Chapitre 47 : Rien ne disparait jamais totalement


 

Burnin Konn,

 

La nouvelle de la destruction d’Ajan Kloss s’était répandue comme une trainée de poudre dans la galaxie et était rapidement parvenue jusque dans les mines où travaillait Berenko. En apprenant que la petite planète avait été rayée de la Galaxie, l’ancienne sénatrice laissa filer quelques larmes, non pas de peine, comme c’était le cas de ses compagnons, mais bel et bien de joie. 

 

Elle espérait de tout son cœur que Leia et Holdo étaient sur place lorsqu’Ajan Kloss avait volée en éclats. Sifflotant un air joyeux, Thadlé Berenko se dirigea vers la ville. A présent que les rebelles étaient morts, nul ne pouvait la contraindre à rester ici plus longtemps…

 

()()

 

Grâce au chaos engendré par l’annonce de la disparition de la Résistance, il fut facile à la petite rousse de se faufiler jusqu’aux hangars. Apercevant l’un des hommes de garde, la jeune femme s’empressa de se recoiffer maladroitement puis, après une seconde d’hésitation, elle défit les deux premiers boutons de sa chemise de travail. Plaquant un sourire séducteur sur ses lèvres, elle s’approcha du soldat, soulagée qu’il soit seul. Ce serait plus facile ainsi.

 

L’homme fronça les sourcils en découvrant la jeune femme rousse.

« Que fais-tu ici ? Cette zone est interdite aux civils et aux mineurs.

— Je n’appartiens à aucune de ces catégories, susurra Berenko.

— Une catin ? Tu as mal choisi ton jour ma belle, après ce qui vient de se produire, personne n’est d’humeur à ça. »

Berenko serra imperceptiblement les poings avant de continuer à s’avancer.

« Vraiment ? Je me disais, qu’au contraire, les hommes auraient besoin de se détendre. Tu n’en as pas envie, toi ? »

Le soldat la considéra longuement et Berenko retint son souffle. C’était sans doute sa meilleure chance de retrouver sa liberté, peut-être même la seule. S’il ne la trouvait pas à son gout…

« Combien ?

— Cinq crédits et tu me la mets où tu veux, » tenta Berenko qui ignorait tout des prix en vigueur pour les faveurs sexuelles.

 

Le garde écarquilla les yeux.

« C’est à peine plus que pour un droïde ! T’es humaine au moins ? »

Surmontant le dégout qu’il lui inspirait, à l’instar de tous les hommes, Berenko prit sa main et la posa sur sa peau nue.

« Comme tu vois… »

Le soldat se passa rapidement la langue sur les lèvres puis, au bout de quelques secondes d’hésitation, il désigna un cargo léger à Berenko.

« On va se mettre là-dedans. Ton cul, » ajouta-t-il dans un souffle.

L’ancienne sénatrice serra les dents mais le suivit sans un mot.

 

()()

 

Des larmes de souffrance brillaient dans les yeux de Berenko tandis que le soldat râlait de plaisir derrière elle. Elle se raidit alors qu’il accélérait et tendit la main vers la clef à molette qu’elle avait repérée à leur arrivée dans le cargo. Pendant que l’homme jouissait, les yeux à demi-clos et sa vigilance grandement émoussée, elle se propulsa en avant d’une détente et se retourna pour frapper. 

Le garde n’eut pas le temps de crier et retomba sur le sol, une mare de sang se formant autour de son crâne.

Sans perdre de temps, Berenko le délesta de ses crédits et de son blaster avant de pousser le cadavre dans un coin de l’appareil. Invoquant silencieusement la Force, la jeune femme se saisit des commandes et un soupir soulagé lui échappa en sentant l’appareil réagir. Impatiente, elle poussa les moteurs et fonça à travers le hangar grand ouvert. Berenko n’avait aucune idée de sa destination, mais une chose était sûre : elle était libre !

Restait maintenant à décider de ce qu’elle allait faire de cette indépendance retrouvée…

 

 

 

Destroyer Supremacy,

 

 

Debout dans la vaste salle réservée à l’entrainement, Rey toisa les Chevaliers de Ren réunis devant elle, Phasma et Hux se tenant respectueusement quelques pas en retrait. Les combattants venaient à peine de rentrer de la dernière mission que leur avait confié Kylo Ren et ils peinaient à dissimuler leur surprise devant l’accueil qui leur était fait.

 

Le regard froid et la tête haute, Rey les considéra avec dédain.

« Je m’étais figurée que vous n’oseriez pas vous montrer », commença-t-elle, laissant planer un silence inquiétant.

Les Chevaliers s’entreregardèrent, puis, l’un d’entre eux, celui qui avait pour habitude de seconder Kylo Ren, s’éclaircit la gorge.

« Nous ne comprenons pas les raisons d’une telle réception, Seigneur Dejakku. Nous avons servi fidèlement notre Suprême Leader, comme toujours, et ignorons ce que nous avons fait pour lui déplaire à ce point, » déclara-t-il en fixant les stormtroopers qui, en rang serré derrière leur capitaine, pointaient leurs blasters sur eux.

 

Devant un tel discours, la bouche de Rey se tordit en un rictus de haine et elle plissa les yeux, concentrée, alors qu’elle puisait largement dans la Force. Stupéfait, le Chevalier qui venait de s’exprimer porta les mains à sa gorge, le souffle coupé.

« Le traitre Kylo Ren a été chassé du Premier Ordre et ne représente désormais à nos yeux rien de plus qu’un ennemi à anéantir, déclara la jeune femme. Reconnaitre lui obéir est puni de mort. »

Sans la moindre hésitation, elle resserra son étreinte sur la trachée du Chevalier. A sa grande satisfaction, le corps de l’homme tressaillit violemment avant de s’immobiliser. Un ricanement de mépris échappa à Rey et elle relâcha son emprise, observant la carcasse à présent sans vie de sa victime s’effondrer mollement sur le sol. Ensuite, elle se tourna vers les compagnons du défunt.

