Chapitre 6 : Une promesse oubliée


Fond marin, chez Calypso.

 

 

Des larmes piquaient les yeux de Périboéa, désormais perdue dans ses souvenirs et incapable de détacher son regard du globe de Calypso. Elle leva une main tremblante pour caresser le visage qui y apparaissait et la tendresse adoucit ses traits.

« Ma fille. Murmura-t-elle.

- Ce n’est pas elle. Osa intervenir Calypso. Cette mortelle s’appelle Elizabeth Turner. Elle est anglaise, elle n’a rien à voir avec ta fille. »

 

Périboéa ne sembla pas l’entendre et se pencha encore plus sur le globe, dévorant la silhouette des yeux.

« Elle a l’air si triste, si seule. Pourquoi pleure-t-elle ! Que lui as-tu encore fait ? »

Calypso pesa soigneusement ses mots, elle savait que la partie serait serrée et que l’autre nymphe lui vouait une haine sans limites.

« Je ne suis pas responsable de son malheur. Elle a tenté de tricher avec le destin et en paie les conséquences. S’efforça-t-elle d’expliquer d’un ton neutre.

- Tu la détestes encore… Après tout le mal que tu lui as fait tu oses la haïr !! »

 

Calypso recula devant les flammes qui dévoraient les prunelles de Périboéa, sentant que l’explosion de fureur n’était pas loin, comme à chacune de leur rencontre. Seulement cette fois elles n’avaient aucun intérêt à se déchirer, Calypso tenta une nouvelle fois de ramener Périboéa à la raison.

« Je ne la déteste pas tu as tort sur ce point, Périboéa, je t’en prie, je sais qu’à cause de moi elle a souffert mais j’en ai payé le prix non ? J’ai perdu deux fois celui que j’aimais puis j’ai été enfermée dans un misérable corps de mortel durant des siècles, éloignée de tout, de lui, de l’océan … « 

 

L’autre frissonna de rage à ces mots et son être tout entier se révulsa en entendant le plaidoyer rempli d’auto apitoiement de Calypso.

« Tu voudrais que je te plaigne alors que tu es responsable du malheur de ma fille et de sa mort ??? Et je ne parle même pas du pauvre Davy Jones qui a préféré s’arracher le cœur plutôt que de souffrir plus longtemps de ton inconstance !! C’est TOI qui as causé le malheur de Jones et sa malédiction ! TOI et TOI seule qui lui a insufflé une telle haine et un dégoût de toi qui l’ont poussé à te trahir et à t’emprisonner !! Tu as récolté ce que tu as semé Calypso !!

- NON !! C’est toi qui as maudit le Hollandais Volant !!! TOI qui as condamné tous les hommes que j’aimerai à devenir le capitaine de ce navire !! C’est TOI qui as lancé cette malédiction sur le navire de Charon !! Un jour à terre contre dix ans en mer, c’est TON œuvre !!! C’est donc à cause de TOI que cette fille souffre à présent !! »

 

Les deux nymphes se dévisagèrent avec hostilité et reprirent lentement leur souffle et un brin de raison après leur explosion de rage …

 

L’Empress, cabine du Capitaine

 

Elizabeth Turner était assise sur son lit, les yeux grands ouverts dans l’obscurité de la cabine, elle ne bougeait pas un muscle. Depuis sa sortie éclatante sur le pont de l’Empress elle ne parvenait pas à effacer les mots de Jack de son esprit. Comment pouvait-il se montrer aussi odieux, aussi cruel ! Elle pensait pourtant que lui plus que tout autre pouvait comprendre sa peine, le vide qu’elle ressentait sans William. Comment pouvait-il prendre une manifestation d’amitié pour autre chose ? Se demanda-t-elle avec rancœur. N’avait-il donc pas compris qu’à ses yeux, seul Will avait de l’importance, que tout ce qu’elle avait accompli dans sa vie, que tout ce qu’elle accomplirait n’était pour être auprès de William Turner ?

