Chapitre 7 : Déceptions


Le Black Pearl,

 

 

Barbossa fixait le panier de pommes sans les voir depuis des heures. Il se sentait vide. Non, pas vide enfin pas seulement. Il y avait autre chose. Autre chose qui n’était pas sans lien avec les larmes qu’il avait versées. A cause d’Elizabeth.

 

Une boule monta dans la gorge du pirate à son grand effarement et il sursauta. Tout lui paraissait vain maintenant. Il était le dernier de sa race, le dernier vrai pirate des Caraïbes. Lui disparu, il n’y aurait personne pour prendre la relève. Jack Sparrow n’était qu’un fantoche sentimental, les autres Seigneurs des abrutis dépourvus de finesse. Non, il n’avait rencontré qu’une seule fois ce mélange d’inhumanité et de ruse qui faisait un bon pirate. Mais ce n’avait été qu’une illusion.

 

«  Je t’avais dit que tu regretterais tes paroles Hector. »

Le pirate fixa Calypso et elle lui adressa un sourire triomphant.

«  Elizabeth Turner fait voile en ce moment même vers son cher William. Je suppose qu’elle va mener la vie dont elle rêvait. Loin des pirates. »

Barbossa ne réagit pas et la nymphe poursuivit.

«  C’est vrai c’est dommage, avec elle la piraterie avait encore de beaux jours devant elle mais elle a préféré l’Amour, un choix que tu n’aurais pas fait n’est-ce pas Hector ? »

 

Barbossa cligna des yeux.

«  Qui commande le Hollandais Volant ? »

Calypso ricana.

«  Cela ne te concerne pas.

- Je pourrais…

- Je ne te ferais pas la grâce de t’arracher tes souffrances, » ricana Calypso avant de disparaître.

 

Resté seul, Barbossa soupira. Pour la première fois de sa vie il n’avait plus envie de continuer. Pas plus qu’il ne voulait mourir. Sa vie comme sa mort n’avaient plus aucun sens….

«  Cap sur Tortuga ! » ordonna-t-il d’une voix rauque.

A défaut de mieux, Tortuga semblait tout indiquée, peut-être y trouverait-il un nouveau but…

 

L’Empress,

 

Elizabeth posa un regard avide sur la plage de Molokai. Son cœur accéléra dans sa poitrine et elle sourit à la pensée de Will. Enfin.

«  Une chaloupe ! » cria-t-elle à Jal.

Surpris, le second sursauta.

«  Met une chaloupe à la mer et ancre l’Empress dans la crique. » lui ordonna-t-elle avec impatience.

 

Molokai,

 

Elizabeth se propulsa hors de la fragile embarcation, les bras douloureux après avoir ramé sans relâche.

«  Will ! » s’écria t’elle en pleurant tandis que le jeune homme courrait vers elle.

Les deux amants s’étreignirent avec désespoir et Elizabeth sentit des larmes de joie rouler sur ses joues alors que Will l’embrassait. Barbossa, sa trahison, Jack, les pirates, les souffrances, n’avaient plus d’importance. Elle avait réussi. Elle avait sauvé Will. Comme il se devait.

 

Le jeune homme caressa son visage et elle étreignit sa chemise en pleurant.

«  Elizabeth. Je suis si heureux.

- Moi aussi… » Bafouilla-t-elle.

Will la serra à nouveau à la briser.

«  J’ai trouvé notre maison, murmura-t-il à son oreille. Viens je t’y emmène. »

Elizabeth releva les yeux vers la petite maison qui surmontait la mer en haut de la falaise et qu’elle avait quittée presque un an plus tôt.

«  Non, pas maintenant, après. » murmura t’elle en défaisant la ceinture de Will.

 

Le jeune homme rit nerveusement et elle embrassa son torse.

«  Je veux être ta femme Will. Maintenant.

- Tu l’es, » répondit Will d’une voix enrouée par l’émotion avant de l’allonger sur la plage.

Elizabeth se cambra alors qu’il relevait avec délicatesse la longue tunique qu’elle portait. Les mains de Will caressèrent sa peau et elle écarta les cuisses, frissonnante de désir.

«  Viens… Maintenant » supplia-t-elle.

 

Will rit nerveusement à nouveau.

«  Laisse-moi d’abord t’enlever ta robe. »

Elizabeth l’étreignit avec force et le fit basculer sous elle.

«  Peu importe la robe, » gémit elle en sortant son sexe à la hâte.

Will poussa un long sifflement alors qu’elle le chevauchait avec impatience, ses hanches ondulant à un rythme sauvage.

