Chapitre 18 : Quand Cotton se décide à parler


 

Le Hollandais Volant

Frontière entre les mondes

 

La lanterne servant à appeler les âmes en main, Bill agita lentement cette dernière avant de couler un regard en biais à Will. Malgré tous ses efforts, ce dernier n'avait pas renoncé à son projet d'aller voir les âmes en souffrance qui hantaient la frontière entre les deux mondes et s'évertuaient pour une partie à détruire ceux qui cherchaient à rejoindre le repos éternel pendant que d'autres âmes aussi infortunées que les premières cherchaient quant à elles à protéger les âmes dont Will avait la charge. 

 

Un air décidé sur le visage, ce dernier adressa un bref regard à Bill. 

« Je suis prêt. Quoiqu'il se passe, protège les âmes et reste à bord. » Lui ordonna Will d'une voix sèche qui trahissait son inquiétude.

Bill secoua la tête d'un air navré.

«  Tu n'apprendras rien et quand bien même tu ne sais pas exactement de quoi sont capables ces choses. C'est un risque trop grand Will.

- Aucun risque n'est trop grand si Elizabeth est en danger. » Répondit Will avec panache avant de monter dans la chaloupe sous le regard inquiet de son père.

 

Une fois dans la frêle embarcation, le jeune homme jaugea la situation. Les âmes libres avançaient lentement vers eux, pressées de rejoindre la sécurité du Hollandais Volant. En l'apercevant, certaines s'arrêtèrent brutalement et Will pesta entre ses dents en voyant les ombres maléfiques glisser vers elles. 

« Vers le bateau ! Leur hurla-t-il. Ne vous occupez pas de moi, montez à bord ! Dépêchez-vous ! »

Sans attendre, Will se précipita à contre-courant et frémit légèrement en voyant les âmes sombres se précipiter vers lui et délaisser les autres. Crispé, le jeune homme les fixa tandis que les "protecteurs" se mettaient en branle. Will hésitait sur la conduite à tenir lorsqu'une silhouette déformée attira son attention.

« Cotton... » Murmura-t-il avec regrets en le reconnaissant.

 

Cette fois mortellement inquiet pour Elizabeth, Will tenta de se frayer un passage vers le vieil homme et poussa un cri en sentant une brûlure à l'endroit où l'une des âmes venait de le toucher. Le jeune capitaine la repoussa avec l'énergie du désespoir et s'empressa en direction de Cotton. 

« Cotton ! hurla-t-il en arrivant à sa hauteur. Où est Elizabeth, comment va-t-elle ? »

Le muet se retourna vers lui et Will sentit un frisson glacé lui remonter le long de l'échine. Le regard dont le gratifiait Cotton n'avait plus rien de commun avec l'homme qu'il avait été, ou même avec quelque chose d'humain. Il déglutit nerveusement devant sa malveillance et recula légèrement tandis que l'autre fondait vers lui.

« Cotton, c'est moi, Will Turner... » Tenta-t-il.

Un sourire féroce se matérialisa sur les lèvres de Cotton et il se jeta sur lui avec violence. Serrant les dents, Will se préparait au choc, lorsqu'un des protecteurs barra soudainement la route à Cotton ou plutôt à la chose qui ressemblait à Cotton.

« Remonte sur ton navire William. » Lui ordonna le protecteur d'une voix qui résonna familièrement aux oreilles du jeune homme.

Pas celle de Jack non, mais elle lui ressemblait quand même. Il n'eut pas le temps d'y penser plus qu'à son grand effroi les lèvres de Cotton se mettaient brusquement à bouger tandis que le regard du marin recouvrait toute son humanité et s'emplissait d'une souffrance indicible.

« Tu ne peux pas m'arrêter Teague. C'est trop tard. » Articula Cotton d'un ton malveillant.

 

Un sourire ironique se força sur les lèvres du protecteur. 

« Tu es loin d'avoir gagné la partie Teach.

- Imbécile, siffla Cotton. Ta Confrérie est à genoux devant moi... » ricana t'il.

Le protecteur se tourna vers Will, il luttait visiblement pour empêcher « Cotton » de l’attaquer.

« Ne reste pas là jeune imbécile ! Ta place est avec ceux dont tu as la charge.

- Je ne partirais pas tant que je n'aurais pas obtenu ce que je suis venu chercher ! Hurla Will. Où est Elizabeth ? Où est ma femme ? »

Contrairement à ce qu'il escomptait ce fut Cotton qui lui répondit, d'un ton à l'ironie cruelle.

« Dans mon lit. C'est ma nouvelle putain, assez douée même si tu ne lui as pas appris grand-chose...

- Non, souffla Will avec l'impression qu'on venait de le frapper.

- Elle s'offre avec plaisir. » Ricana de nouveau Cotton qui profita du trouble du jeune homme pour avancer vers lui.

Le protecteur posa brutalement la main sur l'épaule de Will, lui causant une vive brûlure.

« Tu as l'information que tu étais venue chercher. Lui déclara-t-il, le regard empli de pitié. Maintenant retourne à ta charge, ce qui se passe dans l'autre monde n'est pas de ton ressort. »

 

Will se crispa, prêt à objecter mais un cri lui glaça le sang. Il se retourna vivement et poussa un hurlement en apercevant son père qui, dans une chaloupe, était assailli par les âmes. 

