Chapitre 26 : Dernière étreinte


La chute fut brève et Jack se rattrapa in extrémis à une fort providentielle branche d'arbre, il contracta sa mâchoire sous l'effort tandis qu'il maîtrisait sa chute et celle d'Elizabeth. Tout autour d'eux les balles sifflèrent pendant que la voix rageuse de Natalia résonnait.

« Ne les laissez pas s'échapper ! Tuez-les

- Prête Lizzie ? Murmura Jack entre ses dents, toujours accroché à sa branche.

- Je, je ne sais pas. » Répondit Elizabeth d'une voix blanche, un peu déstabilisée par la vitesse à laquelle les événements s'étaient enchaînés.

A quelques mètres au-dessus d'eux, ils purent entendre la voix de Natalia hurler ses ordres

« Descendez bandes d'imbéciles, fouillez le parc et ramenez les moi ! »

 

Jack poussa un grand soupir fatigué et lâcha la branche. Quelques secondes plus tard, Jack et Elizabeth atterrirent dans un buisson épineux et le pirate poussa un soupir de soulagement avant de remettre rapidement sur ses pieds, aidant sa complice à faire de même.

« Rien de cassé ?

- Non. Je, je crois que ça va. Répondit-elle

- Alors on court ! » Lui ordonna Jack en la prenant par la main pour l'entraîner à travers le parc.

 

Derrière eux, Elizabeth entendit soudain les cris de la garde de Fitz et poussa un léger glapissement au son d'une détonation qui fit voler un morceau de l'écorce de l'arbre le long duquel elle venait de passer. Le cœur cognant à tout rompre dans sa poitrine elle suivit Jack tandis qu'il l'entraînait à sa suite, ils traversèrent le parc qui entourait la propriété jusqu'à parvenir à la grille qui était surveillée par deux gardes.

« L'effet de surprise. » Haleta Jack en fonçant sur eux sans s'arrêter.

Elizabeth ne réfléchit pas à l'inconscience de ce geste et le suivit, tous deux percutèrent de plein fouet le soldat qui s'était levé à leur approche.

 

L’homme regarda Elizabeth et sa robe tâchée de sang d'un air incrédule et Jack lui mit un coup de poing violent dans le ventre.

« Désolé mon gars… Pas le temps. Annonça-t-il en poussant Elizabeth vers la route.

- NE LES LAISSEZ PAS S'ECHAPPER ! Hurlèrent leurs poursuivants. CE SONT DES ASSASSINS ! »

Avant que le second garde ait eu le temps de réagir, Jack poussa Elizabeth vers le bois qui bordait la route et la guida dans les ténèbres, trébuchant de temps à autres sur une racine.

 

Au bout d'un moment, exténué, il la poussa dans un buisson et la força à s'aplatir tandis qu'il s'étalait sur elle. Rouge et peinant à reprendre sa respiration Elizabeth observa du coin de l'œil le groupe de soldats qui les dépassa et enfonça ses ongles dans la terre humide, terrifiée à l'idée qu'ils les découvrent.

« Ne bouge pas. Souffla Jack à son oreille.

- On les trouvera jamais ! Se lamenta un garde

- Il nous faut des torches. » Renchérit un autre.

Jack se leva légèrement et reprit la main d'Elizabeth, il l'entraîna à pas de loup vers la direction opposée à celle de leurs poursuivants tandis que ces derniers tentaient de s'organiser.

 

Ce faisant, Jack se rapprocha imperceptiblement de la route et entraîna brusquement Elizabeth droit vers cette dernière. Il mit un doigt sur sa bouche et lui intima de se taire pendant que la charrette d'un paysan passait lentement devant eux. Sans attendre, il entraîna Elizabeth à sa suite, le bruit de leur course masqué par celui des sabots du cheval et la souleva pour l'aider à grimper dans la carriole couverte. L'instant d'après il se hissait à son tour avant de se laisser retomber contre les sacs de blé avec un soupir soulagé.

 

Jack et Elizabeth restèrent silencieux de longues minutes et reprirent leur souffle tandis que du fond de la carriole qui les emmenait en sécurité, ils pouvaient voir les torches des soldats occupés à fouiller les bois dont chaque martèlement des sabots du cheval les éloignait. Au bout d'un moment, Jack bougea légèrement et se rapprocha d'Elizabeth, la serrant contre lui.

