Chapitre 2 : Un accord inattendu


Queen Anne’s Revenge, cabine

 

 

Ses longs cheveux bruns soigneusement arrangés et une moue gourmande sur ses lèvres humides, Syréna attendait avec une impatience qui donnait un éclat inquiétant à ses yeux bleus. De là où elle se trouvait, elle n’avait rien manqué des râles d’agonie et coups de canon que le Queen Anne’s venait de susciter. Ce qui signifiait que ce serait bientôt l’heure du repas ce dont elle se réjouissait même si la jolie sirène aurait préféré et de loin être sur son rocher, occupée à attirer vers elle les pauvres marins qui n’avaient pas songé à se prémunir de son chant envoûtant. En fait Blackbeard remplissait certes son estomac de chair fraîche, en vérité elle n’avait jamais autant mangé que depuis son séjour forcé sur le Queen Anne’s, mais ses repas manquaient cruellement d’excitation. Car en fait ce que Syréna, à l’instar des autres sirènes, aimait par-dessus tout, c’était la traque et la séduction de la proie qui précédait chaque repas.

 

Personne ne pouvait se représenter le plaisir qu’elle éprouvait lorsqu’elle voyait l’un de ses futurs mets se précipiter vers elle, le visage tendu par un désir qu’il ne maîtrisait pas et prêt à tout pour l’assouvir. Du reste, Syréna elle-même aurait été bien en peine de décrire ce qu’elle ressentait dans ses moments-là si quelqu’un avait songé à le lui demander. Elle savait juste que c’était bon. Et Syréna aimait ce qui était bon.

 

De temps à autres, lorsqu’elle était d’humeur joueuse ou lorsque le marin se découvrait une âme de poète, elle reportait la mise à mort et laissait alors sa malheureuse proie caresser ses écailles, sa poitrine… Elle s’était même surprise en de rares occasions à laisser l’infortuné assouvir son désir, écartant ses écailles pour leur permettre de frayer, satisfaisant ainsi sa part humaine avant de laisser sa nature sauvage reprendre le dessus, déchiquetant parfois le pauvre marin alors qu’il se trouvait en elle.

 

Sauf que depuis qu’elle se trouvait sur le Queen Anne’s … Aucune de ses deux natures n’était pleinement satisfaite. Elle se nourrissait. Rien d’autre.

 

Hormis…..

 

Un sourire enjôleur se forma sur ses lèvres délicatement ourlées alors que la porte s’ouvrait et livrait le passage à son repas et au porteur de ce dernier. Les écailles de Syréna frémirent de plaisir en lisant sur le visage de Philip le désir qu’elle lui inspirait. Un désir moindre bien entendu comparé à celui qu’elle aurait suscité si ce maudit sorcier n’avait pas emprisonné son chant mais un désir quand même.

 

Philip la fixa, l’assiette dans les mains et Syréna remit à plus tard les délices de la séduction pour se concentrer sur un besoin plus urgent : l’appétit que suscitaient les senteurs du plat porté par son gentil geôlier. Comme elle n’était pas du genre à ignorer les cris de son ventre ou à dédaigner de la nourriture si généreusement offerte, Syréna se jeta sur l’assiette, ses petites dents acérées déchiquetant les chairs du macabre plat préparé par le cuisinier.

 

Elle ne jeta même pas un regard à Philip tandis qu’elle mangeait, sûre de son pouvoir sur lui. Il ne bougerait pas tant qu’elle ne lui en aurait pas donné l’ordre. Une fois pleinement rassasiée, Syréna se tourna enfin vers le jeune homme qui attendait, une lueur d’admiratif espoir dans le regard.

 

Reprenant ses mines coquettes, Syréna détailla le visage jeune de Philip encadré par ses boucles noires et lui fit signe d’approcher. Elle songea que si le sorcier ne l’avait pas ainsi muselée, elle aurait pris grand plaisir à planter ses dents dans cette chair jeune et déjà offerte.

«  Pourquoi tu ne me parles pas Philip ? » Chantonna-t-elle d’une voix bien loin de celle qu’elle usait habituellement.

Philip déglutit.

«  C’est parce que je n’ai rien de nouveau à vous apprendre. J’ai beau chercher, je n’arrive pas à trouver comment vous libérer. »

Syréna maîtrisa sa colère et passa une main rêveuse sur le torse de Philip, ravie de sentir le cœur de ce dernier accélérer sous ses doigts.