« Non ! » Hurla-t-il en se précipitant vers lui.

Le combat fut âpre, Will serra les dents face aux brûlures que le contact avec les âmes lui infligeait et finit par leur échapper ainsi que son père grâce à l'aide bienvenue des protecteurs. La mort dans l'âme, il s'éloigna, tandis que Bill haletait faiblement.

« Pourquoi as-tu fait une folie pareille, soupira t'il.

- Pouvais pas te laisser. » Murmura Bill, épuisé.

Will le guida jusqu'au navire mais alors qu'il allait l'aider à monter à bord la voix qui ressemblait tellement à celle de Jack s'éleva de nouveau.

«  Reste à bord de ton navire Turner. Lui ordonna-t-il.

- Vous ne pouvez pas me donner d'ordres ! » Lui répondit Will, furieux.

Cette fois la voix se fit basse, inquiétante.

«  A ta place je n'en serais pas si sûr petit. Le Roi de la Confrérie a eu la bonne idée de me confier ton cœur. Je n'hésiterais pas à faire usage de son pouvoir. »

 

Will baissa rapidement les yeux et aperçut le visage gris de son père, repoussant loin de lui tout ce qu'impliquait ce qu'il venait d'apprendre, Will se pencha vers lui et l'aida à monter à bord, inquiet à la pensée que Bill puisse ne pas se remettre de sa confrontation avec les âmes. 

 

L'île des épaves,  

Salle du conseil

 

Sous le regard inquiet de son loa, Teague ouvrit brutalement les yeux, le visage douloureux. 

« Vous allez bien ? » S’inquiéta-t-il

Teague ne répondit pas et baissa les yeux sur sa main, un sourire grimaçant sur les lèvres en découvrant une légère marque de brûlure sur cette dernière.

« On dirait que tes sorts de protection ne sont plus ce qu'ils étaient loa. »

Le sorcier regarda sa main avec effroi.

« C'est le plus efficace que je connaisse, la puissance de Teach grandit de jour en jour. Il faut les arrêter lui et son maudit sorcier avant qu'il ne soit trop tard ! »

 

Teague lui répondit par un sourire ironique. 

« J'en ai conscience loa.... Le Black Pearl les a trouvés. Le capitaine Swann est à bord de la Revenge ainsi que je le soupçonnais. Edward n'a pas pu s'empêcher de se vanter comme à son habitude.

- Et alors ? S'inquiéta le sorcier. Que leur a t'il fait ?

- Elizabeth Swann est sa maîtresse. répondit Teague avec froideur. Ce qui confirme nos hypothèses : Edward a renoncé à détruire la Confrérie parce qu'il espère utiliser le Seigneur Swann.

- Inutile de demander qui lui a mis cette brillante idée en tête. Grinça le loa. C'est tout à fait le genre de Jack. »

Teague tiqua.

« Je ne sais pas loa.... je croyais que peut être, Jack

- Qu'il avait grandi ? Le coupa le sorcier avec ironie. Vous avez toujours fondé trop d'espoirs sur lui. Faites-vous une raison et agissons maintenant, tant que nous le pouvons encore. »

 

Teague réfléchit quelques instants puis secoua la tête au grand dam du loa. 

« Non. Pas encore. »

Le sorcier le regarda avec rage.

« Je vous aurais prévenu Capitaine Teague !

- Attendons. Répondit Teague d'une voix qui ne souffrait aucune contradiction. Quand à toi tu ferais mieux de renforcer tes sorts de protection loa. Mets-toi-y dès maintenant. J’ai besoin d’être seul pour réfléchir.

- A vos ordres Capitaine. » Ragea le sorcier, furieux de son entêtement.

Teague se contenta d'un sourire et ferma les yeux, épuisé par sa confrontation inattendue avec Teach.

 

Le Hollandais Volant  

Mer des défunts

 

Will poussa un soupir de soulagement en voyant Bill reprendre des couleurs à mesure qu’ils s’enfonçaient dans l’autre monde. Inquiet, il passa de l’eau fraîche sur son front et se jura à lui-même de ne pas se le pardonner si jamais il arrivait malheur à son père par sa faute. Au bout d’un moment, Bill ouvrit les yeux et lui fit un pâle sourire.

« J’aurais peut-être du t ‘écouter… » Commença-t-il d’un air piteux en lisant l’inquiétude sur le visage de son fils.

 

Will se crispa et refoula sa colère : après tout, Bill avait voulu bien faire.

« Oui tu aurais du. » Soupira-t-il

Bill baissa le regard d’un air honteux et soupira à son tour.

« As-tu appris ce que tu voulais savoir ? S’inquiéta-t-il, mortifié à la pensée que son intervention ait pu contrecarrer les plans de Will.

- Oui. » Répondit mollement Will, une boule dans la gorge à présent que son inquiétude pour son père dissipée, les révélations de Cotton lui revenait en mémoire.

 

En voyant sa mine sombre, Bill se redressa brutalement, ses yeux bleus écarquillés de frayeur.

« Oh non Will. Ne me dis que … qu’elle est devenue … Commença-t-il avant de s’interrompre, incapable d’aller plus loin en voyant son fils blêmir.

- Non. Elle n’est pas devenue l’une des leurs. » Répondit Will d’une voix blanche.

