Chapitre 10 : Retours


Les mois passèrent, rythmés par les progrès des deux enfants, Will commençait à déchiffrer maladroitement les lettres qu’elle tentait de lui enseigner pendant que Becca courait maintenant dans toute la maison, et par les lettres de Bill. Alors qu’elle les attendait avec impatience les mois qui avaient suivis le départ de son mari, Arabella avait désormais une boule au ventre à chaque nouvelle missive reçue… Bien entendu, elles contenaient invariablement une somme d’argent destinée à la survie du ménage qu’Arabella voyait arriver avec soulagement. Il n’en était pas de même pour les mots tracés à la hâte de la main de Bill. Évidemment, il lui affirmait qu’elle lui manquait, qu’il avait hâte de la tenir dans ses bras et bien d’autres choses aussi mais il lui disait également qu’il ne pouvait pas revenir, que les affaires n’avaient pas été à la hauteur de ce qu’il espérait et que maintenant qu’il était parti il serait dommage de revenir sans avoir la somme nécessaire à l’achat du petit bateau dont il rêvait. Il était sûr qu’elle comprenait….

 

Effectivement Arabella comprenait… Sans doute plus que ce que son mari aurait voulu. La jeune femme évitait maintenant de lire les lignes où Bill lui relatait son voyage, ses escales… Les lignes où il parlait de la mer comme elle aurait aimé qu’il lui parle à elle. Plus le temps passait, plus Arabella haïssait ce maudit océan qui lui avait ravi son mari… Autour d’elle la vie continuait, Sarah avait eu son enfant, un bon gros garçon joufflu prénommé Patrick que son père rêvait déjà de voir cultiver des terres, le vieux Mac Drache ratait de plus en plus souvent son crachoir au grand dam d’Emmaline, Fiona Schatz entretenait désormais sa liaison avec le Capitaine Gois au vu et au su de tous, exception faite de l’infortuné mari et Arabella avait parfois que tous vivaient … à l’exception d’elle.

 

Aussi soupira-t-elle lourdement lorsque Tim s’engagea dans leur allée, une enveloppe gonflée à la main.

«  M’dame Turner… J’ai une lettre de vot’ gars. » La salua-t-il.

Le jeune homme se montrait distant depuis le fameux jour où il avait mal interprété les « compliments » qu’Arabella lui avait fait.

« Merci Tim.. Soupira Arabella. Pose la donc sur la table tu veux. »

Tim haussa le sourcil

« Vous voulez pas lire maintenant M’dame ?

- A quoi bon. Rétorqua Arabella avec amertume. Ce n’est pas comme si j’ignorais ce qu’elle contient. »

Alors qu’elle levait les yeux, elle surprit une lueur de pitié dans le regard du jeune homme et son cœur se serra de plus belle… Elle avait beau faire semblant, se cacher la vérité, aux yeux du monde elle était devenue « la pauvre Arabella », la femme que son mari avait quittée

« Ça ira Tim. » Déclara-t-elle sèchement.

 

Le jeune homme ouvrit la bouche pour parler puis se ravisa, se contentant de la saluer du chapeau avant de retourner joyeusement vers ses vaches et sa famille. Une fois qu’il se fut éloigné, Arabella jeta un regard rempli d’angoisse en direction de la lettre et sursauta alors que Will se jetait sur elle, rempli d’excitation mal contenue.

« C’est une lettre de papa ? Demanda-t-il. Il rentre cette fois ? »

Derrière lui, Arabella vit la petite frimousse de Rebecca qui la regardait avec curiosité. Contrairement à Will, la petite fille ne demandait jamais de nouvelles de Bill et Arabella craignait qu’elle ne s’en souvienne plus. Ce qui du reste n’aurait pas été étonnant, après tout Becca n’était qu’un bébé lorsqu’il était parti

« Et bien nous verrons… Répondit Arabella en s’efforçant de prendre un ton joyeux. Mais tu sais c’est possible que le capitaine ait encore besoin de papa pour faire ses ventes… »

 

L’effet fut immédiat sur Will et le visage du petit garçon se décomposa instantanément

« Encore ? Mais pourquoi toujours papa ? Les autres ils ont leur papa eux … »

Arabella serra son fils contre elle et se surprit à détester Bill pour la première fois depuis son départ.

