Chapitre 36 : Pertes


 

Destroyer Supremacy, 

 

 

 

Kylo Ren composa le code ouvrant ses appartements avec des gestes empreints de lassitude. Il était tellement épuisé qu’il avait fini par céder aux exhortations de Rey et s’était résolu de prendre un peu de repos. Une fois à l’intérieur, il jeta un regard dégouté au décor froid et impersonnel dans lequel il vivait avant de diriger vers la douche. L’eau brulante dénoua peu à peu ses muscles endoloris par la séance d’entrainement à laquelle il venait de se livrer et, presque malgré lui, il laissa ses pensées dériver vers la conversation qu’il avait eue avec Rey. Un sourire hésitant se forma sur ses lèvres alors que les mots qu’elle avait prononcés lui revenaient en mémoire et il songea que, si pour Leia, Ben signifiait espoir, pour lui, c’était Rey. 

 

Cette pensée réveilla les angoisses qu’il croyait pourtant avoir réussi à museler et il glissa une main nerveuse dans ses cheveux sombres avant de se diriger, nu et encore dégoulinant d’humidité, vers le casque de Vador. 

 

Là, par la force d’une habitude acquise de longue date, il s’agenouilla et baissa le visage.

« Je ne sais plus quoi faire, avoua-t-il. Je croyais que la Résistance était mon plus farouche opposant, un adversaire que je suis certain de balayer sans problèmes, mais cette armée venue de nulle part change la donne. J’ignore comment mettre un terme à cette menace. Je ne sais pas où chercher. La Force reste muette quand je l’interroge sur l’Empereur et je crains de commettre une erreur qui mettrait tout ce que j’ai bâti en danger. Une fois de plus, je me montre faible et impuissant. Je vous déçois, je le sais. »

 

Une fois ces mots prononcés, il sembla au jeune homme que la Force vibrait autour de lui, d’une énergie brute mais dépourvue d’hostilité.

« Mustafar…Toi seul, » lui dicta-t-elle.

 

Les yeux noirs de Kylo Ren s’agrandirent sous l’effet de la stupeur et il se sentit investit d’une énergie nouvelle. Mustafar… le bastion de Vador, l’endroit où il conservait tous ses secrets. Evidemment ! L’Empereur avait sans aucun doute partagé une partie de ses projets avec son fidèle apprenti. S’il subsistait des informations sur le Plan Contingence, cela ne pouvait être que là. 

 

 

Naboo, 

 

 

« Cette bonne femme est complètement folle, nous n’aurions jamais dû la laisser sans surveillance, pesta Poe. Elle va nous mener tout droit dans les geôles du Premier Ordre. »

L’Amirale se retourna vers lui, un éclat sauvage dans le regard. Cela faisait des heures qu’ils écumaient les rues de Theed dans l’espoir de mettre la main sur la Sénatrice.

« C’est bon, je sais que j’ai merdé, inutile de me le rappeler toutes les cinq minutes ! 

— Je ne disais pas ça pour t’accu, fourcha Poe avant de se reprendre, pour vous accuser de quoi que ce soit. »

 

Son étourderie redoubla le stress de l’Amirale et elle se dirigea d’un pas pressé vers la place principale de la ville. Là, un gémissement de détresse lui échappa. Juchée sur un amoncellement de caisses disposées afin de former une estrade, la Sénatrice Berenko haranguait les passants, les poussant à rejeter la domination du Premier Ordre dans des termes qui n’avaient rien de raisonnables ou de rationnels.

« Il faut l’évacuer, souffla Holdo. Immédiatement. »

Un sourire carnassier se forma sur les lèvres de Poe.

« Je m’en charge, dites à Chewie et Lando de venir nous récupérer. »

 

Sans attendre la réponse de sa supérieure, Poe fendit la foule clairsemée qui observait la Sénatrice avec circonspection.

« Le spectacle est terminé, veuillez rentrer dans vos maisons respectives », cria-t-il en grimpant sur la plate-forme branlante.

Berenko le repoussa avec autant de forces qu’elle le pouvait mais le pilote plaqua une main sur sa bouche, grimaçant alors qu’elle tentait de le mordre. 

« Ça suffit ! grogna-t-il. Un mouvement de plus et je vous brise le cou. »

L’imminence de la menace calma temporairement la Sénatrice et Poe força son avantage. 

« Ce n’est pas en vous comportant ainsi que vous réussirez à faire en sorte qu’ils vous fassent de nouveau confiance, » murmura-t-il.