« Pourquoi tu ne viens pas me voir plus souvent ? Tu es le seul à être gentil avec moi. » Minauda-t-elle.

 

Philip déglutit à nouveau, les sens affolés et Syréna passa légèrement sa langue sur ses lèvres rendues carmin par le mélange de sang et de chair qu’elle venait de manger.

« J’aimerais tant chanter pour toi Philip… »

Le jeune homme parut s’enhardir à cette déclaration et s’approcha un peu plus d’elle, jusqu’à la frôler sans toutefois oser la toucher.

«  C’est vrai ? » Demanda-t-il d’un ton rempli d’espoir.

Syréna lui fit son plus magnifique sourire, retrouvant un peu de l’excitation de la chasse.

«  Oui et tellement plus encore Philip… J’ai tellement envie de savoir… »

 

Le jeune homme semblait sur le point de s’évanouir mais pourtant il répondit ce qu’elle attendait.

« Que voulez-vous savoir Syréna ?

- Quel goût tu as…Répondit franchement la sirène qui se passa une fois de plus la langue sur les lèvres.

- Oh Syréna. Je, je donnerais ma vie pour vous … »

C’est bien ce que tu feras. Songea la sirène avec cynisme avant de reprendre d’un ton câlin.

« Tu es tellement gentil Philip. J’aimerais pouvoir te récompenser à ta juste valeur mais… ici c’est impossible. » Soupira-t-elle.

La sirène observa avec plaisir l’entrejambe de Philip gonfler un peu plus et continua, joueuse. Après tout puisqu’elle ne pouvait rien faire d’autre. Autant profiter du jouet que lui avait donné son tortionnaire.

«  Philip… Souffla-t-elle.

- Oui ?

- Embrasse-moi…. » Glissa-t-elle, curieuse de voir comment sa future victime allait réagir.

 

Elle ne fut pas déçue. Philip n’hésita qu’une fraction de seconde avant de poser ses lèvres sur les siennes et plaqua des mains timides dans le dos de Syréna. Elle soupira lascivement et le laissa explorer sa bouche tandis qu’elle goûtait sa salive, regrettant qu’il ne se fût pas blessé. Les mains de Philip s’enhardirent, glissant jusqu’à la naissance de ses écailles et Syréna comprit que si elle voulait continuer à jouer avec celui-ci il fallait arrêter là. Aussi repoussa-t-elle le jeune homme.

« Merci Philip. Ce que j’aimerais être libre de me donner complètement à toi… Soupira-t-elle.

- Je… Je vais chercher … » Balbutia Philip, ému par ce baiser qu’ils avaient échangé.

Syréna eut un sourire carnassier et s’écarta.

«  J’ai confiance en toi Philip. Je sais que tu ne me décevras pas. Minauda-t-elle avant de le congédier. Va maintenant… »

Syréna observa le jeune homme tandis qu’il obéissait et soupira de plaisir. S’il réussissait à la sortir de là elle ferait en sorte qu’il prenne son plaisir avant de mourir, après tout elle n’était pas une ingrate !

 

 

Queen Anne’s Revenge, cale

 

 

Très loin des préoccupations romantiques de Philip et des appétits inassouvis de Syréna, Blackbeard s’entretenait à voix basse avec son loa, la fumée qui les entourait suffisant à éloigner les indiscrets qui auraient pu vouloir risquer leur vie en les espionnant.

 

Blackbeard s’efforça de contenir sa colère tandis qu’il revenait sur les éléments dont il disposait.

« J’avais raison, le bocor m’a révélé l’emplacement de la carte. Apparemment ce sont deux pirates qui la possèdent.

- Deux ? S’étonna légèrement le loa.

- Ces imbéciles ont dû la diviser. Ils ne savent pas que chaque partie est importante. Ragea Teach.

- Mais tu as leurs noms. Insista le loa. Avec cela je pourrais lancer un sort et …

- Pas de sort. L’interrompit Teach, un sourire cruel aux lèvres. Si ce que le bocor m’a dit est vrai j’aurai besoin d’au moins l’un d’entre eux.

- Ces pirates seraient ils eux aussi des sorciers ? »

 

Blackbeard rit moqueusement à cette suggestion.

«  Non ce ne sont que des hommes. Et en tant que tels, ils sont sensibles à certaines choses… Sans oublier que le hasard a fait que ces deux incapables soient Hector Barbossa et Jack Sparrow. »

Les lèvres du loa s’étirèrent en un imperceptible sourire.