« Je sais Willy mais les papa des autres ne sont pas marchands…

- Moi je voudrais que papa soit là. » Répondit Will d’un ton buté.

Arabella soupira et le serra un plus contre elle

« Je sais mon cœur… Allez viens… On va lire ce que papa nous annonce… Qui sait c’est peut être une bonne nouvelle. » S’efforça-t-elle d’ajouter mollement.

 

Les deux enfants se regroupèrent autour d’elle, Becca escalada ses genoux tandis qu’Arabella ouvrait l’enveloppe, le cœur serré. Comme toujours des pièces s’en échappèrent que Will s’empressa de ramasser

« Tiens maman… Alors il dit quoi papa ? »

Le souffle court, Arabella ne répondit pas, peinant à croire ce qu’elle lisait. Elle dut relire à deux reprises pour être sûre

« Maman ? Demanda Will. Pourquoi tu pleures ?

- Papa revient pas. Répondit Becca d’un ton étrangement sombre. Pour ça maman pleure »

Des larmes de joies roulant sur ses joues, Arabella secoua la tête

« Si .. Si Billy revient mes chéris… Il , il dit qu’il jettera l’ancre dans notre baie d’ici trois mois au plus tard ! »

 

Le cri de joie de Will lui mit un peu plus de baume au cœur tandis que Becca imitait mollement son frère avant de regarder Arabella d’un air inquiet

« Dit maman comment papa sait que moi Becca ?

- On dit comment papa saura que moi est Becca. » La corrigea Will

Arabella éclata de rire à la correction plus que douteuse et se reprit, elle regarda sérieusement Rebecca

« Il le saura parce que les papa n’oublient pas leurs petites filles. Ni leurs petits garçons

- Pourquoi ? Répéta Becca. Moi sais plus comment est papa…

- Toi t’es bête ! » Rétorqua Will

Rebecca se mit immédiatement à pleurer et Arabella soupira

« Mais non Rebecca n’est pas bête… Elle était juste toute petite quand papa est parti, c’est pour ça qu’elle se souvient plus …

- Bah elle est bête quand même. Répondit Will d’un ton définitif avant de sourire à nouveau. Maman on peut aller le dire à Penny ? »

 

Arabella caressa les cheveux roux et raides de Becca et sourit. Penny Mac Drache avait maintenant huit ans et c’était la meilleure amie de Willy, en tout cas c’était ce que le petit garçon aimait à dire, peu perturbé par leur plus de quatre ans de différence.

« Oui à Penny et à tout le monde ! S’exclama Arabella qui avait envie de crier sa joie à la terre entière

- Becca aime pas Penny. Décréta la petite fille

- Tu vois maman Becca est bête. » Répondit Will

Arabella soupira lourdement et prit la main de Rebecca

« Allez ça suffit … Personne ne veut être puni le jour où papa écrit qu’il revient n’est-ce pas ?

- Non maman. Répondit sagement Will

- Non maman. » Imita Rebecca en s’empressant de tirer la langue à Will pendant qu’Arabella ne regardait pas dans sa direction

 

Will n’eut pas eu le temps de protester qu’Arabella les entraînait tous les deux en direction de la maison des Mac Drache, la lettre de Bill dans sa main libre.

 

()()

 

En familière des lieux, Arabella se contenta d’un coup sec et poussa la porte sans attendre de réponse, surprenant Emmaline et Sarah occupées à parler avec des mines de conspiratrices. Arabella était tellement heureuse que même la présence de Sarah ne parvint pas à modérer son enthousiasme et elle s’écria

« J’ai une grande nouvelle !

