Chapitre 11 : Même histoire


POV Elizabeth Swann Turner

 

Will est revenu indemne ou presque de son expédition dans la prison. Bien entendu la nuit passée dans cet enfer dont il ne m'a dit que quelques mots a laissé sa marque sur lui mais il dort à présent paisiblement, comme si rien ne s'était passé. J'aimerais pouvoir en dire autant.

 

La nuit dernière a été pour moi dévastatrice.

 

Même maintenant que le soleil brille à nouveau, maintenant que, Will étendu à mes côtés, je savoure la paix de ma cachette je n'arrive pas comprendre quelle sorte de folie ou de perversion s'est emparée de moi la nuit dernière. J'ai rejoint Jack. J'ai fait l'amour avec lui. Une fois, deux fois, peut être trois. Je ne sais plus. Mon corps est douloureux, mon âme s'est gavée de plaisir. Mon cœur est lourd.

 

J'ai encore la sensation des lèvres de Jack sur ma peau, le goût de rhum de sa bouche dans la mienne. Le plaisir aussi.

 

Est-ce donc cela « être une femme » ? Être à la fois consentante et victime ? Oublier tous ses principes et son honneur à la faveur d'un baiser ou d'une caresse ? Se sentir sale et en vouloir encore ?

 

Si mes cuisses n'étaient pas aussi courbatues, je pourrais me convaincre que la nuit dernière n'était qu'un rêve. Si je ne savais pas que derrière la voile tendue Jack me guette aussi sûrement que le chasseur guette sa proie je pourrais prétendre que rien n'est arrivé. Mais c'est arrivé. Des étreintes sauvages, rageuses… Mes reins se souviennent des coups de ceux de Jack, mes oreilles ont ses râles de jouissance en mémoire, ma peau vibre au souvenir de ses caresses.

 

A mes côtés, Will pousse un faible soupir et mon cœur arrête sa course folle un instant. Non. Non, Will ne te réveille pas. Pas maintenant, pas alors que je me sens aussi incapable d'affronter ton regard amoureux, confiant… Pas alors que mon infidélité est encore gravée dans ma chair malgré tes caresses tendres et tes baisers…

Il doit exister une bonne étoile pour les femmes infidèles car Will ne se réveille pas. Pour ma part, je dois quitter cette pièce qui n'est plus un refuge mais une cachette pour ma honte.

 

Prenant garde à ne pas faire de bruit, je me lève et je m'habille en silence. D'abord la chemise, puis le pantalon dont le tissu froid agace mes cuisses encore chaudes des mains de Jack. Enfin mes bottes. Me voici transformée en pirate. J'ajuste mon tricorne sur mon crâne et je croise mon propre regard dans le petit miroir que ma vanité m'a poussée à emporter. Infidèle. Pirate. Sans honneur.

 

()()

 

Dieu merci le pont est désert… Enfin, Jack n'y est pas. Je savoure le répit qui m'est ainsi offert. Je sais que de tels moments seront rares à l'avenir car je n'ai aucun endroit où fuir, où échapper à ma faute et à mon désir.

 

J'ignore les hommes d'équipage, je n'ai pas envie de parler, pas envie de proférer de nouveaux mensonges. Je suis ignoble. Devant moi l'océan et son calme apaisant. Et si Jack me laissait tranquille à présent qu'il a obtenu ce qu'il attendait de moi ? Non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu'il me laisse tranquille.

 

Ce que j'ai honte.

 

Je perds la notion du temps tandis que mon regard se perd sur les vagues sans les voir. C'est comme si il y avait deux femmes en moi. L'une est honorable, c'est celle qui a promis fidélité, amour et soutien à Will. L'autre est une catin qui gémit sous les caresses d'un pirate et qui en veut toujours plus comme si son corps était incapable de se satisfaire.

 

()()

 

Devant moi l'océan.

 

Derrière moi la voix de Jack qui dicte ses ordres à ses hommes.