«  Tu comptes l’utiliser elle ?

- Pourquoi pas … Répondit Blackbeard d’un ton désinvolte. Sans compter que l’avoir sous la main règle le problème du corps qui accueillera Calypso. Ce n’est pas le genre que j’aime à défourailler mais elle sera plus facilement sous ma coupe. »

 

Le loa hocha la tête tandis que Blackbeard poursuivait.

« Le fait que nous n’ayons aucune relation depuis des années éloignera d’elle les soupçons. Et elle ne se méfiera pas de moi. Après tout je suis son père non ? Du moins c’est-ce qu’elle a toujours cru après tout comment savoir ? Une fois que j’ai usé sa mère la moitié de mon équipage en a profité. Et quand bien même elle le serait, ça n’a pas d’importance. »

Le loa continua sans sourciller sa potion tandis que Teach poursuivait.

« Elle rejoindra les pirates et les emmènera droit dans mon piège.

- Comment comptes-tu réunir ces deux-là ? Tout porte à croire qu’ils sont ennemis. » Souligna le loa.

Teach sourit cruellement.

« De la manière la plus simple qui soit. En faisant en sorte de faire retentir leur chant stupide. »

 

Le loa leva son visage pâle vers lui.

« J’envoie mes âmes au combat ?

- Tous les navires de la Navy oui. Fait en sorte que les survivants accusent la Confrérie. » Grimaça Blackbeard furieux de devoir laisser la gloire de ses attaques à d’autres.

Enfin ce n’était somme toute que partie remise. Bientôt il serait le seul pirate du globe.

« Le seul. Confirma le loa. Pour elle, veux-tu que je lui prépare un filtre ? Tu sais de quoi la rendre.

- Ça s’impose. Répondit Blackbeard. Vu son physique va falloir mettre les bouchées doubles. Ricana-t-il. Je n’ai jamais compris comment elle pouvait être aussi laide, sa mère était une vraie beauté enfin avant que j’en ai fini avec elle.

- Elle t’en veut peut être toujours pour ça. Souligna le loa.

- Dans ce cas, fait donc un sort de protection. Si je ne me trompe pas cette petite idiote a établi son port d’attache non loin d’ici. » Déclara Edward avant de sortir.

 

 

Queen Anne’s Revenge, quartiers de l’équipage

 

Allongé sur sa paillasse qu’il avait pris soin de reculer, Philip s’efforçait de se calmer, gêné par les râles gras de certains hommes qui, à quelques mètres de lui, n’avaient pas le même genre de scrupules. Pourtant, son corps le brûlait à la hauteur de son désir pour la sirène dont il n’avait pu qu’effleurer les lèvres mais il ne parvenait pas à se résoudre à transgresser les règles de la vocation qu’il avait embrassée quelques mois plus tôt.

 

Philip ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Certes sa foi n’avait jamais été des plus immenses mais il croyait suffisamment pour avoir eu envie de la prêcher. Et avant de se retrouver sur ce navire maudit, il n’avait jamais ni douté ni transgressé. Seulement rien dans les Évangiles ne l’avait préparé à ce qu’il vivait maintenant.

 

Il avait lu l’Apocalypse, il craignait le Diable. Mais il avait toujours pensé que ce dernier ne vivait qu’en enfer et qu’il ne serait donc jamais face à lui. Sauf qu’il devait bien admettre que l’impossible s’était produit, car si Blackbeard n’était pas le démon il était au moins l’un ses archanges. Tout en Philip rejetait cette magie qu’ils appelaient vaudou et qu’il avait vu réaliser plus d’immondes prodigues qu’il n’avait vus de miracles. Mais il y avait Syréna. Belle, tentatrice…. Philip avait lu la Bible, il savait que le Malin savait prendre des formes séduisantes et Syréna était indubitablement séduisante. Mais sa séduction ne pouvait pas être l’œuvre du démon Sa voix était pareille à celle d’un ange. Elle était belle.

 

Philip soupira et songea que pour elle, pour la libérer, il lui faudrait sans doute mettre en péril son âme immortelle en s’adonnant à des rites païens, à de la magie noire. Le jeune homme chercha dans sa foi ce qu’il devait faire mais seule l’image de Syréna lui apparut et il poussa un gémissement étranglé.

