Chapitre 2 : Pour Elizabeth


Après être sorti de la chambre d’Elizabeth Swann, James Norrington s’était dirigé droit vers la cuisine du Gouverneur et les quartiers des domestiques pour commencer son enquête discrète. En effet, il appartenait depuis assez longtemps à la Navy pour savoir que les secrets les mieux gardés étaient souvent dévoilés aux yeux des domestiques qui, à l’instar des autres possessions des riches, faisaient partie des meubles et auxquels personne ne faisait par conséquent attention. Son propre père avait commis la même erreur en son temps et James se souvint avec une vive acuité du jour où, encore un garçonnet, il avait appris au détour d’un quignon de pain quémandé, que l’Amiral Lawrence Norrington entretenait une liaison avec la jeune, très jeune fille, de leurs voisins les plus proches.

 

James grimaça à ce souvenir et se reprit. Il n’était plus un enfant timide blessé par la tristesse de sa mère qui se savait trompée dans les bras d’une femme jeune et frivole. Il était un homme désormais. Un homme prêt à tout pour protéger la femme qu’il aimait de la menace rampante et insidieuse que représentait Beckett.

 

James se força à revenir au présent et s’approcha des domestiques. Ces derniers roulèrent des yeux étonnés dans sa direction et il s’en étonna brièvement. S’était-il donc à ce point éloigné du peuple ? Sa charge de commodore l’avait-elle poussé dans les mêmes travers d’orgueil que son père avant lui ? Se promettant de réfléchir sérieusement à cette question plus tard, James colla un sourire avenant sur ses lèvres.

« Auriez-vous un café ? »

La cuisinière, les yeux ronds, hocha la tête et se précipita pour le servir.

 

James but ce dernier, brusquement mal à l’aise. Autour de lui, le bourdonnement des conversations avait cessé et il pouvait sentir l’inconfort des domestiques jusque dans sa chair. Finalement Maistre, le majordome toussota et s’approcha de lui.

« Commodore Norrington, nous savons tous que ce n’est pas le moment, mais savez-vous ce que… »

L’homme laissa avec délicatesse sa question en suspens et James comprit qu’ils s’interrogeaient tous sur son avenir. Et qu’ils comptaient sur lui pour les rassurer. Piteux, il baissa la tête.

« Je suis navré, je ne sais pas ce qu’Eliza, ce que Miss Swann a décidé, se reprit-il.

- Pourtant vous avez passé la nuit chez elle ! »  S’exclama effrontément une petite bonne qui reçut rapidement une taloche pour la punir de son impolitesse.

 

James blêmit. Si la nouvelle de sa nuit passée à veiller Elizabeth se répandait, les ragots iraient bon train. Et pas que dans les cuisines. Un vertige le saisit au souvenir du baiser brûlant que lui avait accordé la jeune fille et il se sentit rougir. Une erreur là encore. Inutile de donner plus de prises qu’ils n’en avaient déjà aux ragots.

«  Ce que Lily voulait dire Commodore, c’est que Miss Elizabeth avait peut être évoqué ses projets devant vous. Temporisa Maistre. Mais bien entendu, chacun d’entre nous est conscient que la pauvre Miss Elizabeth a bien d’autres soucis actuellement.

- Ah ça, » soupira la cuisinière.

James cherchait comment rebondir sur le sujet qui l’intéressait lorsqu’Estrella fit irruption dans la cuisine.

«  Vous devinerez jamais ce que j’ai vu ! S’exclama-t-elle. Notre jeune maitresse était dans les bras du Commodore ce matin même, oh bien sûr ils ne faisaient rien de mal, mais c’est si romantique de savoir qu’il est toujours là pour elle et ça malgré le fait qu’elle l’ait rejeté pour le jeune Turner et… » 

Estrella s’avisa alors des signaux désespérés du majordome et rougit en découvrant James.

« Oh… pardon Commodore, je… »

 

James déglutit et se leva.

«  Non, c’est moi qui n’est manifestement pas à ma place Estrella. »

La fille rougit et James inspira. Après ça il était aussi inutile que vain de chercher à obtenir des informations des domestiques. La frontière, subtile, entre les classes lui apparut clairement et il renonça à ses questions. Ces gens-là ne lui diraient rien. Pour eux, il était un étranger, un noble à mettre dans le même sac que Beckett et compagnie. Cette compréhension le fit grimacer et il s’inclina avec raideur.

«  Je vous laisse, sachez que je parlerai à Miss Swann de vos inquiétudes dès que j’en aurai l’occasion. » Déclara-t-il pompeusement.