«  Elizabeth…. Tu… » Commença Will avant de pousser un râle de plaisir.

 

Sur lui, Elizabeth ferma les yeux. C’était bon, tellement bon.

«  Oui. Cria-t-elle sans retenue. Will, encore, encore…»

Will lui lança un regard abasourdi puis le plaisir noya ses yeux tandis qu’elle se déchaînait sur lui, avide de désir. Essoufflé, Will se crispa et jaillit avec force tandis qu’elle poussait un râle de plaisir.

 

Le front trempé de sueur, Elizabeth se laissa retomber sur le sable.

«  Tu m’as manqué. » Soupira-t-elle.

Will déglutit tandis qu’elle se relevait et rabaissait sa tunique.

« Maintenant si tu me ramenais chez nous ? » lui lança-t-elle d’un ton mutin.

Will se releva maladroitement et remonta son pantalon, un peu surpris par son attitude. L’Elizabeth qu’il avait connue était tendre, presque réservée. La main de la jeune femme se glissa dans la sienne et il sourit, rassuré.

«  Tu m’as tellement manqué. » répéta-t-elle.

 

Plus tard,

 

Elizabeth regarda avec étonnement l’homme qui les attendait sur le seuil de la maison.

«  Tu te souviens de mon père ? » lui demanda Will avec un sourire heureux.

Elizabeth hocha la tête.

«  Il est libre lui aussi et il va habiter avec nous. Mon Dieu Elizabeth je ne sais pas comment tu as fait pour convaincre Calypso mais c’est merveilleux. » ajouta Will.

 

Elizabeth fixa Bill, surprise.

«  Aucune cause n’est perdue tant qu’il reste un fou pour y croire, » murmura t’elle d’un ton absent.

Will ne parut pas s’en rendre compte et la serra contre lui.

«  Il n’a cessé de penser à vous, lui déclara Bill en posant un regard attendri sur son fils.

- Tout comme moi, » répondit Elizabeth.

 

Ce faisant la jeune femme repoussa loin d’elle le souvenir de ses trahisons. Elle ne les regrettait plus. Pas plus que ses meurtres. Elle avait retrouvé Will c’était tout ce qui comptait.

 

Le soir,

 

Elizabeth, mal à l’aise dans la vieille robe qu’elle avait passée, regarda Will tandis qu’il servait la soupe. A ses côtés, Bill poussa un soupir satisfait.

«  J’ai des tas de projets, » commença Will.

Elizabeth s’empressa de vider sa soupe chaude, dédaignant la cuillère.

«  Ah oui ? »

 

Will la regarda mi amusé, mi choqué.

«  Et bien… Tu avais faim. »

Elizabeth rougit et reposa l’assiette. Elle ne pouvait pas lui expliquer que depuis son passage chez Pavlov elle avait pris l’habitude de se nourrir tant qu’elle le pouvait. Il n’aurait pas compris. Pas plus ça que le reste.

«  Il fait froid non ? »

 

Bill la regarda avec attention et se leva.

«  Je vais chercher du bois.

- Non laisse papa, je vais y aller, intervint Will.

- Non fils. C’est ta femme, c’est votre soirée, je ne veux pas m’imposer. »

Elizabeth regarda pour la première fois son beau-père et lut une sorte de compréhension dans son regard. Comme s’il devinait ce qu’elle taisait et comprenait.

«  Vous ne nous dérangez pas Bill. » déclara t’elle spontanément.

 

Le vieil homme sourit tristement et sortit sans un mot.

 

Elizabeth se tourna vers Will.

«  Sans lui, je n’aurais pas tenu. C’était horrible de voir tous ces morts, ces pauvres gens, » murmura Will.

Mal à l’aise à la pensée qu’elle était sans doute responsable de la mort d’une partie d’entre eux, Elizabeth lui prit la main.

«  C’est fini, oublions tout ça, d’accord ? »

 

Will la toisa.

«  Comme la marque que tu as dans le dos ? C’est pour ça que tu ne voulais pas que j’enlève ta robe n’est-ce pas ? »

Elizabeth mit quelques minutes à comprendre qu’il faisait allusion à la marque que lui avaient fait les hommes de la compagnie lorsqu’ils l’avaient prises des mois plus tôt.

«  Elizabeth, si tu veux en parler…

- Non, non ne parlons pas de ça, pas ce soir, jamais. L’important c’est qu’on soit ensemble. » murmura Elizabeth.

 

Leurs bouches se rejoignirent et Will la souleva délicatement de sa chaise.

«  Que dirais tu de se réchauffer mutuellement dans notre lit ?