 

Sans attendre la réaction de la femme, il la força à descendre de son piédestal improvisé, et, la bâillonnant toujours, il la traina jusqu’au reste du groupe.

« Ils nous attendent un peu plus loin avec le Faucon », annonça Amilyn. 

Poe lui adressa un signe d’assentiment et, sans tenir compte des gesticulations de protestation de la Sénatrice, la souleva d’une poussée pour la caler sur son épaule.

 

Faucon Millénium,

 

 

« Des lâches ! Des vendus à Ren, voilà ce que vous êtes ! » cracha la Sénatrice Berenko alors que Poe la déposait sur le sol.

Amilyn serra les dents devant l’insulte et prit sur elle pour ne pas rétorquer.

« La Générale Organa doit être remplacée, hurla Berenko. Elle est faible, dépassée, et trop impliquée personnellement dans ce conflit. Il est évident que jamais elle ne se résoudra à mettre fin à l’existence du monstre qui est sorti de ses entrailles ! »

 

La gifle que Rose lui asséna en réponse les prit tous par surprise. Ecumante de rage, la jeune lieutenante regarda la Sénatrice dont le nez pissait le sang.

« Je vous interdis de remettre en question l’intégrité de la Générale, déclara-t-elle d’une voix métallique. Contrairement à vous, elle n’a jamais fait passer ses intérêts personnels ou ses désirs de revanche avant ceux de la Résistance. »

Finn la regarda avec admiration mais Rose n’en avait pas encore terminé.

« Vous croyez que vous êtes la seule à avoir perdu quelqu’un de cher dans cette guerre ? Ouvrez les yeux, Sénatrice ! C’est notre cas à tous ! Ma sœur est morte pour défendre notre liberté, Finn a été arraché à sa famille, la Générale Organa a perdu son mari de la main de son propre fils ! Vous n’êtes pas la seule à souffrir. Mais, ce n’est pas en agissant aveuglément sous l’effet de la colère que nous réussirons à mettre un terme aux méfaits de Ren et de ses sbires. »

La Sénatrice ouvrit la bouche puis la referma, stupéfaite par l’éclat de la jeune femme d’ordinaire discrète.

 

« Je n’approuve pas totalement la méthode, mais je reconnais son efficacité », déclara Holdo qui avait brulé intérieurement de faire la même chose.

Tremblant encore d’émotion, Rose s’adressa à la Sénatrice.

« A présent, vous allez vous tenir tranquille et vous allez suivre le plan de l’Amirale. »

Berenko lui répondit par un regard chargé de crainte et Amilyn en profita pour reprendre la main sur la petite troupe.

« Je comprends tout à fait votre frustration, Sénatrice Berenko, commença-t-elle pour apaiser les choses. Cependant, nous avons interrogé des centaines de personnes et pas un, Naboo ou Gungan, n’a paru regretter l’allégeance au Premier Ordre. 

— J’ai des sympathisants, avec leur aide, nous pourrions…

— Il faut plus que votre sœur et une poignée d’amis pour réussir à renverser un gouvernement apprécié de tous, la coupa Poe d’un ton sec. Ne croyez pas que ça me fasse plaisir de vous dire ça, mais les faits sont là : le peuple de Naboo ne veut pas que la Résistance ou qui que ce soit l’aide à se débarrasser de Kylo Ren. »

 

Le visage de la Sénatrice s’affaissa et des larmes lui montèrent aux yeux.

« Alors, c’est ça ? Vous renoncez… Ja-Ji est restée sur Hosnian Prime à ma demande, afin de protéger notre monde d’une invasion du Premier Ordre, souffla-t-elle. Je ne peux pas tolérer qu’elle soit morte pour rien. Je ne peux pas ! » 

Gênés par son chagrin, ils détournèrent le regard, excepté Rose et Holdo. 

« Nous n’abandonnons pas, affirma Holdo. Mais, sans preuve de duplicité de la part du Premier Ordre, nous ne pourrons pousser le peuple à nous suivre. Et si nous tentons de prendre le pouvoir par la force, alors nous ne valons pas mieux que ceux que nous combattons. 

— Mais Luke Skywalker pourrait… 

— Quoi ? Tenter de manipuler les esprits de tous les habitants de Naboo ? ironisa Holdo. Je doute qu’il soit assez puissant pour le faire et, même sans cela, il n’accepterait jamais d’aller à l’encontre de l’un des principes Jedi et la neutralité en fait partie. »

Finn émit une drôle de toux en l’entendant et Rose se tourna vers le jeune homme avec inquiétude.

