Chapitre 1 : Récupérer son navire


Tortuga,

 

Barbossa commençait à penser que Calypso s’était moquée de lui lorsque, à l’aube du sixième jour suivant sa rencontre avec la nymphe, le Black Pearl se matérialisa à l’horizon. Hector referma sa main sur son pistolet à cette vue dont il avait rêvée. Il avait eu du temps pour imaginer ce qu’il ferait à Jack Sparrow une fois qu’il aurait mis la main sur lui. Dans les premiers temps, il s’était dit qu’il le tuerait avant de décider que ce n’était pas assez. Sparrow lui avait volé son navire, il avait poussé ses hommes à se mutiner. SES hommes. Un tel affront méritait un châtiment pire qu’une simple mort.

 

Hector sourit au souvenir d’Elizabeth Turner. La jeune femme et ce qui s’était passé entre eux seraient une arme de choix. Sparrow avait beau dire, il avait bien remarqué les regards dont il enveloppait la jeune femme. Des regards brûlants de désir qui n’avaient rien à voir avec ceux que Sparrow adressait habituellement à ses conquêtes féminines. Peut-être même était-il amoureux de la fille. En tout cas il l’espérait. Ainsi le coup qu’il lui porterait serait plus douloureux. Le tout était de trouver le bon moment pour le faire.

 

Il se rencogna dans l’ombre et observa le débarquement du Black Pearl. Il lui serait facile de s’emparer du navire pendant que Jack serait ivre mort dans un coin. Mais il ne voulait pas seulement récupérer le Pearl. Il voulait aussi se venger. Déjà, il avait subtilisé son compas à Jack. Maintenant il allait lui montrer qu’il lui avait volé plus encore. Sparrow regretterait longtemps sa minable mutinerie. Il y veillerait.

 

L’hostilité submergea Hector en voyant apparaître la silhouette grotesque du pirate. Sa main se referma par automatisme sur son pistolet et il dut se faire violence pour ne pas tirer. Il grinça des dents en voyant Pintel et Ragetti accrochés aux basques du pirate. Ceux-là aussi lui paieraient cher leur trahison, décida-t-il.

 

De sa cachette, Barbossa vit Jack se retourner et tendre la main à une femme qui débarquait du Pearl. Surpris par cette dernière, Hector tendit le cou pour mieux voir. La femme était vêtue à la mode pirate et ses longs cheveux roux et bouclés étaient retenus par un catogan. Il ne l’avait jamais vue avant. Barbossa réfléchit rapidement : Sparrow n’était pas du genre à voyager avec une femme exception faite d’Elizabeth Turner ou alors pas longtemps. Dans ce cas, le pirate prévoyait peut être de l’abandonner à Tortuga ce qui ferait d’elle une alliée de choix dans sa vengeance.

 

Hector se serra contre le mur. Sparrow approchait, la femme à ses côtés. D’où il était, il put saisir une partie de leur conversation.

«  Vraiment Sparrow je ne vois pas pourquoi vous tenez tant à perdre votre temps ici.

- Parce que c’est ici que vous trouverez les hommes dont vous avez besoin Gracie. »

Barbossa retint un sourire en voyant la femme se retourner vivement et plaquer Jack contre le mur, un couteau sous sa gorge. L’imbécile n’avait rien vu venir.

«  Capitaine O’ Malley Sparrow. Pas Grâce ou Gracie. Savvy? »

Un gargouillis répondit à la femme et elle relâcha son étreinte.

 

Barbossa s’avança un peu, intéressé. La fille n’était pas jolie, elle était même tout sauf ça, mais son comportement était celui d’un pirate aguerri ce qui lui plaisait.

«  Maintenant, emmenez-moi voir ces hommes qui selon vous sont meilleurs que mes irlandais. 

- Et ensuite vous me rendrez ma carte ? Demanda Jack avec un air plein d’espoir. Et le Pearl ?

