Chapitre 49 : L'Impératrice Palpatine


 

 

Destroyer Supremacy, 

 

 

Assise sur le trône qui dominait la grande salle du Destroyer, Rey se massa les tempes dans un geste qui lui était devenu familier. Comme toujours, la migraine lui vrillait le crâne mais, depuis que la jeune femme s’obligeait à ignorer les murmures de l’océan, sa souffrance était plus supportable. Elle posa un regard las sur la jeune femme rousse à la robe ridicule et outrageusement fardée de blanc que Hux venait de faire pénétrer dans la pièce. 

« Impératrice Palpatine, l’ancienne sénatrice de Naboo, Thadlé Berenko, ici présente, prétend avoir des informations sur les agissements de l’Usurpateur, » annonça le Général.

Rey se cala profondément dans son fauteuil et posa un regard méprisant sur la chose visiblement agitée qui se tenait devant elle.

« Que voulez-vous en échange ? »

La rousse prit la parole d’une voix rendue aiguë par un désir profond de nuire.

« Je veux simplement récupérer ma place auprès de mon peuple.

— La République est abolie et le Dernier Empire ne tolérera pas qu’un Sénat tente de lui imposer ses décisions, rétorqua Rey avec sécheresse. Mais, contrôler Naboo n’est pas réellement ce que vous voulez, nous le savons toutes les deux ; alors quoi ? »

 

Les yeux brillants d’une lueur fanatique, Berenko s’avança vers Rey.

« Je suis là pour vous aider à détruire vos ennemis. Je veux que vous anéantissiez Kylo Ren. Je veux qu’il crève tout comme son hypocrite de mère, la Générale Organa, et l’Amirale Holdo. 

— Dites plutôt que vous attendez que nous nous chargions du sale travail à votre place, ironisa Rey. Pourquoi leur vouez-vous une telle haine ? Que vous ont-ils fait ? 

— Ren est responsable de la mort d’une personne qui m’était chère. Quant aux deux autres, elles ont promis de m’aider à la venger et elles m’ont trahie. »

 

Hux ne put retenir un sourire ravi à ces mots mais Rey n’avait d’yeux que pour la rousse dérangée. Son visage lui était familier mais elle ne parvenait plus à se rappeler des circonstances de leur rencontre.

« Je vous connais, déclara-t-elle soudain. Je vous ai déjà vue, mais je peine à me souvenir de l’endroit.

— Je suis flattée que vous m’ayez remarquée, répondit Berenko avant qu’Hux ait eu le temps d’intervenir. Nous nous sommes croisées, il y a longtemps déjà, sur Ajan Kloss, lorsque vous vous trouviez avec la Résistance. Je vous ai observée de loin, après que vous soyez revenue de votre discussion avec Skywalker. »

 

Rey fronça les sourcils. Une conversation avec Skywalker ? Cela ne lui rappelait rien, pourtant… La pression, désormais familière dans son esprit, augmenta tout comme son sentiment d’être coupée en deux personnes différentes. Une réminiscence fusa brusquement dans son esprit et s’imposa à elle.

 

()()

 

Rey faisait face à Luke Skywalker, ils combattaient l’un contre l’autre et leurs sabres lasers s’entrechoquaient avec une rare violence. Elle avait la rage au cœur et l’envie de l’anéantir. C’était tout ce qu’il méritait, après ce qu’il avait osé leur faire, à Ben et elle. A cause de lui, Ben avait été proche de basculer pour de bon. Elle avait failli le perdre et cela, elle ne le pardonnerait jamais à Luke.

 

()()

 

Ne l’écoute pas, c’est une espionne, une traitresse envoyée par Kylo Ren et sa garce de mère afin de pervertir ton esprit, souffla la voix de son Maitre en elle.

 

Rey passa une nouvelle fois ses doigts sur ses tempes et elle fixa l’ancienne Sénatrice.

« Vous mentez. C’est Kylo Ren qui vous envoie afin de brouiller mon esprit. »

La voix de la jeune Impératrice était maintenant réduite à un grondement mais Berenko, folle d’indignation à la pensée d’être considérée comme la complice de l’homme qu’elle haïssait le plus au monde, oublia toute prudence.

« Comment osez-vous m’insulter ainsi ? Ce n’est pas moi qui me fais passer pour une autre, c’est vous, Rey Dejakku. Vous n’êtes rien de plus qu’une pilleuse d’épaves sans scrupules qui a monté les échelons en jouant les putains pour Skywalker, Ren et sans doute d’autres encore. Vous n’avez aucun droit de revendiquer le nom prestigieux de Palpatine ! »

Hux, les yeux exorbités par l’effroi, se tourna vers la rousse afin de la faire taire mais Rey fut plus rapide. Resserrant sa Force autour de la gorge de la sénatrice, elle ricana.