« C’est rien, un truc dans la gorge, » la rassura-t-il en évitant son regard.

 

Holdo reprit.

« Pour l’instant, il n’y a rien à faire pour vous aider à reprendre votre place de Sénatrice. En revanche, nous pouvons tenter de découvrir ce que trame le Premier Ordre. Ren a fait en sorte que l’essentiel de ses troupes soit déployé sur Ohma-D’un, je doute que ce soit dans le but d’aider Naboo à la recoloniser comme il le prétend. Par conséquent, nous allons nous y rendre et essayer de découvrir ce que cela cache. »

Berenko sembla reprendre vie à cette perspective et l’Amirale la regarda avec sévérité.

« Votre connaissance du terrain serait certes un avantage une fois sur place, mais, si vous persistez dans votre attitude, nous nous passerons de vous. C’est une mission de reconnaissance, pas un règlement de compte. Est-ce que je me fais bien comprendre ? »

 

La Sénatrice hocha vigoureusement la tête et Poe grimaça légèrement. Il n’en croyait pas un mot. Il avait trop souvent vu le regard qu’avait actuellement Berenko dans le miroir : une fois sur place, elle n’en ferait qu’à sa tête.

« Amirale ? Deux mots en privé », requit-il.

Holdo roula des yeux pour lui signifier que l’heure n’était pas aux batifolages et le pilote s’agaça. Comme s’il ne pensait qu’au sexe ! Enfin, si un peu, mais là n’était pas la question.

« Au sujet de notre nouvelle mission, » assura-t-il.

 

Destroyer Supremacy, 

 

 

« L’heure sera bientôt venue pour toi d’accomplir ce pourquoi tu as été conçue… »

 

Rey se trouvait dans un endroit sombre et poisseux d’humidité et elle tourna la tête pour découvrir d’où provenait cette prédiction inquiétante. L’angoisse lui serra la gorge alors que les murs noirs et miroitants lui renvoyaient son propre reflet vêtu de sombre et les yeux animés d’un éclat jaunâtre. 

« Inutile de vous cacher. Je sais qui vous êtes, Palpatine ! déclara-t-elle. Et jamais je ne vous aiderai. Je ne deviendrai pas ce que vous attendez de moi, quoi que cela puisse être. »

Un chuintement inquiétant qui se voulait un rire salua sa bravade.

« Tu n’as pas le choix, petite créature… Tu es à moi depuis toujours.

— Je n’appartiens à personne ! »

 

Un souffle à l’odeur putride frôla le visage de Rey et elle recula instinctivement contre le mur, son dos s’appuyant contre la paroi sombre et froide.

« Nous verrons si tu dis encore ça lorsque je t’aurais pris l’intégralité de ce qui t’est cher… Le moment venu, tu me supplieras à genoux de faire de toi tout ce que je veux en échange de la fin de tes tourments.

— Jamais, affirma Rey, d’une voix un peu moins assurée.

— Oh, si tu le feras… Ta vraie nature est obscure et elle s’affirme chaque jour un peu plus, se réjouit Palpatine. Tu surpasseras bientôt l’être pitoyable que tu appelles Maitre. Alors, tu seras prête. »

 

Effrayée, Rey chercha une issue des yeux et son regard tomba soudain sur une autre version d’elle-même. Vêtue de blanc et le visage maculé de larmes, la Rey de sa vision murmura avec tristesse :

 « Je t’avais avertie pourtant… Jamais tu n’aurais dû aller là-bas. Tu aurais dû m’écouter et rester cachée, à présent il trop tard pour toi. »

 

()()

 

Rey étouffa un cri et se redressa d’un bond. Pendant quelques secondes affreuses, elle ne reconnut pas ce qui l’entourait puis elle entendit la respiration profonde et paisible de Ben et se souvint qu’elle s’était glissée dans ses appartements un peu plus tôt. Le trouvant enfin endormi, elle n’avait pas eu le cœur d’interrompre son repos et s’était glissée à ses côtés sous la couverture pour attendre son réveil. Elle avait dû s’assoupir à son tour. Encore sous le choc de son cauchemar, elle se colla contre lui et l’enlaça de toutes ses forces. Elle ne voulait pas le réveiller mais, en cet instant, elle avait besoin de quelque chose de tangible auquel se raccrocher, elle avait besoin de lui.