« Nom de Dieu ! Ragea le compagnon qui était le plus proche de sa paillasse. Fais toi juter et qu’on en finisse maudit curé ! Sinon je te jure que je vais te régler ton compte. »

Philip frissonna et finit par interpréter les paroles de l’homme comme un signe, et surtout il ne parvenait pas à penser à autre chose qu’à Syréna. Le jeune missionnaire grommela une réponse et se retourna. Il avait pris sa décision. Il sauverait Syréna quels que soit les péchés qu’il devrait commettre pour ça. Après tout comme Dieu était Amour, il comprendrait certainement le sien.

 

A présent sûr du nouveau chemin qu’il s’était fixé, Philip repoussa loin de lui les scrupules du missionnaire qu’il avait été et suivit les conseils de son voisin en glissant une main dans son fut. Son excitation était tellement grande qu’elle ne tarda pas à jaillir et trempa les pantalons du jeune homme. Une fois assouvi, Philip ferma les yeux et pour la première fois depuis son arrivée à bord du Queen Anne’s il trouva facilement le sommeil.

 

Isla Libras

 

 

Blackbeard poussa un soupir las tout en nouant dans ses poils et ses cheveux les différents sorts de protection que lui avait fourni le loa. Une fois certain d’être prêt à pouvoir tout affronter il se tourna vers Davies.

« Dis-moi as-tu vu le Triomphe ? »

Davies grimaça.

« Oui Capitaine, il est à quai.

- Parfait… Laisse l’équipage s’amuser un peu ici. Vu ce qui nous attend autant qu’il prenne du plaisir maintenant. Surveille juste le petit comédien missionnaire. »

 

Davies leva un sourcil, surpris que Teach semble se faire du souci pour Philip.

« Je risque d’en avoir besoin. » Se borna à expliquer Blackbeard.

Il songea aux paroles du bocor qui lui avait expliqué que son union devait être sacrée. Pour cela, l’union devrait donc être prononcée soit par un capitaine et il ne pouvait pas se marier lui-même, enfin si mais il préférait être certain que personne ne puisse contester l’appartenance de Calypso, soit par un prêtre. Et plus il y pensait, plus Blackbeard trouvait un délicieux plaisir dans l’ironie de faire reconnaître une union vaudou par un prêtre de l’Église. Le jeune Philip était donc la personne parfaite pour cela. Peut-être même qu’il le relâcherait ensuite, du moins s’il était d’humeur magnanime. Remettant à plus tard l’ultime partie de son plan, Teach revint au présent et se concentra sur la visite qu’il allait rendre et sur laquelle reposait une bonne partie de la réussite de son projet que cela lui plaise ou non.

 

Le pirate s’enfonça donc seul sur Isla Libras, son regard méprisant erra sur les loa et les bocor de second ordre qui pullulaient sur l’île et nouaient des sortilèges pour la plupart inefficaces.

 

Finalement, il entra dans une taverne et chercha du regard la femme empâtée aux traits grossiers dont il se souvenait. Il fronça les sourcils en ne la voyant nulle part et s’adressa au tavernier.

« Où est le Capitaine du Triomphe ? »

L’homme haussa les épaules et lui désigna un coin de la salle. Teach s’approcha et haussa le sourcil, surpris par la femme qu’il lui avait désigné.

 

Contrairement à l’image qu’il avait gardé en souvenir, le capitaine du Triomphe était une jeune femme à la taille fine qui avait manifestement perdu ses rondeurs de l’enfance et aux longs cheveux d’un brun tirant sur le roux qui retombaient jusqu’au milieu de son dos. Blackbeard se réjouit de cette transformation et sourit à l’idée que finalement la partie union ne serait peut-être pas aussi déplaisante qu’il l’avait craint. Un rapide calcul lui permit de savoir qu’il ne l’avait pas vue depuis ses quinze ans. Elle en avait donc trente à présent.

 

Il s’approcha d’un air dégagé et savoura la cambrure de la fille qui lui tournait le dos puis il s’efforça de prendre une voix douce.

«  Bonjour Angelica. »

La femme se retourna immédiatement et Blackbeard reconnut instantanément les prunelles sombres au milieu d’un visage de madone qui lui rappela la mère de la jeune femme.

« Toi… » Cracha-t-elle en réponse.

Blackbeard ne s’en formalisa pas.

«  Je ne pensais pas que tu me reconnaîtrais.

- Qui pourrait oublier le visage de celui qui a tué sa mère ? Rétorqua Angelica.