« Vous avez le choix : rester fidèles à l’Usurpateur et le précéder dans la mort, comme celui-ci. Ou alors, lui tourner le dos et épouser la doctrine de l’Eternel Sith en me faisant allégeance. La décision vous appartient. »

 

Quelques secondes s’écoulèrent puis un premier Chevalier posa le genou à terre, baissant la tête en guise de soumission, bientôt suivi par un second puis par les deux combattants restants.

« Très bien, j’accepte de vous donner une chance, Chevaliers de Rey, déclara la jeune femme. Veillez à ne pas me décevoir, vous le regretteriez amèrement. A présent, disparaissez de ma vue avant que je ne change d’avis. »

Prenant garde d’éviter de regarder le corps de leur compagnon défunt, les Chevaliers fraichement rebaptisés sortirent sans demander leur reste. Derrière Rey, Phasma grimaça.

« Suprême Leader, était-il vraiment nécessaire de le tuer ? Les Chevaliers sont de puissants guerriers et il me semble un peu imprudent de vous priver ainsi d’un soutien supplémentaire. »

Les poings serrés, Rey se retourna vers la Capitaine.

« De quel droit osez-vous remettre en question mes décisions ? Vous n’êtes rien de plus qu’un pion sous mes ordres, Phasma, et êtes donc facilement remplaçable. Dans votre intérêt, j’espère que vous ne renouvellerez pas cette impertinence. Il me déplairait d’avoir à vous châtier. Par ailleurs, j’apprécierais que vous, ainsi que tous les autres, me nommiez dorénavant sous mon véritable titre : celui d’Impératrice Palpatine. »

 

La Capitaine se félicita que son casque chromé dissimile l’expression de son visage alors qu’elle répondait avec soumission.

« Pardonnez-moi, Impératrice Palpatine, j’ai outrepassé mes prérogatives. Je m’interrogeai simplement sur les raisons d’une telle exécution », expliqua-t-elle. 

Rey posa ses yeux pailletés d’une lueur jaunâtre sur la femme.

« Juste une manière de montrer à Ren que, comme ses Chevaliers ou ses résidus, il n’est rien de plus qu’un désagrément dont il me serait aisé de me débarrasser, pesta-t-elle, baissant les yeux avec haine sur son ventre gonflé. Nettoyez-moi ça », ordonna-t-elle en désignant sa victime avant de sortir, altière.

 

Phasma attendit d’être certaine que Rey s’était suffisamment éloignée et se tourna vers Hux.

« Je crois qu’il est désormais superflu de nous interroger sur l’humeur du jour de notre Leader - pardon Impératrice – elle est invariablement exécrable, » ironisa-t-elle avec amertume.

Déstabilisé par la scène à laquelle il venait d’assister et par la modification profonde du tempérament de Rey, Hux ne réagit pas. Sentant une faille chez son comparse, Phasma insista :

« Elle vous plait toujours autant, à présent ? »

Le Général se mit immédiatement sur la défensive et il lui adressa un sourire forcé.

« Vous savez pertinemment qu’elle n’a jamais été rien de plus que le réceptacle destiné à notre Empereur à mes yeux. Cependant, je me dois de reconnaitre qu’un tel changement de personnalité est…stupéfiant.

— En effet, reconnut Phasma. Pour un peu, j’en viendrai presque à regretter Ren », avoua-t-elle sur une impulsion, tant l’attitude méprisante de Rey à son égard l’avait blessée.

 

De manière surprenante, Hux n’était pas loin de partager ses sentiments, mais la conspiration de Pryde et de la Capitaine était encore fraiche dans son esprit aussi se contenta-t-il de lui répondre :

« Vraiment ? Faites attention, Capitaine Phasma, il me déplairait de me voir forcé de faire un rapport négatif à votre sujet. D’autant plus qu’il semble que notre Impératrice soit peu portée à la clémence. »

Phasma pâlit sous son casque chromé et Hux lui sourit d’un air supérieur avant de sortir à son tour de la salle d’entrainement.

 

()()

 

Une fois certain d’être seul, Hux laissa tomber le masque qu’il s’obligeait à revêtir depuis des semaines. 

Depuis Exegol. 

Il avait beau donner le change, plus il passait de temps aux côtés de Rey, plus il était effaré par ce qu’elle était devenue. Certes, il n’avait jamais pu se targuer d’être un homme de scrupules (son père aurait pu en témoigner s’il avait été toujours là pour le faire) mais l’attitude de la jeune femme envers sa future progéniture le heurtait profondément. Lui-même orphelin de mère, cette dernière étant décédée en couches, il éprouvait un intérêt aussi spontané qu’inapproprié pour les enfants à venir de leur nouvelle Leader. L’hostilité confinant à la haine de Rey pour les bébés qu’elle portait le bouleversait et Hux ne put s’empêcher de ressentir une bouffée de compassion pour Ren.

Bien sûr, il avait haï le jeune homme, il le haïssait du reste toujours, à cause de son outrecuidance et de la désinvolture méprisante dont il faisait preuve à son égard. Mais, ces enfants n’étaient pas responsables de l’attitude de l’ancien Leader et ne méritaient pas un tel traitement. Certes, Rey était persuadée qu’ils étaient le fruit d’un viol mais tout de même ! La fille qu’il avait connue n’aurait jamais fait payer des innocents pour les fautes de leur père. 

Un soupir lui échappa au souvenir de ses premiers échanges avec Rey. Elle avait tellement changé. Le roux ne comprenait pas totalement ce que l’Empereur lui avait fait mais la femme qui les commandait désormais n’avait plus rien à voir avec la fille douce et idéaliste qu’il méprisait quelques mois plus tôt.

La nouvelle Rey était froide, cruelle, distante. Elle n’exprimait plus la moindre émotion sauf lorsqu’elle était submergée par la haine ou la rage. Cependant, de temps à autres, Hux voyait passer sur son visage une expression de confusion, de désarroi et, à chaque fois, il ne pouvait s’empêcher de frémir à la pensée de ce que cela trahissait du traitement qu’elle avait subi. 