 

Que dit-il ? Que pense-t-il ? Est-ce qu'il me regarde ? Non. Non ne pas me retourner, ne pas le regarder…

 

Jack encore.

« Mes amis si le vent reste avec nous nous y serons dès demain. »

Où cela ? Où allons-nous ? Où vais-je, moi ?

« Bonjour Madame Turner. »

Il est juste derrière moi. Je sens son souffle contre mon oreille.

« Bonjour Lizzie… »

Sa voix est plus basse. Presque tendre, comme un prélude à de nouvelles caresses, à de nouvelles étreintes…

 

Non. Je ne dois pas, je ne dois pas me retourner. Mon cœur s'affole. Je suis incapable de lutter. Nos yeux se rencontrent.

« Bonjour Jack. »

Deux petits mots, une conversation anodine et pourtant je sais qu'elle ne l'est pas. A mes côtés Jack s'appuie au bastingage, il fait mine de regarder l'océan. Tant mieux. Je préfère ça au regard qu'il pose sur moi.

« Avez-vous bien dormi Elizabeth ? »

Question banale qui n'est lourde de sens que pour nous deux.

«  Pas très bien non. »

Jack me regarde d'un air faussement désolé.

« Je suis navré de l'apprendre Elizabeth. Est-ce du à un matelas trop … dur ? »

Diable d'homme… Maudit pirate. Je sens mes joues s'empourprer sans que je ne puisse les en empêcher.

« Je ne le pense pas. »

Ma voix tremble, j'ai la sensation que tous nous observent, qu'ils savent ma honte.

«  Oh … Dois-je en conclure que vous aimez la dureté mon ange ? »

Il ironise. Je le déteste ! Il ne me laisse pas le temps de répondre que déjà il reprend, répondant lui-même à sa question.

«  Oui… Bien sûr que vous aimez ça. Après tout, il est plaisant d'éprouver un peu de puissance après tant de mois passés dans la mollesse. »

 

Comment ose-t-il !!

 

Un bras se referme autour de ma taille et j'entends Jack jurer entre ses dents.

« De quoi parlez-vous ? Nous demande Will.

- Oh je racontais à ta … femme qu'après tant d'années passées à dormir dans un lit moelleux il est différent de coucher à même le sol de ma cabine. » Répond Jack sans se démonter.

Un sourire amusé éclaire le visage de Will, un froid s'installe dans mon cœur.

«  Ah oui ce lit. Mais comment diable t'y es-tu pris pour le casser ? »

Oh non, ils ne parlent pas de … de …

« Qui sait ? Un mouvement trop brusque sans doute… » Plaisante Jack.

J'ai envie de vomir…. Je me dégoûte…

Sa réponse suscite un léger rire chez Will.

«  Je vois… Et bien laisse-moi un peu de temps et j'y jetterai un œil. »

 

Oh non, non, tu ne vois pas Will. Comment le pourrais-tu ? Comment pourrais-tu deviner que c'est en me faisant l'amour une fois de plus que Jack a fait céder le pied de son lit ?

« Je suis ton obligé. » Plaisante Jack en s'inclinant.

L'espace d'un instant nos yeux s'étreignent. Je détourne les miens.

 

Will finit par remarquer mon malaise et m'entraîne à l'écart, loin de Jack.

« Elizabeth ? Tu es sure que ça va ? Tu es toute pâle. »

J'ai le cœur au bord des lèvres.

« Oui … juste… le mal de mer, je pense. »

Will regarde d'un air dubitatif la mer calme et sourit à nouveau.

« Ou autre chose. Oh Elizabeth, ce serait merveilleux si tu … Si tu… »

Oh non ! Pas ça.

«  Je ne le pense pas Will. »

Mon ton est plus sec que je ne l'avais voulu et je m'en veux pour cela comme pour le reste.

« Excuse-moi Will. Je suis fatiguée c'est tout, je ne veux pas que tu te fasses de fausses idées. »

 

Le regard de Will s'assombrit et je sens le remords familier m'étreindre. Il est d'autant plus fort que je me sais infidèle et menteuse. Mes doigts se nouent à ceux de Will et je me force à le regarder en face.