 

Estrella déglutit et James s’approcha d’elle.

«  Estrella aimez-vous Elizabeth ? Souffla-t-il.

- Commodore, je pardon…

- Ce n’est rien, la coupa t’il. Cependant, d’autres pourraient en conclure d’autres choses… »

Les yeux d’Estrella s’écarquillèrent et elle rougit.

«  Je, je n’y avais pas pensé Commodore… »

James se contenta d’un sourire bonhomme. A ce stade il ne pouvait rien faire de plus. S’il voulait continuer son enquête discrètement et protéger la réputation d’Elizabeth, mieux valait qu’il cherche un homme de confiance. Un homme proche du peuple en qui il pourrait avoir confiance et les domestiques aussi.

 

Tout en passant mentalement les possibilités en revue, James sortit. Il devait découvrir qui avait rendu visite au Gouverneur la veille, ou plutôt, il devait trouver un témoin si ce qu’il soupçonnait était vrai… Mais pour ça, il fallait déjà trouver l’homme qui lui permettrait d’obtenir ces informations.

 

()()

 

William Turner posa un regard vaguement égaré sur Tortuga et reconnut avec surprise la petite île. Cette dernière n’avait guère changé depuis son dernier passage, déjà pour secourir Elizabeth, quelques années plus tôt.

 

Le jeune homme déglutit, mal à l’aise, tandis qu’une prostituée s’approchait de lui d’une démarche lascive. La fille était blonde et outrageusement fardée. Will frémit à la vue de ses yeux recouverts d’une pâte d’un bleu turquoise improbable.

« Tu cherches le plaisir mon joli ? » 

Will déglutit à nouveau.

« En fait je cherche Jack Sparrow, marmonna-t-il d’une voix peu assurée.

- Jack Sparrow ?!! S’exclama la fille.

- Oui ! »  Répondit Will, encouragé par sa réaction.

 

Un gémissement lui échappa alors que la main de la fille s’écrasait sur sa joue et il reçut son crachat au visage.

«  Crève dans l’antre de Jones sale mich’ton !! »  Ragea la fille.

Will essuya d’une main tremblante le crachat sur sa joue. Manifestement la fille connaissait Jack. Enfin de ce qu’il avait pu comprendre de son galimatias haineux. Le cœur lourd, Will se dirigea vers la taverne la plus proche. Il devait trouver Jack. Absolument. Pour Elizabeth.

 

()()

 

«  Excusez-moi ! »

 

Will avait beau crier mais le brouhaha qui régnait dans la taverne l’empêchait de se faire entendre. Le tavernier continuait de servir ses godets sans même lui accorder un regard.

«  S’il vous plait ! hurla-t-il.

- Oh ! Par la corne de Neptune, c’est le jeune Turner ! » S’exclama une voix dans son dos.

Le forgeron se retourna et découvrit le visage rougeaud de Joshuamee Gibbs, une main soudée à une bouteille de rhum.

« Gibbs ! répondit Will reconnaissant au destin. Il faut que vous m’aidiez ! Où est Jack ? »

Un rire gras secoua le torse du maître d’équipage.

« Avec une fille, mon gars ! Le vieux Jack prend du bon temps avec une jolie rouquine ! Cette fille est… »

Le jeune homme ne prit pas la peine d’entendre la suite et se précipita au premier étage, bousculant marins et catins avinés.

 

()()

 

Alors que Will cherchait désespérément le plus célèbre pirate de l’archipel, ce dernier se trouvait dans l’une des chambres de « La fiancée fidèle ». Complètement nu, il s’affairait derrière le corps agenouillé d’une fille à la chevelure rousse. Ses doigts cerclés de bagues agrippaient les hanches de la putain qui gémissait sous ses assauts.

« Je t’avais dit que Jacky savait y faire... » Souffla le pirate en s’emparant des seins lourds de la prostituée.

Elle émit un long gémissement tandis qu’il redoublait de vigueur, la tête renversée en arrière.

La porte de la chambre s’ouvrit alors pour découvrir William Turner qui roula des yeux exorbités en direction des amants.

« Aurais-tu l’amabilité de déguerpir, gronda le pirate soudainement crispé.

- Il faut absolument que je te parle, » répondit le forgeron en détournant le regard sans pour autant fermer la porte.

Jack étouffa un juron et se dégagea de la fille qui soupira d’agacement.

«  T’en prends pas à moi ! rétorqua-t-il à la prostituée tout en ramassant ses vêtements.