En dépit de son allégeance de toujours à Palpatine, il commençait à s’interroger sur le bien-fondé de son combat. Jusqu’à présent, l’ambition de régner, d’être du côté des oppresseurs plutôt que des opprimés, avait guidé chacune de ses décisions, depuis l’assassinat planifié de son père jusqu‘à l’éviction de Ren. Mais, aux vues de l’inhumanité dont Rey faisait preuve depuis que l’Empereur s’était emparé de son esprit, il en venait à se demander si le Seigneur Sith était un si bon choix que ça.

 

()()

 

Une fois revenue dans ses appartements, Rey se laissa tomber sur le premier siège venu. Son cœur battait à tout rompre et la nausée qu’elle ressentait constamment s’était encore accentuée à l’instar de la tension qui lui vrillait l’esprit. Elle avait la sensation d’être écartelée en permanence, comme s’il existait une autre version d’elle-même qui l’encourageait à se comporter à l’exact opposé de ce qu’elle accomplissait actuellement. Une onde de douleur traversa son crâne et elle gémit.

 

« BC-9, je n’en peux plus…c’est comme si j’étais coupée en deux, aide moi… 

—KK-26 à votre service, Impératrice Palpatine. Désirez-vous un verre de brandy corellien afin de vous détendre ? »

Rey cligna les yeux. Une fois de plus, quelque chose lui échappait. Si son droïde de service s’appelait KK-26, qui était BC-9 ? Et pourquoi son cœur se serrait-il à la mention du brandy ? Il lui sembla que la pression dans sa tête augmentait encore et elle poussa un sanglot étranglé alors que le bruit de l’océan résonnait en elle, tentant de l’attirer vers ses flots sombres.

 

()()

 

« Du brandy corellien, parfait ! » se réjouit Kylo Ren.

Ils étaient seuls et il lui tendit un verre. Rey grimaça en sentant le feu de l’alcool sur sa langue. Elle n’en avait pas l’habitude et il lui sembla que le liquide lui arrachait la gorge. 

 

Elle était saoule et Kylo Ren la jeta sur le lit. Elle sentit son corps lourd peser sur le sien et ses mains, invariablement gantées, sur elle. Confuse, elle tenta de se dégager mais l’alcool avait émoussé ses réflexes. Il allait…

 

« Chut, Ferme les yeux et dors… » murmura Kylo Ren.

Elle sentit une caresse sur sa joue, un geste empreint de tendresse, puis… le noir.

 

()()

 

Haletante, Rey revint à elle et se détourna pour vomir un mélange de bile jaunâtre et de sang. 

« J’appelle l’unité médicale, » annonça KK-26 d’un ton indifférent.

La jeune femme ne réagit pas, le corps agité de soubresauts. 

 

Destroyer Raddus,

 

Kylo Ren abattit son poing sur la table devant laquelle il était assis en percevant la disparition de Kuruk dans la Force. L’un de ses Chevaliers venait de trépasser et il doutait que ce soit durant la mission qu’il leur avait confiée. L’effroi déferla en lui. D’abord la destruction d’Ajan Kloss, puis l’exécution de Kuruk… où Rey comptait-elle s’arrêter ? Quel genre de monstre était-elle devenue ? 

 

La connexion le prit par surprise et il se retrouva à bord du Supremacy. Un regard lui suffit pour comprendre où il était : l’unité de soins médicaux. 

 

Allongée sur une table et sous perfusion de bacta, Rey ne bougeait pas. Les yeux grands ouverts, elle ne cillait pas non plus. Le cœur de Kylo manqua un battement en la voyant ainsi et il ne put résister au besoin de s’approcher d’elle. Inquiet, il fixa le moniteur qui enregistrait ses constantes ainsi que celles des bébés qu’elle portait. Tout paraissait normal pour les enfants, mais il avala sa salive en découvrant l’enregistrement des ondes cérébrales de Rey. Il n’était certes pas médecin, mais tout dans la Force lui hurlait que quelque chose n’allait vraiment pas. 

 

Les yeux toujours écarquillés, elle ne bougea pas alors qu’il s’approchait un peu plus d’elle. Pourtant, il la savait consciente de sa présence. Une unique larme, incongrue, roula sur la joue de Rey et il ne put s’empêcher de tendre la main pour l’essuyer. 

 

La souffrance se répandit en lui telle une langue de feu. Il vacilla sous la violence des sensations qui animaient l’esprit de la jeune femme dans lequel il venait de pénétrer sans l’avoir cherché. 

 

Kylo Ren serra les poings. Il se trouvait dans une caverne sombre et puante et, autour de lui, le chaos régnait. Tout était fracassé, incomplet ou en lambeaux. Il reconnut la silhouette de Rey à quelques mètres de lui. Elle se tenait au centre d’un îlot entouré de lave en fusion. La peau de son visage avait une teinte grisâtre et ses yeux brillaient d’une lueur malsaine. De grosses gouttes de sueur luisaient sur le front de la jeune femme et il avança, pénétrant dans sa vision.

 

Kylo se reconnut sur elle. Il portait son masque et Rey tentait de se débattre tandis qu’il forçait le passage entre ses cuisses, indifférent aux cris de détresse de sa victime. Il serra les poings, anéanti par la scène. C’était comme si Palpatine avait remodelé chacun de ses souvenirs d’eux pour en faire une chose obscène.

« Non ! Rey, ça n’est jamais arrivé ! Ce n’était pas comme ça entre nous, ça n’est pas comme ça entre nous, » ne put-il s’empêcher de protester.

La jeune femme se tourna vers lui.

« Sors de ma tête ! »

Une violente douleur le transperça alors qu’elle levait sa main dans sa direction.

 

Le choc lui coupa le souffle et il se retrouva de nouveau à bord du Raddus. Ses oreilles bourdonnaient et sa jambe blessée lui faisait un mal de wookie enragé.

« Ben ! Ben, ça va ? »

Venue de très loin, il entendit une voix et il ouvrit la bouche pour répondre mais les mots se refusèrent à lui.

 

Pauvre naïf, jamais tu ne réussiras à la ramener vers toi, elle est entièrement mienne et tes graines aussi, gronda la voix de l’Empereur dans son esprit. Tu es faible et incapable comme ton père et son père avant lui. Vous ne pouvez rien contre moi. 

 

« Je ne suis pas faible ! » hurla Kylo Ren, dévoré par la rage.