- Nous verrons. »

 

Barbossa faillit éclater de rire. Il ne savait pas comment c’était arrivé mais cette femme, un pirate de toute évidence, avait réussi à s’emparer du navire de Sparrow. Fallait-il que ce dernier soit un piètre capitaine pour que même une femme réussisse à s’emparer du Pearl !

 

Le pirate laissa un peu de distance entre eux puis les suivit, certain de connaître la destination de Sparrow. Il ne s’était pas trompé et sourit en voyant l’air abattu de Jack assis aux côtés de la femme. De toute évidence, la chance avait sérieusement tourné pour le pirate. Avec un grand sourire aux lèvres, Barbossa s’en réjouit. Il rabattit son chapeau neuf sur sa tête et s’éloigna un peu. La présence de la femme bouleversait ses plans. Il devait réfléchir à la manière de la retourner en sa faveur.

 

Un léger cri le fit sursauter et il se retrouva face à des Pintel et Ragetti visiblement terrifiés. Les coins de sa bouche se relevèrent en un sourire féroce et il s’approcha des deux compères.

«  Ca… ca…. Ca.. Pitaine… bredouilla Ragetti

- Tiens des mutins. Souligna Barbossa, ravi de leurs mines terrifiées.

- C’était pas notre faute, le capitaine Jack il nous a forcé ! » S ‘exclama Pintel.

Ragetti lui lança un regard perplexe et l’autre lui tapa dans les côtes en affichant un sourire faux. Ragetti cilla puis comprit enfin.

«  Ahhhh oui. C’est vrai il nous a forcé. »

 

Barbossa les toisa. S’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait logé une balle entre les deux yeux de ces lâches incompétents depuis longtemps. Cependant, leur bêtise et leur habitude de retourner leur veste pourrait lui servir. Aussi, au lieu de sortir son pistolet, Barbossa désigna une ruelle sombre.

«  Entrez là-dedans »

Ragetti pencha la tête et se retourna vers lui, son unique œil embué

«  Mais il fait tout noir, geignit-il.

- Justement. Nous serons plus à l’aise pour parler. »

 

Après un dernier regard désespéré en direction de Jack qui, toujours assis aux côtés de Grâce, affichait une mine catastrophée, les deux mutins se décidèrent.

Barbossa les toisa et savoura leur peur manifeste avant de se décider à parler.

«  Alors dites-moi. Qui est cette femme avec Sparrow ?

- Une sorcière !

- Une Jézabel, » répondit en même temps Ragetti.

Devant la surprise des deux autres, il se crut obligé de préciser.

«  Bah dans la Bible il est dit que…

- Arrête de citer la Bible tu sais même pas lire, l’interrompit Pintel.

- Si je sais ! Et j’ai pas besoin pour savoir que cette fille est une Jézabel »

 

Barbossa se fit violence pour ne pas tirer dans le tas. Au lieu de ça il interrompit la querelle.

«  Donc cette femme ?

- Bah on l’a recueillie en mer avec une poignée d’hommes, commença Pintel.

- Monsieur Gibbs il a bien dit que ça portait malheur une fille aux cheveux rouges comme ça, mais le capitaine Jack il a rien voulu entendre. »

Barbossa cacha mal son sourire : il avait toujours su que Jack était trop faible pour faire un bon pirate.

«  Et donc ? » demanda-t-il en savourant par avance la réponse.

 

Pintel cracha sur le sol

«  Elle a pris le commandement avec ses hommes et les cartes à Jack.

- J’avais cru le comprendre. Que faites-vous à Tortuga ?

- Elle veut recruter des hommes. Le capitaine Jack il a dit qu’il l’aiderait mais qu’en échange elle devrait lui rendre le bateau. »

Barbossa sourit encore plus largement. Il planta là les deux hommes et se dirigea droit vers la place où se tenait Jack.

 

L’air décidé et le chapeau fièrement vissé sur son crâne, il avança vers le couple.

«  Sparrow … » susurra-t-il.

L’air catastrophé de Jack le ravit. Pourtant le pirate se reprit.