« Ton plan a échoué, Kylo Ren. Tu pourras m’envoyer tous les émissaires et les traitres que tu voudras, tu ne réussiras pas à me corrompre de ta prétendue Lumière. »

Etouffant, Berenko porta les mains à sa gorge tandis que Rey se délectait de sa souffrance. Une fois la femme moribonde, elle la relâcha avant de forcer son esprit.

« Maintenant, tu vas me dire ce que tu sais, » gronda-t-elle.

 

Les yeux de Berenko s’emplirent de larmes de douleur lorsque Rey s’enfonça dans sa tête sans la moindre délicatesse.

 

Une gungan. Elle portait une tenue d’apparat et caressait la joue de la rousse. Le lien, l’affection, entre elles étaient indéniables et le cœur de Rey se serra. Elle aussi, elle avait connu cela… La douceur d’une étreinte, la tendresse d’un baiser. Refoulant la sensation de manque qui montait en elle, elle plongea plus profond dans l’esprit de la rousse. 

 

Holdo, Dameron et… FN-2187. Ohma D’Un. Ils pleuraient la mort d’une fille. Rose. Un sourire incurva les lèvres de Rey avant de s’effacer. Pauvre Finn, songea-t-elle fugacement avant que l’Obscurité ne reprenne ses droits.

 

Les souvenirs de Berenko se succédaient à mesure que Rey détruisait son esprit dans sa hâte à trouver ce qu’elle cherchait.

 

Du bene… Un gisement entier ! déclara la voix d’Holdo.

 

Satisfaite, Rey envoya Berenko valser contre le mur le plus proche et posa ses yeux pailletés d’ambre sur Hux tandis que l’ancienne sénatrice retombait mollement sur le sol, inconsciente.

« Ohma D’Un. Ren y exploite un gisement de bene.

— Je transmets notre nouvelle trajectoire à l’équipage immédiatement, s’empressa-t-il. Nous y serons dans trois heures à peine. »

 

Citadelle de l’Ordre de l’Equilibre,

Hapès,

 

Traversant les jardins colorés de la face sud de leur nouvelle base, Finn rejoignit Poe et ses autres amis au premier rang, la mine sombre.

« Pourquoi on est convoqués ? » grogna-t-il.

Le pilote haussa les épaules.

« Je n’en sais pas plus que toi, Skywalker a simplement demandé que nous soyons tous présents pour le coucher du soleil. »

 

Finn jeta un regard de biais à son compagnon. Vêtu de l’uniforme noir et or de l’Ordre de l’Equilibre, Poe avait fière allure et cette constatation attisa encore sa rancœur.

« Je constate que tu n’as pas tardé à oublier ton appartenance à la Résistance, lui lança-t-il avec une pointe de mépris. Tu portes déjà les couleurs de ton nouveau maitre. »

Les épaules de Poe se raidirent sous l’insulte à peine déguisée et il répondit sans regarder son ami :

« Je fais mon possible pour m’intégrer. C’est ce que la Générale aurait attendu de moi. De nous tous. 

— Bah voyons, c’est pas comme si elle était encore là pour le confirmer », ironisa Finn.

 

L’arrivée conjointe de Luke et de Kylo Ren dispensa le pilote de répondre, ce qui était sans nul doute une bonne chose pour la sauvegarde de son amitié avec Finn.  Kaydel leva les yeux vers son amant qui lui adressa un bref regard avant de se placer à la droite de Kylo Ren, légèrement en retrait. Droit comme un i et dissimulant la douleur encore vive que sa blessure à la jambe lui infligeait, Kylo Ren s’avança d’un pas afin de faire face aux anciens résistants.

« Je vous remercie d’être tous présents ce soir, commença-t-il. Je sais que, pour beaucoup d’entre vous, les derniers jours ont été éprouvants et vous vous sentez sans doute un peu désorientés. Sachez que mes partisans et moi-même ferons notre possible pour vous permettre de vous intégrer et de trouver votre place au sein de l’Ordre de l’Equilibre. Chacun d’entre vous se verra prochainement assigné à un poste conforme à ses aptitudes et à nos besoins. 

— En clair : il compte nous crever à la tâche comme les esclaves que nous sommes à ses yeux, persifla Finn à mi-voix.

— Mais, il n’est pas encore temps de penser à l’avenir, poursuivait Kylo Ren. Ce soir, j’ai souhaité vous offrir un instant de recueillement. Je sais que vous pleurez la mort de la Générale Organa, survenue durant notre voyage. Je partage votre peine, continua-t-il, sa voix se fêlant légèrement avant qu’il ne se reprenne. Leia Organa Solo était une grande dame. Elle était faite d’un métal dur et de convictions. »

 

Il s’interrompit, la gorge serrée par une brusque émotion tandis que des hochements de tête épars saluaient sa déclaration. Luke, conscient de son trouble, leva une main dans l’intention de la poser sur son épaule avant de se raviser. Connaissant Ben, il n’apprécierait pas le geste et se sentirait rabaissé au lieu de soutenu. 