Des Eclairs crépitèrent autour de lui et il déversa sa haine dans la pièce, relâchant sa puissance destructrice. 

 

()()

 

Ce furent des cris d’horreur qui ramenèrent Kylo Ren à lui et, hébété, il cligna des yeux tandis que Luke, en larmes, le secouait.

« Qu’est-ce que tu as fait ? Pourquoi ? Pourquoi ? » répétait le Jedi.

Derrière lui, Kylo Ren aperçut une forme recroquevillée sur le sol. Son sang se figea alors qu’il posait les yeux sur la main inerte de sa victime. Il l’aurait reconnue n’importe où, même sans les bagues qu’elle ne quittait jamais. C’était celle de Leia.

 

Le rire de Palpatine résonna en lui mais il n’y prêta pas attention. Fou de douleur, il se précipita vers sa mère aussi vite que sa jambe blessée le lui permettait, bousculant le Jedi sur son passage.

« Mère ! gémit-il en se laissant tomber sur le sol. Non, Mère, non ! »

Il referma ses bras autour du corps frêle de Leia et un sanglot inhumain déchira sa gorge en la sentant mollir dans ses bras.

« Pardon, pardon, Mère, je ne voulais pas, je ne voulais pas ! Revenez, ne me laissez pas, ne me laissez pas, vous n’avez pas le droit ! Pas encore. »

 

La main de Luke se referma sur son épaule et le Jedi le tira en arrière sans la moindre douceur.

« Lâche la, gronda Luke avant de se précipiter vers le comlink. J’ai besoin d’une unité de soin de toute urgence dans le secteur 9. La Générale… Leia est blessée, » souffla-t-il, des larmes dans la voix.

Il ne suffit que quelques minutes pour que les droïdes arrivent, suivis par Holdo et Kaydel, alertées par le remue-ménage. Les médecins mécaniques se précipitèrent vers la Générale, toujours inconsciente, tandis que Kaydel et Holdo s’immobilisaient sur le seuil, tétanisées. 

« Elle est trop faible, je doute qu’elle reprenne conscience, déclara un droïde. Ses constantes sont en train de chuter… »

Kylo Ren tendit la main en direction de Leia, ses doigts frôlant la peau froide de sa mère puis, elle lui fut arrachée.

 

()()

 

Les traits creusés par l’angoisse, Luke se tourna vers le jeune homme.

« Elle était simplement venue te demander le mot de passe que le Consortium d’Hapès exige pour nous laisser pénétrer dans leur zone. Elle aurait pu se contenter d’utiliser le comlink pour ça, mais elle était tellement désemparée par tes rejets répétés qu’elle a saisi l’occasion de te voir. Elle voulait seulement te voir, répéta-t-il. Et toi, tu… »

La voix de Luke se brisa sur les derniers mots et Kaydel se précipita vers lui. Sans se soucier de ce que cela trahissait de leur relation, elle entoura le Jedi de ses bras.

« Elle n’est pas morte, murmura-t-elle à l’oreille de son amant. Elle est très faible mais je suis sûre qu’elle continue à se battre. Luke, ne perds pas espoir. »

Le cœur brisé, il ne répondit pas.

 

« Je suis désolé, souffla Kylo Ren. Je ne voulais pas la blesser, je ne savais pas qu’elle était là, j’ai… Il y a eu cette connexion avec Rey et, je, j’ai perdu le contrôle et

— Tais-toi Ben », lui ordonna le Jedi d’un ton qui ne souffrait aucune discussion.

Holdo frémit en l’entendant et son visage blêmit en comprenant les implications des dernières paroles de leur nouveau chef. Luke, hors de lui, s’arracha à l’étreinte de de Kaydel et se dirigea vers Kylo Ren, toujours immobile.

  « Je me moque de tes excuses ou de tes protestations d’innocence. C’est toujours la même chose avec toi. Tu détruis chaque personne qui a le malheur de t’aimer. Il suffit de voir ce qui est arrivé à Han, à Rey, et maintenant, à ta mère. J’ai voulu croire que tu avais changé, mais je ne me laisserai plus prendre au piège de tes belles paroles et de tes soi-disant idéaux. Je déciderai plus tard de ton sort. Pour l’instant, ma sœur a besoin de moi. »

Sur ces mots, le Jedi se leva et se dirigea vers la porte. 

« Sortez, ordonna-t-il à Kaydel et Holdo. Je veux que cet appartement soit condamné et que personne ne pénètre ici, excepté moi. Je ne prendrais pas le risque qu’il répande ses ondes néfastes sur qui que ce soit d’autre. Il a fait assez de mal. »

 

()()

 

Une fois qu’ils furent à l’extérieur, Luke inspira profondément pour se calmer. Il sentait la rage, la colère... la haine même, bouillonner en lui. Les yeux à demi clos, il s’efforça de repousser les paroles séductrices de l’Obscurité.

 

Termines-en avec lui, Luke… Tu l’as vu. Il est irrécupérable, mauvais… Tout comme son grand-père. Arrache ce fruit pourri, sinon il gangrènera ta famille, ton apprentie… 

 

« Non ! » s’exclama le Jedi d’une voix forte, conscient qu’à travers la Force, c’était Palpatine qui tentait de le corrompre à nouveau et de le pousser à la faute.

 

Reprenant ses esprits, il se tourna vers les deux femmes, qui, statufiées par l’horreur de la situation, le fixaient avec inquiétude.

« Luke ? » l’interrogea Kaydel, angoissée par ce qu’elle venait de percevoir dans la Force.

Le Jedi ne fit pas un geste dans sa direction, à la place, il ordonna :

« Oubliez tout ce que vous venez de voir et d’entendre, compris ? »

Choquée, Kaydel tressaillit mais Holdo fut la première à réagir.

« Vous plaisantez, j’espère ? Ren a…

— J’ai dit : oubliez ce que vous venez de voir et d’entendre », réaffirma Luke, accompagnant ses paroles d’une puissante poussée de Conviction de Force. 

L’Amirale se troubla et le Jedi poursuivit.

« L’état de la Générale s’est brusquement dégradé, ce qui l’a plongée dans un coma profond. Kylo Ren, qui était présent lors de son attaque, est très affecté et il ne souhaite pas être dérangé actuellement.