« Tu n'as rien ? » Lui demanda-t-il tout bas.

Elizabeth hocha la tête en signe d'ignorance, la main gauche crispée sur le morceau de Conque auquel elle s'était accrochée et Jack desserra doucement ses doigts pour s'emparer de l'objet.

«  C'est fini Lizzie. » Lui affirma-t-il.

 

Alors que la carriole tournait brusquement et s'engageait sur un chemin de traverse, les nuages s'écartèrent enfin, laissant la lumière blafarde de la pleine lune pénétrer leur abri de fortune.

« Tu saignes ! S'exclama Jack à mi-voix en découvrant le sang qui s'écoulait des blessures qu'elle s'était faite en tentant de se libérer.

- Me suis coupée … » Murmura enfin Elizabeth qui se sentait terriblement faible.

Jack se pencha vers elle et déchira sans hésitation le bas de sa robe, dont il s'empressa de faire un bandage étroit pour ses poignets. Elizabeth lui fit un léger sourire en le voyant faire et leva une main, effleurant son visage.

« Toi aussi tu saignes…

- Oui mais moi je suis le Capitaine Sparrow. » Lui répondit-il, soulagé qu'elle n'ait apparemment rien de grave et en la reprenant contre lui.

 

Elizabeth resta quelques instants immobile, la tête contre le torse de son amant puis releva les yeux avec effort.

« Merci Jack.

- Tu sauves ma vie, je sauve la tienne trésor c'est comme ça. Répondit Jack en l'embrassant sur la tempe

- Où allons-nous ? Demanda Elizabeth en se laissant bercer par les oscillations de la carriole et par la chaleur que lui procuraient les bras de Jack autour d'elle.

- Loin d'ici. Répondit Jack avant de faire une moue navrée. Mon tricorne … Il est resté à l'auberge ! »

Elizabeth retint de justesse un rire. Ils venaient d'échapper à la mort et le seul souci de Jack était son chapeau.

« Tant pis j'en emprunterais un autre. Soupira-t-il avec exagération tout en fouillant son habit pour en sortir son bandana sous l'œil ébahi d'Elizabeth.

- Tu l'as pris avec toi ?

- Je ne tenais pas à le perdre. Répondit Jack en envoyant négligemment dans un coin de la charrette la lourde perruque bouclée qu'il portait. Trésor tu veux bien ? » Lui demanda-t-il en lui tendant le foulard avec un sourire désarmant.

 

Elizabeth se redressa lentement et noua le bandana autour de la tête de Jack, leurs bouches à quelques centimètres l'une de l'autre.

« Comme la première fois… Souffla Jack. Sauf que cette fois personne ne peut m'empêcher de faire ça. » Ajouta-t-il en l'embrassant doucement.

Elizabeth soupira et se laissa faire tandis qu'elle savourait un sentiment de sécurité retrouvée. Jack s'écarta lentement d'elle et lui sourit légèrement, repliant son bras autour d'elle.

« S'il n'y avait pas ce type devant je m'occuperais encore mieux de toi. » Souffla Jack d'un ton équivoque.

Elizabeth frissonna légèrement et se colla contre lui tandis que les cahotements de la charrette les berçaient.

« Essaie de dormir un peu… Murmura Jack. Nous aurons tout le temps une fois que nous serons arrivés quelque soit l'endroit où ce gars nous emmène. »

Elizabeth ne répondit pas, le cœur soudain lourd à la pensée qu'à présent qu'elle avait la Conque son temps avec Jack et sa liberté étaient comptés.

 

()()

 

Ce fut Jack qui réveilla Elizabeth, la secouant légèrement alors que la carriole passait les portes d'une petite ville encore endormie. Elizabeth cligna légèrement des yeux tandis que Jack lui adressait un sourire paresseux.

« Bien dormi ? » Lui demanda-t-il.

Elizabeth hocha silencieusement la tête. Elle frémit au souvenir des cauchemars qui avaient peuplé son sommeil, mêlant sa rencontre avec Fitzwilliam et sa charge future de capitaine du vaisseau maudit.