- J’en dis que ce serait une excellente idée. » sourit Elizabeth.

 

 

Tortuga,

 

Etre à terre n’avait rien arrangé. Le rhum n’avait rien arrangé. Assis dans un coin de l’auberge de La Fiancée Fidèle, Barbossa soupira. Il n’avait pas envie de reprendre la mer. Sans la fougue d’Elizabeth et ses idées absurdes, la piraterie lui semblait un peu moins brillante.

«  Un peu de réconfort ? » lui proposa une catin.

 

Barbossa se leva sans un mot. Après tout si son esprit peinait à se satisfaire, ce n’était pas le cas de son corps.

 

Molokai, une semaine plus tard,

 

Elizabeth sourit gaiement en voyant Will et Bill revenir du village. Elle embrassa son mari et sourit à son beau-père. Elle avait appris à connaitre Bill au cours des derniers jours et elle en était venue à apprécier le vieux marin.

«  Grande nouvelle ! Le forgeron va partir, son commerce est à vendre, » annonça Will, les yeux brillants.

 

Elizabeth le fixa.

«  Et alors ?

- Il suffirait d’avoir assez d’argent pour l’acheter et alors nous pourrions vivre comme nous l’avons toujours voulu ! Mon père m’aidera et toi tu t’occuperas de nos enfants. »

Elizabeth grimaça.

«  Il y a l’Empress…

- L’Empress ? demanda Will d’un air d’incompréhension

- Oui, l’Empress, s’anima Elizabeth. Jal est passé tout à l’heure, ses informateurs lui ont dit qu’un navire marchand n’allait pas tarder à croiser pas loin d’ici. J’avais pensé qu’ensuite nous pourrions, je ne sais pas, visiter le monde ! L’Italie, on dit que c’est très beau. »

 

Will écarquilla les yeux et Elizabeth sourit.

«  Enfin Will, c’est à ça que sert un navire. A aller où on veut ! Sauf dans les pays froids, grimaça-t-elle.

- Mais pourquoi repartir ? Nous avons tout ce que nous voulions ici. Une maison, un avenir et je suis sûr que ton second serait ravi de reprendre l’Empress et avec l’argent qu’il te donnera nous pourrions acheter la forge. » expliqua Will.

 

Un grand froid s’abattit sur le cœur de la jeune femme et elle s’arracha à son étreinte.

«  Enfin Elizabeth qu’est ce qui se passe ?

- Tu veux que je vende l’Empress ???? » S’étouffa presque Elizabeth.

Will sourit gentiment.

«  Je sais que tu y es attachée mais nous n’avons pas besoin d’un bateau. »

 

Elizabeth eut l’impression qu’il venait de lui donner un coup de poignard dans le cœur. Abasourdie elle recula tandis que Will continuait à lui exposer ses projets. Finalement elle se dirigea vers la porte.

«  J’ai besoin d’air.

- Elizabeth ? Mais enfin attend ! » Tenta Will.

 

La main de Bill se posa sur son bras.

« Laisse-la. Elle a besoin d’être seule.

- Je ne la comprends pas, » murmura Will.

Bill lui adressa un regard empreint de compassion. Contrairement à son fils il la comprenait. Il la comprenait même trop bien.

 

Plus tard,

 

Elizabeth ne se retourna pas en entendant le sable crisser. Elle ne voulait pas voir Will, elle ne voulait pas lui parler alors qu’elle était si furieuse après lui.

«  Ce que la mer prend, elle ne le rend jamais. » déclara Bill en se laissant tomber à ses côtés

Elizabeth grimaça.

«  Je ne vois pas ce que vous voulez dire…

- Oh que si. Vous pardonnerez à un vieil homme de vous parler franchement mais je vous ai bien observée toute cette semaine. Ce n’est pas du sang que vous avez dans les veines mais du sel. L’océan est en vous aussi sûrement que la piraterie est gravée dans votre chair. »

 

Elizabeth soupira.

«  Dans ce cas, pourquoi Will ne le voit-il pas ? Pourquoi me demande-t-il de vendre l’Empress alors que nous pourrions être si heureux en mer ?

- Parce que Will n’est pas de la même race que vous et moi Elizabeth. Il a la mer en horreur depuis qu’il a été forcé de naviguer sur le Hollandais Volant. »

 

Elizabeth baissa les yeux.

«  Je pourrais peut être le convaincre… »

Bill soupira lourdement.

«  Je suis désolé Elizabeth…Il vous aime ça ne fait aucun doute Mais lorsque j’entends Will, je revois sa mère. »

Une boule dans la gorge, Elizabeth hocha la tête.