 

Un petit grognement s’échappa de la gorge de Kylo Ren et, dans un demi-sommeil, il referma sa main sur celle de Rey, l’enveloppant entièrement.

« Suis pas faible, vous prouverai, marmonna-t-il, visiblement agité lui aussi.

—Non, tu ne l’es pas », chuchota Rey pour l’apaiser avant de déposer un baiser léger sur son épaule.

 

()()

 

Le visage tiré et les yeux cernés, Kylo Ren observa la jeune femme qui dormait à ses côtés. Rey avait dû le rejoindre durant la nuit et il regrettait de ne pas s’être réveillé à ce moment-là. Il avait eu un sommeil perturbé, entrecoupé de cauchemars de Ben, et il se sentait encore moins reposé qu’avant. 

 

Sans pouvoir se retenir, il glissa ses doigts sur le visage de Rey, écartant une mèche châtaine de sa joue. Son geste la fit frissonner et elle ouvrit des paupières encore lourdes de sommeil.

« Il est quelle heure ? 

— L’heure de dormir encore un peu », lui répondit-il à voix basse.

Au lieu de refermer les yeux, la jeune femme s’étira avec volupté et elle laissa sa main glisser jusqu’au bas-ventre de son compagnon. Un sourire lui échappa en le découvrant déjà dur. 

« On pourra se rendormir après », murmura-t-elle en le repoussant afin qu’il se mette sur le dos.

 

Sans attendre sa réaction, elle l’enfourcha et le guida en elle. Elle avait besoin de lui, besoin qu’il chasse les bribes persistantes de son cauchemar et l’angoisse qu’elle ressentait depuis. Avec un gémissement sourd, elle entreprit d’onduler ses hanches, savourant la sensation du sexe large de son partenaire en elle. Les mains de Kylo Ren se posèrent sur sa taille pour lui intimer de ralentir mais, à la place, elle accéléra le rythme, donnant à leur ébat un élan désespéré. Les yeux clos, elle ne retenait plus ses mouvements, elle le voulait plus fort, plus profond, plus vite. Un cri de plaisir sauvage franchit ses lèvres alors qu’une des mains de Kylo désertait sa hanche pour venir caresser son bouton gorgé de plaisir et elle accentua encore ses coups de reins. Kylo Ren se crispa et elle le sentit tenter de se retenir avant d’exploser dans un gémissement. Avec des gestes saccadés, il continua ses caresses sur le clitoris gonflé de la jeune femme. L’orgasme la cueillit au bout de quelques minutes de ce traitement et elle s’immobilisa sur lui, son sexe encore profondément ancré en elle alors qu’elle poussait un cri rauque de jouissance. En sueur, elle se laissa retomber sur le torse de son amant, le cœur battant à tout rompre. 

 

Les doigts de Kylo Ren se perdirent dans ses cheveux, les caressant pour l’apaiser et il l’embrassa légèrement sur la tempe avant de la fixer avec incompréhension.

« Loin de moi l’idée de me plaindre, mais que se passe-t-il ? » l’interrogea-t-il.

Rey pesta entre ses dents. Quelquefois, ce lien qu’ils partageaient était une vraie malédiction. D’une voix hachée par l’effort qu’elle venait de faire, elle entreprit de lui raconter son cauchemar. Les doigts de Kylo Ren se crispèrent dans sa chevelure à mesure qu’elle avançait dans son récit et il prit une inspiration.

« J’avais prévu de te l’annoncer demain, enfin tout à l’heure, mais je crois savoir où trouver les informations qui nous manquent, du moins je l’espère. »

Rey se redressa en l’entendant.

« Quoi ? Auprès de qui ? »

Il s’écarta imperceptiblement d’elle et répondit.

« Mustafar.

— Je devrais connaitre ? 

— C’est une planète de la Bordure Extérieure. Vador y avait établi son quartier général. Et, personne n’était aussi proche de l’Empereur que lui. S’il y a quelque chose à découvrir sur le Plan Contingence et les projets de Palpatine, c’est probablement là-bas.

— Dans ce cas, qu’attendons-nous pour nous y rendre ? »

 

Il s’écarta encore un peu plus d’elle.

« Pas nous, uniquement moi. J’ai besoin que tu restes ici pour superviser les opérations en cours, mentit-il.

— Tu me caches quelque chose », lui reprocha Rey.

A son tour, Kylo Ren maudit le lien entre eux.