 

Kylo Ren prit une profonde inspiration avant de poursuivre, le regard fixé sur Lando et Chewie qui, tous deux non loin de Poe et Finn, peinaient à retenir leurs larmes.

« Elle était aussi ma mère, déclara Kylo Ren d’une voix forte. Et, même si nous avons longtemps combattu dans des camps différents avant de nous retrouver, elle comptait énormément à mes yeux. Sa disparition me touche. Je la respectai en tant que membre de ma famille mais également en tant qu’adversaire. Leia n’a jamais renoncé à se battre pour ses idéaux, quel que soit l’ennemi qui lui faisait face. Même lorsque j’étais celui-ci. »

Il marqua une nouvelle pause avant de reprendre d’une voix légèrement altérée.

« Elle était une figure importante de la Galaxie et sa disparition laisse un vide dans les cœurs de tous ceux qui l’ont connue. Je me sens honoré de la confiance qu’elle a placée en moi en acceptant de rejoindre l’Ordre de l’Equilibre et je ferais en sorte de ne pas la décevoir, même si nous étions loin d’être toujours d’accord sur tout. Afin de lui rendre hommage comme elle le mérite, je vous invite à évoquer son souvenir et à prendre le temps de la pleurer. »

Il s’écarta et se tourna vers Luke.

« Je vous en prie, » murmura-t-il, presque suppliant.

 

La gorge enrouée, tant à cause de la détresse de son fils qui inondait la Force qu’en raison de son propre chagrin, le Jedi fit un pas en avant.

« Leia était beaucoup plus qu’une sœur à mes yeux. Elle était une partie de moi. Elle était aussi un Jedi et la femme la plus importante de ma vie. Je l’admirais et je l’aimais. Sa mort me cause un manque et une douleur incommensurables mais, je sais que personne ne disparait jamais totalement et que, depuis la Force, Leia continue à nous regarder et à nous guider.  J’espère qu’elle n’aura jamais à rougir des choix que nous ferons », souffla-t-il, incapable de poursuivre.

Poe jeta un regard de biais à Kaydel. En dépit des efforts de la jeune femme pour rester impassible, il avait vu son regard s’assombrir brièvement durant l’éloge funèbre du Jedi. 

 

()()

 

L’émotion fut à son comble dans le jardin lorsque Kylo Ren dévoila une immense pierre gravée aux armes d’Alderaan. 

« J’avais prévu d’en faire la surprise à Leia, déclara le jeune homme. J’aurais tellement aimé… qu’elle puisse la voir. »

Une fois de plus, Luke réprima un mouvement de compassion envers lui tandis que les yeux d’Holdo s’emplissaient de larmes.

« Mais, puisque ce n’est pas le cas, poursuivit Kylo Ren d’une voix affermie, j’aimerais que cette stèle devienne un lieu de recueillement et d’hommage à la dernière Princesse de la planète Alderaan. »

De timides murmures approbateurs s’élevèrent brièvement tandis que Chewie poussait un gémissement affligé qui se mêla aux trilles tristes de R2. Le visage grave, Kylo Ren s’écarta, les poings serrés pour contenir son chagrin.

 

Tandis que de petits groupes se formaient dans le jardin illuminé pour l’occasion, Luke s’approcha de son fils. Une fois face à lui, il lui tendit le sabre laser de Leia.

« Il te revient », déclara-t-il simplement.

Le jeune homme secoua la tête.

« Je ne peux pas le garder. Vous savez que, même si je me refuse à rejoindre les Siths, je ne suis pas pour autant un Jedi. Je n’en deviendrai jamais un. Vous devriez le conserver ou le confier à quelqu’un qui en appréciera la valeur. Votre padawan, par exemple. 

— Non. Peu importe ce que tu comptes en faire, Leia voudrait que tu l’ais. En prenant ce sabre, il n’est pas question de Jedi ou de Sith, ni de te pousser d’un côté ou de l’autre de la Force, simplement de conserver un souvenir de ta mère. »

Kylo Ren détourna les yeux avant d’accepter du bout des lèvres. Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu’il les referma sur l’arme et il prit une profonde inspiration.

« Je vais vous laisser à présent.

— Tu t’en vas ? s’indigna Luke. Enfin, Ben, c’est ta mère ! Tu ne peux pas quitter l’hommage que tu as toi-même organisé pour elle.

— Aucun d’entre eux n’a envie que je reste, soupira Kylo Ren en embrassant d’un geste les anciens résistants, qui, disséminés en petits groupes, chuchotaient tout en lui jetant de temps à autres des regards méfiants. Ils n’osent s’exprimer librement de crainte de ma réaction. Ce n’est pas ce qu’elle aurait voulu et ce n’est pas ce qu’elle mérite. Je préfère m’effacer.

