Chapitre 67 : Rey


 

Destroyer Steadfast,

 

 

Notre moment est passé trop vite… Déjà, j’entends les bottes de Pryde claquer dans le couloir et Kylo se lève à la hâte. 

« Tu dois, commence-t-il.

— Je sais, » je réponds avant de me téléporter dans ma cabine.

Une fois seule je prends une profonde inspiration. Sous mon vêtement, je sens le sabre de Vador palpiter d’excitation, il m’appelle, il a soif de vengeance, envie d’en finir. Même si je sais que le Cristal en est responsable, je ne peux m’empêcher de partager ses sentiments. 

 

La silhouette sinistre d’Exégol se découpe devant nous. Kylo est à quelques mètres de moi, je vois son visage fermé dans le reflet de la vitre. Il a complètement verrouillé son esprit, sans doute en raison de la proximité de Sidious et je fais de même. A partir de maintenant, nous devons redoubler de prudence. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir notre plan être découvert trop vite.

 

Mon regard glisse quelques instants sur Kylo, je ne peux pas m’en empêcher. Je dois le regarder, j’ai encore soif de lui. Il se retourne et pendant une seconde, nos yeux s’épousent. Puis, il se détourne et je le rejoins face à la vitre. 

 

Exégol, sombre et menaçante, se rapproche de plus en plus. Elle envahit notre horizon et, bientôt nous ne voyons plus qu’elle. 

 

« Dark Kylo, quels sont vos ordres pour les prisonniers ? » interroge Pryde.

Il ne s’adresse à moi que lorsqu’il ne peut pas faire autrement. En dépit du mépris qu’il affiche à mon égard, je sais que c’est surtout par crainte. J’ignore pourquoi je lui fais peur à ce point. Peut-être qu’il a compris que je n’attends qu’une seule occasion pour lui faire payer l’épisode des Chevaliers qu’il a supervisé, poussant le raffinement jusqu’à laisser les stormtroopers présents profiter de moi. Je le hais pour ça et pour tellement d’autres choses. Je le tuerais de mes mains et personne ne pourra m’en empêcher. 

« Ce ne sont pas les miens, c’est avec elle, qu’il faut voir », crache Kylo en me désignant d‘un geste rageur.

 

Je prends une profonde inspiration. C’est le plus risque de notre plan. Certes, l’idée de piéger mes amis pour récupérer le Cristal et faire ainsi croire que j’avais définitivement rejoint le Dernier Ordre était la mienne, mais j’ai toujours des difficultés à accepter le danger que je leur fais courir. Mon cœur se serre à la pensée que Palpatine puisse décider de le faire exécuter sans préavis, ou pire qu’il les torture. Mais, les laisser enfermer dans leur geôle nous priverait d’un appui dont nous pourrions avoir besoin aussi…

« Qu’on les enchaîne et qu’ils nous accompagnent, je veux que l’Unique Leader voit que, grâce à moi, plus aucune opposition ne se dresse contre sa suprématie. Les Jedis sont morts, la Résistance aussi, place à notre règne. »

 

Kylo me jette un regard en biais et je perçois son inquiétude durant une infime seconde. Je sais ce qu’il pense : je joue trop bien mon rôle… Sous ma chemise, le sabre de Vador ronronne de satisfaction.

 

Exégol,

 

J’ai l’impression que l’air est plus respirable que la première fois que je suis venue ici. Certes l’aridité du sol est toujours flagrante, tout comme le voile glacé du vent sur mes épaules mais, étrangement, je ne le ressens plus comme une marque d’inhospitalité. C’est comme si la planète m’accueillait après un long voyage, comme si j’étais revenue chez moi. Je déglutis à cette pensée incongrue et je jette un regard oblique à Kylo, inquiète à l’idée qu’il ait perçu cette sensation inappropriée. Son visage est livide et il me donne l’impression d’être physiquement malade. Sentant mon regard sur lui, il se redresse et me jette un coup d’œil d’avertissement. Effectivement, passer mon temps à le contempler n’est pas le meilleur moyen de convaincre Sidious de mon indifférence à son égard. 

 

Les Chevaliers nous rejoignent et je dois me maitriser pour ne pas leur montrer la répulsion qu’ils m’inspirent. Au milieu d’eux, entravés par des chaines, il y a mes amis. Ils sont tous là, même les droïdes, et je retiens mon soulagement. Au moins, Pryde a suivi mes ordres et ne leur a rien fait. 

 

Poe m’adresse un regard haineux et s’approche de moi. Une fois à quelques pas, il crache un long jet de salive sur mon visage.

« Voilà ce que mérite le dernier espoir de la Galaxie, » lâche-t-il avec mépris.