- Ah vous êtes déjà au courant ? » S’étonna Sarah

Troublée, Arabella les examina tandis que Will se précipitait vers Penny

« Mon papa va rentrer, mon papa va rentrer ! Il dit à maman !! » S’exclama-t-il

 

Arabella leva les yeux au ciel en songeant que si on voulait garder une chose secrète il valait mieux ne pas la confier à Will…

 

En entendant le petit garçon, Emmaline tourna un visage heureux vers Arabella tandis que Sarah portait machinalement la main à son cœur

« Oh c’est merveilleux Arabella !

- Oui… Merveilleux ! Répéta Sarah

- Je suis contente pour vous et les enfants ! Renchérit Emmaline. Vous étiez seuls depuis trop longtemps…Pour les enfants passe encore mais vous… » Soupira-t-elle

Arabella balaya ses propos d’un geste de la main tandis que Sarah, grosse de son second rejeton, lui posait la question qui lui brûlait les lèvres

« Quand rentre-t-il ?

- Dans trois mois tout au plus ! S’exclama Arabella. Enfin plus que deux maintenant si on considère que la lettre a mis un mois pour me parvenir

- Magnifique ! » Commenta Emmaline tandis que Sarah posait un regard désespéré sur son ventre

 

Arabella surprit ce dernier et grimaça légèrement en comprenant que les années n’avaient visiblement pas atténué l’inclinaison de Sarah pour Billy. La jeune femme se força au calme, inutile de gâcher une si belle journée pour une petite idiote, et se tourna avec curiosité vers la mère et la fille

« Au fait … De quoi pensiez-vous que j’étais déjà au courant quand je suis entrée ? »

Emmaline posa un regard équivoque sur Becca qui s’était installée sur les genoux d’Arabella. Cette dernière comprit immédiatement que la chose devait être croustillante et donc tenue hors d’innocentes oreilles et se pencha sur sa fille

« Rebecca. Si tu allais jouer avec Willy et Penny ? »

 

La petite fille leva ses grands yeux marron dans lesquels brillait par moment une touche de vert sur sa mère et répondit

« Becca veut pas. Penny méssante »

Gênée Arabella adressa un sourire contrit à Emmaline.

« Désolée Becca a l’habitude de dire tout ce qui lui passe par la tête. Soupira-t-elle en songeant que la petite avait de toute évidence hérité cela de Laura. Rebecca on ne dit pas des mensonges comme ça… Penny est très gentille avec toi.

- Non. Rétorqua la gamine. Penny messante avec Becca

- Mais non Rebecca. S’exclama Emmaline. Penny va même te prêter une poupée. »

 

Le visage de la petite s’éclaira et Arabella songea avec un pincement au cœur que contrairement aux Mac Drache, elle n’avait pas les moyens d’offrir une poupée autre qu’un sac de son aux traits grossièrement esquissés à la petite

« Vrai ?

- Oui. Répondit Emmaline. PENNY !!! Vient chercher Rebecca et allez dans votre chambre tous les trois et prête lui une poupée !! »

Penny grimaça.

« Elle est trop petite elle va la casser…

- Non ! S’exclama Rebecca au bord des larmes. Becca casse pas »

 

Emmaline lança un regard éloquent à sa fille et Penny soupira

« D’accord… Vient… » Accepta-t-elle de mauvaise grâce tandis que Will la regardait avec admiration

Arabella ne peut retenir un rire en voyant son air et poussa Rebecca vers les deux autres

 

Dès que les trois petits furent hors de vue, Arabella se tourna vers Emmaline

« Alors que se passe-t-il ? Demanda-t-elle tandis que l’autre lui tendait une tasse de thé

- Une nouvelle incroyable ! S’exclama Sarah. Enfin on s’y attendait mais.

- Les Schatz s’en vont ! » Lâcha Emmaline

Arabella resta interdite un instant. La nouvelle était certes importante pour elle, puisqu’elle signifiait que la Compagnie abandonnait sa surveillance, par contre elle ne voyait pas ce qui pouvait intéresser à ce point les deux Mac Drache

« Et alors ??? »

 

Sarah se pencha

« Vous dites ça pasque vous savez pas pourquoi !