«  Ça viendra… »

 

Tandis que je lui fais cette nouvelle promesse, je ne peux m'empêcher de frémir. Sera-t-elle un mensonge comme les précédentes ? La main de Will serre brièvement la mienne et nos regards se nouent. Le sien me fait mal. Il n'exprime que tendresse et confiance.

«  Je sais Elizabeth. Je dois être trop pressé sans doute. » S'excuse-t-il avec un gentil sourire.

Non Will. Ce n'est pas toi qui es trop pressé, c'est moi qui ne suis à la hauteur d'aucun de tes rêves.

 

Les mains de Will caressent mon visage et il me couve de cette tendresse quasi insupportable face à ma culpabilité.

«  Je sais que tu t'es inquiétée pour moi la nuit dernière. Mais je suis là maintenant, rien ne nous séparera mon Elizabeth. »

Oh Will… Si tu savais à quel point tu te trompes.

«  Tu devrais aller t'allonger. Moi je vais voir ce que je peux faire pour réparer le lit de ce forban de Jack. »

 

Oh, non, non… Tout mais pas ça… Ne pas supporter l'idée que Will remet en état ce que mes étreintes coupables avec Jack ont abîmé ! Je n'ai pas le temps de trouver comment l'empêcher d'y aller que déjà les lèvres de Will sont sur les miennes. Un baiser bref, pudique, puis ses doigts relâchent les miens tandis qu'il s'éloigne.

 

Je reste seule avec mes regrets.

 

()()

 

Cela fait plusieurs heures que Will est dans la cabine de Jack, occupé à marteler, réparer… Moi, j'ai suivi son conseil mais le sommeil m'a fui alors je suis retournée sur le pont. Je n'ai rien d'autre à faire que de remâcher mes regrets. J'ai hâte que notre aventure se termine. Mais je l'appréhende aussi. Une fois que Will aura réussi à délivrer son père, parce qu'il réussira, j'en suis certaine, nous n'aurons plus aucune raison de naviguer sur le Pearl. JE n'aurais plus de raisons de rester sur ce navire. Et je ne reverrais plus jamais Jack.

 

Je ne peux empêcher mon cœur de se serrer à cette idée. Ne plus jamais voir Jack. Ne plus jamais entendre sa voix rauque, tentatrice… Ne plus sentir ses mains chaudes sur ma peau, ses baisers au goût de rhum sur mes lèvres, son sexe en moi… Retrouver cette vie parfaite dans cette maison parfaite où je serais la femme parfaite que Will a toujours connu. Devenir la mère parfaite qu'il attend que je sois pour ses enfants. Oublier la vie, oublier la passion, oublier Jack. C'est à la fois la seule chose à faire et la seule qui me parait impossible.

 

Un bruit de pas. Une odeur que je reconnaîtrais entre toutes. Jack.

 

Sa voix chaude m'enveloppe et ma tristesse s'envole.

« Vous êtes bien silencieuse Lizzie… »

Le vouvoiement encore. Pintel et Ragetti sont à quelques mètres de nous, occupés comme toujours à se chamailler pour une broutille. J'aimerais avoir à nouveau leur insouciance.

«  Je réfléchissais. »

Jack sourit de cet air sûr de lui qui m'agace et me plait à la fois.

« Vraiment ? Vous savez trésor, il ne faut pas toujours chercher à expliquer l'inexplicable. Certaines choses arrivent parce qu'elles sont inévitables.

- Ou parce qu'on n’a pas eu le choix. Ne puis je m'empêcher de rétorquer avec acidité.

- On a toujours le choix trésor. On peut choisir de se sacrifier pour d'autres ou alors choisir d'être égoïste. Décider d'être quelqu'un de bien ou devenir un pirate. J'admire ceux qui assument leurs désirs de… liberté.

- Liberté… Ne puis je m'empêcher de relever avec amertume. C'est-ce que l'on prétend lorsqu'on n’a rien d'autre à offrir en justification de ses actes. »

Le regard que Jack pose sur moi est sérieux pour une fois.