— L’état de la Générale s’est brusquement dégradé, ce qui l’a plongée dans un coma profond. Kylo Ren, qui était présent lors de son attaque, est très affecté et il ne souhaite pas être dérangé actuellement, répéta docilement l’Amirale.

— A présent, vous allez retourner en salle de commandement, Amilyn.

— Je retourne en salle de commandement. »

 

Sur ces mots, elle tourna les talons tandis que Luke fixait Kaydel, incertain de sa réaction.

« Pourquoi tu le protèges ainsi ? souffla la jeune femme, anéantie. Il a… il l’a… Luke, c’est ta sœur !

—Tu crois que tu m’apprends quelque chose ? la rabroua-t-il. Tu n’as pas la moindre idée de ce que Leia représente à mes yeux. Si je m’écoutais, je… commença-t-il. Mais ce n’est pas ce qu’elle voudrait et ce n’est pas ainsi qu’un Jedi se comporte. Alors, s’il te plait, respecte ma décision de passer ça sous silence pour l’instant. »

Kaydel avala brutalement sa salive.

« Si tu penses que c’est ce qui est le mieux… lâcha-t-elle d’un ton manquant de conviction.

— C’est le cas. Maintenant, excuse-moi, mais Leia a besoin de moi, » déclara-t-il avant de la planter là pour se précipiter vers la section médicale.

 

()()

 

Resté seul au milieu de ses appartements, Kylo Ren sentit des larmes rouler sur ses joues. Il les essuya d’un geste avant de fixer ses mains tremblantes avec horreur. Luke avait raison, ils avaient tous raison. Il n’était qu’un monstre. Il ne méritait pas la chance que Leia lui avait offerte. Pas plus que l’amour de Rey ou d’être père. 

 

Il ne méritait pas de vivre.

 

 

Destroyer Supremacy,

 

 

Rey reprit brutalement connaissance, une peine sourde au cœur. 

« Impératrice Palpatine, s’empressa Phasma. Enfin ! Vous nous avez fait peur.

— Leia », souffla Rey, les larmes aux yeux. 

Surprise, Phasma la regarda avec inquiétude.

« Impératrice ? »

 

La jeune femme cligna des yeux, le cœur soudain plus léger. La sensation insoutenable de perte avait été emportée, noyée dans l’océan.  En fait, elle ne souvenait même pas de ce qui l’avait bouleversée à ce point.

« Que s’est-il passé ? interrogea-t-elle d’une voix glaciale. Pourquoi suis-je ici ? »

Son visage se métamorphosait à mesure qu’elle parlait, retrouvant le masque cruel qui était sien depuis que l’Empereur l’avait reprogrammée et Phasma, prudente, recula.

« Vous avez eu un malaise et vous avez perdu connaissance. Vous ne vous en souvenez pas ? »

Le regard de Rey se durcit.

« C’est l’œuvre de Ren. Il a utilisé notre lien pour tenter de m’abattre.

— Votre lien ? releva Phasma, brusquement inquiète. Mais c’est impossible, l’Empereur l’a détruit quand il… »

La femme s’interrompit net, consciente de l’erreur qu’elle était sur le point de commettre. Troublée, Rey se tourna vers elle. 

« Qu’alliez-vous dire ? exigea-t-elle de savoir. Quand l’Empereur a quoi ?

— Quand il vous a soignée après l’attaque de l’Usurpateur, déclara Hux derrière elle. La Capitaine Phasma, tout comme moi, était persuadée que l’emprise de Ren sur vous avait été brisée, d’où notre surprise en apprenant que ce n’est pas le cas. »

Le roux plaça une main sur l’épaule de la géante et il lui adressa un regard froid.

« Vous feriez mieux de retourner vous occuper de vos troupes, je vais gérer cela. »

 

Peu désireuse de l’admettre, mais, au fond, reconnaissante envers Hux pour son intervention, Phasma rejoignit ses appartements. Quelque chose n’allait pas du tout avec le réceptacle. Son état physique se dégradait de plus en plus vite et elle avait le sentiment qu’il en allait de même pour son esprit. Inquiète, elle déclencha une communication avec son mentor.

« Que se passe-t-il Phasma ? » répondit immédiatement Pryde.

La Capitaine s’efforça de résumer avec le plus de précision possible ce qui était advenu depuis leur retour sur le Supremacy et attendit la réaction du Général.

« Foutu Ren, pesta Pryde. Il s’entête à courir après cette fille, il faut absolument le neutraliser au plus vite. Nous ne pouvons pas prendre le risque qu’il approche le réceptacle ou ce qu’il contient.

— Avez-vous une idée de l’endroit où il se cache ?

— Non, c’est comme s’il s’était volatilisé. L’Empereur me presse d’obtenir des résultats, » avoua Pryde.

L’angoisse de Phasma augmenta à cette déclaration. Elle n’ignorait pas le sort réservé à ceux qui échouaient à contenter Palpatine : dans le meilleur des cas, l’exil, dans le pire : la mort ou les camps de reprogrammation de l’Empire. Que Pryde ait servi loyalement durant toute son existence n’aurait aucun impact sur la sentence. Comme elle l’avait affirmé à Rey, seul le mérite comptait au sein du Premier Ordre et il n’y avait aucune place pour ceux qui avaient failli.

 

« Comment Hux s’en sort-il ? »

A regrets, elle admit :

« A merveille… Je ne sais pas comment c’est possible mais le réceptacle parait avoir développé une sorte d’attachement pour lui. Enfin, quelque chose qui y ressemble », nuança-t-elle.

Un soupir déçu échappa à Pryde : il avait compté sur l’échec de son rival pour diminuer le sien.

« Je vais mettre toute mon énergie à découvrir où Ren se terre, promit Phasma. Je vous tiendrai informé de mes progrès.