- Et pourquoi ? Demanda Arabella

- Figurez-vous… Commença Emmaline en baissant inutilement la voix. Que Mr Schatz est rentré un jour plus tôt que prévu de son dernier voyage…

- Et qu’il a trouvé Fiona au lit avec le Capitaine Gois dans une position… Enfin vous voyez… Murmura Sarah. Fin si vous vous souv’nez… » Ne put elle s’empêcher d’ajouter

Agacée Arabella se tourna vers elle.

« Ça a beau faire un certain temps que mon mari est parti je me rappelle très bien merci Sarah. Qu’a fait le mari de Fiona ?

- Que vouliez-vous qu’il fasse ! S’exclama Emmaline. Il a jeté le capitaine Gois dehors quand à Fiona…. »

 

Le vieux Mac Drache intervint alors

« F’rait mieux d’te taire ma bru. V’la la Fiona »

Arabella sursauta et regard le vieil homme

« Excusez-moi… Je ne vous avais pas vu …

- Pas d’ mal ma fille… Répondit le vieux. C’est normal vu qu’vot mari revient »

Arabella décela sa surprise et lui fit un sourire triste

« Vous ne pensiez pas qu’il le ferait n’est-ce pas ? »

Le vieux haussa les épaules et cracha un long jet de salive jaunâtre qui s’écrasa à quelques centimètres de sa cible

« Raté. Marmonna le vieux d’un ton presque satisfait. Quand à c’que j’pense c’est pas important petite. Mais j’suis content pour vous trois.

- Merci … » Souffla Arabella avant de se retourner vers Fiona Schatz qui venait d’entrer.

 

Le cœur d’Arabella se serra en voyant l’œil noirci de Fiona et son visage contusionné. En effet, malgré ce qu’elle savait de la « mission » du mari, elle avait fini par éprouver une réelle sympathie pour la jolie Fiona qui avait été forcée de subir l’ambition matrimoniale

« Oh Fiona... » Soupira-t-elle.

Le corps agité de tremblements, Fiona s’assit tandis qu’Emmaline posait une tasse de thé devant elle

« On a su … » Commença-t-elle, le visage tendu dans l’attente de détails, attitude qu’Arabella jugea indécente.

Fiona prit la tasse d’une main tremblante et Arabella posa un regard rempli de pitié sur le poignet rougi de la femme

« Oh Fiona .. Soupira-t-elle à nouveau. C’est votre mari qui vous a fait ça ? »

 

Fiona se contenta d’un signe de tête et prit la parole d’un ton larmoyant

« Oui… Il a frappé Edward aussi…

- Bah j’crois qu’si Tim y me surprenait avec un autre dans son lit, y f’rait pareil ! » Déclara Sarah avec conviction

Arabella lui lança un regard noir, outrée par son manque de finesse

« Et bien garde donc ça en mémoire Sarah. Quand à vous Fiona… Vous ne devriez pas le laisser vous traiter comme ça…

- Que voulez-vous que je fasse d’autre… Sanglota Fiona. C’est mon mari. Et, et maintenant, il a décidé que nous partirions d’ici et je ne le reverrais jamais… »

Le cœur rempli de pitié, Arabella serra doucement sa main

« Vous n’êtes pas obligée de le suivre… Pourquoi ne partez-vous pas avec le Capitaine Gois ?

- Parce qu’il m’enferme… Il me surveille et... Et je n’ai personne vers qui me tourner ou... Entrer en contact avec Edward… »

Arabella répondit sans réfléchir

« Fiona… Si c’est-ce que vous voulez je vous aiderais moi.. Confiez moi une lettre ou un message et je .. J’irais …

- Arabella !!! S’exclama Emmaline choquée. C’est péché pour une femme de partir avec un autre que son mari !!!