« Venez Elizabeth… » M'intime t'il doucement en me faisant signe de le suivre à la proue du navire.

 

Je ne devrais pas. Je sais que je ne devrais pas. Mais mes jambes ne m'obéissent plus.

 

L'instant d'après nous sommes tous les deux à l'avant du Pearl. Seuls.

 

Jack s'écarte et me fait signe de m'avancer. Mes mains étreignent le bastingage tandis que le vent fouette mon visage, le Pearl glisse sur les vagues et l'odeur de la mer, mêlée à celle de Jack chatouille mes narines.

« Ferme les yeux. » Me glisse-t-il à l'oreille.

J'obéis. Je sens chaque mouvement du navire mais ça ne me gêne pas. J'ai l'impression d'être un oiseau, de voler au-dessus de l'eau.

« La liberté c'est ça. » Susurre Jack.

Il est derrière moi et je peux sentir son corps frôler le mien, une de ses mains repose sagement à côté de la mienne, son doigt caresse doucement ma peau.

« La liberté c'est d'aller où tu veux… Quand tu veux… Continue Jack tout bas. De faire ce que tu veux… avec qui tu veux… » Susurre t'il.

 

Je sens son autre bras contourner ma taille, comme s'il allait à son tour étreindre le bastingage… Mais ce n'est pas son but. Sa main glisse sur l'étoffe rêche de ma chemise et je réprime un hoquet de surprise en la sentant se frayer un chemin dans mon fut. Non !! Non il ne peut pas, je … On pourrait nous voir !

« Ne bouge pas. » M'ordonne Jack en me forçant à avancer contre la rambarde.

Je sens ses doigts caresser mon intimité avant de me pénétrer sans hésitation. Mon cœur accélère. Mes cuisses s'écartent pour lui faciliter le passage et ses doigts vont et viennent en moi, lentement, librement…

«  La liberté… C'est d'assouvir son désir… » Murmure Jack en continuant à me caresser.

 

Mon corps s'enflamme. Je ne l'écoute plus qu'à demi. Autour de moi l'équipage a disparu. Il ne reste que Jack et ses doigts qui me comblent, me prennent, me donnent du plaisir. Un plaisir rendu encore plus intense par la proximité des autres.

« J'ai très envie de toi Lizzie. Me glisse Jack en pressant légèrement son bas ventre contre mes fesses, juste assez pour que je vérifie la véracité de ses dires.

- Jack… »

Mon dieu… Est-ce bien ma voix qui expire ainsi ?

 

Je sens mes cuisses se couvrir d'humidité tandis que Jack continue sa caresse, son pouce titillant le petit mont de chair, qui, je l'ai découvert récemment, distille un plaisir aussi intense qu'asservissant.

« Laisse-moi te faire jouir ma Lizzie. Viens pour moi… » Chuchote Jack comme un grand secret alors que le plaisir monte en moi en même temps que la désormais habituelle chaleur.

Les doigts de Jack s'enfoncent profondément. Il y en a deux. Non trois. C'est bon à en mourir

« Oui… oui… viens ... Viens... » M'encourage Jack.

Comme si j'avais besoin de ça ! Mes doigts se crispent sur le bastingage que je n'ai pas lâché, les siens font de même en moi. Je me mords les lèvres jusqu'au sang pour ne pas crier alors que le soulagement explose en moi.

 

Derrière nous la voix de Will.

« Qu'est-ce que vous regardez ? »

 

Oh non oh non oh non oh non.

 

Les doigts de Jack me désertent.

« Je montrais à Elizabeth un banc de tortues de mer. » Explique-t-il d'une voix parfaitement calme.

Son index tendu désigne un point sombre et Will se rapproche. Lentement il m'enlace.

«  Tu trembles… Tu as froid ? »

Non au contraire… Mes joues me brûlent et je me retourne pour faire face à mon mari. A ses côtés Jack.