Cette nouvelle rassura momentanément Bill puis l’homme s’avisa que son fils n’avait pas l’air plus joyeux pour autant.

« Will ? Tu as appris quelque chose n’est-ce pas ? Qu’est-ce que c’est ? »

 

Will soupira douloureusement et se mordit la lèvre, évitant le regard de Bill tandis qu’il répondait.

« Elizabeth, elle est à bord du bateau de Teach… Il me l’a annoncé lui-même. Grimaça-t-il.

- Oh non… Will… Non… » Murmura Bill, terrifié à l’idée que le jeune homme puisse abandonner sa charge pour voler à son secours, ce qui ferait de lui un monstre à l’instar de celui qu’avait été Jones.

Will comprit sans difficultés les raisons de son inquiétude et s’empressa de le rassurer avec amertume.

« Rassure-toi je ne compte pas voler à son secours, puisque selon Teach, elle est devenue… Elle... Sa maîtresse consentante. » Finit-il par souffler d’un ton douloureux.

Cette fois, le regard de Bill se remplit de compassion et il posa sa main sur son bras.

« Oh… Je suis désolé fils, tu es sûr qu’elle ? »

Le regard sombre, Will hocha silencieusement la tête avant de reprendre.

« Je ne sais pas pourquoi… pourquoi … Mais je sens que c’est vrai. Je sais que c’est vrai. Même Teague le croit.

- Teague ??? Répéta Bill avec incrédulité. Il était là ? Mais alors ça veut dire que Teach…

- Ça veut juste dire que mes soupçons étaient fondés. Le coupa Will d’un ton rageur. Teague est bien celui qui commande les âmes « protectrices » Et il y a pire ! »

Bill déglutit nerveusement tandis que Will finissait d’une voix sombre.

« … Teague a mon cœur. »

 

Le vieil homme mit quelques minutes à digérer l’information puis il s’écria :

« Quoi ? Mais comment est-ce possible ?

- Elizabeth le lui a confié. Répondit Will d’un ton morne.

- Oh Will… » Murmura Bill, navré pour lui devant cette double trahison.

Ne supportant plus l’air rempli de pitié qu’il arborait, Will se leva brusquement et commença à arpenter la pièce, réfléchissant à voix haute.

« Qu’Elizabeth ait fait confiance à Teague peut s’expliquer. Elle a du le lui confier pour être certaine que Blackbeard ou un autre ne l’utiliserait pas contre elle. S’il est comme Jack, il a du réussir à l’embobiner. »

Bill le fixa et tenta de le rassurer.

« Peut-être que Teach t’a menti.

- Je ne pense pas. L’âme dont il s’est servi pour me parler est celle de l’un des hommes du Pearl.

- Ils sont donc prisonniers ! » S’exclama Bill.

 

Will parut reprendre espoir à cette idée et se retourna vers lui.

« Oui c’est forcément ça. Je n’arrive pas à croire que… qu’elle ait pu me… Trahir. Surtout pas avec un ennemi de la Confrérie. Il exerce peut être une pression sur elle. Si elle veut, protéger quelqu’un …

- Mais qui ??? Cela ne peut pas être toi, puisqu’elle a confié ton cœur au Capitaine Teague. »

Cette fois un reniflement rempli d’amertume lui répondit.

« Je ne vois qu’une seule autre personne : Jack. Après tout elle est allée au bout du monde pour lui… » Ragea Will.

Bill haussa le sourcil d’un air de doute tandis que Will continuait à arpenter la pièce, le visage douloureux.

« Et l’équipage ? Après tout tu m’as toi-même dit qu’elle avait sacrifié Jack pour les protéger… et toi aussi. »

Will reprit un peu de couleur, rassuré d’avoir une autre explication que celle très inconfortable d’une Elizabeth prête à tout pour protéger le pirate.

« Oui peut être…Oui, elle se sacrifierait pour eux… » Répondit Will d’un ton songeur.

 

Bill hocha tristement la tête.

« C’est bizarre. J’aurais cru que Jack était assez malin pour comprendre que Teach les attirait dans un piège. »

Will grimaça à la pensée d’Angelica et répondit avec un vague dégoût.

«  Jack est incapable de résister à une jolie fille.

- Mais Barbossa oui ! S’exclama Bill. Marty nous a bien dit qu’il était à bord et que tous se méfiaient de la fille de Teach, y compris Elizabeth ! Elle ne lui aurait jamais fait assez confiance pour se jeter dans son piège ! »

 

Bill s’interrompit brutalement en comprenant l’implication contenue dans ses paroles. Les deux hommes échangèrent un regard, rempli d’horreur pour Bill, anéanti pour Will.

« Mais elle aurait eu assez confiance en Jack. » Murmura Will d’une voix blanche.

Cette fois, Bill ne trouva rien à objecter. Son fils avait raison, de tous les pirates capables de traîtrise se trouvant à bord et Calypso savait qu’ils étaient nombreux, le seul dont Elizabeth ne se méfiait pas était leur vieil ami. Jack.

 

Un silence de plomb retomba dans la cabine puis Bill se décida.

« Will… Que comptes-tu faire ?

- Je ne sais pas encore. Répondit le jeune homme. Mais crois-moi celui qui a trahi Elizabeth le regrettera. Même s’il s’agit de Jack Sparrow. »

Bill corrigea mentalement la phrase de son fils. Surtout s’il s’agissait de Jack Sparrow aurait été plus juste. En effet, même si Will ne s’en était jamais clairement ouvert à lui, il savait qu’il redoutait le pirate et son influence sur sa femme.