« D’accord, capitula-t-il, la connaissant assez pour savoir qu’elle ne lui laisserait pas un instant de répit tant qu’il ne lui aurait pas tout dit. Hier soir, je, j’ai ressenti le besoin de parler à, enfin tu sais…

— Ne me dis pas que tu t’es encore agenouillé devant ce vieux truc ? »

Le corps de Kylo Ren se raidit instantanément tandis que son visage se refermait et Rey se mordit la lèvre.

« Excuse-moi, je sais que c’est important pour toi, c’est simplement que je ne comprends pas pourquoi tu t’entêtes à

— Il m’a répondu », la coupa le jeune homme.

Rey se troubla.

« Tu es sûr que ce n’était pas encore 

— Non, ce n’était pas lui ! C’était différent. C’était puissant mais pas hostile, rien à voir avec la voix que j’entends d’habitude. Je crois que, pour la première fois, Vador s’est adressé à moi.

— D’accord, accepta Rey peu convaincue. Qu’est-ce qu’il a dit ?

— Pas grand-chose : Mustafar, toi seul. Je pense qu’il espère que je le rejoigne là-bas. »

 

La poitrine de Rey se serra brutalement d’angoisse. S’il se rendait sur Mustafar, elle le perdrait, elle le sentait jusqu’au plus profond de ses tripes. Il sentit le changement en elle et fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que tu as ?

— Tu ne dois pas y aller, pas sans quelqu’un pour t’aider, lui répondit-elle d’une voix blanche. Je t’accompagnerai.

— Non. Ce n’est pas ce que Vador attend de moi. J’irais seul ainsi qu’il me l’a demandé. »

Ils s’affrontèrent silencieusement du regard un long moment. Désemparée, Rey lut une volonté irréductible dans les yeux de son amant tandis qu’il prenait conscience de son inquiétude.

« Il ne m’arrivera rien, promit-il. Mais c’est quelque chose que je dois faire sans toi. C’est important pour moi. S’il te plait, essaie de comprendre, jamais je n’ai autant senti sa présence.

— Je sais à quel point il compte pour toi, mais justement, si ce n’était pas lui ? Si c’était un piège ? tenta Rey, une boule au ventre.

— Dans ce cas, je saurais me défendre, je n’ai pas besoin que tu me protèges ! » pesta le jeune homme.

 

Rey ferma brièvement les yeux, se rappelant les mots qu’il avait marmonné dans son sommeil durant la nuit. Si elle s’obstinait, elle le blesserait à coup sûr. Il penserait qu’elle le croyait faible et le cycle d’auto destruction reprendrait… Elle ne pouvait pas lui infliger ça. Se forçant à repousser la terrible prémonition qui enflait dans son esprit, elle céda.

« D’accord, si tu penses que c’est mieux… Seulement, je ne peux m’empêcher de penser que

— Je sais ce que je fais. Aies confiance en moi. »

En dépit de la fermeté de sa voix, son regard était suppliant et Rey se força à lui sourire. 

« Très bien, je resterai ici mais je ne te promets pas de ne pas tuer Hux en ton absence », tenta-t-elle de plaisanter pour chasser le malaise qui s’était installé entre eux.

Le jeune homme la regarda avec attention.

« Pourquoi le hais-tu à ce point ? Je reconnais qu’il est malsain et qu’il me répugne au plus haut point, mais pas plus que les autres. »

La jeune femme baissa les yeux.

« A cause de son père. Quand je me suis souvenue de mes parents, j’ai également découvert que s’ils m’avaient laissée sur Jakku c’était parce que Brendol Hux était sur leurs traces. Ils m’ont abandonnée pour l’empêcher de me trouver. Ils avaient peur pour moi, peur qu’il m’utilise pour des expériences comme cela avait été le cas pour eux. Ils étaient prêts à tout pour me protéger de lui, y compris à me vendre. Je sais que ton Général Hux n’est pas responsable mais je ne peux pas m’empêcher de lui en vouloir. Sans son père, j’aurais grandi avec ma famille. »

Kylo Ren prit délicatement son menton entre ses doigts et l’obligea à le regarder.

« Tu n’as pas à avoir honte de ce que tu ressens. Tes parents t’ont manqué toute ta vie, c’est normal d’éprouver du ressentiment envers les responsables.

— Mais Hux ne l’est pas, soupira Rey. Son seul tort est d’être le fils de son père. Je ne devrais pas le blâmer pour ça.