- Et c’est péché pour un mari de battre sa femme. » Répondit Arabella du tac au tac.

 

Les yeux humides de larmes, Fiona saisit la main d’Arabella.

« Oh vous feriez ça … Merci… Seigneur si vous saviez pourquoi Edward et moi nous sommes venus ici…

- Je sais. La coupa Arabella. Mais je vous aiderai quand même »

La conversation fut arrêtée net par un coup violent frappé à la porte

«  V’la l’mari. » Annonça joyeusement le vieux Mac Drache

Fiona poussa un gémissement et fixa Arabella

« Il ne me laisse aller qu’à l’église au premier office du matin. Souffla-t-elle tandis que son mari entrait à la hâte

- Mesdames. Salua-t-il avec raideur en refermant sa main sur le bras de Fiona qui ne put retenir un cri de souffrance. Navré mais ma femme ne peut rester. Annonça-t-il en la traînant derrière lui. J’en profite pour vous annoncer notre départ dans deux jours. Ajouta-t-il avant de partir en claquant la porte derrière lui

- Seigneur quelle scène... Souffla Emmaline. Arabella vous n’allez pas le faire n’est-ce pas ? »

Les mâchoires serrées, Arabella ne répondit pas. Se méprenant sur les raisons de son silence, Emmaline poussa un soupir de soulagement

« Dieu merci vous voilà redevenue raisonnable… » Souffla-t-elle

L’instant d’après Sarah et Emmaline commentaient l’événement pour lequel elles avaient été aux premières loges pendant qu’Arabella restait silencieuse, écœurée par leur attitude face à la détresse de Fiona dans laquelle elles ne voyaient qu’un sujet de conversation croustillant…

 

()()

 

Arabella ne fut pas longue à agir… Laissant les enfants sous la garde d’Emmaline, la jeune femme se rendit jusqu’au fort dans lequel avaient élu domicile les soldats et qui se trouvait un peu éloigné du village. Elle ne savait pas trop ce qui la poussait à agir ainsi hormis le fait qu’en ces moments où elle se trouvait tellement heureuse, elle avait envie qu’il en soit de même pour Fiona Schatz…

 

A peine gênée, elle se présenta donc à la sentinelle et demanda à parler au capitaine Gois, lequel se trouvait justement là

« Madame Turner ??? S’étonna-t-il en la voyant

- Bonjour Capitaine. Répondit calmement Arabella

- Je … je suis charmé de votre visite mais…

- Vous auriez préféré voir une autre. » Compléta Arabella.

 

Le capitaine eut le bon goût de paraître gêné

« Je vois que les nouvelles vont vite par ici… Commenta-t-il

- Nous sommes une petite communauté. Soupira Arabella. Et … J’ai vu Fiona. » Ajouta-t-elle en baissant la voix

A ces mots le capitaine s’anima et la saisit fermement par le bras avant de l’entraîner à l’écart

« Vous l’avez vue… Dites-moi comment va-t-elle ?

- Mal… Répondit franchement Arabella. Son mari la séquestre et il l’a battue. »

 

Le capitaine Gois serra les poings, se maîtrisant à grand peine

« Quel salaud …

- Il compte partir. Dans deux jours. Expliqua Arabella et le fixant. Les seuls moments où il relâche sa surveillance sur Fiona sont ceux où elle va à l’office. Le premier de la journée. »

Le capitaine blêmit

« Mais que voulez-vous que je fasse ?

- Tout dépend Capitaine…

- De quoi ?

- De vos sentiments à l’égard de Fiona. » Répondit Arabella

 

Le capitaine soupira et commença à faire les cent pas.

« Je n’ai rien à lui offrir. Ma solde suffit à peine pour mes besoins et si je partais avec Fiona … Je serais obligé d’abandonner ma carrière et mes prérogatives… Mon honneur

- Peut être auriez-vous du penser à cela avant d’avoir une liaison avec une femme mariée Capitaine. Répondit sèchement Arabella, écœurée par son égoïsme

- Je … Commença le capitaine. Je dois y penser.