« Repose-toi.  Lui enjoignit Will. Je vais prendre la barre. »

Bill le regarda avec inquiétude.

« Promets-moi juste …

- Quoi ? Demanda Will d’un ton méfiant.

- Que tu ne feras rien de stupide. » Lui répondit Bill.

 

Le sourire de Will s’emplit d’amertume à nouveau et il fixa son père.

«  Je te promets de ne rien faire pour l’instant, si tu me jures en échange de te reposer. Je n’ai pas envie de te perdre toi aussi. » Soupira-t-il.

Touché, Bill hocha la tête.

« Ça n’arrivera pas… »

Un silence gêné suivit ses paroles que Will se décida finalement à briser.

« Bien. Dans ce cas, je vais prendre la barre. Après tout nous avons des âmes à guider, » plaisanta-t-il, mi-figue mi-raisin.

Bill ne protesta pas, même si d’autres auraient pu tenir la barre à la place de Will. Il avait compris que c’était le seul moyen que son fils avait trouvé pour ne pas se torturer à la pensée de ce que, dans l’autre monde, Elizabeth était en train de faire.

 

Le Victory

Toujours perdu…

 

L’Amiral Greitzer reposa la longue vue qu’il tenait d’un air dépité.

«  Il n’y a rien… Rien d’autre que cette foutue mer à perdre de vue ! » S’exclama-t-il.

Le regard morne, Groves ne répondit rien. L’euphorie qui avait suivi la missive l’avait déserté à son tour, les longues heures passées à chercher le passage menant à l’île minuscule dont l’émissaire leur avait transmis les coordonnées ayant eu raison de son enthousiasme comme de celui de son ami.

 

Greitzer jeta la longue vue à l’un des soldats puis explosa à nouveau.

« Nous avons été fous de l’écouter. Comme si cet homme pouvait vouloir nous aider ! »

Ses cris de rage alertèrent plusieurs hommes qui se retournèrent vers eux avec inquiétude et, sentant la menace, Groves le prit par le bras, l’entraînant vers sa cabine

« Bon sang reprenez-vous Greitzer. Vous êtes Amiral. Siffla-t-il entre ses dents. Si l’équipage comprend que nous ne savons pas plus que lui ce que nous cherchons c’est la mutinerie assurée ! » Termina-t-il en claquant la porte sur eux au nez du soldat qui les suivait.

 

L’Amiral le fixa et se dirigea vers une bouteille, dont il but le contenu à même le goulot.

« Et que croyez-vous qu’ils feront lorsqu’ils découvriront que nous suivons depuis des jours les indications que le .. Le Chef de la Confrérie des Pirates nous a transmises par le biais d’une mystérieuse femme qui s’est volatilisée !!!

- Moins fort. Lui intima Groves qui lui prit la bouteille des mains, se servant au passage. Et c’est le Gardien du Code.

- Je ne vois pas en quoi cela fait une différence !! S’énerva Greitzer. C’est un pirate comme les autres !

- Sa lettre dit qu’il désire autant que nous mettre un terme aux agissements de Blackbeard. »

 

Greitzer ricana à cette mention et lui reprit la bouteille des mains.

« Et depuis quand la Royal Navy ou la Compagnie des Indes font-elles confiance à un pirate ?

- Depuis que c’est la seule chance que nous ayons de réussir notre mission. Rétorqua Groves. Je n’ai pas besoin de vous rappeler ce qui nous attend tous les deux si nous échouons n’est-ce pas ? »

Toute envie de boire envolée, Greitzer blêmit et soupira.

« Seigneur pourquoi a-t-il fallu que Lord Hawks me nomme Amiral. Je n’ai pas les compétences pour ça .

- Mais il a jugé que vous en aviez les connaissances. Rappela Groves d’un ton froid. Allons reprenons les coordonnées qu’il nous a transmises. Nous avons forcément du nous tromper dans nos calculs et manquer quelque chose. Par là par exemple. » Lui expliqua-t-il en lui montrant la longue côte qu’ils avaient longée quelques jours plus tôt.

 

Découragé, Greitzer secoua la tête.

« Que voulez-vous que nous ayons manqué ?

- Je ne sais pas … Un passage … Une enclave … Suggéra Groves en examinant la carte. Je suis certain que cette île est celle dont il parlait. Murmura-t-il en désignant un point minuscule.

- Mais un passage vers quoi ???? Lui demanda Greitzer. Il n’y a rien sur cette île, elle est déserte. Où voulez-vous qu’elle mène ?

- Mais je ne sais pas ! S’énerva Groves. Une mer par exemple.

- Une mer ??? Répéta l’autre avec incrédulité. Mais enfin s’il y en avait une elle serait sur nos cartes !

- Il existe peut-être des mers ignorées… » Murmura Groves d’un ton songeur.

 

Greitzer secoua la tête en l’entendant.

« Des mers ignorées mais enfin sauf votre respect Théodore….

- Et pourquoi pas ? Rétorqua Groves. Vous qui connaissez tellement de légendes devez bien savoir que de telles choses sont possibles !

