Chapitre 30 : Finn


Lune 57 de Iego,

 

 

            Mes mains tremblent lorsque je sors de la chambre de Rey. J’entends ses sanglots lourds de désespoir derrière la porte. Je suis à la fois furieux contre elle et rempli de pitié. J’avale ma salive et je me force à réprimer mes émotions. Je ne peux pas faire preuve de faiblesse maintenant. Il faut qu’elle comprenne qu’il n’y a pas de Ben derrière le masque, que Ren est un monstre, sans quoi les morts de Wrobie, de Chewie, de Leia Organa et de tous les autres auront été vaines. Je ne peux pas le permettre. Je ne peux pas abandonner Rey dans le monde illusoire qu’il a créé pour la convaincre.

            Rose sort de l’ombre et je sursaute. Je ne l’avais pas vue, pris dans le déferlement de sentiments de Rey. Elle me fixe avec désapprobation. J’en ai assez ! Pourquoi personne ne comprend que je fais tout ce que je peux pour Rey ?

             « Quoi ? » je demande.

            Un long sanglot résonne derrière la porte close et, tout comme Rose, je me crispe.

            « Combien de temps comptes-tu encore lui faire endurer ça ?  me crache-t-elle.

            — Jusqu’à ce qu’elle soit désintoxiquée de lui.

            — Et si ça n’arrive pas ? Tu comptes la torturer jusqu’à ce qu’elle en meure ? 

            — La torturer ? Non, mais tu plaisantes, Rose ! Je lui montre simplement le vrai visage de ce type. »

            Rose secoue la tête, son visage exprime le dégoût.

            « Je ne comprends pas pourquoi tu t’acharnes ainsi. Tu dis que tu ne cherches que son bien, mais tu la coupes de la Force au risque de la rendre folle.

            — Rey n’est pas folle !

            — Peut-être, mais tu es en train de la briser. Et tout ça pour quoi ? Pour qu’elle oublie Ren ? Nous ne sommes même pas sûrs que c’est la chose à faire ! J’ai trouvé quelques textes anciens évoquant la Dyade. Ils racontent qu’elle porte un pouvoir fantastique. Peut-être que si un tel lien les unit, c’est pour une bonne raison.

            — La Générale Organa était de mon avis. Ren est nocif pour elle.

            — Elle ne le pensait plus à la fin et tu le sais aussi bien que moi. Même si tu ne l'apprécies pas tu dois reconnaître que Kaydel est incapable de mentir. »

            Nous nous affrontons du regard. Rose reste droite, se contentant de grimacer alors que, derrière la porte, les pleurs de Rey redoublent. D’un même mouvement, nous nous écartons de la pièce d’isolement, son chagrin nous est aussi insupportable à l’un qu’à l’autre.

            «  Alors quoi ? Qu’est-ce que tu proposes, Rose ? On abandonne tout espoir ? On la laisse sortir et courir le rejoindre ? »

            Elle baisse les yeux.

            « Non… Bien sûr que non… En réalité, nous ne savons même pas dans quel camp elle se trouve désormais. Nous ignorons ce qui s’est passé sur Exégol. Peut-être a-t-elle définitivement basculé, après tout, c’est une Palpatine… 

            — Tu ne cesses de me le rappeler. Dans quel but ? Tu veux qu'on fasse quoi au juste ? Qu’on la tue ?  

            —Pour être franche, je ne sais pas, Finn ! Mais, ça ne peut pas continuer ainsi ! Il faut la libérer de cette pièce pour commencer, il faut la laisser se connecter à la Force avant qu’elle ne perde complètement l’esprit. Nous la surveillerons et nous prendrons nos précautions. Même si c'est inutile. Après tout, tu le dis toi-même : Rey est une bonne personne. Si c'est vraiment le cas, je doute qu’elle nous fasse du mal. Sentir de nouveau la Force sera bénéfique pour elle. Et, si une fois l’esprit clair, elle souhaite toujours rejoindre Ren, eh bien… nous n’avons pas le droit de la priver de sa liberté. Pas nous. Pas alors que nous combattons la dictature du Dernier Ordre. »

            Je prends sur moi. Rose ne comprend décidément rien. Néanmoins, je me dois de faire preuve d’autorité. Maintenant que la Générale nous a quitté, la Résistance repose certes sur les épaules de Poe mais aussi les miennes. Après tout, tant que Rey est instable je suis le seul à maitriser la Force, même si je ne progresse pas aussi vite que nous en aurions besoin.

            « J’ai entendu ton avis Rose. Cependant, sois certaine d’une chose : il est absolument hors de question que Rey rejoigne Ren. Je ne laisserai jamais faire une chose pareille. »

            Rose ferme brièvement les yeux, comme si elle accusait un choc, puis :

            « C’est ce que je craignais d’entendre. Et, je commence à me demander si c’est réellement le souci de protéger Rey du côté Obscur qui te motive ou si tu as d’autres raisons plus personnelles de la vouloir la garder ici. »

            Je suis tellement abasourdi devant ses insinuations que je ne réponds pas.