« Il faut se pencher pour bien les voir. » Explique-t-il en se penchant, l'index toujours dressé, à Will qui hoche la tête d'un air entendu.

Il n'a rien vu… Il n'a pas pu voir… Mon soulagement est à la hauteur de la peur que j'ai eue. J'ai les jambes coupées.

 

Tandis que Will se penche pour voir les tortues, Jack me lance un long regard complice avant de se lécher les doigts avec un plaisir aussi excitant qu'évident.

« As-tu déjà mangé de la soupe de tortue Will ? » Lui demande Jack.

Will se redresse et m'enlace à nouveau. Son bras autour de moi m'agace.

« Non.

- Tu devrais. C'est délicieux. » Affirme Jack en me fixant.

Mon cœur s'accélère… Je sais qu'il ne parle pas de la soupe. Jack sourit et me regarde d'un air presque innocent cette fois.

« Bien à présent que voila votre cher et tendre à vos côtés, je retourne donner mes ordres à ces mollassons. Déclare-t-il. Je vous laisse entre de bonnes mains. »

 

Tandis qu'il s'éloigne, Will se penche à nouveau.

« Je ne sais pas comment Jack fait pour voir des tortues ici. L'eau est tellement sombre qu'on y voit pas à travers… »

Et moi je ne sais pas comment on peut être aussi stupide !!! A l'instant même où cette pensée me traverse je la regrette. C'est injuste. Injuste de se moquer d'un homme, de mon époux parce qu'il a mis sa confiance en quelqu'un qui ne la mérite pas. Will n'est pas stupide.

«  Je suis soulagé, quand je vous ai vu, j'ai cru que tu avais glissé. » Ajoute-t-il.

Enfin…

 

Le bras de Will s'enroule autour de ma taille et il me serre contre lui, m'emprisonnant fermement.

« Jack voulait les pêcher ? »

J'ai l'impression de manquer d'air…

« Quoi donc ?

- Les tortues. Sourit Will d'un air indulgent. Tu as l'air ailleurs.

- Toujours ces nausées. »

Cette fois le mensonge me vient spontanément.

« Bientôt nous retrouverons la terre ferme. » M'affirme Will en m'embrassant sur le front.

 

Un bruit de plongeon tout proche me dispense de répondre et je ne peux m'empêcher de sourire en découvrant des dauphins. A croire que même les créatures de l'océan sont de notre côté.

« J'ai fini par réparer ce maudit lit. Je ne sais pas comment Jack s'y est pris mais le pied était cassé en deux. »

Non. Tu ne sais pas Will. Cette fois je ne regrette pas ma pensée aussi peu charitable que juste.

« Oh ... Tant mieux. »

Je réponds mollement… Que dire d'autre ? Je ne vais pas m'extasier sur un pied de lit réparé tout de même !

 

Will me serre un peu plus fort et je me laisse aller contre son torse. Ses mains reposent sagement autour de ma taille tandis que plus bas, les restes de mon plaisir coulent entre mes cuisses.

« J'ai un peu de temps. Veux-tu que nous fassions une promenade sur le pont ? » Me propose Will.

Une promenade ! Comme si nous étions à Port Royal ! Comme si nous avions encore quinze ans ! Mais quel mari propose à sa femme une promenade sur un navire pirate ! La réponse me vient instantanément. Celui que je me suis choisi. Celui que j'aime depuis mes onze ans. Mais je n'ai plus onze ans…

 

Sans enthousiasme je noue mes doigts à ceux de Will et nous commençons à marcher lentement.

«  Je suis content d'avoir un peu de temps pour toi. Je t'ai beaucoup négligée depuis que nous sommes partis. »

Pas plus que lorsque nous sommes à Port Royal et que tu passes ton temps dans cette stupide forge.

« Ne t'en fais pas… Et du reste ce n'est pas le cas.

- Tu es si tendre, si compréhensive. Norrington avait raison, tu es la femme parfaite… » Soupire Will.