- Mais le propre des légendes est JUSTEMENT d’être des légendes… Et donc de ne pas exister. » Souligna Greitzer.

Groves releva les yeux et se permit un sourire ironique.

« Ah oui ? Pourtant c’était bien vous qui parliez du « légendaire » Capitaine Blackbeard… Et vu notre situation actuelle on dirait bien que la légende est devenue vivante. Alors pourquoi pas une autre ? Celle du Hollandais Volant est vraie aussi. S’échauffa Groves. Et un jour, l’Amiral Norrington, paix à son âme, m’a raconté qu’il était allé sur l’île de la Muerta.

- L’Amiral Norrington ??? S’étonna Greitzer.

- Il avait trop bu, ça lui a échappé mais ce n’est pas le problème ! S’exclama Groves. Le problème est que nous avons des coordonnées qui ne mènent à rien qui existe sur nos cartes. Nous avons donc négligé quelque chose parce que nous pensons tout connaître. »

 

Vaincu par ses arguments et n’ayant de toute manière rien de mieux à proposer, Greitzer céda.

« Que préconisez-vous ?

- Je vous l’ai dit, cette île est la seule chose que nous ayons réussi à identifier à partir des informations transmises par le capitaine Teague. Rebroussons chemin et explorons la. S’il y a quelque chose à trouver, c’est forcément là-bas…

- A moins que nous ne soyons trompés pour ça aussi. Soupira Greitzer avec lassitude.

- Dans ce cas, il n’y a qu’un seul moyen d’en être sûrs. » Répondit Groves.

Greitzer soupira lourdement et renonça.

« Soit après tout nous ne sommes plus à un acte ridicule près. »

Groves se contenta de sourire et se précipita à l’extérieur. Il donna l’ordre à des soldats médusés de faire voile en arrière.

 

 

L'Île des Épaves,

Salle du Conseil

 

Cela faisait maintenant plusieurs heures que le Capitaine Teague se reposait, totalement immobile. A de nombreuses reprises, le loa tenta de venir reprendre leur conversation et ainsi de le persuader d'agir avant de renoncer à la vue du visage gris de fatigue du gardien dont les traits, contrairement à d'ordinaire, accusaient son âge avancé. Le sorcier revenait pour la cinquième fois lorsque la voix de Teague s'éleva, exprimant sa lassitude. 

«  Je suis réveillé loa. Et j'ai pris une décision. »

 

Le sorcier sourit en l'entendant et Teague grimaça. 

« Je doute qu'elle te plaise loa, néanmoins j'en suis arrivé à la conclusion que pour l'instant, c'est la seule chose à faire. »

Le loa le fixa et attendit tandis que Teague prenait la parole, presque à regret.

« Rassemble toutes nos forces disponibles et dis aux âmes de mettre à sac le port de Nassau. Qu'ils détruisent tout sur leur passage et qu'ils indiquent aux survivants que Blackbeard a commandité l'attaque. »

Le sorcier le fixa incrédule, n'osant croire ce que l'autre lui ordonnait et qui n'était ni plus ni moins qu'un massacre.

« Mais des tas d'innocents vont mourir ! C'est contraire à toutes nos règles !

- Crois-tu que je ne le sais pas ! Rétorqua Teague. Seulement il n'est plus temps d'hésiter, comme tu l'as dit toi-même nous devons agir.

- Mais les habitants de Nassau...

- Toutes les guerres ont leurs victimes innocentes loa. Ainsi en est-il depuis le début du monde et en sera t'il jusqu'au bout. » Répondit Teague.

 

Le sorcier secoua la tête avec incompréhension. 

« Mais les âmes... Lorsqu'elles ont acceptés de nous aider, de VOUS aider, ce n'était pas dans le but de détruire !

- Les choses ont changées, la Compagnie traque tous les pirates, nous devons faire en sorte que l'étau se resserre sur Edward.

- Pourquoi ? Demanda le loa. Qui cherchez vous à protéger ainsi ? Quel est le but d'un massacre ? »

Teague soupira lourdement.

« Je te l'ai dit loa, le but est que les regards soient braqués sur Teach. »

Afin que Jack ait les mains libres, compléta mentalement le loa sans oser le dire à voix haute, au lieu de ça il objecta :

« En faisant cela vous vous comportez comme lui.

- Je sais. Répondit Teague. Mais en temps de guerre tout est permis. Et je pense que même pour toi il est évident que nous sommes en guerre. »

 

Le sorcier grimaça, l'idée d'ordonner un massacre ne l'enchantait guère, d'autant plus que leurs combattants seraient des hommes et des femmes de Libertalia, des volontaires qui s'étaient sacrifiés afin que l'âme de la Confrérie des Pirates vive au prix de la leur. Les envoyer commettre un massacre alors que leur rôle devait à la base être celui de protecteur lui déplaisait souverainement. 

« Et si je refuse ? Demanda-t-il à Teague. Que ferez-vous ? »

Le gardien lui adressa un regard las.

« Je comprendrais et je ne t'en tiendrais pas rigueur loa, comme nous tous tu es un homme libre. Je trouverais un autre sorcier moins scrupuleux, dans nos mers ce n'est pas ce qui manque. » Ironisa-t-il.

Le loa soupira lourdement puis le fixa.

« Vous avez vraiment foi en lui n'est-ce pas ? »

Teague ne lui demanda pas de qui il parlait, la chose était évidente.

