Chapitre 14 : Manque & Laudanum


Ça faisait un peu plus d’un jour qu’Elizabeth s’était enfin enfuie de la maison de Madame Wu. Cependant elle n’était pas libre pour autant. Elle n’avait pas quitté le lit sur lequel Jack l’avait lancée, pas plus qu’elle ne s’était rhabillée après qu’il l’ait prise. Vêtue seulement de la longue chemise que lui avait fait mettre Jane, elle tremblait de tous ses membres depuis des heures maintenant et n’avait pas réussi à trouver le sommeil malgré sa fatigue. Elle avait chaud. Elle était incapable de penser, que ce soit à Will, à Jack ou à sa situation. Elizabeth gémit douloureusement et chercha du regard la pipe qui lui permettrait de retrouver la paix et le sommeil.

 

La gorge en feu et la sueur perlant à son front, Elizabeth fut secouée par une nouvelle quinte de toux alors qu‘elle se levait. Elle trébucha, déséquilibrée par le roulis du navire auquel elle n’était plus habituée et commença à fouiller les tiroirs du bureau de Jack. Elle ne savait plus où elle se trouvait, ni qui elle était. Elle n‘était plus qu‘un besoin. Elle avait besoin de la fumée bleue et de la volupté qu’elle lui apporterait sans faillir, besoin de sentir la dose d’oubli dans ses veines. Pour que la souffrance intolérable cesse.

 

Elizabeth progressa jusqu’à la porte, un voile sombre devant les yeux, son regard halluciné cherchant le moyen d’accéder à son paradis. Sans succès. Elle ouvrit la porte qui céda avec difficultés et se retrouva face à un homme inconnu qui la dévisagea avec une surprise mêlée d’intérêt….

 

Marco n’avait pas toujours été pirate. En revanche il avait été marin durant toute sa vie et était un habitué de tout ce que les ports pouvaient compter de bordels et de lieux de débauche. Il regarda Elizabeth et sourit en voyant son regard voilé, la sueur qui couvrait son front. Le manque. Durant ses voyages il avait vu beaucoup de ces créatures pitoyables dont les mains tremblaient du manque de drogue, prêtes à tout pour se procurer leur dose.

« Un problème chérie ? » Demanda-t-il à la fille inconnue dont les traits déformés lui rappelèrent vaguement quelque chose sans toutefois qu’il réussisse à mettre un nom dessus.

 

Elizabeth le regarda et fronça les sourcils. Elle ne le reconnaissait pas. Était-ce un client ? Un domestique ? Marco baissa les yeux sur elle et sourit de ne la voir vêtue que d’une ample chemise qui lui arrivait à mi cuisses. Ses cheveux blonds emmêlés et les cernes sombres sous ses immenses yeux noisette lui donnaient un air fragile qui la rendit plus désirable encore à ses yeux . Nul doute que celle-ci était une catin, vraisemblablement une fille que Jack Sparrow espérait utiliser durant leur voyage. En effet, Marco avait remarqué que le Capitaine se ruait pour voir les filles aux escales et précipitait la date de ces dernières pour se glisser dans les draps sales des catins. Même alors qu’ils étaient aux prises avec la tribu de sauvages à qui ils avaient dérobé le trésor, Jack avait séduit une des filles et l’avait prise sans se soucier de leur mort prochaine. Puis, une fois son désir assouvi, il avait retourné la situation en sa faveur et utilisé la fille pour les délivrer.

 

Elizabeth vacilla légèrement ce qui ramena Marco au présent. Il sourit. Il savait très bien ce que celle-ci voulait. Le matelot jeta un œil autour de lui, il s’assura que personne ne le voyait et repoussa doucement Elizabeth à l’intérieur de la cabine de Jack.

« J’ai quelque chose pour toi chérie … Seulement il faudra me faire plaisir si tu veux l’avoir. »

Elizabeth se lécha les lèvres nerveusement, la gorge sèche. Elle ne comprenait pas un traître mot de ce que disait l’inconnu et ses yeux dilatés se posèrent sur lui avec affolement, cherchant à voir s’il avait la pipe qu’elle cherchait depuis qu’elle s’était levée.

 

Voyant son trouble, Marco lui sourit d’un air rassurant avant de se diriger vers la porte.

