heureusement que Lord Beckett nous fait l'amitié de ses visites. Ne put-elle s'empêcher d'ajouter.

- Oui bien sûr Lord Beckett. Soupira le gouverneur qui n'avait qu'une confiance limitée en l'homme. T'a-t-il fait part de ses intentions ? »

 

Elizabeth regarda son père. Elle n'avait jamais envisagé la situation sous cet angle. Bien sûr, assurément, elle appréciait la compagnie et la répartie de Lord Beckett mais ne l'avait jamais envisagé comme un parti sérieux. Weatherby observa sa fille et ne put retenir un petit soupir de soulagement en voyant les émotions se succéder sur son visage à mesure qu'elle réfléchissait à la situation. Il reprit :

« J'en déduis que non. Ma chérie, surtout prends ton temps avant d'engager ton cœur. Je sais que malgré ce que tu as toujours prétendu, les raisons de ton engagement avec James étaient particulières dirons-nous. Et comme je te l'ai dit, ce qui parait une bonne décision sur le moment n'en est pas forcément une sur le long terme. »

 

Elizabeth s'approcha de son père en souriant et déposa un léger baiser sur sa joue.

« J'ai compris Père ne vous faites pas de soucis pour moi. Lorsque le moment sera venu je saurais faire le bon choix, du moins je l'espère.

- Je l'espère aussi ma chérie et n'oublie pas que quoiqu'il arrive ton vieux père est là. » Sourit le gouverneur.

 

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Le soir venu, Cutler observa avec un air sardonique l'entrée d'Elizabeth au dîner. La jeune femme, étroitement sanglée dans la robe que son père avait fait faire pour elle, avait les cheveux coiffés en boucles anglaises mais indéniablement détachés. Cutler sourit largement devant cette bravade et s'inclina moqueusement devant elle.

« Vous êtes très belle Elizabeth, cette coiffure vous va à ravir.

- Vraiment Lord Beckett ? »

Cutler se contenta de lui sourire sans répondre et lui laissa l'illusion d'avoir remporté cette petite victoire.

 

Plus tard, il l'invita cérémonieusement à danser comme ils en avaient l'habitude depuis leur première rencontre. Cutler la faisait tourner dans ses bras, appréciant comme toujours la souplesse de son corps, lorsqu'il se décida à prendre la parole.

«  Elizabeth. Je crois que le moment est venu de préciser certaines choses entre nous. Vous êtes une jeune femme absolument charmante mais néanmoins intelligente et je pense que vous ne pouvez ignorer l'inclinaison que j'ai pour vous.

- Lord Beckett… Je

- Laissez-moi continuer, je vous prie. Ces dernières semaines m'ont montrées à quel point nous étions semblables. Réfléchissez Elizabeth, nous nous ressemblons beaucoup tous les deux.

- Comme deux gouttes d'eau. Murmura la jeune femme, l'expression s'imposa à son esprit sans qu'elle comprenne pourquoi.

- Oui. Sourit Beckett, étonné par la facilité de l'entreprise. C'est pour cela, Elizabeth que je vous demande de m'accorder votre main.

- Je… je ne sais pas quoi dire. » Balbutia-t-elle, revenant brutalement à la réalité.

 

Cutler la regarda dans les yeux et caressa négligemment son dos tandis qu'ils dansaient.

« Dites oui.

- Pourquoi voulez-vous m'épouser ? Vous avez besoin d'un ornement supplémentaire à votre bras ? Questionna-t-elle ironiquement.

- Le seul endroit que je désire vous voir orner c'est ma couche. Répondit insolemment Cutler. Épousez-moi et vous serez comblée au-delà de tout ce que vous avez pu imaginer. »

 

Elizabeth rougit violemment en entendant sa réponse, puis releva le menton avec une petite lueur dans le regard. Cet homme avait toujours été là pour elle, se rendant indispensable au cours des semaines qui avaient suivi la mort de Norrington. Elle eut un léger pincement au cœur en pensant à Will qui avait occupé ses rêveries pendant si longtemps. Un moment, elle avait caressé l'espoir de le voir revenir, pour elle. Mais il ne l'avait pas fait et Elizabeth ne se sentait pas prête à l'attendre toute sa vie. Cutler sentant sa réflexion, reprit la parole et se décida à lui dire ce que toute jeune fille souhaitait ardemment entendre.

« Elizabeth dites quelque chose je vous en prie. Je dépose mon cœur à vos pieds et si ma demande n'est pas conventionnelle c'est parce que je pense que vous et moi ne le sommes pas. Épousez-moi Elizabeth. »

La jeune femme le considéra un instant plus lui sourit doucement.

« Oui Lord Beckett, j'accepte de devenir votre femme. » Lui dit-elle, le cœur battant.

 

Cutler sourit largement. Il avait gagné, bientôt cette femme serait sienne et il pourrait enfin lui apprendre autre chose que de l'escrime. Il se pencha sur elle et l'embrassa sur les lèvres à la stupéfaction générale, prenant le parti d'annoncer ainsi leurs fiançailles.

 

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Lorsqu'il rentra chez lui ce soir-là, Cutler appela Mercer qui n'était jamais bien loin. Il leur servit à tout un cognac.

« Mercer, félicitez moi, je suis fiancé. La fille du gouverneur m'a fait l'immense honneur de m'accorder sa main. Déclara-t-il cyniquement.

- Oh… Et je suppose que vous souhaitez fêter cela dignement.

- Bien entendu Mercer. Disons, un petit entraînement pour la nuit de noce avec cette délicieuse Miss Swann. »

 

Sans mot dire Mercer, sortit et revint quelques minutes plus tard. Il traînait derrière lui une femme au visage atrocement tuméfié. Celle-ci, tremblante d'effroi se jeta aux pieds de Beckett pour implorer sa clémence. La saisissant par les cheveux pour l'obliger à se relever, Beckett la plaqua contre le mur avant de la prendre violemment ce qui arracha un gémissement de douleur à la femme qui subissait ce traitement depuis plusieurs semaines. Il assouvit son désir rapidement et se lâcha en elle avec un râle de plaisir avant de la rejeter au sol.

« Médiocre. Lança-t-il sèchement. Mercer débarrassez moi de ça. »

 

Puis il sortit de la pièce sans se retourner et songea qu'il était impatient de se marier, sourd aux cris de la femme que son homme de main se préparait à égorger.


Chapitre 3                                                                                                         Chapitre 5


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