— Soit, de mon côté, je me dois d’alerter l’Empereur au sujet de la dégradation rapide du réceptacle que vous avez observée. Il ne manquerait plus qu’elle nous claque entre les doigts avant d’avoir expulsé SC-142 bis et ter. »

 

Destroyer Raddus,

 

Les yeux rivés sur la cuve dans laquelle Leia était presque totalement immergée, Luke ne bougeait pas un muscle. Son cœur cognait dans son torse, de plus en plus vite à mesure que le pouls de sa sœur s’affaiblissait. A quelques pas de lui, Kaydel se mordit la lèvre au sang, terriblement inquiète tant pour la Générale que pour son amant. Depuis que Leia avait sombré dans le coma, Luke n’avait pas quitté une seule seconde son chevet, ni détourné son regard d’elle. Kaydel n’était même pas sûre qu’il soit conscient de sa présence. 

« Du nouveau ? » l’interrogea Poe à mi-voix, respectueux du chagrin que le Jedi ne dissimulait pas.

Kaydel tourna un regard noyé de larmes vers lui et le pilote l’entraina hors de la pièce.

 

« Je ne sais pas comment faire pour aider Luke, avoua Kaydel. Il ne m’écoute pas, il est submergé par la peine, la colère… Je ne comprends pas pourquoi il réagit ainsi.

— C’est tout de même sa sœur jumelle, lui rappela Poe.

— Oui, je sais ! s’agaça Kaydel. C’est bien pour ça que je ne m’explique pas ce qui le pousse à… »

Elle s’interrompit brusquement, se souvenant in-extrémis de sa promesse de garder le secret sur « l’accident ». Poe fronça les sourcils.

« Qu’est-ce qui se passe ? Tu sais quelque chose que j’ignore ?

— Non, pas du tout, mentit la jeune femme en évitant le regard de son ami. C’est simplement que je me fais du souci pour Luke et pour Leia aussi, bien sûr », ajouta-t-elle à la hâte en se tournant vers la chambre où reposait la Générale.

 

Une boule remonta dans sa gorge en voyant Luke se pencher sur le visage de Leia pour caresser tendrement ses cheveux, ses lèvres s’agitant sans qu’elle parvienne à deviner ce qu’il lui murmurait. Poe suivit son regard et il grimaça.

« Skywalker semble très inquiet, lâcha-t-il. C’est normal, après tout, c’est sa seule famille, ajouta-t-il, conscient de la tension soudaine de Kaydel qui ne quittait pas le Jedi des yeux.

— Je sais bien et c’est tout à fait compréhensible, mais… commença-t-elle, désemparée.

— Mais ? Allez Kaydel, tu sais que tu peux tout me dire et je crois que, là, tu as besoin d’un ami, murmura Poe avec douceur.

— C’est juste que, par moment, je trouve qu’il se comporte plus comme un amoureux que comme un frère », avoua la jeune femme du bout des lèvres en se tournant vers lui, honteuse de l’énormité qu’elle venait de prononcer et de la jalousie qu’elle trahissait.

Poe évita brièvement son regard. Il s’était fait la même réflexion un peu plus tôt, mais cela ne ferait aucun bien à Kaydel de le lui dire. A la place, il la serra de toutes ses forces dans ses bras.

« Tout va s’arranger, » lui assura-t-il sans conviction.

 

Destroyer Supremacy,

 

Rey avait mal, vraiment mal. Une peine intense la submergeait, faite d’un sentiment de culpabilité et d’une sensation de perte incommensurable. Elle avait l’impression d’avoir été touchée au plus profond de sa chair et elle posa les mains sur son ventre arrondi. Immédiatement, son esprit se remplit d’une tristesse à l’origine mal formulée et elle réalisa que ce qu’elle ressentait provenait, non pas d’elle-même, mais des créatures qu’elle abritait. Stupéfaite, tant par la sensation que par l’existence d’un tel lien entre elle et les intrus, Rey garda ses mains appuyées sur son abdomen et baissa le visage. Les idées étaient vagues, rudimentaires, mais elle comprit que les parasites ressentaient la souffrance de leur père, ainsi que son sentiment d’échec et de dévalorisation. Un frisson la parcourut toute entière lorsque les choses partagèrent leur angoisse pour Kylo Ren avec elle. Il était malheureux, tellement qu’il était sur le point de …

« Ben ! Non ! » s’exclama-t-elle instinctivement.

 

()()

 

La silhouette tellement haïe de Kylo Ren apparut devant Rey, mais pourtant, elle ne ressentit pas la détestation qui lui était coutumière à sa vue.

 

Le visage blafard, il se tourna vers elle.

« Leia va mourir, je l’ai tuée. Tu avais raison depuis le début, je ne suis qu’un monstre. »

 

Le bruit des vagues rugit en Rey et elle porta les mains à sa tête. Elle n’en pouvait plus d’une telle pression, d’autant de souffrance. Une part d’elle jouissait de le voir ainsi, totalement désemparé, presque à terre, mais pourtant, son cœur saignait de le sentir aussi triste. Elle ferma les yeux pour reprendre ses esprits et repousser l’emprise malsaine qu’il avait sur elle, ainsi que l’Empereur le lui avait conseillé, mais ne réussit qu’à accentuer la sensation d’être écartelée vive qui ne la lâchait pas.

« Par pitié, laisse-moi tranquille, le supplia-t-elle, à bout de forces et de douleur. Je n’en peux plus de cette torture permanente que tu m’infliges. »

Kylo Ren lui adressa un regard dénué de compassion.

« Je ne suis pas le responsable de cette connexion. Comme tu me l’as dit il y a longtemps, cela fonctionne dans les deux sens. »

Rey ne répondit pas et il avança vers elle, le visage brièvement traversé par l’espoir.

« Pourquoi me rejoins-tu sans cesse ? Es-tu certaine que ce que tu penses savoir de moi est vrai ? Tu doutes, je le sens. Au fond de toi, tu sais que je n’ai jamais abusé de toi. Je t’en supplie Rey, écoute ce que te dicte ton instinct, cherche le gouffre sous l’océan… 

— Tais-toi ! Tu cherches une fois de plus à me manipuler ! Tu utilises tes graines pour tenter de me corrompre ! » hurla Rey. 

 

Kylo Ren ne broncha pas devant ces accusations.