«  Hector, vieille branche, je te croyais mort quelque part en Russie. »

Barbossa prit une pomme et mordit nonchalamment dedans.

«  C’est qu’on a du se tromper.

- T’étais pas en Russie ?

- Si. Et je n’étais pas seul, laissa planer Barbossa avant de se tourner vers la femme. Capitaine O Malley je crois ? Laissez-moi me présenter, Hector Barbossa, Seigneur de la Mer Caspienne et désireux de vous servir de second sur le Black Pearl.

- Quoi ?? » Glapit Jack.

 

Un regard méfiant lui répondit et Jack agita les mains.

«  Non, non ça ne va pas du tout. On avait dit que

- La ferme Sparrow. Le coupa la femme avant de se retourner vers Barbossa. Je suis Grace O Malley.

- Je sais qui vous êtes Capitaine, votre réputation a dépassé l’Irlande. » Répondit Barbossa d’une voix onctueuse.

 

Grace se rengorgea à sa flatterie et le toisa.

«  Et pourquoi devrais-je vous prendre à mon bord ?

- Parce que je sais manœuvrer le Pearl mieux que personne.

- Sparrow m’a promis un autre navire.

- Foutaises. Aucun n’est aussi rapide que le Pearl. Prenez-moi comme second et je vous le prouverai. » répondit Barbossa amusé par l’air indigné de Jack.

La femme se leva.

«  Tu as jusqu’à ce soir pour me trouver un équipage digne de ce nom.

- QUOI ! Mais notre accord…

- Ne tient plus Sparrow. Barbossa on lève l’ancre dans sept heures. » Déclara la femme.

 

Les deux hommes la regardèrent s’éloigner et Jack se tourna vers Barbossa.

«  Bugger…. Tu as fait rater tous mes plans.

- Vraiment ? Tu m’en vois désolé. »

Jack chercha maladroitement son pistolet avant de se raviser. Grace le lui avait pris comme le reste.

«  La Russie était intéressante, commença Barbossa.

- Mon compas ! Rend moi mon compas.

- Oh désolé je ne l’ai plus. Une de nos vieilles connaissances me l’a emprunté. »

 

Jack posa un regard suspicieux sur Barbossa.

«  Qui ça ?

- Elizabeth Swann, enfin Turner. »

A la grande satisfaction de Barbossa, le regard de Jack s’assombrit légèrement puis :

«  Je la croyais à Tripoli.

- Non, elle était en Russie. Nous avons passé du temps ensemble là-bas, appris à nous connaître… »

Jack le fixa avec méfiance et Barbossa mordit dans une pomme avant de reprendre.

«  Très imaginative sous ses dehors innocents…

- Imaginative ? Releva Jack en pâlissant un peu.

- Et jolie avec ça. Une peau douce, des cheveux soyeux. Et l’intérieur vaut l’extérieur. » commenta Barbossa.

 

Cette fois la mine de Jack s’allongea et il balbutia.

«  Tu, tu elle …

- Nous avons couché ensemble. Et vu le nombre de fois où nous l’avons fait, je peux te dire que la dame a adoré ça. »

Touché, songea Barbossa, amusé tandis que la mine de Jack s’allongeait encore.

«  Elle et …balbutia le pirate.

- Mon pauvre Jack, tu n’as jamais su y faire avec les femmes. » Se moqua Hector.

 

La violence de la réaction de Jack le surprit autant qu’elle le ravit. Jack le saisit par le col, le visage congestionné de rage.

«  Où est-elle ? Qu’est-ce que tu lui as fait ? »

Sans émotion apparente, Barbossa se dégagea de son étreinte avec calme.

«  Rien de plus que ce qu’elle désirait.

- Tu mens, Lizzie, elle, elle ne ferait jamais ça. Pas avec toi.

- Elle porte un tatouage dans le creux de ses reins. Un cygne. Comment crois-tu que je l’ai vu ? »

L’air égaré, Jack recula.