 

Elle laissa les larmes couler librement et se remémora une nouvelle fois les moments heureux, douce torture à laquelle elle se soumettait chaque jour, cherchant à recréer le souvenir des bras de Will autour d’elle, de sa bouche sur son corps… Pourtant c’est l’image de Jack Sparrow qui s’imposa brutalement à elle, son sourire sardonique, le ton cynique de sa voix lorsqu’il lui parlait. La manière dont il refusait invariablement son contact, comme lors de leurs adieux lorsqu’il l’avait repoussée. Elle savait que s’il agissait de la sorte c’était à cause de ce qu’on disait sur elle que son étreinte était fatale, qu’elle était l’ange de la mort. Cela suffisait à garder les importuns à l’écart, lui permettant de ne pas avoir à défendre des faveurs qui n’appartenaient qu’à celui qui l’aimait assez pour avoir été prêt à tout abandonner pour elle, même si le destin en avait décidé autrement. Mais pour la première fois cela lui pesait étrangement. Elle aurait tant voulu sentir les bras de Jack se refermer sur elle, la caresse de sa main sur son visage comme il y avait si longtemps, lorsque le temps était encore à l’insouciance et que sa trahison n’était pas venue se mettre entre eux. Elle soupira en se souvenant des yeux de Jack plongeant dans les siens, de sa voix devenue brutalement plus rauque. Sa main descendit instinctivement le long de sa joue comme Jack l’avait fait alors, mais cette fois Elizabeth continua le geste que le pirate avait ébauché et glissa le long de son cou avant de rejoindre le creux de sa poitrine où ses doigts rencontrèrent la clef qui reposait entre ses seins. La clef du coffre contenant le cœur de Will.

 

Elizabeth ouvrit brutalement les yeux en se rappelant qui elle était et celui qui lui avait offert son cœur et sa vie. Elle se leva d’un bond et ses yeux se tournèrent vers la fenêtre derrière laquelle le ciel s’assombrissait. Elizabeth rougit de honte. Pour la première fois depuis la mort de Will, elle avait manqué à sa promesse. Le soleil avait disparu et elle avait oublié de surveiller l’horizon.

 

Le Hollandais Volant, pas not monde

 

Les âmes se succédaient, des hommes, des femmes, des enfants, certains intacts, d’autres portant les marques d’une agonie douloureuse mais tous affichaient cet air d’incompréhension et de regret. William détourna le regard, il ne parvenait pas à se faire au spectacle de ces malheureux arrachés à des bras aimants ou à une vie qu’ils chérissaient. Le regard lointain, Will s’efforçait de garder de la distance avec ces âmes, jusqu’à ce qu’il aperçoive une silhouette connue. Will sentit une boule de bile amère remonter dans sa gorge, tandis qu’un NON hurlait dans son esprit. L’homme s’approcha de lui.

« Bonjour Will, alors c’est toi qui m’emmène pour mon dernier voyage ?

- Gibbs… Murmura Will, qui sentit les larmes perler sous ses paupières en reconnaissant le complice de tant d’aventures.

- Faut pas pleurer petit. J’ai fait mon temps, même si j’aurais aimé vivre une ou deux aventures de plus. »

 

Will prit le vieil homme part le bras pour l’entraîner loin du flot d’âmes qui se déversait sur le Hollandais Volant et l’invita à pénétrer dans sa cabine.

« On va trouver un moyen de te faire rester ici, de, tu vas voyager avec nous. Je … Je ne te laisserais pas là-bas. »

Gibbs le regarda gentiment.

« Arrête petit. Tu sais comme moi que ce n’est pas possible. Les seuls à être autorisés à séjourner sur le Hollandais Volant sont les âmes des pauvres bougres qui avaient passé un accord avec Davy Jones.

- Il y a forcément un moyen.

- Non Will. Et je ne le souhaite pas. Je n’aurais jamais cru dire ça mais je suis fatigué de la mer. Tout ce que je veux c’est trouver le repos, revoir ceux que j’ai perdus il y a si longtemps… Dit Gibbs le regard lointain. Je ne laisse rien ni personne derrière moi petit. »

Will garda le silence, il savait que Gibbs avait raison mais il ne pouvait se résoudre à le laisser partir, à admettre qu’il ne le reverrait jamais. Gibbs, le fixa, et devina ce qui le troublait.