« Attend moi ici. Je vais te donner ce dont tu as envie. »

Sans attendre de réponse d’Elizabeth qui n’était de toute manière pas en état d‘en donner une, Marco se glissa jusqu’à sa couchette et en exhuma le laudanum qu’il emmenait avec lui dans chacun de ses voyages. Outre le fait d’être un sirop efficace, le laudanum était surtout fabriqué à base d’opium. Cela suffirait sans doute à calmer la fille et à s’assurer sa complaisance. Repassant par le pont, Marco vérifia que Jack était bien occupé, se doutant que le pirate n’apprécierait pas de voir un de ses hommes avec sa catin. Ce qui était injuste ! Selon Marco, ce qui était au capitaine appartenait aussi à l’équipage. En particulier quand il s’agissait d’une fille.

 

Avec un sourire vicieux, il pénétra de nouveau dans la cabine de Jack et détailla Elizabeth du regard. Il devait admettre que celle-ci, malgré sa sueur et ses yeux angoissés par le manque, était très jolie. En tout cas elle ferait l’affaire. Avec un sourire, il déboucha la bouteille de laudanum et laissa l’odeur envahir la pièce. Elizabeth saliva brusquement, reconnaissant les fragrances de la fumée, l’odeur de l’oubli. Elle tendit la main en direction de Marco, qui mit la bouteille hors de sa portée avec un ricanement froid.

« Je te la donne si tu me fais plaisir chérie d’accord ? » Souffla-t-il.

Elizabeth hocha silencieusement la tête, sans parvenir à détacher le regard de la bouteille.

« S’il vous plait… » Murmura-t-elle.

Marco la saisit par le cou et inclina brièvement la bouteille entre ses lèvres pour laisser quelques gouttes du liquide pâteux tomber dans sa bouche.

 

Elizabeth poussa un gémissement frustré alors que le produit l’apaisait un peu, mais pas encore suffisamment. Elle en voulait plus. Marco sourit et laissa sa main sale remonter le long de la cuisse d’Elizabeth. Avec un halètement précipité il la saisit par les cheveux et la força à descendre son visage jusqu’à son entrejambe. Il défit son pantalon crasseux avec précipitation pour en sortir son sexe mou et la regarda méchamment.

« Dépêche-toi chérie. Met moi en forme… »

 

La langue d’Elizabeth cueillit son gland et s’enroula autour alors que le regard rempli de convoitise de la jeune femme se posait sur la bouteille de laudanum que Marco avait soigneusement posée hors de sa portée. Elle devait lui plaire avant. Elle le savait et ne s’en plaignait pas car c’était ainsi que les choses se passaient.

 

()()

 

Bonner regarda Jack d’un air inquiet. En effet depuis que le pirate était revenu à bord du Swan avec une fille, il n’avait pas desserré les dents, pas plus qu’il ne se rendait dans sa cabine, la laissant seule sans cesse.

« Jack … La fille c’est pour quoi au juste?

- Quelle fille ? Demanda Jack. Il n’y a aucune fille à bord … »

Bonner soupira et murmura.

« Pas à moi Jack. Je t’ai vu revenir avec une femme dans tes bras même si tu aurais sans doute préféré que personne ne te voie avec elle. Je ne dirais rien mais j’aimerais savoir qui elle est. »

Jack grimaça.

« Elle n’est rien. Je m’en débarrasserais à la prochaine escale.

- Pourquoi l’avoir prise avec nous dans ce cas ?

- Parce que … parce que… Commença Jack le visage brusquement rempli d’impuissance, incapable d’expliquer pourquoi la pensée de savoir sa meurtrière loin de lui ou avec un autre homme lui était intolérable.

- Quelque chose à voir avec notre figure de proue ? Demanda Bonner, un éclair rusé dans le regard. J’ai toujours trouvé ton insistance à la changer suspecte. »

 

Les épaules de Jack s’affaissèrent et le pirate soupira lourdement.

« Laisse-moi tranquille Bonner.

- Jack qui est cette fille ? Réellement… »

Jack secoua la tête ne sachant quoi répondre. Finalement il se décida et opta pour une demi-franchise.

«  Lia. »

Bonner ouvrit la bouche, médusé.

« La Perle d’Occident ? Mais tu es malade, si quelqu’un découvre qu’elle est à bord on risque de mettre le feu à l’équipage !

- C’est pour ça que tu ne diras rien. » Souffla Jack..

 

Bonner secoua la tête d’un air navré et haussa les épaules.

« Je ne te comprends pas Jack. »

Le pirate soupira et détourna le regard.

« Moi non plus. » Murmura-t-il si bas que même Bonner ne put l’entendre.