— Peu importe ce qu’ils pensent, lui chuchota Luke. Tu as le droit d’être ici plus qu’aucun d’entre eux, Ben. Tu es son fils ! 

— Je suis également celui qui a hâté son trépas et ils le sentent, même si vous avez tout fait pour les convaincre du contraire. Ils ne veulent pas de moi à sa veillée funèbre et ils ont raison. Je n’ai pas ma place parmi vous. »

 

Luke, le cœur lourd, le regarda s’éloigner d’un pas pesant. 

« Il dit vrai, Luke, souffla Lando. Sa présence ne fait qu’attiser leur méfiance et leur colère. Je sais que c’est injuste mais c’est le prix à payer pour conserver la paix en leur permettant de faire leur deuil. Accepte la décision de Ben et rejoins-les sans rancœur. Ils ont besoin de toi. A présent que la Princesse n’est plus, ils ont soif d’espoir et Ben n’est pas celui en qui ils croient. Leur nouveau guide, c’est toi, et il est temps que tu assumes cette place. »

Le Jedi tressaillit aux propos de son ami et embrassa du regard tous ceux qui étaient réunis. Le départ de Ben avait incontestablement détendu l’atmosphère et il sentit des regards remplis d’attente se poser sur lui. Redressant les épaules, Luke se força à plaquer un sourire bonhomme sur ses lèvres avant de circuler de groupes en groupes. Tout en progressant, le Jedi songea qu’il haïssait vraiment la politique…

 

 

Destroyer Supremacy, 

Dans l’orbite de Naboo, 

 

La mâchoire crispée, Rey fixa la petite planète qui se dessinait à l’horizon.

« Ils ont déployé leur bouclier déflecteur planétaire et nous refusent l’accès, par ordre du Grand Commandeur de l’Ordre de l’Equilibre. »

Rey serra les poings, hautement contrariée.

« J’ai entendu, Capitaine Phasma, je ne suis pas encore devenue sourde ! De quel droit ce bâtard se permet-il de remettre en cause mon autorité ? 

— Visiblement, Ren est passé à l’action et son discours a fait son effet, répondit le Général Hux d’une voix sombre. La Banque d’Aargau vient de geler tous les actifs que nous leur avions confiés et, depuis les quatre coins de la Galaxie, nos émissaires nous signalent une montée de l’hostilité à leur égard. »

Le visage de Rey se marbra de rouge et elle se tourna vers le Général.

« Dans ce cas, il est temps de montrer à tous ce qu’il en coute de s’opposer à nous. Faites armer Starkiller II, nous allons voir si le petit bouclier de Naboo résiste longtemps à son feu. »

Le visage de Hux, déjà pâle d’ordinaire, devint livide.

« Impératrice, avec tout le respect que je vous dois », commença-t-il.

 

Berenko lui accorda la grâce de ne pas le laisser aller jusqu’au bout de sa phrase. Du sang s’écoulant de son front, mais consciente, l’ancienne sénatrice se précipita vers Rey, rageuse.

« NON ! hurla-t-elle. Vous ne pouvez pas faire ça, je ne vous laisserai pas détruire mon monde ! »

Rey les yeux plissés sous l’effet de la concentration, se contenta de lever la main et la Sénatrice s’immobilisa, statufiée. Un sourire mauvais releva les coins de la bouche de la jeune femme.

« Ah oui ? Et comment comptes-tu m’en empêcher, sale petite opportuniste ? »

Les yeux exorbités sous l’effet de la fureur et de la folie, Berenko gémit.

« Vous vous prévalez du nom de Palpatine… Mais, quels que soient ses crimes, jamais un Palpatine ne détruirait Naboo. »

Rey se troubla légèrement devant cet argument. Elle avait beau chercher, Naboo ne représentait rien à ses yeux. Une nausée monta brutalement en elle et Rey sentit ses entrailles se déchirer. Percluse de douleur, elle porta les mains à son abdomen, relâchant le contrôle mental qu’elle exerçait sur la Sénatrice.

 

()()

 

Elle se trouvait dans un palais inconnu, mais elle ressentit dans sa chair qu’il s’agissait de la résidence royale de Naboo. Un beau jeune homme, portant la cape traditionnelle des Jedis, faisait face à une femme brune au regard doux.

« Ani ! s’exclama-t-elle. Enfin, je veux dire : Maitre Anakin.