L’un des Chevaliers fait jaillir la lame de son sabre laser mais je l’arrête d’un geste. Mon cœur bat la chamade. Pourquoi faut-il que Poe soit toujours si… irréfléchi ! Moi qui pensais que sa propulsion à la tête de la Résistance après la mort de Leia l’avait fait gagner en maturité…

« Laissez, je m’en charge », j’ordonne aux Chevaliers.

 

Je m’essuie le visage du revers de ma chemise, j’ai le cœur lourd de lire la haine et le mépris dans le regard de mes amis et je m’approche de Poe. Je croise le regard suppliant de Kaydel et je déglutis légèrement.

«  Aussi inutilement bravache que stupide, Dameron. Tout à fait à ton image, je ricane. Je pourrais te faire souffrir mille morts pour ça mais, je préfère quelque chose de plus raffiné. Tu as toujours été un bon pilote, une fois que ton esprit aura été nettoyé de tes tendances rebelles, tu pourrais faire une bonne recrue pour notre flotte. »

Poe me fixe avec horreur.

« Jamais !

— Oh, Poe, il ne faut jamais dire jamais… Après tout, tout le monde a un point faible, n’est-ce pas ? » 

Tout en parlant, je laisse mon regard se poser sur Kaydel et Poe réagit exactement comme je l’attendais.

 

« Si tu la touches, je… Enfin, Rey, c’était ton amie ! s’écrie-t-il avec désespoir. Elle t’a toujours aidée, soutenue et …

— Et c’est la raison pour laquelle elle est toujours vivante en dépit de son inutilité légendaire, je termine. Ne me fais pas regretter cet instant de bonté en agissant stupidement. »

Poe serre les poings mais, heureusement, il comprend qu’il doit s’arrêter là. Pourtant, mon calvaire n’est pas fini.

 

« Et moi, Rey ? Qu’est-ce notre Palpatine en jupons a prévu pour moi ? »

Finn. Je sens la rancœur dans sa voix et la déception. Je me retourne pour lui faire face et je remarque qu’il se tient aussi proche de Rose qu’il lui est possible de le faire. Je retiens le rire nerveux que je sens monter. Au moins, mon plan aura mis un terme définitif à ce qu’il pensait ressentir pour moi.

« FN-2187, vu ton matricule, je pense que tu connais la réponse. »

Le visage de Finn se décompose et je m’efforce de maintenir mon attitude méprisante. Je sais à quel point m’entendre l’appeler par son numéro l’a blessé mais je ne peux pas me permettre la moindre erreur. 

 

Kylo claque de la langue avec agacement.

« Je pense que tout le monde a compris que c’était tes prisonniers, Rey. Maintenant, peut-être pourrait-on avancer ?

— A ta place, je ne serais pas aussi pressé de me retrouver face à notre Leader, Dark Kylo. Il y a des chances pour qu’il se rende compte qu’il n’a pas choisi le meilleur apprenti possible, enfin… C’est un problème qui peut se résoudre rapidement, » je jette.

 

Sans attendre sa réaction, j’avance vers le bunker dans lequel Sidious végète. Je sens l’inquiétude de Kylo grandir à chaque pas que je fais et je me mords les lèvres. Il faut absolument qu’il se calme. Si je peux la sentir, il est probable que Sidious aussi. Je lutte pour ne pas me retourner et au bout de quelques instants, la soif de pouvoir de Kylo se répand dans notre lien. Bien, ainsi, il exprime une peur de se voir destituer, rien de sentimental et une émotion typiquement Sith. C’est parfait.

 

Je marque un temps d’arrêt en pénétrant dans la pièce et la confiance que je ressentais jusqu’à présent vacille. Au lieu du vieillard relié à des tuyaux dont je me rappelais, je découvre à présent un homme âgé et au visage déformé mais néanmoins solidement campé sur ses deux jambes. Il est libre de ses mouvements, comme s’il avait rajeuni ou repris des forces depuis notre dernière entrevue. J’intercepte un mouvement de stupeur de Kylo avant qu’il se laisse tomber à genoux, la tête baissée. Je l’imite sans hésiter.

« Je perçois votre surprise devant l’amélioration du vaisseau que j’utilise, ricane Sidious. Il est vrai que les clones se désagrègent rapidement, un défaut de conception dont je n’ai toujours pas identifié l’origine. Mais heureusement, il existe des moyens de les prolonger. Les wookies sont des créatures certes primitives mais, l’essence qu’ils recèlent est puissante et profonde. Cela a pris du temps pour le pomper entièrement. »

 

Wookie ? Non, non, non ! Pas Chewie, pas… La peine de Kylo me frappe par surprise. Son chagrin est si intense qu’il inonde la Force, me faisant monter les larmes aux yeux. Il ne se retient plus, il n’arrive pas à contenir sa peine. Et ses remords aussi, s’il avait su que Chewie vivait encore, si… Je me retiens pour ne pas me tourner vers Kylo. Il a tellement mal que je le ressens physiquement. 