«  Si tu as osé, je… Elle…

- Il fait froid en Russie, se moqua Barbossa. La dame avait besoin qu’on la réchauffe. C’est elle qui me l’a demandé. Maintenant dégage, j’ai un équipage à recruter. »

 

Jack baissa la tête.

«  Tu n’avais pas le droit !

- Parce que tu crois que je m’en soucie ? Maintenant écarte toi, ces hommes attendent de savoir s’ils sont dignes de naviguer sous mon commandement.

- Pas de, écarte toi !! » Bredouilla Jack, fou de rage.

Il n’eut pas le temps de poursuivre. Sous l’œil médusé de Barbossa, Jack s’écroula à terre. Derrière lui, Pintel et Ragetti rirent bêtement, une bouteille à la main.

«  C’est à cause de lui si on est commandé par une fille. » Geignit Ragetti.

 

Pour une fois, Barbossa se félicita d’avoir épargné les deux idiots. Grâce à eux son triomphe était parfait.

«  Emmenez ça hors de ma vue. Ordonna-t-il en désignant Jack.

- On le tue capitaine ?

- Oui on le tue ? »

Le pirate hésita une fraction de seconde puis sourit au souvenir de l’expression de Jack lorsqu’il lui avait raconté son « aventure » avec Elizabeth.

«  Non, finit-il par déclarer. Quelquefois il y a des souffrances pires que la mort. »

 

Pintel et Ragetti le regardèrent sans comprendre et Barbossa les congédia d’un signe de la main.

 

Lorsque Jack réussit à se défaire de ses liens, quelques heures plus tard, il ne put qu’assister impuissant au départ du Pearl qui n’était déjà plus qu’un point à l’horizon.

«  Sale traître » Ragea le pirate avant de se tourner avec soupir vers les prostituées. Il avait besoin d’oublier tout ça. Besoin d’oublier qu’outre son compas, il venait de perdre son navire. Et que cette foutue Elizabeth avait offert à son plus vieil ennemi ce qu’elle lui avait toujours refusé.

 

 

Singapour,

 

La vie à Singapour se révéla plus simple que ce qu’elle avait imaginé. Elizabeth ne fut pas longue à découvrir que la population locale évitait scrupuleusement le repaire de Feng. Elle apprit au détour d’une conversation que beaucoup pensaient l’endroit maudit en raison du sang versé par la Compagnie.

 

Cela lui convenait parfaitement. Au moins elle n’avait pas besoin de se battre pour conserver sa place. La forteresse de Feng recelait de nombreux trésors et Elizabeth avait eu tôt fait de découvrir une malle remplie de vêtements aux couleurs chatoyantes. Elle l’avait fouillée avec plaisir et l’espace de quelques heures, elle avait retrouvé son âme de jeune fille alors qu’elle se parait des étoffes.

 

Elle avait abandonné le kimono seyant mais par trop voyant de Mistress Ching pour une tenue masculine. Les cheveux soigneusement dissimulés sous un petit chapeau à pointe nettement plus approprié que celui de Barbossa, Elizabeth arpentait chaque jour le port et guettait le retour de l’Empress.

 

La première fois qu’elle « emprunta » la bourse d’un passant arriva presque par hasard. Elle était assise sur une caisse et observait l’horizon d’un œil sombre lorsqu’un homme se baissa devant elle. Sa bourse rebondie était à portée de sa main. Sans réfléchir elle l’avait saisie avant de détaler dans les rues. Ce soir-là, elle s’était offert un festin dans une petite échoppe.

 

La bourse s’était vidée trop vite et Elizabeth, après avoir effectué son tour de pont habituel, suivait un homme au ventre replet. Elle avait vu sa bourse lorsqu’il s’était avancé pour saluer une connaissance. Le regard froid, la jeune femme le suivit tandis qu’il s’engageait dans une ruelle peu fréquentée.

 

Elle le rattrapa sans peine et glissa son couteau contre son dos. L’homme glapit.

«  Donne-moi ta bourse ou tu es mort » murmura-t-elle.