- La dernière fois ça t’dérangeait pas qu’on nous lorgnait pendant qu’on le faisait ! déclara la rousse en reboutonnant son corsage pourpre.

- La dernière fois c’était pas un eunuque endimanché qui nous reluquait, » répondit Jack en jetant un œil noir à Will.

 

La fille agrandit la bouche en fixant le forgeron.

« Bah ça alors ! Un eunuque ? J’en ai jamais vu… déclara-t-elle.

- Y’a rien à voir, argumenta le pirate en poussant la putain hors de la chambre.

- Et mon argent ! s’écria-t-elle. Tu m’avais aussi promis que je monterais sur le Black Pearl ! »

Il se mordit la langue afin de contenir son énervement et répliqua d’une voix douceâtre :

« Scarlett, trésor… promis, je ne partirai pas d’ici sans t’avoir montré mon navire. Allez ! Va donc t’offrir un godet maintenant ! »

De mauvaise grâce, il sortit quelques pièces de son fut et les tendit à la fille prénommée Scarlett qui sortit la tête haute.

 

Will en profita pour s’avancer tout en fermant la porte derrière lui.

« A cause de toi j’ai perdu deux shillings ! s’exclama le pirate. On va croire que je délaisse une fille pour… toi, conclut-il en regardant le forgeron d’un œil écœuré.

- Si tu crois que les gens ont besoin de ça pour s’interroger sur tes… attirances ! Ne put s’empêcher de répondre le jeune homme.

- Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, rétorqua le pirate vexé.

- Je n’ai pas de temps à perdre avec ça, s’énerva-t-il en marchant droit sur lui. Elizabeth est en danger ! Cutler Beckett la retint prisonnière et le seul moyen de la libérer est de me donner ton compas ! »

 

Alors qu’il parlait, Will tendit prestement la main vers l’objet pendu à la ceinture du pirate mais fut contraint de reculer.

« Ne t’approche pas ! Le menaça Jack qui avait dégainé son pistolet.

- Je n’abandonnerai pas Elizabeth, répondit calmement le forgeron.

- Et moi mon compas, siffla le pirate.

- Je t’ai sauvé de la potence et Elizabeth t’a défendu au prix de sa réputation ! s’écria Will. Tu nous dois bien ça !

- Je ne dois rien à personne ! rétorqua-t-il.

- Qui est cet homme pour toi ? demanda Will qui avait perçu son changement d’attitude lorsqu’il avait mentionné le nom de Beckett.

- Ca ne te concerne pas.

- Bien sûr que si ! S’emporta le jeune homme. Il retient Elizabeth prisonnière !

- Cherche une autre fille ! C’est pas ce qui manque ici, poursuivit-il en ramassant le reste de ses affaires, Will toujours en joue.

- Jack !

- Désolé, je ne peux rien pour toi, » acheva-t-il en propulsant le premier objet venu à la tête du forgeron.

Surpris, ce dernier l’évita et le pirate profita de cette diversion pour lui porter un coup de crosse sur le crâne.

« Ce gamin est vraiment idiot, » murmura le forban avant de s’échapper par une fenêtre.

 

()()

 

Assis à son bureau, James lisait distraitement un rapport remis par l’un de ses officiers. Au bout de quelques minutes, il repoussa le dossier, incapable de se concentrer.

 

La mort du gouverneur occupait toutes ses pensées ainsi qu’Elizabeth. Par ailleurs, son esprit le ramenait souvent à ce baiser aussi inattendu qu’inespéré… une chaleur évocatrice circula dans ses veines tandis que son corps se rappelait les courbes de la jeune femme pressé contre son torse.

Serrant les poings, il se redressa pour endiguer l’excitation qui montait en lui.

 

Il l’aurait possédée sur le champ si Estrella n’était pas entrée, oubliant tous ses principes et codes moraux pour satisfaire le feu qui le consumait encore. Certes, Elizabeth venait de perdre son père et son fiancé avait disparu, elle était en état de choc et profiter d’elle aurait été plus avilissant que l’acte en lui-même.

« Cesse-donc ! » Se rabroua-t-il en refermant solidement ses doigts sur le pommeau de son épée.

 

Paupières closes, James se concentra sur le gouverneur pour chasser l’image brûlante de la jeune femme. Il n’avait pas réussi à récolter des informations auprès des domestiques de la maison Swann, soit, mais il devait bien y avoir un autre moyen de glaner des renseignements ailleurs !