« J'ai connu pire. » Finit-elle par déclarer.

 

Une moue contrariée se forma un instant sur le visage de Jack qui s'était fort bien rendu compte de son agitation mais il se garda de tout commentaire et reprit d'un ton neutre.

« Nous venons d'entrer dans une ville trésor. Je crois qu'il est temps pour nous de quitter notre charrette, je n'ai pas envie que ce paysan raconte à qui veut l'entendre qu'il a transporté involontairement un couple, en particulier au vu de ta robe ensanglantée. »

Elizabeth grimaça et posa un œil dégoûté sur ses poignets dont le bandage jadis blanc avait pris une teinte rosée.

« Nous allons profiter d'un ralentissement puis nous sortirons. » Souffla Jack.

 

Quelques instants plus tard, l'occasion se présenta et ils sautèrent hors de la carriole, Elizabeth manqua de tomber en trébuchant dans les longs plis de sa robe. Jack la retint fermement et l'entraîna dans la ruelle la plus proche, les soustrayant aux regards d'éventuels curieux. Une fois en sécurité, le pirate s'immobilisa et huma l'air avec un sourire ravi, une expression soulagée sur le visage

« Un port. Nous sommes près de la mer et nous serons bientôt loin d'ici.

- Oui. » Répondit mollement Elizabeth.

 

Jack la regarda d'un air critique. Il nota les cernes violacées qui s'étendaient sous ses yeux et la regarda, un éclair rusé traversant brièvement son regard.

« Avant toute chose, il nous faut trouver un endroit où nous reposer. Annonça-t-il en l'entraînant dans la ruelle.

- Ne me dis pas que tu as justement une de tes connaissances qui réside ici. » Commença Elizabeth.

Jack se retourna vers elle et sourit.

« Allons trésor, j'ignore même où nous sommes si ce n'est que nous sommes proches de la mer. Mais avant toute chose. Il faut te trouver d'autres vêtements.

- Oh et comment vas-tu trouver ça ? » Demanda Elizabeth avec un air dubitatif vers les maisons encore endormies ou à peine réveillées.

Jack bomba fièrement le torse et la regarda.

« Allons trésor... Qui suis-je ?

- Un pirate ?

- Non. Le capitaine Sparrow voyons ! » S'indigna Jack en lui intimant de ne pas bouger.

 

Surprise, Elizabeth resta immobile tandis qu'il sautait souplement la barrière de bois d'une des pauvres maisons qui bordaient la rue. Quelques instants plus tard, Jack fit sa réapparition tenant un morceau d'étoffe d'un beige banal.

« Les femmes sont toutes les mêmes. Murmura-t-il. Elles aiment les fenêtres ouvertes. »

Elizabeth regarda la robe puis ses yeux se posèrent à nouveau sur Jack.

« Dépêche-toi trésor . On a pas toute la journée. » S'impatienta Jack.

 

Tremblante, Elizabeth tenta de se débarrasser de sa robe roidie par le sang et sourit avec reconnaissance à Jack lorsque ce dernier vint à son aide et déchira sans états d'âmes le tissu précieux qui la composait. Frissonnant de froid, Elizabeth passa la robe de tissu grossier pendant que Jack fourrait le vêtement derrière un tas d'immondice.

« Parfait. Susurra-t-il. Maintenant on trouve une chambre… »

 

Ils ne furent pas très longs à trouver une auberge prête à les accueillir même si la matrone détailla Elizabeth de haut en bas avant de déclarer que son établissement était honnête. Sans se démonter Jack prit la main d'Elizabeth et l'exhiba sous les yeux sceptiques de la tenancière.

« Ma femme. Expliqua-t-il. Nous sommes fatigués et nous voulons manger. »

Finalement, l'appât du gain fut le plus fort et l'aubergiste céda devant les promesses d'une bourse bien remplie.

 

()()

 

Quelques minutes plus tard, attablés à une table faite d'un bois épais, Jack et Elizabeth dégustaient en silence une assiette de gruau chaud, la jeune femme y trempant allègrement de larges tranches de pain frais.

« Et ben ça pour avoir faim. » Commenta la femme.