L’homme se retourna et la regarda avec effroi. Le cœur d’Elizabeth se serra. Le notable ressemblait à son père. Elle se força à répéter d’une voix ferme.

«  Ta bourse dépêche-toi.

- Je vous en supplie ne me faites pas de mal, j’ai, j’ai deux enfants et …

- Si tu me donnes ta bourse je ne te ferais rien. » S’impatienta Elizabeth.

 

Les doigts tremblants de l’homme effleurèrent sa ceinture et Elizabeth détourna les yeux. Il ressemblait trop à son père.

«  Monsieur Facher ? Un problème ? » Interrogea subitement une voix dans le dos d’Elizabeth.

Toute à sa nostalgie, la jeune femme ne l’avait pas entendu arriver. A son grand effroi, sa victime poussa des cris d’orfraie.

«  Une voleuse, une voleuse !!

- Imbécile ! » Cracha Elizabeth avant de planter son couteau dans le ventre de l‘homme.

 

Ses doigts se refermèrent sur la bourse tandis qu’il s’écroulait et elle se retourna pour faire face aux autres. Ils étaient trois. Trois soldats de la compagnie. Grinçant des dents à la vue de leur uniforme, Elizabeth affermit sa prise sur le couteau.

«  N’approchez pas. »

Bien sûr les soldats ne tinrent pas compte de son avertissement. Heureusement pour Elizabeth l’un de ses assaillants était un novice dont c’était la première affectation. Elle eut tôt fait de le désarmer et de s’approprier son épée.

 

Sa lame s’entrechoqua avec celle des deux autres et elle se défendit comme un beau diable. Un cri de victoire lui échappa en sentant l’épée du second être projetée sur le côté et elle eut juste le temps de s’écarter pour parer le coup du troisième.

«  Sale voleuse, crois-moi c’est la corde qui t’attend »

En sueur, Elizabeth le repoussa de toutes ses forces.

«  Pas voleuse, pirate. » déclara-t-elle fièrement avant de détaler en voyant le reste de la troupe courir dans sa direction.

 

La bourse soigneusement calée contre son sein, elle courait aussi vite qu’elle pouvait. Elle emprunta une ruelle, puis une seconde avant de s’immobiliser. Elle était dans un cul de sac. Elizabeth tourna un regard traqué derrière elle puis chercha une issue. Ils n’allaient pas tarder à être là. Et vu leur nombre, elle ne faisait aucune illusion sur ses chances.

«  Par ici. » lui glissa une voix.

 

Elizabeth n’hésita pas. Elle se précipita dans la direction indiquée. Une main se referma sur sa bouche et elle se débattit.

«  Tais-toi et ne bouge pas » lui ordonna la voix.

Elizabeth cherchait à le mordre lorsqu’elle vit les soldats arriver dans son champ de vision. Elle se calma instantanément et les fixa, le cœur battant.

«  Elle n’est pas là.

- Impossible. Ce mur est trop haut, elle n’a pas pu l’escalader, fouillez l’endroit. Je la veux au bout d’une corde. Cette femme a tué l’envoyé du Gouverneur. »

 

Elizabeth ressentit un vague remords à la pensée des deux enfants de l’homme mais l’autre la tira en arrière.

«  Pas de bruits, suis moi. »

Elle n’hésita pas. Dans son esprit, tout valait mieux que d’être prise par les soldats. S’efforçant de faire le moins de bruit possible, elle suivit son sauveur improvisé dans un dédale sombre.

«  Plus vite. » souffla ce dernier tandis que les bottes des soldats se rapprochaient.

 

«  Elle est sûrement partie par là ! » S’exclama un homme non loin d’elle.

La peur aiguillonna Elizabeth et elle pressa le pas. Son sauveur en fit autant et se précipita dans une pièce. Elizabeth le regarda avec désespoir. Il l’avait guidée dans une cave ! L’homme se rua sur un tapis richement décoré et souleva un anneau qu’elle n’avait pas vu.