- Ce n’est pas moi qui l’ai tuée. » Souligna Blackbeard, agacé de devoir se montrer gentil face à une insolente qui aurait bien mérité d’être remise à sa place.

 

Angelica le regarda avec dureté.

« Non c’est le … Combien déjà ? Le dixième ou le onzième homme auquel tu l’as offerte ?

- Le douzième. Répondit Teach sur le même ton. Mais il me semble Angelica qu’il est temps pour nous de dépasser tout ça.

- De quoi as-tu besoin ? Répondit la femme.

- De l’aide de ma fille…

- Je préférerais crever plutôt que de t’aider. Passe ton chemin Teach. » Répondit Angelica en lui tournant le dos.

 

Blackbeard la saisit fermement par le bras et la força à le regarder.

« Je n’ai pas dit que l’aide serait gratuite. »

A ces mots, une lueur avide s’alluma dans les yeux d’Angelica et Blackbeard reconnut avec cynisme le regard de la mère de la jeune femme, une espagnole qui aurait vendu son âme et son corps pour une pièce d’or.

«  Tu as intérêt à proposer quelque chose qui en vaille la peine. » Répondit Angelica qui se leva souplement pour aller s’installer à une table isolée.

 

Une fois assise elle fit signe à Blackbeard de prendre place.

« Tu as dix minutes pour m’expliquer. Alors évite nous les fausses émotions des retrouvailles et parlons affaire. »

Teach prit place, crispé de devoir faire mine de se soumettre devant cette péronnelle… Même s’il devait bien admettre que son côté froid lui plaisait beaucoup.

«  Tu as entendu parler de la Fontaine de Jouvence ?

- Comme tout le monde…

- Je veux ton aide pour la carte. J’ai envie d’agir discrètement.

- Toi discret ? Et depuis quand l’es-tu Teach ?

- Tu es directe Angelica…

- Je suis un pirate je ne peux pas m’offrir le luxe de tourner autour du pot. Alors ? »

 

Blackbeard réfléchit quelques instants et repoussa à plus tard son plus gros atout.

«  J’ai l’intention de devenir immortel. Et je me suis dit que je pourrais en faire profiter ma fille unique en réparation, disons pour ta mère.

- Quel sens paternel … Ironisa Angelica. Mais qui te prouve qu’une fois que j’aurais la carte je te la ramènerai ? Je pourrai profiter seule de l’immortalité…

- Je doute que ton loa soit suffisamment fort pour t’aider à parvenir seule jusqu’à la fontaine.

- Je n’ai pas de loa… Tu sais certaines personnes vivent très bien sans ces suceurs de vie à leurs basques. »

 

Blackbeard retint son sourire à cette nouvelle. Ça allait être encore plus facile que prévu… Sans loa, Angelica ne devinerait jamais ce qu’il préparait.

«  Alors c’est tout ? » Demanda Angelica.

Teach se pencha vers elle.

« Non. Je t’offre non seulement l’immortalité mais aussi la possibilité de pouvoir continuer à pirater et à amasser des richesses pendant que tous les autres pirates périront. »

Angelica soupira et se leva.

«  Désolée mais il m’en faudrait plus pour m’allier avec toi. Ce sont des choses que je peux avoir par moi-même. »

 

Teach se crispa. La gamine était plus coriace qu’il ne l’avait pensé. Peut-être était-elle réellement sa fille finalement.

« Une vengeance Angelica. Je t’offre une vengeance. »

La jeune femme s’immobilisa et se tourna vers lui, le regard noir.

«  Je te rappelle que la personne dont j’aimerais me venger c’est toi. Alors je ne vois pas en quoi m’allier avec toi pour t’offrir l’immortalité me permettrait de te tuer.

- Charmante. Apprécia Teach. C’est justement parce que tous savent que tu me hais que je te propose cet accord.

- Ou comment tenter de m’utiliser. Résuma Angelica.

- J’ai besoin que tu rejoignes les possesseurs de la carte et que tu les emmènes discrètement jusqu’à moi. Une fois que ce sera fait tu auras ta récompense.

- Ta réputation ne mentionne pas le fait que tu sois devenu sénile. Ironisa Angelica. Je t’ai dit non. »

 

Blackbeard serra les poings et lutta contre l’envie de lui montrer qu’il était tout sauf sénile, de préférence violemment.