« Oui, je sais que tu me vois comme un vieux fou mais j'ai besoin de croire en quelque chose alors pourquoi pas en lui ? »

Le loa soupira, il songea qu'il y avait de nombreuses raisons à cela mais choisit de garder le silence, désireux de ne pas accabler plus encore son "maître" et ami. Ils avaient liés leurs destins des années plus tôt, lorsque la mère de Jack était morte. Ils ne s'étaient jamais séparés depuis unis par le vide que la maîtresse de l'un et la sœur de l'autre avait laissé. Le sorcier soupira donc et répondit lentement.

« Inutile de vous chercher un autre sorcier, je ferais ce que vous me demandez même si je désapprouve. »

 

Teague sourit avec tristesse. 

« Merci loa... Il y a encore une chose que je dois te demander.

- Laquelle ? demanda le sorcier qui s'attendait maintenant à tout.

- Lorsqu'ils iront là-bas... Dis leur d'épargner le remplaçant de Beckett et de ramener deux prisonniers, des soldats. Lorsqu'ils seront là, arrange-toi pour les contraindre.

- Vous voulez dire les réduire en esclavage. Lui asséna durement le loa.

- Oui, répondit Teague. Mais après tout, si la Compagnie disposait des mêmes armes que nous, je doute qu'ils fassent preuve de scrupules.

- Voilà pourquoi nous avons toujours rejeté leurs règles, soupira le loa.

- Je sais. Mais parfois pour conserver un idéal intact... Il faut y renoncer temporairement. » Répondit Teague en attrapant sa guitare.

Le loa se contenta de s'incliner et sortit, laissant Teague seul avec ses pensées tandis qu'il allait donner l'ordre d'un massacre dont ni lui ni le gardien n'avaient voulu mais qui s'avérait nécessaire.

 

Nassau, 

Port

 

Lord Hawks fut brutalement sorti de la douce torpeur qui l'avait envahi à l'issue du repas avec l'un des riches planteurs de l'île par des hurlements déchirants. La perruque de travers, l'officier grommela des imprécations contre ceux qui avaient l'audace de le sortir ainsi de son sommeil et ouvrit la porte donnant vers le port. Devant le spectacle qui l'attendait, les insultes moururent dans sa gorge. Blême, Lord Hawks n'attendit pas de voir la suite des événements pas plus qu'il ne chercha à apporter son aide aux soldats visiblement dépassés par la violence de l’assaut : il referma la porte sur lui et poussa le verrou d'une main tremblante avant de se laisser glisser sur le sol. 

 

Il n'avait vu qu'une infime part de la bataille, non du massacre, qui se déroulait derrière la porte. Tremblant, le front dégoulinant de sueur, Lord Hawks songea à la scène digne de l'apocalypse qu'il n'avait fait qu'entrevoir. Des corps démembrés gisant au sol, des soldats baignant dans leur propre sang, le feu qui se propageait rapidement sur les navires. Une explosion retentit non loin de là et Hawks poussa un gémissement terrifié en comprenant que les monstres, il n'y avait pas d'autres mots pour désigner les choses au regard vide et aux sourires cruels qu'il avait entrevues, venaient de faire sauter la réserve de poudre. Le cœur prêt à exploser, l'envoyé de la compagnie rampa jusqu'àson bureau, sous lequel il se glissa, priant pour que les monstres ne le trouvent pas.  

 

Il retint sa respiration en entendant une porte grincer. 

« My Lord ? Mais enfin que se passe-t-il ici ? » Demanda le jeune insigne qu'il s'était attribué pour son service personnel.

Avant que Hawks ait pu comprendre ce qu'il faisait, le jeune homme sortit son sabre et se dirigea vers la porte.

« NON !!! » Hurla Hawks en comprenant brutalement.

La porte à présent ouverte, le jeune homme s'arrêta brusquement et se retourna vers le bureau.

«  Lo... » Commença t'il.

Il ne finit jamais sa phrase. Deux zombies se jetèrent sur lui et transpercèrent son ventre d'un coup d'épée.

« De la part de Blackbeard. » Déclara l'un d'entre eux.

 

Les yeux grands ouverts, le jeune insigne se laissa tomber à genoux sur le sol, un filet rouge s'écoula entre ses lèvres et Hawks se recroquevilla dans sa cachette en entendant le bruit des pas étrangement hachés des zombies. Tremblant de peur, il entendit ces derniers jeter ses documents au sol et fit une prière muette pour ne pas qu'ils le voient. Il déglutit nerveusement lorsque son regard tomba sur son insigne, dont les yeux grands ouverts cillaient nerveusement, signe qu'en dépit de sa blessure le jeune homme était encore vivant. Ne pouvant plus supporter cette vue, Hawks ferma les yeux et serra ses paupières le plus fort qu'il le pouvait.

 

Au bout d'un moment, les cris déchirants des victimes de la hargne des zombies se turent et Hawks crut défaillir de soulagement en les entendant se diriger vers la sortie 

« Ramenons celui-ci... Déclara l'une des choses. Blackbeard a demandé deux prisonniers. »

Le cœur de Hawks se souleva de dégoût en entendant le chuintement que fit l'insigne lorsqu'ils le soulevèrent et il se recula le plus qu'il le pouvait dans sa cachette. Il laissa encore passer quelques minutes, puis risqua un coup d'œil vers la pièce. Constatant que les zombies étaient repartis, laissant planer derrière eux un silence épais sur le port de Nassau, Lord Hawks sortit prudemment de son bureau et prit le temps de remettre de l'ordre dans sa tenue avant de sortir constater les dégâts.