— Pas encore, sourit-il. Mais cela viendra. Sénatrice Amidala, je suis tellement heureux de vous voir. »

Les deux jeunes gens échangèrent un regard brûlant d’affection et des larmes montèrent aux yeux de Rey en les voyant. Ils avaient l’air si heureux, si amoureux…Un jour, elle aussi avait…

 

Le couple s’effaça brutalement et Rey gémit tandis que deux voix parlant d’une seule grondaient dans son esprit :

« Ce sont nos racines ! Jamais nous ne te laisserons les détruire. »

 

Eperdue de souffrance, Rey tomba à genoux sur le sol du Destroyer. Elle avait le sentiment d’être dévorée de l’intérieur, comme si ses entrailles étaient déchirées, malmenées, par les choses qui grandissaient en elle. 

 

« Anakin », soufflèrent à l’unisson les voix en elle.

 

Anakin était important, il comptait, non il avait compté, plus que tout pour la Reine de Naboo et pour Ben.

 

Ben… La voix du jeune homme résonna en elle.

 

« L’usage des armes n’est pas toujours nécessaire pour remettre des potentiels dissidents dans le droit chemin. Penses-y Rey. »

 

« Ce n’est que de la politique. »

 

Son Maitre se manifesta brusquement, sa voix surpassant les autres et leur imposant le silence : « Détruis Kylo Ren, tu sais comment t’y prendre. Cherche en toi ma jeune apprentie. »

 

Le corps de Rey tressauta violemment et ses yeux se révulsèrent.

 

Le bruit des vagues s’amplifia et Rey eut la sensation qu’un voile se soulevait dans son esprit. Une fois de plus, elle se revit face à Skywalker, ses deux sabres lasers croisés sous la gorge du Jedi. Il y avait quelque chose, quelque chose… La pression dans sa tête augmenta et elle gémit.

 

« Je suis son père », souffla Luke.

 

« Oui, jubila Palpatine. A présent, montre-toi digne du nom que je t’ai offert, mon héritière. Expose le secret de Kylo Ren au grand jour et accorde-nous la victoire. Jamais il ne se relèvera d’une telle honte. »

 

()()

 

Lorsque Rey reprit pied dans la réalité, le corps de la Sénatrice Berenko gisait à ses pieds. Egarée, elle se tourna vers le Général Hux.

« Que s’est-il passé ?

— Elle s’est jetée sur vous dans l’intention de vous tuer, la Capitaine Phasma l’a abattue avant qu’elle ait le temps de vous toucher. »

La tuer ? Rey frémit à la pensée qu’on lui voue une telle haine et se tourna vers la Capitaine des trooper.

« Merci Capitaine Phasma, nous vous devons la vie », déclara-t-elle avec une émotion perceptible tout en posant une main protectrice sur son ventre arrondi.

 

Surprise par cette déclaration qui lui rappelait celle qu’avait été Rey, la grande femme balbutia.

« C’est mon devoir de vous protéger, Impératrice Palpatine. »

A ces mots, la douceur qui inondait jusqu’alors les traits de Rey disparut, remplacée par le masque cruel qui lui était devenu coutumier.

« Evidemment, cracha-t-elle. Qu’attendiez-vous ? Une médaille pour vous être rendue pour une fois utile ? »

Tandis que Rey se détournait, Hux et Phasma échangèrent un regard inquiet. Plus le temps passait, plus la dichotomie de la personnalité de leur Leader s’aggravait. 

« Le discours du bâtard, je veux l’entendre, » exigea brusquement la jeune femme. 

L’officier en charge des transmissions tremblait tellement qu’il dut s’y reprendre à trois reprises avant de parvenir à lancer l’enregistrement. 

 

Citadelle de l’Ordre de l’Equilibre,

Hapès,

 

Un verre de brandy corellien dans la main, Kylo Ren traversa son vaste appartement qui occupait la quasi-totalité du dernier étage de la plus haute tour de la Citadelle. S’approchant de la baie vitrée, le jeune homme baissa les yeux vers les jardins sud où les anciens résistants honoraient la mémoire de Leia. Il était trop haut, trop loin, pour distinguer les visages mais la fenêtre qu’il avait laissée ouverte lui permettait d’entendre les bruits de leurs discussions, quelques rires de temps à autres, des sanglots aussi. Son cœur se serra. Une part de lui, celle de Ben, avait terriblement envie de les rejoindre mais son autre moitié, celle qui avait tourné le dos à la Lumière, l’en empêchait. Il était trop tard pour ça ou peut-être trop tôt. Il n’était pas stupide au point de penser que ceux qui se trouvaient en bas l’avaient rejoint parce qu’ils avaient foi en lui. S’ils étaient ici, c’était à cause de leur dévouement pour Leia.

« Je tâcherais de ne pas vous décevoir à nouveau, Mère, murmura-t-il en levant son verre vers la pierre de mémoire qu’il avait fait érigée en souvenir d’elle. Je ne promets pas de toujours y réussir, mais je ferais mon possible pour que, pour une fois, vous soyez un peu fière de moi. »

 

Destroyer Supremacy,

 

Phasma et Hux échangèrent un bref regard et le Général s’approcha de Rey. Elle avait écouté une bonne dizaine de fois le message adressé par Kylo Ren à ses partisans et n’avait pas prononcé un mot depuis. Au lieu du débordement de rage auquel ils s’attendaient tous, elle restait stoïque, le regard perdu dans des pensées dont ils n’étaient pas certains de vouloir connaitre la teneur. 