« Je ne suis pas celui qui te manipule. C’est Palpatine. Il te fait croire que je t’ai violée. Mais c’est faux. Ce n’était pas comme ça entre nous. Tu avais envie d’être avec moi, tu voulais qu’on fonde une famille.

—Menteur ! Je n’ai jamais rien ressenti d’autre que du dégout pour toi, cracha la jeune femme. Je te vomis, tout comme les Résistants chez qui tu te terres comme le lâche que tu es. Mais je vais vous trouver et vous anéantir. Toi, Skywalker, et la Générale Organa.»

Kylo avala sa salive :

« La Générale Organa… Leia est en train de s’éteindre par ma faute. »

Le visage de Rey s’altéra brièvement à cette déclaration et Kylo Ren fit un pas de plus dans sa direction, conscient du trouble de la jeune femme.

  « Tu te rappelles... Tu avais de l’affection pour elle, tu la voyais comme une seconde mère. Dis-moi que la savoir mourante ne te touche pas et je te laisserai en paix, » tenta-t-il.

Le cœur de la jeune femme manqua un battement et elle se sentit brusquement orpheline.

« C’est ce que je pensais, murmura Kylo Ren. Rey, cesse de laisser Palpatine engluer ton esprit, résiste ! Lutte ! Tu es plus forte que ça, plus puissante que lui. Libère-toi de son emprise, tu en es capable, je le sais. Souviens-toi de nous, de ce que nous avions ! Je t’en prie, reviens. Pour nous, pour nos enfants.

— Tais-toi, monstre ! Tu ne représentes rien à mes yeux, tu n’as jamais rien représenté pour moi, et cette femme non plus, hurla-t-elle. Je voudrais tous vous voir morts. La seule chose que j’attends de toi, c’est que tu crèves, Ren. Je te hais. »

Les yeux de Rey brillaient d’une lueur dorée et son visage était métamorphosé par la malveillance. Kylo Ren posa son regard sombre sur elle, cherchant inutilement la femme dont il se souvenait, avant d’abdiquer. Rey Dejakku avait disparu.

« Rassure-toi, je compte bien rapidement exaucer ton souhait, j’ai tué Leia et, sans toi à mes côtés, je n’ai plus rien qui me retienne, » murmura-t-il d’une voix remplie de douleur.

 

L’angoisse submergea Rey à ces mots et la pression sur son esprit s’accentua encore. Le visage de Kylo Ren s’estompa progressivement et elle sentit la main glacée de l’Empereur se refermer sur elle.

 

Tu me déçois tellement… Tu es faible quand je te veux forte. Tu te laisses attendrir et manipuler par ce traitre. Tu ne mérites pas le titre d’Impératrice dont tu te rengorges.

 

La panique envahit la jeune femme, effaçant le reste.

« Non ! Je vous en prie, je ne suis pas faible ! Ne me rejetez pas, par pitié, je vous jure de ne plus vous décevoir. Ce n’est pas ma faute, ce sont ces choses en moi, elles tentent de me corrompre, plaida Rey.

Dans ce cas, tu dois faire en sorte de les dominer. Es-tu à ce point pathétique et inutile que tu ne puisses pas maitriser les résidus de la semence de Ren ? Me suis-je trompé sur toi, Rey ? »

 

Rey se raidit et elle serra les poings.

« Non, Maître. Je vais les mater, je vous le jure, je ne les laisserai plus m’embrouiller l’esprit. Ne me rejetez pas ! »

Son cri sortait du cœur et Palpatine jubila.

« Il ne tient qu’à toi de rester ma digne héritière… Détruit Kylo Ren et prouve-moi ainsi ta fidélité.

— Comment ? s’empressa Rey.

Tu le sais », se borna à répondre l’Empereur.

 

 

Destroyer Raddus,

 

La Force vibrait des regrets et du chagrin de Ben. Même dans l’état dans lequel elle se trouvait, Leia les sentait aussi distinctement que les lèvres de Luke sur son front.

 

Indigne de vivre…Plus rien ne me retient.

 

La pensée appartenait à Ben et le sang de Leia se figea instantanément. Son garçon était anéanti, perdu. Il n’avait jamais eu autant besoin d’elle qu’en cet instant où il était sur le point de renoncer définitivement à l’espoir. Elle rassembla les dernières étincelles de vie qu’elle avait encore et se projeta dans la Force. A son chevet, Luke se raidit.

« Leia ! Non, ne fais pas ça, il ne le mérite pas, » gémit-il avant de se lever pour courir jusqu’aux appartements de Ben.

 

()()

 

Son sabre laser dans les mains, l’ouverture tournée vers lui, Kylo Ren ne tremblait pas. Tout était fini. Leia était en train de s’éteindre. Il avait perdu Rey et les enfants qu’elle portait. Il n’avait plus aucun pouvoir et n’avait pas envie de se battre pour le reconquérir. Cela ne servait plus à rien désormais. Rey le haïssait et Skywalker ne lui pardonnerait jamais ce qu’il venait de faire. Il préférait en finir lui-même plutôt que de laisser au Jedi le plaisir de l’achever. 

 

Le jeune homme ferma les yeux, songeant à la femme qui se mourrait à quelques mètres de de lui. Il avait tellement rêvé de voir une lueur d’admiration dans les yeux de Leia, tellement espéré qu’elle le voit enfin comme quelqu’un de puissant, digne de l’héritage familial des Skywalker. Mais, elle avait raison depuis le début, il n’était rien de tout cela. Il n’était qu’un monstre pathétique, une aberration, qui avait tué sa propre mère dans un accès de rage incontrôlable.

 

Kylo Ren s’immobilisa en sentant une caresse sur sa joue et il reconnut la silhouette évanescente de Leia.

« Mère ? s’étrangla-t-il à demi. Mère, je suis si désolé… Je ne voulais pas vous blesser, je, je ne savais pas que vous étiez là, si j’avais su, je… Pardon.

— Chut, lui intima Leia d’une voix douce. Je sais. Ce n’est rien. Cela fait bien longtemps déjà que je sais mon heure proche. »

Kylo baissa les yeux sur le bouton d’ouverture de son sabre et Leia posa une main sur la sienne. Il savait qu’elle n’était pas réellement près de lui mais il sentit une brise légère sur sa peau.