Elizabeth s'interrompit brutalement, le regard coupable avant de tendre son assiette à nouveau.

«  Il en reste ? »

 

L'aubergiste la regarda brièvement et s'adoucit un peu en constatant que le visage d'Elizabeth était gris de fatigue et ses yeux élargis par les cernes d'une nuit sans sommeil. Sans dire mot, elle resservit une pleine assiette à Elizabeth qui la remercia chaleureusement pendant que Jack glissait discrètement une pièce à la femme.

« Nous sommes épuisés. Nous allons dormir. Nous aimerions ne pas être dérangés. » L’avertit-il.

La tenancière haussa les épaules et Jack entraîna Elizabeth vers les étages.

 

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Une fois installée, la jeune femme constata avec soulagement qu'une bassine d'eau chaude les attendait et elle s'empressa de se laver sommairement, effaçant de son corps les traces du sang de l'homme qu'elle avait tué de sang-froid. De son côté, Jack se déshabilla lentement et s'installa dans le grand lit, ouvrant les draps pour qu'elle puisse venir s'y glisser.

 

Un quart d'heure plus tard, ils étaient serrés l'un contre l'autre et savouraient de se retrouver enfin en sécurité. Jack fut le premier à parler tout en sortant le dernier morceau de Conque de sous son oreiller.

« Le moment est venu Lizzie.

- Maintenant ? Glapit presque Elizabeth, le cœur lourd.

- Et bien, nous pouvons déjà réunir les trois morceaux. Comme ça tu pourras les garder sur ton collier. Expliqua Jack. Pour le reste, je doute que Calypso vienne à terre, nous attendrons d'être en mer pour l'invoquer. »

 

Elizabeth faillit laisser filer un soupir de soulagement avant de rougir de honte à la pensée que chaque minute passée dans les bras de Jack était une minute de plus que son fils devait vivre sur le Hollandais Volant. Jack l'observa attentivement puis grimaça, attendant vainement qu'elle parle.

 

Voyant qu'elle ne se décidait pas, Jack se pencha sur son collier, il le défit lentement de son cou et entreprit de réunir les trois morceaux, qui, à leur grande surprise se soudèrent les uns aux autres, reconstituant instantanément la Conque.

 

Le regard brillant mais un peu angoissée, Elizabeth examina l'objet fait de l'or le plus pur sur lequel brillaient des pierreries avec un mélange d'horreur et d'espoir. C'était donc ça la fameuse Conque qu'elle cherchait depuis des mois. Son seul espoir de sauver William et aussi le symbole de sa prison future. Jack lut son trouble sur son visage et il l'entoura de son bras.

« Ça va Lizzie ?

- Oui, je pensais … je pensais … Commença-t-elle avant de se raviser, ne voulant pas gâcher ce qui était sûrement ses derniers moments d'intimité avec Jack par une confession aussi gênante que malvenue.

- Oui ? Je ne te savais pas timide. » Plaisanta Jack en la serrant contre lui.

 

Elizabeth leva les yeux sur lui et son regard s'adoucit un bref instant pendant qu'elle songeait qu'elle l'aimait. Elle était tombée dans ses bras aussi naturellement qu'il le lui avait prédit des années plus tôt lorsqu'elle n'était encore qu'une jeune fille fascinée par les pirates. Elle avait été épouse, mère et veuve avant d'enfin être amante. Et elle ne regrettait plus son aventure avec Jack. Malgré les catins, malgré Natalia. Dans quelques jours ou peut être quelques heures le destin les séparerait et Jack reprendrait sa route, voguant de port en port, papillonnant de femmes en femmes. Et si elle devenait Capitaine du Hollandais Volant, elle n'aurait jamais à souffrir de le voir l'abandonner comme lorsqu'il avait fait l'amour avec la Duchesse. Jack s'occuperait de William. De cela elle ne doutait pas. Le cœur serré, Elizabeth résolut de passer sa dernière journée à terre avec Jack et William et elle sourit tristement à son amant.

«  Je me disais que j'avais envie que tu sois là lorsque je délivrerais William. » Répondit-elle d'une voix tremblante.

 

Jack détourna les yeux un infime instant avant de les reposer sur elle, vaguement ironiques.