« Impératrice Palpatine, ce message attend une réaction de notre part. Comment comptez-vous vous y prendre pour contrer l’Usurpateur ? se risqua finalement à demander Hux.

— En battant Kylo Ren sur son propre terrain : la politique, répondit Rey d’un ton mauvais. Il est plus que temps que la vérité à son sujet éclate aux yeux de la Galaxie. »

Au moins, elle ne projette plus de réduire une planète en morceaux, songea Hux, avec une pointe de soulagement.

 

Les mains tremblantes, Rey se prépara à s’adresser à la Galaxie. Dans son esprit, elle percevait la satisfaction et les encouragements de son Maitre. Il approuvait ce qu’elle s’apprêtait à faire, mieux, il s’en réjouissait, et sentir sa satisfaction exaltait la jeune femme. Elle avait enfin l’occasion de prouver à son grand-père, à son mentor, à son tout, qu’elle était digne des espoirs qu’il avait placés en elle. Après son discours de ce soir, Kylo Ren serait définitivement un homme brisé, du moins elle l’espérait. Ainsi, plus rien ne viendrait se dresser entre sa famille et le pouvoir suprême.

 

« Faites en sorte que cela soit retransmis en boucle partout, y compris dans les contrées les plus reculées, ordonna Rey avant de prendre la parole. Ici, l’Impératrice Palpatine. Je m’adresse à tous les peuples de la Galaxie, qu’ils soient loyaux à notre suprématie ou qu’ils aient été corrompus par l’Usurpateur Kylo Ren. J’ai entendu son message, celui visant à vous terrifier et à vous pousser à la rébellion. Kylo Ren vous trompe. L’existence même de son prétendu Ordre de l’Equilibre est un mensonge éhonté. Ses intentions ne sont pas de vous protéger comme il le prétend, mais d’accaparer le pouvoir rendu vacant par la disparition des Sénateurs, qu’il a lui-même cautionnée, voire ordonnée, lorsqu’il se trouvait au sommet du commandement de notre organisation. A présent que nous l’avons chassé, il utilise vos peurs et vos traumatismes les plus anciens pour vous monter contre nous et, lorsque cela ne suffit pas, il menace nos fidèles alliés de représailles sous le prétexte de protéger la paix. Mais, aucune de ces paroles n’est vraie. Kylo Ren vous ment sur tout, à commencer par son identité. »

 

Elle marqua une pause infime, le visage défait, puis reprit la parole d’une voix étranglée tandis que la pression de Palpatine sur son esprit augmentait.

« Kylo Ren n’est pas son véritable nom, pas plus que ne l’est celui de Ben Solo. Le nom qui devrait être le sien est… »

Il semblait à Rey qu’un étau se refermait sur sa poitrine, l’empêchant de parler, de respirer.

« Dis-le ! l’exhorta mentalement Palpatine. Dis-le et prouve que tu es digne de la place que je t’ai offerte. »

Une larme roula sur la joue de Rey tandis qu’elle poursuivait :

« Ben Skywalker. Cet homme, ce, cette aberration qui vous réclame votre foi et votre confiance est le fils incestueux du Dernier Jedi, Luke Skywalker et de sa sœur jumelle Leia Organa. Voilà qui il est. La seule question que vous devez vous poser à présent est celle-ci : avez-vous réellement envie de remettre vos destins et celui de notre Galaxie dans les mains d’un être dont l’existence même est contraire à toutes les lois de la nature, de la morale et de la Force ? »

 

Un flot de larmes s’écoulait désormais des yeux de Rey, déposant leur saveur salée sur ses lèvres et elle éteignit le comlink. Elle pouvait sentir la jubilation de son Maitre et elle aurait du être transportée de joie à l’idée de le servir aussi bien mais elle n’éprouvait rien d’autre que du vide et des remords. Elle porta les mains à son abdomen, en caressant instinctivement le renflement pour rassurer les deux êtres qui grandissaient en elle et une angoisse brutale la cloua presque sur place. Elle ne les percevait plus dans la Force. Affolée, elle accentua la pression de ses doigts sur son ventre et un sanglot lui échappa en constatant qu’ils avaient disparu.

« Une unité médicale, sanglota-t-elle. Il me faut un médecin. »

Son inquiétude était telle que des Eclairs de Force jaillissaient de ses paumes désormais placées, inutiles, le long de son corps.