— Le fait qu’il ait suivi ses traces en dit long sur ce dont il est capable, rétorqua Kylo. Hux, Sloane, Pryde et même Phasma, ils sont tous à la solde du même homme.

— Palpatine, murmura Rey sans pouvoir retenir un frisson.

— Oui, cela fait des années qu’il tire les ficelles dans l’ombre et c’est le vrai responsable du drame que tu as vécu. Nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre qu’il frappe. Nous devons absolument découvrir ce qu’il prévoit. Rey, je ne le laisserai pas te faire à nouveau du mal. C’est pour ça que je dois me rendre sur Mustafar au plus vite. »

Le visage de Rey s’assombrit de nouveau et il soupira.

« Tout se passera bien, je te le promets. Par ailleurs, j’aurais vraiment besoin de toi ici. Plusieurs ambassades doivent venir rencontrer le Premier Ordre prochainement et tu es la seule en qui j’ai confiance pour me remplacer.

  — Je doute d’être aussi efficace que toi pour mener des négociations. 

— Tu t’en sortiras à merveille », lui assura-t-il avant de la prendre dans ses bras.

A l’abri contre son torse chaud, Rey s’obligea à se détendre malgré l’affreux pressentiment qui continuait à hurler en elle.

 

()()

 

Debout sur le ponton surplombant le hangar, Rey posa un regard humide de larmes sur le TIE Silencer prêt à partir. Ses yeux cherchèrent la silhouette massive de Kylo Ren et, sentant son regard sur lui, il releva la tête. Il portait de nouveau un masque pour l’occasion, ce qu’elle ne s’expliquait pas, aussi ne pouvait-elle voir l’expression de son visage. Il leva brièvement la main dans sa direction et elle sentit la douceur d’une caresse se diffuser dans leur connexion. 

 

Elle agrippa la rambarde de métal de toutes ses forces tandis qu’il embarquait, luttant contre le besoin pressant de courir vers lui pour l’empêcher de décoller. Le cœur aussi lourd qu’une pierre, elle regarda le sas s’ouvrir puis le chasseur s’envola, disparaissant de sa vue en quelques secondes.

 

C’était fini. Il était parti et Rey ne put s’empêcher de penser que c’était pour toujours. La douleur de la perte déferla en elle et elle s’écarta de la plate-forme en vacillant. Lorsqu’elle se retourna, elle croisa le regard hautement satisfait du Général Hux et son angoisse redoubla. 

 

Sans entendre ce que le roux lui disait, elle s’éloigna d’un pas égaré pour rejoindre ses appartements. Elle avait besoin d’être seule pour pleurer tout son saoul. 

 

Ohma D’un,

 

Ils avaient eu le plus grand mal à obliger Berenko à rester à bord du Faucon, Amilyn s’étant finalement rendue aux arguments de Poe. Après tout, l’expert en tête brûlée, c’était lui. Cela avait été tout aussi difficile de convaincre Chewbacca de rester à bord afin de surveiller la Sénatrice. Les cris de protestation du wookie résonnaient encore dans leurs mémoires alors qu’ils progressaient à plat ventre dans les marais, cherchant à se rapprocher aussi près qu’ils l’osaient.

 

« Qu’est-ce qu’ils font ? » chuchota Rose en observant des ouvriers occupés à charrier de gros cailloux.

Amilyn secoua la tête en signe d’incompréhension tandis que Lando lui faisait signe de lui passer les jumelles.

« Du Bene, siffla finalement le vieux filou. Un gisement pratiquement intact et pas des moindres. Le gamin a le nez fin. »

Amilyn sursauta en percevant une note d’affection dans la voix de Lando et il lui adressa un regard un peu contrit.

« Désolé, c’est simplement que le Bene est tellement rare désormais que je me suis laissé emporter.

— Tellement rare que je n’en ai jamais vu, chuchota Holdo. Vous êtes certain que c’en est ?

— Sûr, affirma Lando. J’en ai assez euh vendu pendant ma jeunesse pour le reconnaitre quand j’en vois. »

Tous étaient conscients que « volé » eut été plus approprié que « vendu » mais ils firent semblant de rien.

 

« Ils n’ont pas l’air d’agir sous la contrainte, remarqua Rose au bout d’un moment. Je parle des hommes qui travaillent.

— Il a dû leur laver le cerveau, pesta Finn.

— Ou alors ils sont réellement heureux de travailler pour Ben enfin Kylo Ren », souligna Lando.

Les quatre autres le regardèrent de travers.

« Sérieux, des fois c’est à se demander dans quel camp vous êtes, marmonna Finn.