 

Sidious éclate de rire. Je ne l’ai jamais autant haï qu’en cet instant.

« Dark Kylo… Sans doute l’apprenti le plus médiocre qu’on ait vu de mémoire de Siths. Une seule allusion à la mort, atroce je le reconnais, d’un être dont tu es censé te moquer et te voilà le cœur brisé de chagrin. Sache qu’il t’a appelé à la fin.»

Mon souffle se bloque dans ma poitrine. Kylo ne se contrôle plus, il est sur le point de laisser exploser sa rage. Non, c’est trop tôt, ce n’est pas ce qu’on avait…

 

« Ah… Nous y voilà, se réjouit Sidious. Ainsi donc, en dépit de mes efforts vous n’avez toujours pas réussi à vous détacher l’un de l’autre. Une telle constance dans votre affection… C’est presque admirable, se moque-t-il. Enfin, cela ne devrait pas m’étonner, tu es faible Ben Solo, tellement que tu te moques de passer derrière tous tes hommes, tout ça parce que tu as des sois disant sentiments pour elle. Une tare qui se transmet d’un Skywalker à l’autre il faut croire. »

 

Eperdue, je me retourne vers Kylo. Le regard qu’il m’adresse est un mélange de désespoir et de détermination.

« Quand à toi, me lance Sidious. Tu es tellement proche…  Il ne suffirait que d’une petite poussée, une perte légère pour te faire basculer… »

Je le hais ! 

Ma main se referme sur le sabre de Vador et je le brandis sans hésiter. Le laser émet un grésillement de victoire. Nous n’avons plus à rien à cacher, désormais il n’est plus temps de se montrer subtils.

 

D’un seul coup Sidious se décompose et je marque un temps d’arrêt, surprise par sa réaction. Son regard s’écarquille et il se tourne vers la porte. Là, j’aperçois mes amis que Pryde fait avancer. Non, non, non ! Pas maintenant, c’est le pire moment qu’il soit !

« L’Aberration… rage Sidious. Vous l’avez ramenée ici ! »

 

Quoi ? Kylo me transmet son égale incompréhension tout en s’armant du sabre d’Anakin.

« Cela change absolument tout », susurre Palpatine. 

Il se concentre sur moi.

« Tu peux encore sauver ton cher Kylo… Réfléchis bien, Rey. Il te suffit de la tuer. Tue-la et il sera avec toi à jamais… »

 

Ses mots résonnent dans ma tête, je sens le Cristal de mon sabre y réagir, me pousser à l’écouter. Mes yeux tombent sur la cible désignée par Sidious et je réprime un haut-le-cœur. 

 

Kaydel. 

 

Kaydel est l’Equilibre. 

 

Je perçois vaguement la surprise de Kylo avant d’être submergée par la colère.

 

Depuis le début elle est avec nous, dissimulée parmi nous, faisant mine d’être mon amie alors qu’elle me guide tout droit vers la mort de Kylo.

 

Ma main s’affermit sur mon sabre et j’avance vers elle.

« Oui… tue la », susurre Sidious.

Ma tête me fait mal, mes yeux me brûlent, je sens mon esprit se déchirer.

 

Pas d’exil sur Jakku pour elle, pas de pillage d’épaves pour être obligée de survivre, contrairement à moi. Non, elle, Leia l’a gardée près d’elle, l’a choyée, l’a protégée, l’a aimée.

 

Ma colère grandit et j’écarte Poe qui s’est placé devant Kaydel d’une poussée de Force. 

 

Et maintenant, il faudrait que j’accepte de perdre Kylo pour qu’elle nous dirige ? Elle qui a tout eu, il lui en faut encore plus ? Jamais !

 

Encore un pas. Je la hais.

 

Des mains se referment sur mes épaules, un corps me bloque le passage.

« Rey, résiste-lui ! Je t’en supplie, ne m’oblige pas à me battre contre toi. Repousse-le ! Ce ne sont pas tes pensées, ce sont les siennes, il te manipule. »

Les yeux de Kylo plonge dans les miens. Ma confusion augmente et je pousse un gémissement de douleur. Ma tête me fait tellement mal.

 

« Je suis avec toi, Rey. Ne le laisse pas te corrompre. »

 

Il ment… Depuis le début il m’utilise afin de régner avec Kaydel.