 

Hux fut le premier à se remettre du choc que l’annonce de l’ascendance de Kylo Ren lui avait causé. Se tournant vers le sous-fifre le plus proche, il beugla :

« Vous avez entendu ? Notre Impératrice se sent mal, faites venir des secours ! »

L’homme, un simple officier des communications, tressaillit sous l’ordre donné, sortant de la stupeur dans laquelle l’avait plongée la révélation du géniteur réel de leur ancien Leader.

 

Phasma, toute de chrome recouvert ne bougeait plus, statufiée, tant par l’ampleur de ce qu’elle venait d’apprendre en même temps que la Galaxie entière que par l’état dans lequel se trouvait Rey. La vision qu’offrait la jeune femme en cet instant était l’une des pires choses que la Capitaine, pourtant aguerrie, n’ait jamais observée. Des flux d’énergie bleuâtres s’échappaient de ses mains tremblantes tandis que des larmes intarissables s’échappaient de ses yeux à l’iris doré et roulaient sur son visage blafard et maladif. Un sang rouge et brillant s’écoulait du nez et de la bouche de Rey, se mêlant à ses larmes, tandis que son corps était secoué de convulsions. Choquée, la Capitaine ne se rendit même pas compte de l’arrivée de l’unité d’urgence médicale, qui la bouscula au passage.

 

Evitant, avec une habilité née de l’habitude, les éclairs mortels projetés par Rey, l’officier en chef du secteur médical se précipita sur l’abdomen de la jeune femme. Un soupir de soulagement lui échappa alors qu’il terminait son examen.

« Les prototypes se portent parfaitement bien tous les deux. »

Sous son casque, Phasma se mordit la lèvre jusqu’au sang pour s’empêcher de réagir mais Hux ne parvint pas à se contrôler aussi parfaitement.

« Ce n’est pas pour eux que je vous ai fait appeler ! C’est pour elle ! C’est en train de la tuer, » gémit-il à demi.

Le médecin lui adressa un regard de travers.

« Et alors ? Que voulez-vous que j’y fasse ? Les dommages causés à son cerveau sont impossibles à soigner. Ils sont causés par ce qu’on appelle la Force. La seule chose que je puisse faire consiste en drainer l’afflux sanguin qui envahit sa boite crânienne en attendant qu’elle accueille complètement l’esprit de l’Eternel Sith. Une fois que le transfert sera effectué, cette tension devrait disparaitre. »

Hux serra les poings, révolté par la froideur toute médicale dont l’autre faisait preuve.

« Eh bien faites donc cela ! Drainez sa tête, comme vous dites ! Mais ne restez pas ainsi, les bras ballants, à la regarder souffrir ! »

 

C’en était trop pour Phasma. Il lui semblait que son armure l’emprisonnait et que son casque l’empêchait de respirer. D’un pas mécanique, elle se dirigea vers la sortie. Hux remarqua son départ et la tança avec hargne.

« C’est cela, Capitaine ! Courrez donc rapporter ce qui vient de se produire au Général Pryde ! Et n’oubliez pas de lui mentionner mon inquiétude suspecte pour l’intégrité du jadis si précieux réceptacle ! » 

Egarée, Phasma ne répondit pas à la provocation. Une fois à l’extérieur, elle ôta son casque d’un mouvement hâtif et prit une profonde goulée d’air avant de se diriger vers ses quartiers, le visage découvert.

 

()()

 

La connexion avec le Général Pryde fut immédiate et Phasma sentit une chape de plomb tomber sur son cœur lorsque le visage ouvertement réjoui de son mentor apparut sur l’holécran. 

« Sloane est avec moi, ainsi que Randd, lui précisa-t-il d’une voix triomphante. Le réceptacle a accompli un coup de maitre ce soir. Ren ne se remettra jamais de voir son plus lourd secret ainsi exposé à la face de la Galaxie ! »

Le visage disgracieux de Phasma s’assombrit un peu plus :

« Vous étiez au courant ? Vous saviez que Skywalker est son père ? »

Pryde s’autorisa un petit ricanement méprisant.

« Evidemment. C’est du reste la raison principale qui a conduit l’Empereur à s’intéresser à lui. Le tourner contre sa famille en utilisant ce secret honteux a été un jeu d’enfant. Cela faisait partie intégrante du Plan Contingence. »

 

Phasma ne répondit pas. Elle avait fait beaucoup d’efforts et sacrifié énormément pour être acceptée au sein de ce qu’elle pensait être le cénacle le plus haut du Dernier Empire. Au moment où Pryde et les autres lui avaient annoncé qu’elle avait mérité un siège au sein du Conseil Obscur, l’acceptant ainsi dans l’élite, elle avait cru défaillir de joie : Son acharnement et son application avaient été récompensés. Mais, les dernières paroles de Pryde remettaient tout en perspective. Quels autres secrets les membres originels du Conseil avaient-ils encore pour elle ? Et pour Hux ? Même si elle méprisait le roux, elle avait remarqué son étonnement lors de la révélation de Rey : il n’était pas feint.