— Dans celui du plus futé, sourit Lando de toutes ses dents. Du coup, ça vient, ça va », plaisanta-t-il.

Amilyn leva les yeux au ciel, s’ils continuaient comme ça, ils allaient se faire repérer ! Rose avait passé plus de six heures à neutraliser leur radar d’approche et à désactiver leur bouclier protecteur, ce n’était pas pour que leurs plaisanteries idiotes fichent tout en l’air !

« On en a assez vu, on s’arrache, » ordonna-t-elle. 

 

Ils étaient à mi-chemin de la route menant au Faucon Millénium lorsqu’un hurlement de wookie blessé s’éleva. Le bruit résonna comme un coup de tonnerre dans le silence ambiant et l’estomac d’Amilyn se retourna.

« Merde ! On court ! »

 

Les Résistants avaient conscience de l’agitation soudaine derrière eux tout comme du bruit des speeders lancés sur leurs traces. Finn attrapa la main de Rose afin de l’aider à courir plus rapidement. Aucun d’entre eux n’avait besoin qu’on lui explique que c’était leurs vies qui étaient en jeu.

 

()()

 

Menant la poursuite, Lanzora Garan déclencha le comlink qui lui permettait de contacter directement Kylo Ren. 

« Que se passe-t-il ? gronda le jeune homme.

— On a de la visite. »

Un silence, puis :

« Identité ?

— Inconnue, mais c’est le cri d’un wookie qui nous a alerté. »

 

TIE Silencer,

 

Kylo Ren ferma brièvement les yeux et porta inconsciemment une main à son flanc où il portait encore la cicatrice du trait de blastarbelète que Chewie lui avait décoché après la mort de Han. Il n’y avait aucun doute sur l’identité des intrus. Les wookies avaient été presque tous décimés avant sa naissance et il doutait que ce soit une coïncidence si l’un d’eux se trouvait précisément sur Ohma D’un.

 

« Vos ordres, Suprême Leader ? » crachota la voix de Lanzora.

Rey aurait du mal à lui pardonner cela… Leia aussi, mais elle était le cadet de ses soucis. Il ne pouvait pas prendre le risque de voir ses plans éventés.

« Ils ne doivent pas quitter Ohma D’un. Capturez-les, et, si vous n’y parvenez pas… Ordre de tuer. »

Une bile amère lui remonta dans la gorge en prononçant les derniers mots. Il n’avait aucun doute sur les probabilités d’une reddition. Il venait de les condamner à mort.

 

Ohma D’un

 

Lanzora Garan mit fin à la communication et inspira profondément. Les directives du Leader étaient claires et elle savait qu’il ne lui offrirait pas de seconde chance de faire ses preuves si elle échouait.

« S’ils ne rendent pas après les tirs de semonce, abattez-les, » ordonna-t-elle d’une voix un peu tremblante.

Pour la première fois c’était elle qui donnait l’ordre de mise à mort au lieu de faire partie de ceux qui se contentaient de l’appliquer.

 

()()

 

Le flanc de Rose la piquait mais elle continuait à courir, galvanisée par la main de Finn dans la sienne qui l’encourageait à se dépasser. Le grondement des speeders se rapprochait et, haletante, elle vit au loin la plate-forme d’embarcation béante du Faucon. 

 

Poe, Amilyn et Lando étaient quelques mètres devant, le vieux contrebandier se révélant étonnamment rapide lorsqu’il s’agissait de fuir. Les joues rougies par l’effort, Rose aperçut Chewbacca qui, une main poilue sur le flanc, était appuyé contre la porte du Faucon, émettant une plainte sourde et régulière.

« Plus vite, Rose », siffla Finn entre ses dents d’un ton angoissé.

Ses poumons la brûlaient, les muscles de ses jambes tremblaient, mais elle continua à courir pour sauver sa vie.

 

Poe, Amilyn et Lando étaient presque arrivés au sas d’embarquement. Des tirs de blasters frôlaient le corps de Rose à présent et elle entendit l’avertissement :

« Par ordre de notre Suprême Leader Kylo Ren, rendez-vous ou nous n’aurons pas d’autres choix que de vous abattre ! 

— Vous pouvez dire à Kylo Ren qu’il aille se faire… »

La fin de la phrase de Poe se perdit dans le bruit d’une nouvelle salve de tirs de semonce et Rose se recroquevilla instinctivement sur elle-même.