 

Des images de passion me viennent à l’esprit. Je vois Kylo bouche contre bouche avec Kaydel. Ses mains sont partout sur elle, son désir explose pour elle.

 

« STOP ! Jamais, Rey. Cela n’est jamais arrivé et ça n’arrivera pas ! »

 

Kylo est dans mon esprit à présent et je le sens lutter contre les images lascives de Kaydel et lui qui me viennent. A la place, il évoque nos souvenirs communs, il s’ouvre pleinement, plus qu’il ne l’a jamais fait. Il m’offre son esprit.

 

Il ment, il cherche à t’abuser, c’est ce que les Skywalker te font depuis le début.

 

La souffrance est telle que je pousse un hurlement. Ma tête est comme prise dans un étau. Je n’en peux plus de ces voix discordantes. C’est comme si Sidious et Kylo hurlaient tous les deux dans ma tête.

 

Je sens que Kylo force un peu plus le passage dans mon esprit à l’aide d’un assaut brutal. La douleur est si intense que je tombe à genoux.

 

« LUTTE ! Repousse Sidious, tu en es capable, Rey ! »

 

Je sens sa foi en moi, sa confiance et je me ferme aux voix des Siths.

 

Le soulagement me submerge, mes pensées s’éclaircissent et le visage de Kylo se penche sur le mien.

« Tu vas bien ? »

Encore sous le choc j’hoche la tête et il se tourne pour faire face à Sidious.

« Vos manipulations ne marchent plus. Vous ne pouvez absolument rien contre nous. »

 

Sidious le gratifie d’une décharge de Force mais Kylo la dévie de son sabre. L’arme de Vador se rappelle à moi et je m’avance.

L’Empereur lève la main.

« Pauvres idiots, vous ne comprenez rien à la Force, rien au Côté Obscur… L’âme des Siths est en moi et tous les Siths vivent à travers moi, comme nous continuerons à le faire à  travers mon sang. »

 

Il m’envoie une décharge d’énergie d’une telle puissance que je vacille. Pourtant, je ne ressens aucune douleur. Je sens mon esprit s’ouvrir et accueillir l’essence de Sidious et des Siths avant lui. Alors, je comprends… Le Côté Obscur bouillonne en moi, il est en moi. Les Jedis étaient morts avant notre quête mais pas les Siths. Et tant que je serais vivante, il sera impossible de les anéantir. Comme dans un cauchemar, je vois Kylo assaillir Sidious. Une bouffée de haine pure me transperce et je m’oblige à la repousser. 

 

A présent, je sais ce que je dois faire, ce que la Force et la Prophétie de la Dyade attendent de moi.

 

 Je me concentre pour bloquer Sidious et le Transfert d’Essence qu’il tente d’opérer reste suspendu entre nous.

« Non !  hurle Palpatine. Pauvre folle, arrête, tu ne peux pas faire ça ! »

 

Le calme m’envahit.

« Si. »

 

De ma main libre, je saisis celle de Kylo et je projette toute ma Force en lui. Je sens son affolement mais je le retiens d’une poigne de fer.

« Rey, qu’est-ce que tu fais !

— Ce qu’il faut. »

 

Il tente de me repousser mais je m’impose et je déverse ma Force en lui. Je lui offre tout. Mon cœur ralentit et je sens le froid envahir mes membres mais je ne m’arrête pas. J’ai de plus en plus de mal à contenir les assauts de Palpatine à mesure que la Force me déserte mais je m’oblige à tenir bon.

 

Brusquement, je sens une autre essence se mêler à celle de Kylo, quelque chose qui se nourrit de ma Force, qui la détourne à son profit. Quelque chose de différent de Palpatine ou des Siths… Pourtant, je n’ai pas peur, je pressens que quoi que ce soit,  c’est là pour aider Kylo...

 

« Rey ! Arrête ! hurle Kylo. Tu avais promis ! »

 

Je sens son bouleversement, ma faiblesse, il ne me reste plus beaucoup de temps maintenant… Je n’ai plus la force de contenir Palpatine, ni d’utiliser notre lien.

 

« Il faut jamais croire… un Sith », je déglutis avec peine. 

 

Je sens la terre sous mes genoux, la main de Kylo s’échappe de mes doigts, je n’ai plus la force de la serrer. Je lève les yeux vers lui, je ne veux pas mourir sans le voir une dernière fois, sans le lui avoir dit :

« Je t’aime. »

 

Je perçois sa douleur puis, plus rien.

 

Le vide.

 

 


Chapitre 66                                                                                                  Chapitre 68


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