« Voyons Phasma, vous comprenez pourquoi nous ne vous avons rien dit, n’est-ce pas ? Ren est un homme aussi instable qu’exécrable, nous ne pouvions risquer de vous voir commettre une indiscrétion prématurée, déclara Sloane, son visage au teint sombre ridé par les années s’introduisant sur l’holécran. C’est la raison qui nous a poussés à vous mettre, Hux et vous, en première ligne : ignorant tout de l’ascendance de Ren, nous étions certains de votre discrétion. »

 

Phasma lui adressa un sourire de connivence machinal, profondément blessée intérieurement. Elle avait perçu son affectation en base avant comme une reconnaissance de ses mérites. Il était douloureux d’apprendre que ce n’était au final que son ignorance qui avait motivé le choix de l’Empereur.

« Pourquoi souhaitiez-vous me parler ? s’avisa soudain Pryde. Le Général Hux a-t-il encore dérapé ? »

Phasma inspira. Il serait facile de leur exposer la manière de plus en plus suspecte dont Hux se souciait de Rey. Un seul mot de sa part et le roux serait destitué et sévèrement sanctionné. Pourtant, elle choisit de ne rien en faire.

« Non. Hux contrôle parfaitement la situation. Cependant, l’état du réceptacle ne cesse de se dégrader et je crains qu’elle finisse par mourir avant d’avoir accompli sa mission. Je souhaitais vous en informer au plus vite afin que l’Empereur puisse prendre les mesures nécessaires à la préservation de l’enveloppe de SC-142. »

 

Une salve de ricanement la récompensa de ses inquiétudes et le visage de Pryde emplit l’écran.

« Nous comprenons et saluons votre crainte légitime qui démontre votre attachement à notre cause, Capitaine Phasma, mais tout cela est inutile : SC-142 Bis et Ter ont maintenant atteint un stade de développement suffisant pour pouvoir poursuivre leur croissance dans un des laboratoires d’Exegol si cela s’avérait nécessaire. Les premiers tests sanguins que nous avons effectués sur eux dépassent les espoirs de l’Empereur : leur sensibilité à la Force est d’une puissance inégalée et ils sont déjà parvenus à l’utiliser afin de se couper de leur hôte génitrice. Par conséquent, la survie de SC-142 ne fait plus partie de nos priorités. Au regard du potentiel offert par les prototypes qui poussent dans son ventre, elle n’est plus qu’une option de secours pour l’avènement de l’Eternel Sith et l’accueil de l’esprit de notre Empereur. »

 

Phasma affecta un sourire soulagé et leva le verre de bière d’Elba qu’elle s’était servie à son entrée dans ses appartements afin de paraitre partager la liesse de ses complices. Puis, elle mit un terme à la communication.

 

Une fois totalement seule et à l’abri des regards, Phasma poussa un profond soupir et passa une main tremblante dans ses cheveux filasse. Les derniers événements l’avaient profondément ébranlée. Jusqu’alors, elle avait réellement cru qu’elle était l’une d’entre eux mais visiblement, cela n’était pas le cas puisqu’ils lui avaient dissimulé leur arme ultime contre Ren. Le cœur lourd, elle se remémora la condescendance de Sloane et la manière insouciante dont Pryde avait évacué la question de la survie et des souffrances de Rey. Pour la première fois de son existence, elle se sentait ouvertement en désaccord avec son mentor, osant même aller jusqu’à penser que son attitude était révoltante. Choquée par cette idée, Phasma secoua la tête pour la chasser. 

Elle devait tout à Pryde. Sa position dans le Dernier Empire et même sa survie. Sans lui, elle aurait fini son existence dans le camp d’esclaves destiné aux enfants orphelins où la mort de ses parents, victimes collatérales d’une des actions de l’Alliance Rebelle, l’avait conduite. Si Pryde ne l’avait pas remarquée, grande échalas au milieu de gosses faméliques, et prise sous son aile, elle aurait fini ses jours dans une mine quelconque, épuisée par un travail éprouvant et les coups des contremaitres. Le Général Pryde l’avait sauvée, il lui avait donné un but, un nom, et il avait fait en sorte qu’elle se dépasse afin de monter un à un les échelons de l’Empire, utilisant ses seuls mérite et détermination pour y parvenir. Il lui avait donné une chance de briller et de devenir quelqu’un alors que rien ne l’y prédestinait. Il était tout à la fois son supérieur, son mentor, son ami et la figure paternelle qui lui avait été prématurément arrachée. Alors, même si son être tout entier regimbait à ses décisions, elle ne le trahirait pas. Jamais. Elle lui devait trop pour ça. 

 


Chapitre 48                                                                                                   Chapitre 50


Écrire commentaire

Commentaires: 0