Chapitre 9 : Pirate !



Perclus de douleur, les larmes aux yeux, Jack courait droit devant lui sans savoir exactement où il allait. Le geste de Cutler l'avait blessé tant physiquement que dans ses sentiments. Jamais il n'aurait cru son ami capable de ça, d'une telle cruauté. De plus, son bras le brûlait atrocement et il lui semblait que la douleur irradiait tout son corps. Jack s'arrêta quelques instants pour reprendre son souffle, accablé, et se laissa tomber sur le sol, contre le mur d'une maison. Profitant de la faveur d'un rayon de lune, il leva son bras à hauteur de ses yeux et frémit en découvrant la blessure que Cutler lui avait infligée. La plaie rouge et purulente avait sans aucun doute la forme d'un P, la lettre dont on marquait les pirates. Jack blêmit en la voyant. Les pirates. Ceux qui portaient cette marque infâmante étaient pendus, si la garde le prenait, il risquait la potence ! Jack essaya de reprendre ses esprits, d'oublier la douleur quelques instants pour trouver ce qu'il devait faire. Et brusquement il sut. Son capitaine, Linley serait à Plymouth dans la journée. Il lui suffirait de camoufler sa blessure et de rester caché jusque-là puis d'aller à sa rencontre. Linley saurait quoi faire. Tremblant de douleur et de froid, Jack se résolut à attendre, niché dans un coin à l'abri des regards que la prochaine nuit tombe et lui donne l'occasion de sauver ce qui pouvait l'être.

 

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Tandis que Jack se terrait dans un coin et espérait ne pas se faire repérer. Cutler reprenait doucement connaissance au moment où ses collègues commençaient à envahir les bureaux de la Compagnie. Le grand seau d'eau glacée que lui jeta Sir Monk au visage acheva de le réveiller tout à fait.

« Beckett ! Que s'est-il passé ? Que diable faites-vous ici ! »

Cutler s'accorda quelques instants pour penser à ce qui s'était produit la veille. Il avait découvert l'ignoble trahison de Jack et il l'avait marqué, il voulait le tuer mais l'autre avait réussi à s'enfuir. Cutler retint son souffle devant la bouffée de haine qui venait de l'envahir à la simple pensée de Jack. Il se releva avec effort.

« Je, un voleur était ici cette nuit.

- Quoi ! Rugit Sir Monk. Venez m'expliquer cela dans mon bureau Beckett ! »

 

Cutler se leva avec difficulté et suivit l'autre dans son bureau. Sir Monk se servit un verre et désigna un siège à Cutler.

« Racontez.

- Je. Et bien, hier soir alors que je me trouvais avec un ami à moi, un marin de la Compagnie, j'ai été volé. Il a abusé de mon amitié pour me voler les clefs de l'office. Dieu merci je m'en suis rendu compte immédiatement après son départ et je suis tout de suite venu ici. Je l'ai trouvé dans votre bureau et je me suis battu avec lui. » Mentit Cutler, le cœur battant.

 

Sir Monk le dévisagea un instant, l'air perplexe.

« Hmmm vous dites que vous l'avez surpris ici … Pourtant il ne manque rien.

- C'est que Monsieur, je suis arrivé à temps. Et je, enfin j'ai appliqué sur lui la marque des voleurs, des bandits. Reprit Cutler.

- La marque ? Demanda Monk en haussant le sourcil. Vous voulez dire que son bras porte à présent la marque des pirates ?

- Oui. Je cherchais comment me défendre et c'est le seul moyen que j'ai trouvé. Continua Cutler avec aplomb. Il avait allumé un feu. Je crois qu’il ne pensait pas être dérangé, j'ai donc pu le prendre par surprise et lui apposer le tison. Après quoi, et bien il m'a assommé et a pris la fuite. »

 

Sir Monk le transperça d'un regard aigu et sentit confusément que l'homme ne lui disait pas toute la vérité. Cutler, porté par sa haine, soutint son regard sans ciller. Finalement ce fut Sir Monk qui baissa les yeux le premier, à la grande surprise de Cutler qui se découvrit une autorité inattendue.

« Très bien Beckett. Dans ce cas la Compagnie vous doit une fière chandelle. Vous pouvez rentrer chez vous vous reposez un peu, je vous donne votre journée. Offrit gracieusement Sir Monk.

- Une dernière chose, vous ne souhaitez pas connaître le nom de ce voleur ? Interrogea Cutler.

- Euh … Si, si, bien sûr … Quel est-il ?

- Jack Sparrow. Énonça Cutler d'un ton froid en s'efforçant de maîtriser sa rage.

- Sparrow… Chercha Monk. Je ne vois pas.

- Le second du Wicked Wench. » Précisa Cutler avant de se retirer, un sourire tordu aux lèvres.

 

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La journée passa lentement pour Jack qui ne parvint pas à fermer l'œil tant la douleur était intense. Plusieurs fois il vit la garde passer et se recroquevillait dans son petit coin tant il avait peur d'être repéré. Lorsque la nuit fut enfin là, il ne put retenir un petit soupir de soulagement alors qu'il cheminait parmi les ombres vers le port où il savait pouvoir trouver son capitaine.

 

Lorsqu'il aperçut la silhouette si familière qui se découpait sous les rayons blafards de la lune, Jack sentit l'espoir renaître en lui. Le capitaine Linley était là. Il allait pouvoir l'aider. L'emmener loin de cette Angleterre maudite qui ne lui avait apporté que des souffrances et des désillusions. Il s'approcha de son capitaine sans se soucier de passer inaperçu.