 

Alors qu'il découvrait les flammes qui dévoraient ses précieux navires et les corps qui jonchaient le sol, la peur qu'avait ressentie Lord Hawks laissa la place à la rage et il fouilla l'horizon du regard à la recherche d'un survivant. 

« Dieu merci vous êtes en vie ! » S'exclama un des soldats au visage maculé de sang.

Le regard dur, Hawks se tourna vers lui.

« Oui et ce n'est pas grâce à vous soldat mais bien grâce à mon courage devant les assaillants !

- Mais, mais ils, ils sont invincibles, possédés, des des démons. » Bredouilla le soldat.

Le poing du lord s'écrasa sur son visage et Hawks sourit en sentant l'os craquer.

« Taisez-vous. Il est inutile d'affoler plus la population avec vos contes de bonne femme. Occupez-vous des hommes blessés puis remettez un navire à flots, il va falloir trouver Blackbeard nous-mêmes puisque Greitzer et Groves semblent être incapables de mettre un terme à sa carrière.

- Mais et ...et la population ? » Demanda le soldat.

Hawks le regarda sans comprendre et il poursuivit avec hésitation.

« Beaucoup sont blessés... Et ils ont besoin d'aide....

- Non. Trancha Hawks. Ce dont ils ont besoin c'est que vous mettiez Blackbeard hors d'état de nuire au plus vite. Pour cela il faut remettre à flot le maximum de navires possibles. Voilà la priorité soldat. »

Ce dernier frémit et tenta à nouveau.

« Mais sans aide, sans soins, beaucoup mourront my Lord.

- Que voulez-vous que ça me fasse ! » Lui répondit Hawks en repartant vers son bureau en pestant devant l'inefficacité de ses troupes.

Comment n'arrivaient ils pas à comprendre que s'ils ne neutralisaient pas très vite Blackbeard le Roi mettrait un autre à sa place. Et assurément pour Hawks, la disgrâce était une humiliation pire que la mort....

 

L'Île des Épaves 

Salle du Conseil

 

Une expression écœurée sur le visage, le loa s'approcha de la silhouette immobile de Teague. Le gardien avait beau lui tourner le dos, il savait que malgré les apparences, il ne dormait pas, loin de là, comment aurait-il pu y parvenir alors que la massacre qu'il avait commandité était en train de se produire ?  

« C'est fait. » Déclara le loa.

Les épaules de Teague tressaillirent légèrement, pourtant il répondit d'une voix calme.

« Bien, je te remercie loa. Et pour mon autre requête ?

- Ils sont là. Deux moribonds; il ne leur reste plus longtemps à vivre

- Achève-les. Ordonna Teague. Puis envoie leurs âmes auprès de ceux de la compagnie..... Et indique moi le plus faible, j'ai besoin de prendre le contrôle, je veux voir où sont « nos amis » les soldats... Histoire de m'assurer qu'ils ne se sont pas perdus. »

Le loa frémit.

«  Vous êtes encore faible après votre confrontation avec Teach ! Vous devriez vous reposer. Attendez un peu... »

Teague sourit avec lassitude.

« Quel que soit l'issue de cette guerre, j'aurais tout le temps de me reposer une fois qu'elle sera finie. Pour l'instant, je ne peux m'offrir le luxe de le faire. Appelle-moi quand ils seront prêts. »

 

Le Victory,

En plein demi-tour…et toujours perdu

 

Greitzer et Groves partageaient tranquillement un repas une fois de plus trop arrosé, ce qui faisait d’ailleurs penser à Groves qu’ils s’engageaient tout deux sur la pente glissante jadis empruntée par feu Norrington, sans toutefois trouver la force de lutter contre leur penchant de plus en plus manifeste pour l’alcool, lorsqu’un soldat poussa un cri qui leur glaça le sang.

 

Les deux hommes se levèrent d’un bond et échangèrent un regard angoissé avant de se précipiter à l’extérieur de la cabine de l’Amiral. Tout d’abord l’horizon désert et le calme du pont poussa Groves à se demander si comme eux, l’équipage ne noyait pas son inactivité forcée dans la bouteille. Jusqu’à ce que Greitzer ne lui donne un virulent coup de coude, le visage blême de terreur.

« Mais c’est … impossible… » Souffla Groves en reconnaissant deux soldats qui n’auraient théoriquement rien eu à faire sur le pont, parmi lesquels l’insigne dévolue au service de Lord Hawks.

 

Le Commodore jeta un regard de biais à Greitzer et grimaça en constatant que ce dernier semblait paralysé par la terreur.

« Permettez Amiral… » Déclara-t-il d’une voix forte en s’approchant des deux soldats vraisemblablement réduits à l’état de zombies.

Ces derniers ne bougèrent pas à son approche et se contentèrent de poser sur lui leurs regards vides. Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que, malgré le fait que leurs corps tenaient encore debout, toute vie les avait désertés

«  Que se passe-t-il ? » Demanda Groves.

Le son de sa voix résonna étrangement dans le silence qui semblait avoir envahi le pont.