« Si tu veux trésor … Une raison particulière à ça ? »

La gorge serrée, Elizabeth secoua la tête et se serra instinctivement contre lui.

« Non. Jack ?

- Oui ? » S'empressa de répondre le pirate, la gorge sèche et le cœur battant, espérant qu'elle lui révèle enfin la vérité qu'il était censé ignorer.

Elizabeth laissa sa main glisser sur le ventre de Jack et le caressa lentement.

« Fais-moi l'amour. » Souffla-t-elle, déjà triste à l'idée que cette fois serait la dernière.

Jack s'immobilisa une fraction de seconde puis un petit sourire cynique naquit sur ses lèvres tandis qu'il se penchait sur elle pour l'embrasser.

« Accordé… » Murmura-t-il.

 

()()

 

Les heures s'écoulèrent lentement. Et Elizabeth oublia pour la dernière fois tout ce qui n'était pas Jack. Leurs corps affamés l'un de l'autre se rejoignirent alors que des soupirs rauques leur échappaient. Jack prit le temps de la caresser, l'amenant au bord de l'orgasme avant de la laisser, frissonnante de désir pour mieux la reprendre ensuite. Elle avait l'impression que ses mains, sa bouche, son sexe étaient partout à la fois, la caressant et lui donnant du plaisir. Quant à elle, elle ne cessait d'embrasser le corps offert de son amant, espérant vainement garder le goût de sa peau sur ses lèvres, son odeur sur son corps.

«  Lizzie … Gémit Jack pendant qu'elle allait et venait sur lui, le cœur cognant comme jamais dans son torse.

- Je. Viens Jack… Je suis à toi… » Soupira-t-elle.

 

A ces mots, Jack s'immobilisa brusquement et la saisit par les poignets, plongeant son regard dans le sien.

« C'est vrai Lizzie ?

- Oui… Gémit Elizabeth en cherchant à se dégager de son étreinte pour l'attirer à elle alors que son regard emplit de regrets se posait instinctivement sur la Conque qui trônait sur la table de chevet comme un rappel constant de la réalité et son marché.

- Ne jamais faire confiance à un pirate. » Marmonna Jack à qui le regard d'Elizabeth n'avait pas échappé.

 

Avec un regain d'énergie il se redressa soudain et plaqua sa bouche contre celle de sa compagne tandis qu'il la faisait rouler sur le lit, passant au-dessus d'elle sans rompre leur étreinte. Leurs gémissements envahirent à nouveau la pièce alors qu'elle jouissait violement pendant qu'il s'enfonçait profondément en elle et l'embrassait dans le cou pour étouffer son propre cri de plaisir.

 

Essoufflé, Jack se laissa tomber auprès d'elle, les yeux brillants de plaisir et Elizabeth se retourna vers lui, se lovant contre son torse comme elle en avait pris inconsciemment l'habitude.

« Jack ?

- Oui mon ange ?

- Dis-moi. Comment, comment as-tu su ce que Fitz projetait de faire ? Je veux dire, je me croyais perdue et tu es brusquement arrivé. »

Jack soupira et referma son bras autour d'elle, un sourire rusé aux lèvres.

« A cause d'une petite erreur de cette chère Natalia. »

 

Elizabeth se redressa légèrement et attendit la suite.

« Après que Natalia m'ai montrée son œuvre d'art. Continua Jack sur un ton ironique. Nous sommes retournés dans la grande salle. Je t'ai cherchée et j'ai tout d'abord pensé que tu avais réussi à te faufiler. Mais Natalia a surpris mon regard et elle a dit que Fitzwilliam avait sûrement pris en main l'oie blanche qui me servait de sœur. Avant de ricaner et d'ajouter qu'en fait d'oie, c'était plutôt un cygne. C'est là que j'ai compris qu'ils avaient toujours su qui nous étions. Alors, je, j'ai fait mine de ne pas avoir compris et j'ai fait semblant d'avoir besoin de me rafraîchir pour mieux combler ensuite la femelle… Une fois la surveillance déjouée, ce qui me fut facile, je suis parti à ta recherche. »

Elizabeth fronça les sourcils et regarda Jack avec attention.