J'ai envie de hurler… Arrête !! Arrête de me mettre sur un piédestal !! Je ne suis pas une idole, je suis une femme !! Je ne suis pas un objet fragile, je suis ta femme !!!

 

Du coin de l'œil, je note que Jack suit notre progression et le regard qu'il pose sur moi me fait frissonner. Oui… Oh Will si seulement un seul de tes regards pouvait me faire me sentir aussi vivante que ceux que Jack a pour moi.

« Personne n'est parfait Will…

- Toi tu l'es. Me répond Will en étreignant plus fort la main qu'il tient dans la sienne, celle à laquelle je porte la bague qu'il a passé à mon doigt le jour où nous nous sommes mariés.

- Serre moins fort. Lui dis-je d'un ton que j'espère rieur alors qu'il me semble que l'anneau pénètre ma chair.

- Excuse-moi… »

 

Oh cet air désolé… Non. Non ne le soit pas Will. Comme pour me rattraper à mes propres yeux, je me penche vers lui et je l'embrasse. Ses lèvres sont douces sous les miennes, sa langue est hésitante. Non, pas hésitante… Tendre. Le baiser s'approfondit et nous finissons par nous séparer. Je ne vois plus que Will. Mon époux. Celui qui a juré de m'aimer et de me protéger jusqu'à ce que la mort nous sépare. Et je sais qu'il le fera. Tout le dédain que je ressentais il y a quelques secondes encore me paraît à présent aussi injuste que futile. Ce n'est pas Will qui est stupide, c'est moi. Car enfin, quelle femme risquerait un tel amour pour le plaisir d'une (bon d'accord de plusieurs) étreinte sans sentiments…

« Je t'aime Will. »

Et cette fois je ne mens pas.

 

()()

 

La nuit tombe peu à peu, nous offrant une soirée douce et nous sommes sur le pont pour manger le résultat de la pêche du jour (il y avait manifestement bel et bien des tortues de mer dans les eaux où nous avons croisé). Je reste sur mes résolutions de l'après midi et je ne vois que Will, je n'écoute que Will. Lui seul suffit à mon bonheur. Il le faut. J'ai le cœur serré au récit des horreurs dont il a témoin la nuit dernière même si je sais qu'il ne me dit pas tout… Et en vérité, je n'ai pas envie de tout savoir. La seule chose qui compte, c'est qu'à présent que nous avons la clef, nous allons pouvoir trouver le coffre.

 

« Un peu de rhum ? Ça réchauffe les âmes et les cœurs. »

Jack. Évidemment. Qui d'autre ?

Forte de ma toute nouvelle décision je me retourne et je lui fais face.

 

Mauvaise idée.

 

Ses lèvres sont comme une invitation au baiser, charnues, aussi fortes que je les connais tendres. Je ne peux m'empêcher de suivre leurs mouvements tandis qu'il entame une conversation avec Will.

« ……………….. Qu'en dis tu Elizabeth ? » Demande Will.

Je sursaute et je réalise alors que je n'ai rien écouté… De quoi ont-ils bien pu parler ?

« J'ai proposé à Will de finir la soirée dans ma cabine. Tous les trois. » Précise Jack.

Une pensée fort peu honorable me traverse l'esprit et j'imagine un instant les mains de Will et de Jack sur moi, me caressant tour à tour. Non, je dois me reprendre.

« Et bien…

- Alors c'est entendu !  Triomphe Jack. A moins bien sûr que vous n'ayez d'autres projets. » Glisse t'il à Will avec un clin d'œil… complice ???

Comment ose-t-il ??? Comment peut-il me traiter comme, comme un objet qui passe de mains en mains, de lits en lits !!Je réponds avant Will.

« Nous n'avions aucun projet, merci de votre invitation Capitaine Sparrow. »

Sans attendre de voir s'ils me suivent je me dirige vers la cabine de Jack. Dans mon dos, j'entends la voix du pirate.

