Chapitre 16 : Retour en Angleterre & Rencontre


Après sa spectaculaire évasion de Nassau, Jack resta un temps sur le navire à bord duquel il avait trouvé refuge. Le capitaine de ce dernier s'avéra être plus que conciliant et Jack découvrit bien vite qu’Amand le corsaire n'était en fait qu'un maudit pirate sous ses dehors de respectabilité. Les deux pirates sympathisèrent rapidement. Amand admira l'habileté de Jack qui non seulement avait mis à sac le port de Nassau mais en plus s'en était sorti indemne. Jack, prudent, se garda bien de lui révéler qu'en fait il fallait plus attribuer le pillage aux soldats plutôt qu'à lui-même.

 

A de nombreuses reprises, Amand lui demanda comment il s'y était pris pour réussir le tour de force d'échapper à une armée entière, question à laquelle Jack était bien en peine de répondre. Il ne savait pas exactement comment il avait fait. Il avait juste ingurgité la potion qu'il avait « empruntée » à Tia et les soldats avaient semblé ne pas le reconnaître tout simplement. Finalement, il céda aux insistances du capitaine qui l'avait si bien accueilli et lui raconta comment il avait fait. Enfin, il lui narra sa version personnelle de l'histoire.

 

Persuadant aisément l'autre de son ingéniosité, Jack acquit ainsi le respect de l'homme qui lui avait en fait sûrement sauvé la vie. Amand partagea avec lui le récit de ses plus glorieuses rapines. Les deux hommes avaient en commun un goût immodéré pour les jolies femmes. Amand montrait une curieuse inclinaison pour les nonnes et raconta à Jack plusieurs aventures croustillantes où il était question de jeunes filles cloîtrées dans un quelconque couvent, attendant qu'on les donne à marier, et qui se laissaient facilement séduire par une robe d'ecclésiaste. Amand expliqua à Jack en détail que de tous les déguisements celui-ci était sans doute le meilleur, tant pour séduire les femmes que pour passer en travers des mailles du filet tendu par les autorités.

 

Jack écoutait de toutes ses oreilles, racontait peu, étudiait beaucoup. Jusqu'au moment où Amand se rappela enfin où il avait déjà attendu le nom de Jack Sparrow. Ils étaient dans la cabine du capitaine et se régalaient d'un excellent rhum lorsque la mémoire revint brutalement à Amand qui en cracha son délicieux rhum.

« Sparrow ! » S’exclama-t-il

Jack leva un sourcil interrogateur ça faisait des semaines qu'il naviguait à bord du navire d'Amand. Celui-ci connaissait son nom pourtant ! Méfiant, il reprit.

« Oui Jack Sparrow, alors l'ami tu as bu trop de rhum ? Plaisanta-t-il tout en cherchant du regard une échappatoire au cas où les choses tourneraient mal.

- Tu es celui que Sao Feng recherche n'est-ce pas ? »

 

Jack se raidit, il avait complètement oublié son précédent capitaine et sa fuite (encore une !) échevelée dans les rues de Singapour. Prenant un air dégagé qu'il était loin de ressentir il posa une main sur son pistolet, et répondit.

« Oh ce cher Feng comment se porte t'il ? La dernière fois que je l'ai vu il semblait passablement énervé. »

A sa grande surprise Amand éclata de rire.

« Énervé? Tu plaisantes ! Il est hors de lui ! Rien que le fait de prononcer ton nom le fait entrer dans une rage noire ! En fait depuis votre malheureux « accrochage » Il passe son temps à te rechercher… Entre deux bains de vapeurs. » Conclut Amand hilare.

 

Jack se représenta parfaitement la scène et sourit joyeusement sans pour autant baisser sa garde… Amand lui lança un regard calculateur qui ne fit que renforcer la défiance de Jack qui attendit patiemment qu'il en vienne au vif du sujet. Après moult hésitations et détours ce dernier finit par en venir au seul sujet qui l'intéressait réellement.

« Dis-moi, il parait que tu lui as dérobé un objet cher à son cœur. »

Jack, qui voyait tout à fait de quoi il voulait parler, joua cependant l'innocence.

« Oh tu sais elle n'était pas si exceptionnelle que Feng voudrait le faire croire. »

Amand s'immobilisa un moment, cherchant de quoi Sparrow voulait parler, avant de comprendre.

« Je ne parlais pas de la fille mais de la liste, tu sais sur la Muerta. »

Jack, rit intérieurement et prit alors l'air de celui qui comprenait brutalement.

« Oohhhhhhhh ça …. Vois-tu l'ami, c'est un peu comme la fille rien de bien intéressant. Tout au plus la propagation d'une légende.

- Une légende pour laquelle Feng a mis ta tête à prix. »

 

Jack déglutit. Feng était donc réellement furieux. Il avait effectivement tapé juste en lui volant cette liste. Jack coula un regard vers Amand. L'éclat avide qui brillait dans son regard ne lui plut pas du tout et lui sembla de très mauvaise augure. Alors Jack fit ce qu'il faisait de mieux: il improvisa.