Avec un soupir, Jack se dirigea vers sa cabine. Il devait résoudre ce problème, rapidement.

 

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Jack poussa la porte et son souffle se bloqua dans sa poitrine en découvrant Elizabeth agenouillée devant l’un de ses hommes, lequel râlait ouvertement son plaisir, ses mains sales perdues dans les cheveux de la jeune femme.

 

Fou de rage, le pirate traversa la pièce et saisit Elizabeth par les cheveux. Il la repoussa loin de l’homme qu’il menaça de son pistolet.

« Comment oses-tu la toucher ? »

Marco lui sourit avec insolence et désigna Elizabeth.

« C’est elle qui a voulu Capitaine. »

La bouche tremblante, Jack ajusta son pistolet en direction de l’homme, qui, le pantalon aux mollets, le regarda soudainement avec frayeur.

« Vous n ‘allez pas faire ça Capitaine ! Vous allez pas me tuer pour une catin droguée à l’opium ! »

 

Jack se mordit les lèvres. Il regarda le matelot puis Elizabeth recroquevillée au sol, les yeux rivés sur la bouteille, semblant ne pas se rendre compte de ce qui se passait. Jack se retourna vers Marco et prit sa décision. Non décidément non. Il ne pourrait plus croiser cet homme sur son navire sans le revoir ancré dans la bouche d’Elizabeth. Et cette idée lui était insupportable. Fermant les yeux, Jack tira froidement et Marco s’écroula sur le sol de la cabine au milieu d’une mare de sang.

« Cette balle ne t’était pas destinée… » Soupira Jack en traînant le corps de Marco à l’extérieur.

 

Il percuta de plein fouet Bonner qui le regarda avec désapprobation.

« Oh non Jack …

- Un accident. Dit Jack d’un ton froid. Débarrasse-moi de lui. Ordonna-t-il en chassant d’un geste nerveux les curieux que le coup de feu avait attirés. Ce n’est rien ! S’exclama-t-il d’un ton détaché. Juste un voleur que j’ai surpris dans ma cabine. »

Sans attendre de réponse il entra dans sa cabine et referma la porte derrière lui et tourna la clef dans la serrure.

 

()()

 

Maître d'une apparence

Possédant de si peu

D'un vide, d'une absence

Dès qu'elle ferme les yeux

 

 

Elizabeth, les mains tremblantes, essayait de faire tomber des gouttes du précieux liquide sur sa langue et Jack sentit sa rage se décupler en la voyant faire. Écœuré, il lut sur son visage les marques d’un plaisir indécent alors qu’elle réussissait enfin à goûter le laudanum. Sa sueur et son angoisse disparurent progressivement à mesure que le produit faisait son effet et elle poussa un soupir de plaisir, laissant la bienfaisante torpeur l’envahir.

 

Jack serra les poings et lui arracha la bouteille des mains, luttant contre son envie de la fracasser au sol. Au lieu de ça il se retourna vers Elizabeth, qui, les pupilles dilatées par sa prise, le regarda d’un air lascif.

«  Jack … s’il te plait … » Murmura-t-elle sans savoir au juste ce qu’elle attendait de lui. Qu’il lui pardonne ? Qu’il lui fasse l’amour ? Ou qu’il la libère ?

 

Le ton languide de sa voix décupla sa rage et il plaça ses bras de chaque côté de la tête d’Elizabeth puis la plaqua contre le mur de sa cabine.

« Pourquoi !!! Pourquoi a-t-il fallu que tu te donnes à lui sale catin !!! Combien d’hommes, combien t’ont prise alors que t’es toujours refusée à moi !! » Gronda-t-il.

Elizabeth, honteuse, baissa les yeux. Elle avait encore le goût du matelot de Jack sur la langue et à présent que son besoin était enfin assouvi elle rougit de sa conduite, ne sachant quoi répondre au pirate.

 

Jack, fou de rage devant son silence sentit à nouveau son désir d’elle se réveiller, son sexe se tendait alors qu’il collait son corps contre le sien. Sans douceur, il glissa sa main sur sa cuisse nue avant de la lâcher avec un soupir douloureux.

« Qu’est-ce que je dois faire… Murmura-t-il. Qu’est-ce que je peux faire pour que tu me regardes enfin ? »

Elizabeth surprise, leva les yeux vers lui sans comprendre tandis qu’il défaisait son pantalon d’un geste pressé. Elle poussa un soupir rauque alors qu’il la soulevait sans effort, son sexe s’enfonçant en elle d’une brutale poussée. Jack gémit et lui donna un violent coup de rein, son regard noué au sien.