« Attend de savoir qui tu devras tromper. »

Angelica haussa les épaules et commença à s’éloigner

«  Hector Barbossa et Jack Sparrow. » Lâcha Teach d’un ton désinvolte.

Il eut la satisfaction de la voir s’immobiliser puis Angelica pivota lentement vers lui, le visage haineux.

« Tu aurais pu le dire plus tôt. Déclara-t-elle d’un ton détaché et se ressayant et en commandant à boire d’un geste sec.

- Laisse … Je t’offre cette tournée. Déclara Teach, satisfait.

- Explique. » Répondit Angelica d’une voix mauvaise.

 

Blackbeard les servit et commença.

« Ces deux imbéciles ont la carte. Moi ce que je veux c’est eux. Et la carte.

- Pourquoi ne pas les tuer directement ?

- Ils connaissent une formule dont j’ai besoin. Expliqua Teach avant de changer soigneusement de sujet. Je vais faire en sorte qu’ils se réunissent sur l’île des épaves. C’est là que tu les rejoindras et que tu t’arrangeras pour leur faire croire que tu veux les aider.

- Pourquoi tu n’envoies pas tes zombies sur l’île pendant qu’ils y sont tous. Ça serait plus rapide comme ça. Ton but est bien de te débarrasser de la Confrérie non ? »

 

Teach posa un regard aigu sur elle. Il l’avait sous-estimée, elle était moins bête que dans ses souvenirs.

« Nous y prendrions plus de plaisir en prenant notre temps…Et le vieux Teague a fait en sorte que je ne puisse pas m’approcher de leur forteresse.

- Oh ? Tu as de la concurrence dans le vaudou alors … Plaisanta Angelica.

- La seule chose que tu as faire c’est de les faire tomber dans mon piège. Ils ne se méfieront pas de toi.

- Et en échange tu m’offriras l’immortalité et les richesses.

- Oui. Alors qu’en penses-tu ? »

Angelica réfléchit rapidement et se pencha vers son père.

« Attendu que si j’accepte, je ne vengerai jamais ma mère. Je veux autre chose.

- Dis-moi… »

 

Angelica sourit.

« Je veux sa tête. Ou plutôt je veux en finir avec lui moi-même. »

Blackbeard retint un rire cynique à la pensée qu’il n’y avait rien de pire qu’une femme bafouée et hocha la tête.

« Tu l’auras, je te le promets. »

Angelica sourit de plus belle.

« Bien … Le point de rendez-vous ? »

 

L’heure suivante se passa en discussions et Blackbeard vida son gobelet.

« Es-tu certaine que tu arriveras à te maîtriser en sa présence ?

- J’y arrive bien en la tienne. Rétorqua Angelica. Et ce sera amusant de les tromper. Je m’ennuie un peu en ce moment. »

Satisfait au-delà de ses espérances, Blackbeard se leva.

« Quatre mois Angelica. Tu as quatre mois sinon notre marché n’existera plus.

- Ce que tu peux être théâtral. » Se moqua Angelica avant de faire ce que personne n’avait jamais fait sans trouver la mort dans la seconde qui suivait.

Elle saisit Blackbeard par le col et approcha son visage du sien.

« Ne me double pas raclure. Tu serais surpris. » Déclara-t-elle avant de le relâcher et de lui tourner le dos.

 

La main de Teach se posa par automatisme sur son pistolet avant de se raviser. Cette insolente regretterait bien assez tôt ses menaces stupides. Pour l’instant il avait trop besoin d’elle. Mais lorsque l’âme de Calypso posséderait le corps d’Angelica, il s’assurerait que l’âme de la jeune femme connaisse une éternité de souffrances. Après tout il lui avait promis l’immortalité non ? Il n’avait juste pas précisé quelle forme elle prendrait.

 

 

Mer des Caraïbes, un mois plus tard

 

 

Révulsé, Philip se pencha au bastingage pour vomir. Il avait de plus en plus de mal à supporter la cruauté grandissante de Blackbeard, le pirate ne manquant manifestement pas d’imagination en matière de tortures. Le cœur encore au bord des lèvres, Philip observa Davies tandis que ce dernier cousait à vif les lèvres d’un officier de la Navy et effectuait son ouvrage macabre comme s’il avait simplement reprisé son pantalon.

 

Blackbeard le poussa d’une bourrade et Philip lui lança un regard haineux.

« Va à la cuisine, il est l’heure de nourrir le poisson. Marmonna Teach avant de se détourner vers le malheureux soldat. Lorsqu’on te demandera qui t’a fait ça tu pourras dire que c’est Le Capitaine Jack Sparrow… » Grinça Teach.