« Oui mais tu sais le trésor de l'île de la Muerta n'est qu'une légende. Une très jolie légende, mais je suis des Caraïbes, et tu peux me croire. »

Jack s'interrompit en sentant le canon froid du pistolet d'Amand sur sa gorge.

« Allons Amand, je croyais que nous étions entre collègues, que nous devenions comme qui dirait des amis ? » Tenta-t-il.

Amand éclata d'un rire froid, et lentement, baissa le canon de son arme.

« Des amis hein ? Et bien mon ami Jack si tu commençais par me montrer ce précieux parchemin que je constate par moi-même son insignifiance. »

Jack, dont les yeux avaient cherché en vain une échappatoire, sourit à Amand d'un air assuré et mit familièrement son bras autour de son épaule.

« Vois-tu j'aimerais bien mais le fait est que le dit parchemin n'est pas en ma possession pour l'instant. »

 

Sentant l'homme se raidir, Jack s'empressa de continuer.

« Je l'ai dissimulé dans un endroit, à terre …

- Et où cela ? » Demanda Amand.

Jack joua le jeu et éclata d'un rire bref.

« Voyons mon ami tu crois vraiment que je vais te le dire ? Mais si je faisais ça plus rien ne t'empêcherais de me tuer pour t'en emparer. Dit-il sur le ton de la plaisanterie.

- Je pourrais aussi te menacer de te tuer si tu ne parles pas. Répondit Amand sur le même ton

- Ce qui serait stupide. Car une fois que je serais mort qui pourrait te mener au trésor mmm ? Non le mieux est que nous y allions ensemble. » Termina Jack en souriant de toutes ses dents en or.

Amand lui sourit à son tour aussi artificiellement.

« Et où allons-nous ?

- Angleterre. » Répondit Jack sans savoir pourquoi, en vérité c'était la première idée qui lui était venue à l'esprit.

 

Des semaines plus tard…

 

Le navire mouilla enfin à Plymouth au terme d'un voyage qui avait été épuisant tant pour Jack que pour Amand. En effet, chacun des deux hommes se tenait à présent sur ses gardes et Jack avait beau affecter une désinvolture qui agaçait au plus haut point Amand, il n'en menait pas large. En débarquant sur cette terre qui avait été témoin de son supplice et de la chute de l'existence qu'il avait mis tant de temps à se construire Jack ne put empêcher son cœur de se mettre à battre plus fort. Le regard vague, il s'accorda quelques instants pour songer à sa vie d'avant, à la Compagnie, à l'exaltation qui gonflait son cœur la dernière fois qu'il avait foulé cette terre.

 

La voix pressante et désagréable d'Amand le ramena bien vite à la réalité.

« Alors Sparrow où se trouve le parchemin ?

- A Londres. Répondit laconiquement Jack.

- Dans ce cas, allons à Londres ! »Répondit Amand dont la froideur du regard démentit le ton enjoué.

 

Les deux hommes parvinrent à Londres sans encombre. Jack n'était pas dupe de son compagnon. Il avait très bien repéré les deux hommes qui les suivaient et qui appartenaient à l'équipage d'Amand. Seulement il fit l'idiot, faisant semblant d'avoir été berné. Il cherchait un moyen de semer Amand et ses sbires, se fiant à sa connaissance relative des rues de Londres, lorsque le destin lui amena le salut de manière détournée. Jack en était encore à chercher une issue lorsqu' Amand, rempli de son importance, percuta ce qui ne pouvait être qu'un minable sans la moindre envergure mais que Jack reconnu immédiatement. Tout comme l'uniforme des soldats qui venaient de tourner au coin de la rue. Faisant semblant de ne pas avoir reconnu l'homme qu'Amand venait de percuter il prit ce dernier par l'épaule et lâcha à voix haute d'un ton provocant.

« Et si on s'offrait une fille ? Les jeunes anglaises sont délicieuses et ne rechignent pas à la tâche, j'en ai connu une qui mmmm. »

 

Et ce que Jack avait escompté se produisit. Reconnaissant l'homme à la fois tant aimé et haï, Cutler Beckett se mit à pousser des cris retentissants et appela à grands renforts de gestes la Garde Royale. Amand ne comprit pas tout de suite qu'il était question d'eux, Jack, lui, prit l'air affolé et jeta.

« On applique le code l'ami ! »

 

Sans attendre de réponse il s'engouffra dans une ruelle et sema ainsi les sbires d'Amand qui, voyant leur capitaine aux prises avec des soldats, s'étaient élancés pour le tirer de ce mauvais pas. Jack entendit les cris de Beckett hurlant qu'ils devaient attraper ce criminel de Sparrow et la haine qui transparaissait dans sa voix le blessa plus qu'il ne voulut l'admettre. Se rappelant les histoires racontées par Amand, Jack pénétra dans la première église venue et assomma le malheureux prêtre qui croisa son chemin.