 

Le visage d’un de ses officiers s’imposa brusquement à lui : Théodore Groves. C’était le seul de ses hommes à qui il faisait pleinement confiance. Il devait commencer par lui s’il ne voulait pas semer de dangereuses rumeurs parmi ses propres gens de maison… car le Commodore était certain que Beckett gardait un œil sur lui.

« Faites appeler Groves ! » Demanda-t-il à l’homme en faction derrière sa porte.

 

Quelques minutes plus tard ce dernier accourut et salua son supérieur d’un salut militaire.

«  Commodore.

- Puis-je solliciter votre entière discrétion ? » Demanda James en lui faisant face.

Celui-ci hocha gravement la tête.

«  Bien, commença-t-il en fixant son subordonné. Les récents événements m’obligent à parler sans ambages. La mort du gouverneur Swann a semé un certain trouble et j’aimerais comprendre la raison de son… décès. »

Ce mot grinça entre ses lèvres comme un mensonge inassumé…

« Connaissant le gouverneur, je peine à croire qu’il ait mis fin à ses jours, poursuivit-il.

- Je ne le pense pas non plus, répondit spontanément l’officier. Sa mort est des plus étranges. Il s’était rendu au Fort le jour du mariage de sa fille afin de vous voir mais… vous étiez absent… »

James sentit son cœur se pincer douloureusement.

« Continuez, ordonna-t-il.

- C’est moi qui l’ait rencontré ce jour-là. Il m’avait l’air tout à fait heureux de célébrer l’union de sa fille… »

Groves marqua un léger temps, gêné par ses propres propos.

«  Et ? l’interrogea James en le fixant.

- Et il n’avait pas l’air d’un homme capable de se tuer le soir même, conclut-il.

- Que cela reste entre nous, répondit le Commodore. Lorsque j’ai examiné le cadavre du gouverneur j’ai constaté que les entailles sur ses poignets ne correspondaient pas avec l’hypothèse du suicide. Les marques sont inversées, il n’aurait pu s’infliger de telles blessures lui-même.

- Qui aurait pu assassiner le gouverneur Swann ? » murmura Groves.

 

James préféra taire la réponse qui lui brûlait les lèvres.

« C’est ce qu’il nous faut découvrir. Puis-je compter sur votre aide ?

- Celle-ci vous est acquise, répondit fièrement l’officier.

- Certains endroits me sont difficiles d’accès, notamment au sein de la demeure Swann. Je n’ai pas pu recueillir les informations que j’espérais auprès des domestiques.  Cependant, ils sont pour l’instant les seuls à pouvoir nous éclairer.

- Me laissez-vous libre concernant les méthodes d’investigation ? demanda Groves.

- Oui, tant qu’elles ne compromettent pas nos recherches.

- Vous pouvez compter sur moi, affirma l’officier en claquant le talon de sa botte contre l’autre.

- Retrouvons-nous demain soir au sommet du Fort, » termina le Commodore.

Tandis que Groves s’inclinait, James souhaita ardemment que l’officier soit plus chanceux dans son enquête qu’il ne le fut.

 

()()

 

Lorsque Will reprit connaissance, la première sensation qu’il eut fut celle d’être trempé. Etourdi, il entendit un brouhaha de voix criardes puis un second seau d’eau glacée lui fut jeté au visage et il reprit totalement conscience.

« Jack ??? »

Le visage rougeaud d’un homme se pencha sur lui et Will faillit vomir alors que l’autre lui soufflait son haleine fétide au visage.

«  Lève-toi sale micheton ! »

 

Will, encore étourdi, obéit et regarda l’homme avec défiance. Il ne savait pas ce qu’était exactement un micheton mais vu la manière dont l’homme prononçait le mot, ça n’avait rien d’un compliment.

« Où est Jack ? » Demanda-t-il avec un temps de retard.

Sa question parut redoubler la fureur de l’homme qui le saisit par le bras sans douceur.

«  Envolé avec tout l’argent qu’il me doit !! »

Will blêmit et tenta d’échapper à la poigne de l’homme.

«  Hors de question mon mignon. Tu crois que tu peux venir faire la putain dans mon établissement et t’en sortir sans payer ? »

Abasourdi, Will le fixa.

«  Heureusement que la Scarlett m’a prévenu de c’qui se tramait ! Qu’est-ce que tu croyais ? Mon établissement est un endroit honnête, y ‘a pas de place pour les michetons dans ton genre qui offre leur cul pour moins cher que mes honnêtes putains. »

 

Cette fois Will, serra les poings, indigné alors qu’il comprenait que l’autre pensait que Jack et lui, qu’ils….