 

Cela sembla sortir Greitzer de sa torpeur terrifiée et il s’avança également, au grand soulagement de Groves qui commençait à craindre sérieusement une mutinerie.

«  Qui vous a fait ça ? » Leur demanda-t-il.

L’insigne de Hawks prit la parole d’une voix désincarnée qui semblait venir de très loin tandis que ses yeux jusqu’à présent vides s’emplissaient de souffrance au grand effroi des deux officiers.

«  Blackbeard. Répondit-il. Blackbeard. Nassau. Tous morts… »

Un murmure inquiet secoua le pont et du coin de l’œil, Groves vit les soldats échanger des regards éperdus. En effet, nombreux parmi eux, en garnison depuis longtemps y avaient laissés femmes, enfants ou parents. Inquiet, il jeta un petit regard à l’adresse de Greitzer et constata que ce dernier semblait frappé par l’horreur. Une fois de plus il prit les choses en main.

« Pourquoi êtes-vous ici ?

- Pour que vous le trouviez… Tuez… » Souffla le jeune insigne.

 

Groves hocha la tête gravement, espérant que l’autre s’en tiendrait là mais le visage de l’insigne se déforma brusquement en une grimace cruelle.

«  Jamais… Vous ne me trouverez… Ni moi ni le passage dans l’île qui mène à moi… » Tonna une voix forte.

Plusieurs soldats reculèrent vivement en l’entendant et Groves lui-même du se faire violence pour ne pas bouger. Jusqu’à ce que l’insigne ne se jette sur lui. Conscient du danger, Groves porta la main à son épée mais Greitzer fut plus rapide que lui et planta son sabre sans hésitation dans le corps du malheureux zombie. A leur grande surprise, ce dernier s’évapora brusquement et ils se tournèrent en direction de celui qui l’accompagnait… Il avait lui aussi disparu.

 

Perplexes, Groves et Greitzer échangèrent un regard.

«  Vous croyez qu’on a trop bu ? Demanda à voix basse Greitzer.

- Dans ce cas le reste de l’équipage aussi… » Répondit Groves en lui désignant les soldats pétrifiés par l’horreur.

Greitzer, blanc comme un linge, hocha la tête et se racla la gorge.

«  Reprenez vos postes ! »

Un tollé indigné salua son ordre et Groves avança.

« Allons, si Blackbeard a réellement détruit Nassau, ce dont je doute, il nous appartient à nous de venger ses habitants. Vous avez tous entendu. Ce sale pirate ne pense pas que nous trouverons son repaire. Nous allons le détromper. Dans deux jours nous arriverons en vue d’une île, l’Amiral Greitzer est intimement persuadé que c’est là que se trouve le fameux passage qu‘il a évoqué, voilà la raison du demi-tour que nous avons fait hier. Une fois sur place nous la fouillerons de fond en comble. Vous savez tous ce que nous cherchons : un passage. Maintenant obéissez et reprenez vos postes. »

 

Les hommes renâclèrent puis au grand soulagement de Groves, ils obéirent finalement. Une fois le rassemblement dispersé, Groves se tourna vers Greitzer.

« Vous m’avez sauvé la vie Amiral. Merci. »

Greitzer secoua négativement la tête et se pencha vers lui.

« Non Théodore, c’est vous qui sauvez la mienne à chacune de vos interventions. Si vous n’étiez pas encore intervenu, ils se seraient mutinés pour vous mettre à ma place. Et honnêtement, je ne pourrais pas leur en vouloir, vous valez cent fois mieux que moi comme officier. Vous devriez les laisser faire. »

Groves soupira.

« Hors de question. Je vous l’ai dit. J’ai vu assez d’hommes de valeur mourir pour ne pas désirer qu’un tel sort arrive encore à l’un d’entre nous. Et puis … du reste si je me suis trompé sur l’île… Nul doute que ce sera la dernière chose que vous et moi verrons… » Grinça-t-il.

Les épaules de Greitzer s’affaissèrent brutalement et il soupira.

« Dieu fasse que nous ne soyons pas trompés dans ce cas… Et que le Capitaine Teague soit bien de notre côté.

- Je l’espère… » Répondit Groves d’un ton sombre en songeant qu’il avait bien besoin d’un verre.

Comme s’il lisait dans ses pensées, Greitzer lui désigna sa cabine.

« Je n’ai plus très faim. Mais il reste à boire. »

Groves sourit tristement et lui emboîta le pas, après ce qu’il venait de voir, la menace de devenir un jour comme Norrington dans sa plus mauvaise passe lui paraissait bien douce au regard de tout ce qui pouvait les frapper.

 

L’Île des Épaves

Salle du Conseil

 

Teague poussa un gémissement douloureux et ouvrit les yeux sous le regard inquiet du loa.

« Je crois… » Balbutia-t-il, épuisé.

Le sorcier secoua la tête et lui intima le silence mais Teague poursuivit.

«  Promets-moi. De le laisser aller au bout si ...

- Reposez-vous…Le coupa le loa. Ou vous ne serez effectivement pas là pour voir si vous avez justement placé votre confiance. » Déclara-t-il, ses mains s’agitant au-dessus du corps de Teague pour nouer des sorts de protection pendant que le pirate sombrait dans l’inconscience.


Chapitre 17                                                                                                      Chapitre 19


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