Son pied touchait presque le métal de la plateforme lorsqu’elle avisa la Sénatrice. Les joues rouges et le regard fiévreux, la jeune rousse avançait droit vers l’armada qui les poursuivait, armée d’une blastarbalète. 

« Jamais je ne vous pardonnerai la mort de Ja-Ji, hurla Berenko. Vous allez payer ! »

 

Le sang de Rose se glaça. La Sénatrice était pile dans la ligne de tir de leurs poursuivants… Si elle ne faisait rien, elle mourrait et alors ce serait comme une nouvelle victoire pour Ren. Elle ne pouvait le tolérer ! S’arrachant à la poigne de Finn, elle se précipita vers la petite rousse et la tira vers le Faucon. 

 

« Dernière sommation ! » les prévint la cheffe de leurs poursuivants.

 

Rose poussait Berenko dans le sas d’embarquement lorsqu’elle entendit les détonations. Paniquée, elle enlaça la Sénatrice, la protégeant de son corps. Un cri de souffrance lui échappa alors que plusieurs tirs la transperçaient et elle s’affaissa de tout son poids sur le sol métallique, la Sénatrice sous elle.

 

Faucon Millénium,

 

« Rose ! Non, non, non », gémit Finn alors que la porte se refermait, charriant les corps inertes de Rose et de Berenko.

Poe jeta un bref regard angoissé en arrière avant de serrer les commandes du Faucon de toutes ses forces.

« Lando, avec moi ! » supplia-t-il, conscient que Chewbacca était trop faible pour lui servir de co-pilote. 

 

Le croiseur s’éleva dans les airs tandis que Finn, sans se soucier du danger qui les menaçait encore, se jetait sur le corps de Rose. Agonisante, une mousse rougeâtre aux lèvres, la jeune femme tourna son visage vers lui et chercha sa main de la sienne. Finn, le visage dévasté, agrippa ses doigts ensanglantés.

« On va sortir de là, Rose, tu vas t’en tirer, balbutia-t-il. Te laisse pas aller, pas maintenant, pas alors qu’on a tant de choses à vivre. J’ai été bête et aveugle, mais ça va changer, me laisse pas. »

Un sourire sanguinolent étira la bouche de la jeune femme et elle tenta à son tour de presser sa main. 

« C’était pour de vrai alors… Je suis heureuse, haleta-t-elle.

— Rose, non, reste avec moi ! » s’affola Finn en la voyant battre des cils.

 

La jeune femme fit un dernier effort pour ouvrir les yeux et porta la main à son cou. Ses doigts se crispèrent sur le médaillon qui ne la quittait jamais, une demi-lune dont l’autre moitié avait été atomisée dans l’espace en même temps que Paige, sa sœur ainée. Rose serra les dents et arracha la chaine, laissant une empreinte pourpre sur le métal froid.

« Garde-le… souvenir de moi… mais vis » déclara-t-elle dans un ultime gargouillis, le voile de la mort obscurcissant ses yeux.

Finn hurla et secoua la jeune femme inerte. 

 

Poe poussa un gémissement étranglé en entendant le cri de souffrance de son ami et appuya d’une main tremblante sur l’hyper propulsion.

« Nous allons devoir faire plusieurs sauts si nous voulons les semer. »

Lando tourna un regard catastrophé sur lui.

« Dameron, tu n’y penses pas, c’est… »

Un haut de cœur lui imposa le silence tandis qu’ils jaillissaient au bout milieu d’une barre d’immeuble, suivis de près par des croiseurs du Premier Ordre.

« Encore, » déclara Poe d’un ton morne alors que les sanglots de Finn enflaient, entrecoupés par les gémissements de souffrance de Chewbacca dont Holdo tentait maladroitement de juguler l’hémorragie.

Un nouveau saut les propulsa à la frontière d’un trou noir et Poe activa la propulsion, poussant le Faucon au bout de ses limites.

« Dernière chance, annonça-t-il. Après cela, soit ils nous abattent, soit nous dérivons dans l’espace jusqu’à ce que nous trouvions du carburant. »

 

Le Faucon pénétra comme un boulet de canon au milieu du Noyau et Lando laissa filer un sifflement de soulagement en voyant que les autres ne les avaient pas suivis.

« Ça pour de la chance, c’est de la chance, » commenta-t-il.

Les mains rougies par le sang de Chewbacca, Amilyn redressa le visage :

« Vous croyez vraiment ? »

 


Chapitre 35                                                                                                    Chapitre 37


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