«  Bon bah mon gars, je crois que la dame a décidé. »

 

Il triomphe !! Sale, maudit pirate !! Je suis furieuse et je claque la porte derrière moi. Une fois à l'intérieur, j'ose à peine regarder le lit, à présent réparé qui trône dans un coin de la pièce. Au lieu de ça, je m'installe à la table de travail, trouvant un plaisir intense à me glisser sur le siège qu'occupe habituellement Jack.

 

Ils ne viennent pas… Mais que font-ils donc ? Je suis certaine que c'est encore l'une des idées de ce maudit Jack… Ce pirate fait tout pour me faire sortir de mes gonds. Mais cette fois c'est décidé, je ne céderais pas ! Puisqu'il attend de moi que je les rejoigne docilement, je ne le ferais pas. Hors de question ! Du coin de l'œil j'avise un livre oublié sur un bord de la table. De la lecture, parfait ! Ça fait bien longtemps que je n'ai pas dégusté un autre roman et je suis curieuse de voir quel genre de livre lit Jack.

 

Un coup d'œil rapide à la couverture me renseigne: « Kama Sutra » jamais entendu parler… J'espère que ce n'est pas écrit en espagnol ou je ne sais quelle langue bizarre.

Je l'ouvre.

 

Mon dieu c 'est… c'est …

 

Je ne peux détacher mon regard des gravures où homme et femme font l'amour dans des positions que je n'aurais jamais crues possibles. C'est … excitant et je note ça et là des traits de plume. Jack. Les annotations sont simples « Faire avec ma L » Mon ventre grogne et une chaleur se répand en moi en les lisant. L'encre est encore humide. J'imagine Jack assit à cette même table, occupé à prévoir des délices qu'il expérimentera avec … moi… « Sa L ». Lizzie.

 

Un regard rapide à la porte me renseigne suffisamment, ils sont encore loin. Mes doigts tremblent alors que je feuillette le livre licencieux. Les pages annotées retiennent seules mon attention. Seigneur est-il vraiment possible de faire ça… comme ça ??? Un coup d'œil coupable à la porte. Non toujours personne. La chaleur monte en moi alors que j'imagine des plaisirs coupables dont je n'ai plus honte. Je suis allée trop loin pour ça.

 

Je tourne fiévreusement les pages, mes mains tremblent mais je m'en moque tant les gravures éveillent le désir dans mes reins. A cet instant je me sens plus femme que jamais. J'aime lire ce que Jack pense pour moi. J'aime me voir dans cette séductrice au visage bouleversé par le plaisir que dépeignent les gravures du livre. Oh mon dieu… Je ne comprends pas un mot de ce qui est écrit et pourtant le livre me parle plus que tous les romans stupides et insipides que j'ai pu lire.

 

Je tourne les pages et je m'arrête net.

 

Ici il est écrit : « Oui. Me répandre dans la bouche de Lizzie… » La gravure me fait rougir. La femme est agenouillée et elle a … elle a … le sexe de son partenaire dans … dans sa bouche. C'est … dégoûtant … Pourtant tous deux ont l'air d'y prendre beaucoup de plaisir.

 

Un bruit de pas me sort de ma contemplation et je m'empresse de refermer le livre. Il tombe alors que je le repose maladroitement. Oh... Oh mon dieu il va savoir… La porte s'ouvre, je n'ai pas le temps de le ramasser.

 

Jack rentre, suivi par mon mari. Le regard que le pirate pose sur moi est sévère.

« C'est mon bureau Elizabeth. Je n'aime pas qu'on le fouille. »

Je me sens rougir. Je me lève brusquement et je rejoins la tiédeur rassurante des bras de Will tandis que Jack se baisse lentement. Le livre !!! Il a ramassé le livre !!!

« Je pensais l'avoir rangé. Grommelle-t-il en le glissant dans son tiroir qu'il ferme à clef.

- Jack a insisté pour que nous fassions un tour de pont avant de te rejoindre. » Me glisse Will tout bas sur un ton d'excuse.

 

Je ne réponds pas. J'en suis incapable. Et je regarde la soirée s'étirer. Longue. Trop longue…

 


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