«  Et là ? Grinça-t-il entre ses dents. Est-ce que tu me vois maintenant ?! »

 

Elizabeth gémit et savoura de le sentir en elle. Ses doigts se glissèrent dans les cheveux du pirate, se crispant alors qu’il lui donnait de violents coups de reins et claquait son corps contre le mur qui la soutenait. Avec un soupir de plaisir elle se mordit les lèvres et ferma les yeux pour mieux le sentir en elle. Jack gémit à nouveau et la regarda, le cœur battant la chamade en la voyant s’abandonner, les yeux mi-clos, le visage ailleurs. Même encore maintenant elle lui échappait. Insaisissable, intouchable. Il possédait son corps mais il ne l’atteignait pas, elle.

« Lizzie… » Murmura-t-il d’un ton où se mêlaient sa haine et son désespoir.

 

Les yeux clos, Elizabeth sourit légèrement tandis que ses mains se crispaient sur les épaules de Jack. Il était en elle. Elle ne voulait pas que ça s’arrête. Jamais. Elle se pencha vers lui pour chercher sa bouche et leurs langues se nouèrent l’une à l’autre comme leurs corps. Lentement elle gémit, sentant l’orgasme monter en elle alors que le laudanum courrait dans ses veines et attisait ses sensations, chassant ses peines et ses angoisses.

« Ma catin. Soupira Jack avec résignation à son oreille, sa bouche errant sur son cou. Dis que tu es à moi … »

Elizabeth frissonna de plaisir en entendant son ton aux inflexions chaudes et en sentant son souffle sur sa peau.

« Oui Jack…. Gémit-elle

- Dis le !!! Exigea Jack en lui donnant un violent coup de rein. Dis que tu es ma catin.

- Je suis ta catin. » Soupira Elizabeth alors qu’elle jouissait sous ses caresses.

 

Jack émit un râle rauque et se lâcha en elle, enfouissant son visage dans son cou pour étouffer son cri de plaisir. A bout de souffle l’un et l’autre, ils restèrent sans bouger puis Elizabeth caressa avec hésitation les longs cheveux noirs de Jack. Finalement, il la reposa et remonta son pantalon avec une grimace tandis qu’elle restait plaquée contre le mur, les lèvres gonflées par le plaisir.

 

Jack regarda d’un air songeur la petite bouteille de laudanum, il la prit dans sa main et observa l‘étiquette.

« Tu en as besoin ? Demanda-t-il d’un ton froid sans la regarder.

- Jack, je …

- Répond simplement à ma question !!!!

- Oui. Souffla Elizabeth d’une voix perdue. Pour aller mieux… pour oublier… »

 

Jack ferma les yeux, le visage contracté par la douleur. Le laudanum. L’opium. La drogue de l’oubli. C’était pour avoir la fiole qu’elle lui avait obéi, qu’elle lui avait dit ce qu’il voulait entendre. Comme c’était pour cela qu’elle avait obéi à l’homme qu’il avait tué. Pour avoir le laudanum. Elle voulait oublier. Évidemment. Elle préférait se noyer dans des paradis artificiels, dans des hallucinations qui la tueraient à coup sûr plutôt que de lui donner une chance.

 

Sans la regarder, Jack posa la bouteille sur la table et sortit de sa cabine. Une fois dehors il s’appuya contre le mur, le visage tendu et Bonner s’approcha de lui avec prudence.

«  Tu es sûr que ça va Jack ? »

Jack soupira longuement et songea une fois de plus à Elizabeth, la détestant de ne pas le laisser l’oublier. Le visage hagard, il secoua négativement la tête et écarta Bonner. Il avait besoin de rhum.


Chapitre 13                                                                                                      Chapitre 15


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Commentaires: 2
  • #1

    PoC (jeudi, 16 avril 2015 14:46)

    Il réagirait jamais comme ça, Jack Sparrow. Il l'aiderait, il ragerait peut-être intérierement mais il l'aiderait.

  • #2

    Jess Swann (jeudi, 16 avril 2015 14:57)

    Je ne vois pas Jack de la même manière et par ailleurs, dans le contexte de l'histoire si. J'explique sa frustration depuis le début de la fic, tout comme leur incapacité à communiquer ^^ . Ce qui le frustre c'est qu'il lui a tout sacrifié et qu'elle ne le voit jamais. Il l'aime et il la hait, c'est le fond de l'histoire :)