Philip sursauta. Encore une fois, Teach se faisait passer pour un autre. Comme à chaque abordage depuis un mois.

 

Chaque fois la même scène se reproduisait. Tous les hommes étaient massacrés à l’exception d’un seul qui se voyait seulement mutilé. Puis Teach arrivait et prétendait être Hector Barbossa ou Jack Sparrow. Deux noms totalement inconnus pour Philip mais il avait remarqué que les soldats, qui étaient devenus leur unique cible, semblaient invariablement les connaître.

 

Davies, les mains pleines de sang passa devant lui et Philip le retint spontanément par le vêtement.

« Qui est Jack Sparrow ?

- T’occupe. Lui répondit Davies. Va nourrir la sirène, le capitaine ne veut pas qu’elle attende. Si t’es pas capable d’obéir, un autre le fera à ta place. »

Philip frémit à cette menace et remit à plus tard ses questions. Hors de question de se laisser déposséder de Syréna !

 

Teach rejoignit ensuite le second.

« Comment se débrouille le missionnaire ? »

Davies haussa les épaules.

«  Bien mais il se pose des questions. »

Tout comme moi … Ajouta-t-il mentalement

«  Et bien qu’il s’en pose. » Répondit Blackbeard avant de s’éloigner.

 

 

Comptoir de la Compagnie des Indes, Nassau

 

Lord Hawks passa un mouchoir parfumé sur ses lèvres et fixa avec dégoût l’homme aux oreilles coupées qui se trouvait devant lui encadré par deux soldats

« Par Dieu encore ! Gémit Lord Hawks. Qui a fait ça ? Demanda-t-il, le mouchoir toujours sur les lèvres en désignant le malheureux supplicié.

- Hector Barbossa. Hector Barbossa, Hector Barbossa. » Répétait le soldat fou de douleur

 

Lord Hawks se crispa et désigna l’homme.

« Sortez le de là et pour l’amour de Dieu abrégez ses souffrances.

- Oui Lord Hawks. » Répondit l’officier qui avait trouvé le malheureux avant de le traîner à l’extérieur.

Le lord sursauta en entendant la détonation d’un pistolet et l’instant d’après l’officier le rejoignit.

« Il n’y avait rien d’autre à faire pour lui. Déclara-t-il sobrement.

- Seigneur … Est-ce donc à cela que nous sommes réduits ? Achever nos valeureux soldats ? Cette situation est intolérable ! Ragea Hawks. Je veux que vous trouviez ce Barbossa et ce Sparrow et que vous les empêchiez de nuire. Trop d’hommes sont morts durant les dernières semaines pour que nous ne fassions pas de la capture de ces pirates une priorité absolue !!

- Lord Beckett a déjà essayé sans succès. Releva l’officier.

- Beckett était un nabot incapable. Rétorqua Hawks. Nous n’avons pas ce défaut. Tuez tous les pirates que vous trouverez, l’habeas corpus est abrogé. C’est un ordre Groves. »

 

L’officier s’inclina, il se garda bien de faire remarquer à l’autre que c’était précisément ce que Beckett avait fait et s’empressa vers la sortie.

 

 

Une semaine plus tard, place de Nassau

 

 

Lord Hawks regarda avec un plaisir sans mélange les pirates s’avancer vers les potences dressées pour l’occasion.

« Vous avez été efficace Groves. Déclara-t-il à l’officier.

- Merci my Lord…

- Cependant Barbossa et Sparrow continuent de sévir. Trouvez-les.

- Je m’y atèle. » Répondit Groves en suivant des yeux les corps torturés des pirates qui montaient à l’échafaud, la scène lui rappela celles auxquelles il avait assisté à Port Royal du temps de Beckett.

 

La scène suivante accentua le souvenir et Groves frissonna en entendant une voix s’élever brusquement, bientôt rejointe par celle des autres condamnés. A ses côtés, Hawks sursauta alors que les voix enflaient.

«  Par Dieu ils chantent ???

- Oui… » Murmura Groves d’une voix qui tremblait imperceptiblement tandis que le chant continuait.

 

Les dernières paroles résonnèrent comme un glas aux oreilles de l’officier.

 

« L’âme des pirates, jamais ne mourra…. »

 

 


Chapitre 1                                                                                                          Chapitre 3


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