« Vous vous trompez Monsieur je vous assure, » commença Will qui tentait de garder son calme tout en songeant que l’homme avait une interprétation toute personnelle du terme honnête.

La voix stridente de Scarlett retentit derrière l’aubergiste.

«  Si Jack, il a même dit qu’il était eunuque c’est sûrement pour ça qu’il se fait mettre, » ajouta t’elle sur le ton d’une évidence.

Cette fois, Will devint rouge brique, écœuré à la pensée de ce que l’autre suggérait.

«  Je ne, » commença t’il.

 

Le poing de l’aubergiste s’écrasa sur son visage et lui imposa le silence.

«  Ta gueule ! Sale putain je vais faire en sorte que tu paies ce que Sparrow me doit.

- Hé ! » Protesta Scarlett.

Le nez en sang, Will comprit que l’homme était au-delà de tout raisonnement, sans réfléchir, il le repoussa de toutes ses forces. Il eut la satisfaction de voir la brute s’étaler contre le mur et se précipita dans l’escalier, bousculant Scarlett au passage.

 

La catin poussa un cri aigu mais, aiguillonné par la peur, Will ne s’arrêta pas pour voir si elle allait bien. Il traversa la salle à vive allure et s’empressa vers la sortie, déclenchant au passage une bagarre qui n’attendait qu’une étincelle pour s’enflammer. Il était arrivé à la porte lorsque la voix rageuse de l’aubergiste retentit derrière lui.

« Arrêtez-le !! Chopez ce voleur, cette putain, ce… »

Le reste de la phrase se perdit dans le brouhaha et Will repoussa un groupe de marins qui s’apprêtait à entrer avec l’énergie du désespoir.

«  Pardon, » s’excusa-t-il machinalement avant de repartir, courant droit devant lui.

Il n’avait pas la moindre envie de payer la dette de Jack.

 

()()

 

Adossé contre un mur, Will reprit laborieusement son souffle et guetta avec angoisse d’éventuels poursuivants avinés. Au bout de quelques minutes d’un silence juste brisé par les échos d’une nouvelle bagarre, il jugea avec soulagement qu’il leur avait échappé et sortit de sa cachette.

 

Là, il observa avec stupéfaction l’endroit où sa course échevelée l’avait conduit.

 

Il s’était enfoncé dans l’intérieur de la ville de Tortuga et si le quartier qui bordait le port lui semblait miséreux, celui-ci était pire encore. Will déglutit à la vue d’un cul de jatte qui se traînait lamentablement sur le sol tandis qu’un homme au visage hâve et au regard halluciné s’approchait de lui.

« Deux shilling mon gars… »

Will tata sa poche par réflexe et retint un gémissement. Il avait perdu sa bourse dans sa fuite. A moins que Jack ne la lui ait volée, pensa-t-il avec rancœur.

«  Je suis désolé, » bredouilla-t-il à l’intention du malheureux.

 

Loin de se décourager, l’homme s’approcha de lui et Will blêmit sous l’effet de ses remugles de sueur et de crasse.

«  Un shilling et tu me la mets où tu veux. C’est comme tu préfères.

- Non merci, bredouilla Will cette fois complètement dégouté.

- Je suce bien tu sais, » lui souffla l’homme qui lui présenta une bouche quasi édentée.

Sa main se posa sur l’entrejambe de Will et ce dernier tressaillit.

«  Non !!! » Gémit-il avant de se remettre à courir.

Alors qu’il s’éloignait, il lui sembla presque entendre le rire rauque et désabusé de l’homme qui lui avait offert ses services.

 

()()

 

La nuit était déjà bien avancée lorsque Will se retrouva enfin sur le port. Un sourire de satisfaction lui échappa alors qu’il progressait parmi les navires à quai.

« Alors où te caches tu Jack, » marmonna-t-il pour lui-même.

 

Au bout de deux heures de recherches infructueuses, Will dut se rendre à l’évidence : La Black Pearl était introuvable, tout comme son capitaine. Méfiant depuis ses récentes mésaventures à la taverne de La Fiancée Fidèle, Will se décida à aborder un groupe de marins avec circonspection.

«  Connaissez-vous Jack Sparrow ? »

Des regards peu amènes lui répondirent et l’un des hommes répondit avec rancœur.

«  Ouais, ce bâtard nous doit une solde complète… »

Will frémit et tenta une nouvelle question.