« La demeure est immense … Comment as-tu fait pour me retrouver aussi vite ? »

Jack la regarda d'un air détaché.

« Je connais Fitz et ses habitudes. Il m'a suffit de trouver son bureau pour savoir où tu étais ….

- Mais comment savais tu où il se trouvait ?

- Toutes les maisons anglaises sont construites de la même manière trésor. » Répondit Jack sans se démonter, ne souhaitant pas lui révéler qu'en fait il avait utilisé la méthode la plus simple et la plus évidente qu'il soit : son compas.

 

Elizabeth le regarda pensivement un instant puis parut se satisfaire de sa réponse. De son côté, Jack la serra un peu plus contre lui et caressa négligemment ses cheveux cendrés. Épuisée par leur longue fuite, Elizabeth ferma les yeux peu à peu et laissa un sommeil lourd et sans rêve la cueillir.

 

()()

 

Lorsqu' Elizabeth commença à se réveiller, la nuit tombait sur l'Angleterre et la jeune femme s'étira mollement, cherchant instinctivement la chaleur du corps de Jack à laquelle elle s'était habituée. Elizabeth poussa un grognement mécontent en s'apercevant qu'elle ne rencontrait qu'un drap froid et ouvrit les yeux, cherchant Jack dans la chambre exigüe qu'ils partageaient.

 

Il n'était pas là.

 

Cette fois bien réveillée, Elizabeth rabattit frileusement le drap autour d'elle avant de se décider à enfiler ses vêtements grossiers. Les doigts gourds, elle se dépêcha de remettre sa robe simple. Jack avait sûrement eu faim, ce qui était d'ailleurs son cas à elle aussi, et elle sourit à l'idée de le retrouver attablé dans la salle de l'auberge devant un plat fumant.

 

Elle s'avança vers la table de chevet pour récupérer la Conque nouvellement entière et son cœur rata en battement en découvrant une bourse à demi pleine à l'endroit où aurait du se trouver son collier improvisé. Une angoisse sourde monta en elle et s'approcha lentement de la bourse, notant au passage que les maigres effets de Jack avaient totalement disparus de la pièce. Elizabeth souleva lentement la bourse et poussa un cri de détresse en comprenant que Jack était parti. Avec la Conque et son fabuleux pouvoir…

 

Le cœur serré et les larmes aux yeux, elle sortit de la chambre et se précipita dans l'escalier. Elle cueillit au passage l'aubergiste qui les avait accueillis plus tôt dans la journée.

« Mon. L'homme qui m'accompagne … Où est-il ? » Balbutia-t-elle.

La matrone grimaça en voyant son état et l'entraîna à l'écart.

« Calmez-vous. Vous allez faire fuir les clients. Votre mari est parti il y a de ça plus de trois heures. »

A demi hystérique cette fois, Elizabeth la prit par les épaules.

« Où ? Où est-il ?

- Bah il m'a demandé s'il y avait des navires qui devaient lever l'ancre aujourd'hui. Je lui ai indiqué Le Morgan. »

Elizabeth poussa un hoquet de souffrance et la relâcha, pour courir aussi vite que ses jambes le lui permettaient vers le port.

 

Une fois arrivée, les cheveux au vent et insensible au froid qui régnait, elle se précipita vers un jeune mousse.

«  Le Morgan ! Dis-moi où il est vite ! »

Le jeune garçon la regarda avec étonnement et désigna l'océan du pouce.

«  Bah l'est parti d'puis deux bonnes heures m'dame…

- NON ! Hurla Elizabeth en se précipitant sur le quai.

- Bah si … » Répondit le gamin qui la dévisagea tout en songeant qu'elle était folle.

Elizabeth ne répondit pas saisie par une brusque nausée tandis que son cœur gonflait dans sa poitrine, prêt à exploser. Jack était parti. Il avait profité de son sommeil pour lui voler sa seule chance de sauver William. Il l'avait utilisée, l'avait traitée comme une catin et finalement …

 

Les pensées d'Elizabeth s'arrêtèrent là alors qu'elle s'évanouissait, ivre de colère et de chagrin.


Chapitre 25                                                                                                    Chapitre 27


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