«  Je vois. Est-ce que vous voulez bien, me laisser seule ? »

Bill posa un regard rempli de compassion sur elle et sa main lui serra brièvement l’épaule.

 

Une fois seule, la jeune femme souffla douloureusement. Elle ne pouvait s’empêcher de penser aux prédictions de Lee.  « Tu lui briseras le cœur… »

 

Le soleil déclinait à l’horizon lorsque la jeune femme reprit le chemin qui menait à la maison. Will se leva d’un bond à son entrée tandis que Bill la scrutait longuement.

«  Elizabeth, j’étais inquiet où étais tu ?

- Dans la crique, » répondit Elizabeth.

Will lui adressa un long regard et Bill se leva.

«  Je vais couper du bois, » annonça t’il.

 

Une fois son père sortit, Will se tourna vers la jeune femme.

«  Elizabeth, je ne comprends pas. Tu ne vois pas que c’est une chance ?

- Une chance ?

- Oui, une chance ! Si nous achetons cette forge nous n’aurons plus aucuns soucis à nous faire, je travaillerais dur et très vite l’argent rentrera. Tu pourras rester à la maison et nous aurons enfin un bébé et puis…

- Un autre et encore un autre, » persifla Elizabeth.

 

Will se troubla.

«  Je ne comprends pas, répéta t’il. Qu’est-ce que tu veux ? »

Elizabeth le fixa.

«  Will, l’Empress est mon navire, je ne peux pas l’abandonner comme ça, il y a l’équipage, que vont ils devenir ? Je suis responsable d’eux.

- Ils se débrouilleront très bien, ce sont des pirates Elizabeth. Et puis tu n’as jamais vraiment été un pirate ou un capitaine, tout ça c’était un plan de Jack. »

Une vague de rage monta en Elizabeth.

« Comment oses-tu dire ça ? Je commande l’Empress depuis ton absence ! Et là tu reviens et tu me demandes de tout abandonner pour rester ici à attendre que mon mari revienne de la forge comme une bonne épouse dévouée », persifla-t-elle.

 

Will la regarda avec surprise.

«  Mais c’est ce que nous avions prévu, ce que nous avons toujours voulu. Une vie tranquille, pas cette existence de forbans !

- Cette existence de forbans comme tu dis rapporte beaucoup plus ! Tu n’imagines pas les trésors qu’il reste à découvrir sans parler du monde qui nous est offert ! L’Empress c’est, c’est la liberté d’aller où on veut.

- Tu parles comme Jack, lâcha Will d’un ton suspicieux.

- Peut être que Jack n’a pas tout à fait tort dans ce cas » ragea Elizabeth avant de claquer la porte.

 

 

Tortuga,

 

Barbossa posa un regard vide sur Jack.

«  Barbossa vieille canaille puante, je te retrouve enfin » s’exclama le pirate en s’asseyant.

Barbossa ne réagit pas et Jack s’empara de sa bouteille

«  Où est cette garce, cette petite peste sortie de l’enfer qui voyage avec toi ?

- Avec Turner, répondit Barbossa d’un ton triste.

- Elle est morte ?? S’étonna Jack, toute colère envolée. Mais quand est-ce arrivé ? Comment ?

- Non, elle l’a libéré » soupira Barbossa.

 

Jack soupira discrètement de soulagement.

«  Dommage, l’enfer est tout ce que mérite cette fille. Où est mon Pearl ?

- Amarré dans la baie comme tu l’as sûrement déjà vu. » Répondit Barbossa.

Cette fois Jack le regarda d’un air circonspect.

«  Hector ? Tu es sûr que ça va ?

- Laisse-moi tu veux.

- Je vais prendre le Pearl. » Tenta Jack.

Barbossa soupira, il n’avait plus le courage de se battre pour le navire. A quoi bon après tout ? Il n’avait plus personne à qui le léguer, à qui transmettre son savoir. Depuis des semaines qu’il était à Tortuga, il n’avait pas bougé de la taverne, incapable de se motiver.

 

Jack secoua la tête.

«  C’est elle qui t’a rendu comme ça ?

- Tu sais Jack, lorsque tu auras disparu, il ne restera rien de toi.

- C’est le cas pour toi aussi non ? Et je ne compte pas mourir, ricana Jack.

- Tu devrais partir. » Lui lança Barbossa.

Jack se leva et regarda son vieil ennemi. Barbossa lui rendit son regard et le pirate finit par hausser les épaules. Après tout, autant en profiter…


Chapitre 6                                                                                                       Chapitre 8


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