«  Et le Pearl ? Où est-il ? »

Un ricanement amer lui répondit.

«  Si on le savait ! Il a levé l’ancre il y a deux heures. »

Pestant contre l’ironie du sort et sa propre stupidité qui avaient permis au pirate de s’envoler alors qu’il le tenait, Will demanda :

«  Et pour où ?

- Si on le savait… Répondit le porte-parole des mécontents. Dis donc toi, t’es pas le…

- Merci beaucoup, » bredouilla Will peu désireux de se faire reconnaitre.

 

Il s’éloigna à grands pas tout en jetant de fréquents coups d’œil par-dessus son épaule et finit par se rapprocher d’un groupe à l’allure débonnaire.

«  Savez-vous la destination du Black Pearl ? »

Les hommes le jaugèrent puis échangèrent des sourires.

«  Pourquoi mon mignon ? »

Agacé, Will répondit sèchement.

«  La savez-vous oui ou non ? »

Un silence lui répondit, puis un homme âgé ricana.

«  Connaissant Jack, Singapour est la plus probable, oui, il me semble bien l’avoir entendu parler de Singapour. »

Will grinça des dents. Il lui faudrait des mois pour gagner le port asiatique, des mois qu’Elizabeth n’avait pas.

 

Une vague d’inquiétude le submergea à la pensée de sa fiancée et Will se força à se reprendre, ce n’était pas le moment de s’appesantir sur le sort qui attendait sa fiancée s’il échouait dans sa mission.

«  Et connaissez-vous un navire qui va dans cette direction ? » Demanda-t-il.

Le vieil homme qui lui avait répondu sourit de toutes ses dents.

«  C’est ton jour de chance petit, Le Moissonneur, sur lequel nous servons lève l’ancre dans une heure pour Singapour et il nous manque une paire de bras. En es-tu ? »

 

Will ne réfléchit même pas. Peu importait l’allure des marins ni même le fait qu’il puisse lui mentir, il ne laisserait pas filer sa chance.

«  J’en suis, » répondit-il, songeant ironiquement que ce que l’autre considérait comme un coup de chance n’ était pour lui qu’un coup du sort supplémentaire.

 


Chapitre 1                                                                                                          Chapitre 3


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Commentaires: 9
  • #1

    emeline (lundi, 07 mai 2012 22:42)

    C'est pas assez rapide . C'est agacent .

  • #2

    JessSwann (lundi, 07 mai 2012 22:47)

    Ah tu trouves qu'on traine ?

  • #3

    emeline (mardi, 08 mai 2012 10:03)

    ouais

  • #4

    JessSwann (mardi, 08 mai 2012 11:15)

    Bah dis moi sur quoi tu voudrais qu'on avance plus vite ? Sur l'arrivée de Liz à Sight Manor ?

  • #5

    emeline (mardi, 08 mai 2012 17:27)

    Non c'est juste que vous ne publier pas beaucoup de chapitres de Sight Manor, ils sont rares et je m’impatiente. Je suis quelqu'un d'impatient ;p
    Des chapitre plus souvent s'ils vous plait =(

  • #6

    JessSwann (mardi, 08 mai 2012 18:15)

    Bah le soucis c'est nos emplois du temps aussi, tu sais on travaille à plein temps toutes les deux, on a un chéri toutes les deux, et d'autres projets en cours, ceci explique cela

  • #7

    Ladypirate (mercredi, 16 mai 2012 01:20)

    Bon et bien dorénavant s'ajoute à la liste des surnoms de Will celui de "catin" mdrr le pauvre quand même, le voilà harcelé sexuellement ^^
    Jack est toujours aussi fidèle à lui-même :D
    J'adore le personnage d'Estrella, elle ne juge jamais Lizzie et voit toujours le côté romantique d'une situation :)
    Bravo pour ce chapitre !!

  • #8

    Marquise des Ombres (mercredi, 16 mai 2012 19:00)

    Emeline : Jess a très bien résumé les choses, néanmoins la suite arrive !

    LadyPirate : En effet, tu peux ajouter ce surnom à sa liste de surnom^^ Pour Estrella, c'est une éternelle romantique ou une visionnaire lol. Merci pour ton commentaire !

  • #9

    JessSwann (mercredi, 16 mai 2012 19:12)

    Lady Pirate : Merciiii Estrella est aussi fidèle que Gibbs d'un côté :) Jack ma foi c'est Jack quand à Will oh oui tu peux l'ajouter :) Merciii pour ton comm