 

Au bout d'un moment, Jack ressortit de la sacristie, vêtu de l'habit sacerdotal et le capuchon soigneusement rabattu sur les cheveux. Sans hésitations, il se dirigea vers la sortie de l'église, sachant que le prêtre ne serait pas long à refaire surface et qu'il vaudrait mieux pour lui qu'il soit loin quand ça se produirait. Il marchait dans la rue d'un pas lent et s'efforçait de camoufler sa démarche si aisément reconnaissable lorsqu'il sentit une main agripper sa robe. Tremblant de crainte que ce ne soit un soldat il poussa un énorme soupir de soulagement en découvrant une petite fille âgée d'à peine cinq ans et qui le dévisageait sérieusement. Entrant dans son rôle, Jack lui sourit, dissimulant toujours son visage.

« Qu'y a-t-il mon enfant ? Demanda-t-il, espérant que la petite n'était pas une habituée de la paroisse.

- Mon Père… » Commença-t-elle avant de s'arrêter, des larmes brillant dans ses yeux sombres.

 

Jack, attendri, lui porta un peu plus d'attention, la petite était mignonne, issue d'un milieu aisé s'il en jugeait par la richesse de l'étoffe qui composait sa robe bleue. Ses cheveux étaient d'un blond foncé et les taches de rousseurs qui parsemaient ses pommettes ne faisaient que rajouter à son charme. Jack enregistra tous ces détails et se surprit à penser que d'ici quelques années cette petite deviendrait une vraie beauté. Sensible à la détresse qu'il lisait dans son regard il repoussa sa fuite de quelques instants. Il n'avait pas le cœur de chasser cette petite qui avait si visiblement besoin d'aide.

« Allons parle, n'aie pas peur. Pourquoi ces larmes ? Tu es perdue ? »

La petite secoua vigoureusement la tête, faisant voler en tous sens ses boucles soigneusement coiffées.

« Non … Je me suis enfuie. »

 

Bugger… songea Jack, une petite fille riche en fuite et il fallait que ça tombe sur lui !

« Mais ton papa et ta maman vont s'inquiéter, tu sais et les rues ne sont pas sûres, tu devrais rentrer. Commença Jack, riant intérieurement de se retrouver en train de faire la morale à une gamine

- Ma maman est morte. Lâcha la petite. C'est pour ça que je voulais vous parler, je voulais savoir où elle était. Et si elle pensait à moi des fois. »

Le sourire de Jack s'effaça brutalement, il n'avait plus envie de plaisanter en voyant le tremblement de la bouche de l'enfant et les larmes qui commençaient à déborder lentement mais sûrement de ses yeux. Il s'accroupit devant elle.

« Voyons bien sûr que ta maman pense à toi.

- Alors pourquoi elle est partie ? C'est à cause de moi qu'elle est morte… » Lâcha la petite.

 

Jack, le cœur cognant à tout rompre, s'efforça de chercher une réponse adéquate et repoussa de toutes ses forces le souvenir envahissant de Karolina.

« Non elle est morte parce que son temps ici était terminé voilà tout. Lui répondit Jack d'une voix tremblante.

- Mais je ne l'ai jamais vue… Insista la petite. Et mon père se refuse à me parler d'elle. Peut-être qu'elle ne voulait pas de moi et que c'est pour ça qu'elle morte. »

Jack prit sa voix la plus basse pour lui répondre et essuya doucement les larmes qui glissaient sur les joues de la petite fille.

« Bien sûr que si elle voulait de toi, je suis certain que si elle avait eu le choix elle serait restée près de toi. Et tu sais, si ton père ne te parle pas d'elle, c'est peut être que lui aussi a trop de peine pour te parler de ta maman. Peut-être qu'il ne veut pas que tu te sentes coupable. Si tu lui disais ce que tu viens de me dire peut être que tu aurais des réponses. Tu devrais parler à ton père ne laisse pas le silence s'installer entre vous. » Ajouta-t-il tristement.

 

La petite leva vers lui plein d'espoir et Jack se sentit brutalement rasséréné et presque utile. Il ébauchait une nouvelle phrase, lorsque du coin de l'œil il vit une grosse femme arriver en courant, suivie de près par le prêtre qu'il avait dépouillé et un bataillon de soldats. Avalant sa salive, Jack caressa la joue de la petite et lui lança.

« Excuse-moi. Une urgence… »

 

Et il se mit à détaler sans demander son reste sous les yeux ébahis de la petite. Jack réussit sans difficultés à semer ses poursuivants, attendu que ces derniers s'étaient arrêtés pour s'assurer que la fillette allait bien. Celle-ci apprit avec stupeur que l'homme qui l'avait si bien comprise et aidée n'était pas un prêtre mais un pirate dont le nom n'avait pas d'importance. Finalement, sa gouvernante la reprit par la main et l'entraîna vers sa demeure.

« Cette fois Miss Elizabeth je vais avertir votre père de votre comportement ! Ça ne peut pas continuer ainsi, imaginez que ce pirate vous ait molestée ! On a pas idée de s'enfuir ainsi ! »

 

Elizabeth Swann poussa un soupir pour toute réponse. Cet homme était peut être un pirate mais lui au moins avait su la comprendre.


Chapitre 15                                                                                                      Chapitre 17


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