- Pensez vite dans ce cas. Rétorqua Arabella. Dans deux jours Fiona sera partie. »

Sans attendre la réponse du Capitaine, elle se dirigea vers la porte du fort.

 

Arabella était tellement plongée dans ses pensées qu’elle n’entendit pas l’homme arriver derrière elle, aussi sursauta-t-elle lorsqu’elle entendit sa voix s’élever

« Bella…

- Fitzy ? » Répondit-elle par automatisme, sincèrement surprise

Fitzwilliam lui lança un long regard avant de reprendre d’une voix emplie de rancœur

« Je savais qu’Edward entretenait une liaison avec une femme du village mais je n’aurais jamais pensé à toi. Surtout pas après le joli discours que tu m’as fait pour me congédier. Ragea-t-il en la prenant d’autorité par le bras pour l’entraîner à l’écart. Enfin je suppose que tu vas te justifier par le départ de ton mari. »

 

Arabella rougit de colère et se retint à grand peine de le gifler

« Je n’ai rien à justifier auprès de toi mais sache que si je suis venue voir le Capitaine Gois, c’est parce que sa maîtresse, Fiona Schatz est dans l’incapacité de le faire ! »

Un sourire s’épanouit sur les lèvres de Fitz en l’entendant et il l’entraîna un peu plus à l’écart

« Je suis heureux de l’apprendre Bella… J’aurais voulu revenir plus tôt… je voulais revenir il y a des mois quand j’ai appris que ton mari avait pris la poudre d’escampette mais…

- Billy ne m’a pas quittée !!!

- Ma femme, Viola était sur le point d’accoucher et … Enfin peu importe… l’essentiel c’est que tu sois là… Le jour même de mon arrivée. » Soupira Fitz en laissant sa main glisser le long de son bras

 

Arabella recula légèrement, mal à l’aise

« Tu es marié et père… Félicitations…

- Une petite fille… Souffla Fitz. Tu ne me demandes pas son prénom ?

- Si, si bien sûr… Répondit Arabella de plus en plus mal à l’aise

- Elle s’appelle Arabella… » Murmura Fitz en la forçant à s’appuyer contre un mur

Oh c’est pas vrai… Songea Arabella qui regrettait à présent amèrement la bonne intention qui l’avait conduite à se rendre au fort

« Fitz écoute je suis flattée mais.. » Commença-t-elle

 

Un jeune soldat, manifestement une ordonnance les interrompit soudain

« Amiral ? »

Fitz se crispa et se retourna vers le nouveau venu dont les yeux verts donnèrent à Arabella le sentiment d’être transpercée de part en part

« Je suis occupé James !

- Pardon… Je venais juste vous dire que l’informateur que vous attendiez était arrivé

- Et bien faites le patienter. » Ragea Fitz

Arabella sauta sur l’occasion

« Je ne voudrais pas te retarder…

- Et moi je le souhaite. » Rétorqua Fitz en la saisissant par le poignet tandis que le jeune soldat s’éloignait, la tête basse

 

Arabella sursauta et le regarda droit dans les yeux

« Fitz… Ma réponse n’a pas changée… Et je te trouve bien sévère avec ce jeune homme. Ne put elle s’empêcher d’ajouter, plus pour changer de conversation que par réel intérêt

- Lui ? C’est James mon incapable de cousin… Je l’ai pris à mon service pour être agréable à son père mais en vérité cet imbécile ne fera jamais carrière.. Mais peu importe… Bella si je suis ici c’est pour toi…

- Je crois que j’avais compris… Rétorqua Arabella. Mais comme je te l’ai dit, mes sentiments pour toi n’ont pas changés. Je te suis certes reconnaissante de ce que tu as fait pour ma famille mais rien de plus. »

 