            «  Est-ce que tu coupes Rey de la Force à cause de ce que tu ressens pour elle ? Est-ce pour cela que tu es prêt à tout pour détruire son lien avec Ren ? insiste Rose. Tu sais, je ne t’en voudrais pas si c’est le cas, mais j’aimerais que tu sois assez franc pour me l’avouer. »

            Rey et moi… Mes sentiments pour Rey. Non, je ne veux pas y penser et c’est complètement hors de propos.

            « Je suis destiné à l’Ordre Jedi. Ce que tu insinues n’y a pas sa place.

            — Cela ne répond pas à ma question, de plus tu n’es encore pas un Jedi et il n’est pas certain que tu en deviennes un », m’assène Rose.

            Je m’apprête à répondre vertement mais nous sommes interrompus par Poe. Son visage habituellement hâlé est blême. Haletant, il s’arrête devant nous.

            «  Ils arrivent, nous devons rejoindre les vaisseaux au plus vite.

            — Qui arrive ? s’inquiète Rose.

            — Le Dernier Ordre, la flotte au complet, souffle Poe. Ils passent au peigne fin les lunes les unes après les autres et les détruisent après leur passage. Ils viennent d’envahir la lune 29.  Si nous voulons avoir une chance, il faut partir maintenant. »

            Au même instant, l’alarme nous signalant la proximité d’un vaisseau retentit. Rose se tourne vers Poe.

            « Je me charge de faire monter tout le monde dans le Faucon et de rassembler ce que nous pouvons sauver.

            — Ne prend que l’essentiel, nous n’avons pas beaucoup de temps, lui jette Poe. Kaydel ! »

            Elle nous rejoint, le visage pâle. Poe laisse échapper un soupir de soulagement. Il esquisse un mouvement dans sa direction, comme s'il était sur le point de la serrer dans ses bras, avant de se raviser.

            « Rejoins immédiatement le Faucon, le Dernier Ordre arrive.

            — Mais…

            — Fais ce que je te dis et embarque tout de suite. C’est un ordre. »

            Non, c'est un cauchemar.

            Je reste prostré jusqu’à ce que Poe me secoue.

            « Finn, il faut partir.

            — Et Rey, nous ne pouvons pas la laisser !

            — Alors va la chercher et magne-toi. »

 

()()

 

            Lorsque je pénètre dans la pièce, R2D2 gémit.

            « File jusqu’au Faucon Millénium et ne traine pas. Il faut évacuer de toute urgence. »

            R2 regimbe.

            « Je m’occupe d’elle ne t’inquiète pas, toi, rejoins C3PO et BB8 à bord et rassure-les. »

            Le droïde obéit après une ultime protestation et je me tourne vers Rey. Le regard qu’elle lève sur moi est inondé de larmes.

            « Je ne comprends pas, Finn… Pourquoi me hait-il autant ? On dirait qu’il ne ressent plus rien, aucun sentiment excepté la rancœur. Je ne le reconnais pas. »

            Même si je suis ravi de la voir ouvrir enfin les yeux sur la vraie nature de Ren, l’heure n’est pas aux explications. La sirène résonne de plus en plus fort dans la base et les cris affolés de mes amis me rappellent, si j’en avais encore besoin, l’urgence de la situation.

            « Nous en parlerons plus tard, Rey. Pour l’instant, nous devons partir au plus vite. »

            Ses larmes taries, elle me fixe. Son visage est indifférent, ses yeux sont vides, comme si elle était partie dans un ailleurs qui m’est inaccessible. Jamais je ne l’ai vue ainsi. Elle est là, du moins son corps est là, mais son esprit semble absent. Paniqué, je la secoue sans douceur.

            « Rey ! Est-ce que tu as entendu ? Nous devons partir ! Lève-toi ! »

            Elle ne se lève toujours pas.

            «  Il peut être si doux, si tendre… »

            Encore Ren ! Je la saisis par le bras.

            « S’il te plait Rey, pas maintenant. Nous devons courir. »

            Elle m’adresse un regard perdu et je m’avise soudain que le silence s’est fait sur la base. La sirène a cessé son cri d’alarme et nos amis se sont tus. Pourtant, je sais que le Faucon est encore là. Poe ne partirait jamais sans nous.

            Alors seulement j’entends des pas chaussés de bottes envahir les couloirs et je comprends qu’il est trop tard pour fuir. Ils sont là. Instinctivement, je referme mes bras autour de Rey même si je sais que leur protection est dérisoire face à ce qui s’apprête à déferler sur nous.

           

 

 


Chapitre 29                                                                                                    Chapitre 31


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