«  A l’intérieur. »

Elizabeth n’hésita qu’une fraction de seconde et se précipita dans le trou. L’homme la suivit et referma sur eux.

«  Maintenant te taire. » ordonna-t-il.

 

Elizabeth obtempéra et elle sentit le corps de l’autre pressé contre le sien. Au-dessus d’elle, les bottes des soldats résonnèrent.

«  Elle n’est pas là. » annonça une voix.

Pour un peu Elizabeth en aurait défailli de soulagement mais une autre voix s’éleva. Celle de son dernier adversaire.

«  Elle est forcément là. Brûlez cette maison. »

Elizabeth étouffa un cri d’horreur et le bras de l’homme lui enserra la taille.

«  Chut. » murmura-t-il.

 

Tremblante, Elizabeth sentit la fumée infiltrer leur cachette tandis que les bottes s’éloignaient.

«  Si elle est là elle va griller c’est encore mieux que la corde. » se félicita un homme.

Elizabeth l’entendit à peine. Ses poumons la brûlaient et l’inconnu avait mis à nouveau sa main devant sa bouche, l’étouffant à demi. Elizabeth se débattit faiblement et écarta la main.

« Calme-toi. Les flammes ne viendront pas… »

L’homme s’interrompit pour tousser puis :

«  Respire que si nécessaire. »

 

A demi morte de suffocation, Elizabeth ne répondit pas. Les minutes s’écoulèrent lentement puis la fumée se raréfia. Elle sentit des gouttes glacées sur son visage et sursauta.

«  Ils sont en train d’éteindre » murmura l’inconnu à son oreille.

Il passa encore de longues minutes voir des heures avant que le silence ne les enveloppe à nouveau.

«  Ils sont partis, déclara son sauveur. Tu vas bien ?

- Je crois oui. » répondit Elizabeth dont la tête tournait.

 

Le corps de l’homme déserta le sien et elle entendit un bruit au-dessus d’elle, suivi par une faible lueur.

«  Viens. » lui enjoignit-il.

L’instant d’après Elizabeth se retrouvait sur le sol de la cave. Des braises y couvaient encore.

« Suis-moi. »

Comme un pantin, Elizabeth obéit. Elle n’avait pas la force de s’opposer à l’homme.

«  Couvre ta bouche et ton nez. »

Elle plaqua son vêtement comme il le lui avait indiqué et le suivit.

 

Elle faillit pleurer de soulagement en sentant l’air frais sur son visage. Devant elle, son sauveur inspira bruyamment. Elizabeth l’imita puis,

«  Merci. » déclara-t-elle d’une voix enrouée.

L’homme leva une main mate et se tourna vers elle. Elizabeth accusa le choc. Son sauveur semblait à peine plus âgé qu’elle. Le jeune asiatique lui sourit timidement.

«  Je m’appelle Lee.

- Elizabeth Swa…Turner.

- Je sais qui tu es. Pourquoi crois-tu que je me suis donné autant de mal ?  » répondit-il.

 

Elizabeth le regarda avec méfiance.

«  Que savez-vous au juste ?

- Tu es Elizabeth Swann Turner, les anglais te connaissent comme la fille du Gouverneur de Per Royal mais les pirates te reconnaissent comme leur Roi. Le pirate Sao Feng t’a légué sa place de Seigneur et son navire. »

Elizabeth fronça les sourcils et Lee poursuivit.

«  Je ne suis pas ton ennemi Elizabeth. En vérité je pense que nous avons des intérêts communs. Voilà pourquoi je t’ai suivie depuis ton arrivée à Singapour.

- Suivie ??? S’étonna la jeune femme en se gourmandant de n’avoir rien vu. Mais pourquoi ?

- Je suis le frère de Tai Huang. Répondit l’homme. Ou plutôt était. Ce bâtard ne mérite pas le nom de frère. »

 

Elizabeth ne put retenir un sourire en lisant la haine dans le regard de son sauveur.

«  En effet il se pourrait que nous ayons des intérêts communs » répondit-elle.


Prologue                                                                                                          Chapitre 2


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