« Capitaine Linley ? » Souffla-t-il.

Jonathan se retourna vers lui. Lorsqu'il le reconnut un air désolé assombrit son visage.

« Jack que fais-tu là ? Est-ce que tu es fou ? Ou alors est-ce que tu penses que j'ignore ce que tu as fait ? »

 

Jack resta un instant interdit, il ne comprenait pas la froideur soudaine de l'homme qu'il considérait secrètement comme son père depuis qu'il avait mis l'océan entre Grant et lui.

« Capitaine … Je

- Tais-toi ! Je ne veux pas entendre tes explications ! Rétorqua froidement Linley, avant de reprendre d'un ton plus doux. Voyons Jack, qu'est-ce que tu t'es imaginé ? Tu as cru que si tu étais plus riche Anne tomberait amoureuse de toi ? Ça ne marche pas comme ça mon garçon. L'amour ne s'achète pas. »

 

Jack éberlué, regarda Linley sans comprendre un traître mot de ce qu'il racontait.

« Je … » Bredouilla-t-il.

Linley lui lança un regard apitoyé.

« Oui Jack, je sais ce qu'il s'est passé chez les Dove, ils m'ont tout raconté. Ta déclaration à leur fille, et tes propos aussi. Sur la différence sociale. Mais jamais, jamais je n'aurais cru que tu feras quelque chose d'aussi incroyablement stupide ! Mais enfin, qu'est-ce qui t'as pris d'essayer de voler la Compagnie ? » S'énerva Linley.

Jack sentit les larmes monter à ses yeux à mesure qu'il comprenait les paroles de Linley. Ce dernier le prenait pour un vulgaire voleur. Ce n'était pas possible, il devait y avoir une méprise.

« Capitaine … Je n'ai jamais rien volé je vous assure ! »

 

L'autre lui lança un regard terrible et avant que Jack ait pu prévoir ce qu'il allait faire, Linley saisit son bras droit et défit sans douceur le linge dont Jack s'était servi pour protéger son bras dans un effort dérisoire pour atténuer la douleur. Les fibres du tissu s'étaient confondues avec la plaie et Jack ne put retenir un gémissement de douleur lorsque l'air caressa ses chairs torturées.

« La marque est bien là. Là où l'a dit cet homme dont tu as honteusement essayé d'abuser comme tu l'as fait avec moi !

- Non Capitaine ! Je vous jure que je n'ai rien… »

Il fut interrompu par une gifle retentissante.

« Tais-toi ! Arrête de mentir ! Ton crime et ton imposture sont découverts à présent. Tu n'es somme toute qu'un pirate. Un maudit pirate. »

 

Des larmes roulèrent sur les joues de Jack. Linley ne le croyait pas. Cet homme qui le connaissait depuis plus de cinq ans préférait croire qu'il était un voleur plutôt que d'écouter sa version à lui.

« Un pirate. Murmura-t-il.

- Oh, Jack … Je t'aimais comme un fils … C'est pour ça que. Linley hésita un bref instant avant de continuer. Je ne vais pas donner l'alarme comme me le commande mon devoir. Pars Jack ! Vite avant que je ne change d'avis ! »

Jack le regarda, pétrifié. Son dernier espoir venait de s'envoler en fumée. Voyant qu'il n'était pas décidé à bouger, Linley le repoussa rudement.

« Tu as compris ! Va-t’en pirate ! Cours ! Vite ! »

 

Alors Jack compris enfin que tout ce qui hier encore faisait sa vie lui était désormais fermé. Sans réfléchir il obéit une dernière fois à son capitaine et lui tourna définitivement le dos pour détaler dans les rues de la ville sans savoir où il pourrait refuge à présent.

 

Linley regarda dans sa direction longtemps après que Jack eut disparu de sa vue. Des larmes emplirent ses yeux tandis qu'il disait mentalement adieu au jeune homme qu'il avait recueilli il y avait si longtemps sur un quai de Port Royal.

 

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Jack continuait sa course folle, ses poumons lui brûlaient et des larmes chaudes s'échappaient de ses yeux, il lui semblait entendre les mots de Linley résonner dans sa tête.

 

« Pirate, » avait-il dit.

 

Soudain sa fuite fut stoppée net. Il venait de percuter de plein fouet une femme. Celle-ci le reçut dans ses bras, et plongea ses yeux noirs dans les prunelles sombres de Jack. Un bref instant, il lui rendit son regard avant de perdre connaissance sous l'effet conjugué de la fièvre, de la souffrance et de la fatigue. La femme se pencha doucement sur le corps inanimé et presque tendrement elle lui caressa la joue avant de le soulever pour l'emporter avec elle. En l'espace d'un regard elle avait pris sa décision, elle ne pouvait pas le laisser ainsi. Après tout, il était peut être venu vers elle guidé par le destin et puis un jeune homme avec de si beaux yeux ne méritait pas de mourir dans une ruelle comme un chien. Elle allait s'occuper de lui, le soigner et peut être même qu'elle l'aimerait.

 

Lorsqu'elle fut arrivée au port, la femme murmura quelques mots dans une langue étrange, issue du plus profond des âges et un navire apparu alors, fendant le brouillard. Sans hésiter la femme monta à son bord et emporta Jack vers une destination inconnue.


Chapitre 8                                                                                                    Chapitre 10


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