«  Te bile pas Will. Dis-moi plutôt … Il y a-t-il du rhum là-bas ? »

Will sourit à ces mots, décidément même la mort ne parvenait pas à changer Gibbs… La main sur son épaule il entreprit de l’emmener goutter le rhum qui vieillissait dans les cales du Hollandais Volant .

 

L’Empress, pont

 

Jack Sparrow se saoulait. Elizabeth était venue le voir, lui avait offert son amitié et il avait tout gâché une fois de plus. Il chercha machinalement le compas qui pendait habituellement à sa ceinture avant de se rappeler qu’il lui avait laissé.

« De toute manière on sait tous quelle direction il indiquera. » Commença un de ses avatars en affichant une moue dégoûtée.

Jack soupira et songea que le petit avait raison.

« On devrait partir de cette jonque avant qu’il ne soit trop tard. Reprit l’autre sur son épaule.

- Je ne pars pas sans mon compas. Objecta Jack.

- Tu peux lui donner, tu lui as déjà laissé tant de choses, tes rêves, ta vie, l’immortalité…alors qu’est-ce qu’un compas qui s’acharne à te conduire à ta perte ? »

 

Jack réfléchit longuement, ne trouvant rien à répondre tandis que son mini lui-même semblait suspendu à ses lèvres. Jack prit une gorgée de rhum et songea que son père avait raison finalement, le plus dur était de vivre avec soi-même.

« Et avec ses désirs. » Compléta son avatar tandis qu’Elizabeth Turner se ruait hors de sa cabine et que ses yeux fouillaient l’horizon à la recherche d’un ultime rayon de soleil qui apaiserait sa culpabilité…

 

Antre de Calypso

 

Périboéa toucha avec affection le visage d’Elizabeth qu’elle avait suivie à travers le globe de verre sans que Calypso n’ose intervenir, sachant qu’un mot maladroit pourrait lui coûter cher…

« Pourquoi ? Pourquoi faut-il que l’histoire se répète ? Pourquoi veux-tu encore lui voler son mari ? Demanda Périboéa d’un ton plus calme.

- Il n’est pas pour elle. Elle a triché avec le destin. Celui de son « époux » est de conduire les âmes parce ce que tu l’as maudit. Il ne devrait pas être avec elle mais avec moi. Seulement cette stupide garce d’Elizabeth, cette petite reine des pirates s’imagine pouvoir me voler celui que j’ai attendu des siècles, mon âme sœur. Elle croit l’aimer mais il n’est pas pour elle. Elle s’imagine qu’il l’a choisie par amour, qu’il l’a préférée à son propre père, alors qu’en vérité il pensait ne pas avoir de choix à faire. Il est à moi. Leur mariage est une erreur, William Turner m’est destiné. » Finit Calypso d’un ton rempli de haine et de mépris.

 

Périboéa la regarda en souriant.

- On dirait bien que la situation est inversée cette fois. Quelle ironie … La grande Calypso supplantée par une simple petite mortelle dans le cœur de son promis. Que la vengeance est douce … »

Calypso sentit la rage monter en elle et observa la délectation de Périboéa, le point d’honneur qu’elle mettait à appuyer sur le fait que Will aimait Elizabeth plus que sa vie même. Avant qu’elle ait eu le temps de répondre Périboéa reprit d’un ton froid et haineux.

«  Tu ne l’auras pas. Tu ne lui arracheras pas l’homme qui est pour elle cette fois. J’y veillerais. Je vais l’aider à trouver le péridot et à obtenir ce qu’elle désire le plus au monde. Conclut-elle en commençant à disparaître. Adieu Calypso. »

 

Cette dernière reflua la terreur sourde que ces mots avaient fait naître en elle et lui fit la seule réponse possible.

« Prends garde Périboéa es-tu sure que c’est vraiment William qu’elle veut du plus profond de son cœur, que c’est lui l’homme qui est pour elle ? Tu risques de faire une grossière erreur en te laissant aveugler par ta haine pour moi. »

L’autre disparut sans répondre, mais Calypso n’avait pas besoin de ça pour savoir qu’elle l’avait entendue pas plus qu’elle n’avait besoin de son globe pour savoir où se trouvait Périboéa …

« De retour à Ithaque. » Dit-elle à voix haute avec une pointe d’appréhension.

 


Chapitre 5                                                                                                         Chapitre 7


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