Fitz se pencha sur elle, se retenant visiblement de l’embrasser

« Bella tu es libre maintenant… Pourquoi ne pas être à moi… Je, je peux t’offrir tout ce que tu voudras… Je peux même faire en sorte que ta mère obtienne des lettres de marque et soit reconnue comme corsaire et non plus pirate… Je ferais n’importe quoi pour toi Bella. »

Arabella frissonna et s’écarta un peu plus

« Tout cela est très flatteur Fitzy mais j’aime mon mari…

- Il t’a quittée !! »

Arabella grimaça et laissa brutalement exploser la rage qu’elle retenait depuis des mois

« NON !!! Billy ne m’a pas quittée !!! Il rentre dans deux mois. Et je ne compte pas le trahir maintenant après l’avoir attendu près de deux ans Fitzy et encore moins avec toi !! Si tu veux un conseil retourne auprès de ta femme et de ta fille, c’est là qu’est ta vraie place !! »

 

Fitz blêmit mais Arabella était trop révoltée pour s’en inquiéter, sans attendre sa réponse et s’éloigna à grands pas. Un cri de rage lui échappa tandis qu’une main saisissait son bras

« Mais bon sang comment faut-il donc te le dire !! » Ragea-t-elle en se retournant avant de s’arrêter

Le capitaine Gois rougit légèrement

« Excusez-moi Madame Turner… Je voulais savoir si, si vous me permettriez de vous rendre visite dans quelques jours… »

S’en fut trop pour Arabella qui ne comprit que trop bien les intentions du jeune homme. Sa main s’écrasa violemment sur la joue de ce dernier

« Sûrement pas.. Seigneur, je plains Fiona pour avoir choisi un amant aussi lâche que sans cœur ! » Lâcha-t-elle en s’éloignant à grands pas, furieuse tant après le capitaine qu’après Fitz.

 

La jeune femme passa les portes du fort d’un pas vif et s’élança sur le chemin qui menait au village, notant du coin de l’œil la présence de la jeune ordonnance de Fitz. Prise d’une impulsion subite, Arabella fit demi-tour et sur planta devant le jeune homme

« James …c’est ça ? Demanda-t-elle d’un ton revêche

- Oui … » Madame Balbutia le jeune homme

Arabella le fixa.

« Et bien James je vais me permettre de vous donner un conseil que ni votre cousin ni aucun de ceux qui vivent ici ne vous donneront !!

- Si vous voulez Madame … » Répondit James, qui ne savait pas trop où se mettre

Arabella le fixa, en colère

« Retenez ça James !! L’honneur ne consiste pas uniquement dans son devoir envers le Roi. Ragea-t-elle. Et il y a des choses plus importantes que cela qui font qu’un homme est honorable. Comme de respecter assez la femme que l’on aime ou qu’on dit aimer pour ne pas la tromper ou accepter ses choix quand bien même ils vous déplaisent ! » Déclara-t-elle d’un ton rempli d’une rancœur qui était autant dirigée vers Fitz qui ne comprenait pas qu’elle aimait Billy que vers le Capitaine Gois qui oubliait bien vite sa maîtresse

James la regarda avec sérieux et s’inclina

« Un excellent conseil Madame… je saurais m’en rappeler.

- C’est ça … Soupira Arabella qui se sentait ridicule à présent qu‘elle avait laissé échapper sa colère. C’est-ce que vous prétendez tous

- Ce sera mon cas… » Rétorqua James avec raideur

 

Arabella haussa les épaules et s’éloigna

« Je vous le souhaite James… » Jeta-t-elle par-dessus son épaule sans attendre sa réponse, elle s’était déjà assez ridiculisée comme ça.

 

()()

 

Ce soir-là, après avoir couché Becca et Willy, Arabella s’installa dans son lit et sortit les lettres de Bill pour les relire l’une après l’autre. Finalement la jeune femme les reposa soigneusement, un sourire aux lèvres. Elle avait eu tort de douter… Après tout, il était bien naturel que Bill lui parle de la mer et à tout prendre… c‘était beaucoup mieux qu‘une autre femme …


Chapitre 9                                                                                                        Chapitre 11


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