« Ne renonce pas, mon fils. Ne laisse pas tes remords te séparer à jamais de Rey et de tes enfants. Je ne mérite pas tes larmes. Tu avais raison, j’ai été une bien mauvaise mère pour toi. »

Il serra les poings, bouleversé.

« Je suis désolé, répéta-t-il. Je n’aurais pas dû vous repousser. Je voulais vous montrer de quoi j’étais capable, vous montrer ma Citadelle, balbutia-t-il. Je voulais juste… que vous soyez un peu fière de moi. 

— Oh Ben, souffla Leia. C’est moi qui suis désolée. J’aurais dû te le dire, te le montrer. Je suis fière de toi, de la manière dont tu contiens ton Côté Obscur, de l’idéal que tu cherches à atteindre.

— Je vous ai fait du mal… A cause de moi, de mon manque de contrôle, vous allez…

— Je te l’ai dit : c’était inéluctable, le coupa Leia. C’est ce qui arrive aux vieilles femmes malades. J’aurais sans doute pu dévier tes Eclairs mais, la vérité, c’est que je suis fatiguée, Ben. Tellement fatiguée. J’ai trop combattu et trop souvent oublié ce qui était important. Ne commet pas mon erreur, ne sacrifie pas ta famille pour un idéal, aussi beau qu’il soit. Bats-toi pour Rey. Tant que l’Empereur n’a pas transféré son esprit en elle, il te reste un espoir de la récupérer. Ne renonce pas à elle comme j’ai renoncé à toi ou à Han. »

 

La voix de Leia n’était plus qu’un filet dans la Force et les mains de Kylo commencèrent à trembler.

« Je t’aime, Ben, quoi qu’il arrive, quoi que tu fasses, je t’aimerais toujours, assura Leia.

— Mère ! paniqua le jeune homme. Mère, je… »

Les mots s’étranglèrent dans sa gorge et il serra les poings devant son impuissance à les prononcer.

« Je sais, souffla sa mère d’une voix lointaine. Et je sais aussi, qu’un jour, tu arriveras à le dire. »

 

Luke pénétra dans la pièce à cet instant, le visage ravagé par le chagrin.

« Pardonne-lui et pardonne-moi, murmura la voix de Leia dans l’esprit du Jedi. Je n’en pouvais plus de souffrir et j’ai accueilli la délivrance qu’il m’offrait. Il n’a plus que toi désormais. »

A l’instant où Leia s’éteignit définitivement et rejoignit la Force, la sensation de perte fut si intense que Luke vacilla. Le souffle coupé par l’affliction, il posa les yeux sur Ben et l’angoisse déferla en lui à la vue du sabre laser que le jeune homme n’avait pas lâché.

« Non ! » hurla-t-il en se précipitant vers son fils.

Sans réfléchir, il lui arracha l’arme des mains et referma ses bras autour de lui. Interdit, choqué tant par la mort de Leia et le geste de Luke, Kylo Ren ne bougea pas tandis que son père le serrait à l’étouffer.

« Je ne te laisserai pas faire ça. Jamais. Je refuse de te perdre toi aussi.  Maintenant que Leia n’est plus, tu es la seule personne qu’il me reste. »

 

Sur le seuil, Kaydel s’immobilisa net en entendant les derniers mots de Luke et elle se décomposa. 

 

Tu es la seule personne qu’il me reste.

 

Elle recula d’un pas mal assuré et se cogna contre le torse de Poe, qui, inquiet par la manière dont elle avait mis fin à leur conversation pour courir rejoindre Luke, l’avait suivie. Le regard embué par les larmes, Kaydel se tourna vers le pilote.

« Emmène- moi loin d’ici.

— Mais… Où veux-tu que…

— N’importe où mais pas ici, » répéta Kaydel d’une voix brisée.

La main de Poe se referma sur la sienne et il l’entraina.

 

Luke sentit confusément Kaydel s’éloigner, le cœur rempli de chagrin, mais il n’y prêta pas attention. Pour la première fois depuis des années, il serrait son fils dans ses bras. Rien n’était plus important que ça.

« Je suis désolé, Ben. J’ai mal réagi et je t’ai blâmé sans prendre le temps de réfléchir ou de t’écouter. Je regrette.

— Je l’ai tuée, déclara le jeune homme d’une voix atone. J’ai tué ma propre mère. Vous avez totalement raison de me haïr, vous aviez raison sur tout, depuis le début. Je suis un monstre.

— Non, lui assura Luke d’une voix ferme. J’avais tort et, une fois de plus, je me suis laissé emporter par mes émotions. Je sais que tu n’as jamais voulu faire de mal à ta mère.

— Quelle importance ? Le résultat est le même au bout du compte… Elle est morte et elle ne reviendra plus.

— Rien ne disparait jamais totalement, c’est le cadeau que fait la Force à ceux qui y sont sensibles. Certes, Leia n’est plus de ce monde mais elle continue à exister dans la Force et en nous. En toi. Il t’appartient de décider si tu veux honorer sa mémoire en continuant le combat, comme elle l’a toujours fait, ou si tu vas te montrer aussi lâche que moi et renoncer. »

 

Le Jedi retint une bouffée de soulagement lorsque Kylo Ren se raidit : quelquefois, l’orgueil démesuré des adeptes du Côté Obscur avait du bon.

« Je ne serais jamais comme vous, déclara Kylo Ren avant de s’arracher à l’étreinte du Jedi. Je vais me battre et je mettrai un terme définitif aux méfaits de Palpatine.

— Dans ce cas, il est plus que temps que nous rejoignons ta base. Quel est le code d’accès ?

— Leia Solo Organa », avoua le jeune homme dans un murmure.

Le visage de Luke accusa un bref instant sa peine puis, il posa la main sur l’épaule de son fils.

« C’est un bel hommage qui trahit ton affection pour elle. »

 

Kylo Ren ne répondit pas et Luke, tout aussi chamboulé que lui par les émotions par lesquelles ils venaient de passer, sortit sans rien ajouter de plus.

 


Chapitre 46                                                                                                   Chapitre 48


Écrire commentaire

Commentaires: 0