Chapitre 11 : Opération Balise


 

Le Premier Ordre, 

 

 

Après le départ de Kylo Ren, Rey avait passé un certain temps à se morfondre, désemparée à la perspective de voir son existence se dérouler désormais entre quatre murs, capitonnés ou non.

 

Toutefois, lorsque la porte s’ouvrit pour livrer le passage à Ren, elle était prête. Bondissant sur le jeune homme, elle le bouscula et se rua dans le couloir, courant à perdre haleine sans trop savoir vers où se diriger. Elle s’engouffra derrière la première issue qu’elle parvint à ouvrir et se précipita dehors.  L’air empli de fumée volcanique et de poussières inonda ses poumons déjà malmenés par son effort et elle toussa. Le brouillard était si épais qu’elle n’y voyait pas à deux pas mais Rey avait trop soif de liberté pour que ce détail l’arrête. Sans ralentir sa course, elle partit droit devant elle. Soudain, le sol se déroba sous ses pieds. 

 

Une main gantée se referma sur son poignet et la tira vers le haut sans la moindre délicatesse.

« Espèce d’idiote sans cervelle ! Est-ce que tu tiens si peu que ça à la vie ? » 

Les yeux de Ren brillaient d’angoisse et Rey se troubla. Puis, son regard retrouva sa dureté si rapidement qu’elle songea qu’elle devait avoir imaginé le moment précédent. Sans douceur, il l’obligea à faire face au paysage vers lequel elle avait aveuglément couru. Des morceaux de roche se détachèrent sous ses pieds et Rey déglutit à la vue de la rivière de lave en contrebas. S’il ne l’avait pas rattrapée et retenue, elle aurait brûlé vive.

 

Un vertige la saisit à cette pensée et son corps, éprouvé par les vapeurs toxiques et sa course débridée, se déroba sous elle.

 

( ) ( )

 

Lorsque Rey ouvrit de nouveau les yeux, elle était allongée et le visage balafré de Ren était penché sur elle. Angoissée, elle recula d’un bond et regarda autour d’elle. La chambre était différente de celle où il l’avait enfermée à son arrivée. Plus confortable et surtout, dépourvue de l’odieuse chaise de torture qu’elle avait appris à redouter. 

« Qu’est-ce que tu m’as fait ? » souffla-t-elle. 

 

La mâchoire de Ren se crispa. 

« Rien du tout, tu t’es évanouie toute seule. Le contrecoup sans doute. »

Rey rassembla ses esprits à grand peine. La salle capitonnée, sa fuite, la sensation de l’air brûlant sur son visage puis… la chute avant qu’il ne la retienne. Et, à présent, une nouvelle prison. Elle étouffa un sanglot à cette pensée, ne voulant pas lui donner le plaisir de la voir craquer, puis releva le visage.

« Pourquoi tu t’entêtes ? Tu sais que je ne te suivrais jamais sur ce chemin. 

— C’est toi qui t’entêtes à refuser d’accepter ton destin. 

— Devenir un monstre sans cœur ? ironisa Rey. 

— Non. Régner à mes côtés, rétablir l’ordre dans la Galaxie. Faire cesser une bonne fois pour toutes cette guerre entre les Siths et les Jedis.

— En devenant l’un d’entre eux ? En m’adonnant au Côté Obscur ? En tuant ceux qui se dressent devant moi ? En étant le laquais de Snoke comme toi ou comme Vador fut celui de l’Empereur ? 

— Vador n’était le laquais de personne, gronda Ren.  Je te l’ai déjà dit : tu ignores absolument tout à son sujet ou sur le Premier Ordre. Tu ne sais que ce que le ramassis de renégats que tu considères comme tes amis t’en ont dit. »

 

Rey se troubla. Il était vrai que Jakku n’était pas à proprement parler l’endroit le plus informé de la Galaxie. 

« Tu es sensible à la Force mais cela te terrifie, poursuivit Ren. Tu ne devrais pas avoir peur de ce que tu es. Ni de la Force. »

Il se redressa et lui tendit la main.

« Suis-moi. »

La jeune femme dédaigna la main tendue mais se leva à son tour. 

 

A sa grande surprise, Kylo Ren la conduisit à l’extérieur du château de Vador mais, échaudée par son expérience récente, et un peu curieuse, Rey ne tenta pas de fuir. Il les guida jusqu’à ce qui ressemblait de loin à une plage mais se révéla être une étendue de cendres. 

« Qu’est-ce qu’on fait là ? Tu veux me montrer ce qui resterait de moi si tu ne m’avais pas retenue tout à l’heure ?

— Tellement reconnaissante, maugréa le jeune homme avant de lui désigner une grosse pierre plate. Assise. »

Rey fronça les sourcils et croisa les bras.

« S’il te plait, » ajouta-t-il de mauvaise grâce. 

 

Intriguée, elle obtempéra et il se plaça face à elle. Ainsi, il tournait le dos à la rivière de lave qui bouillonnait un peu plus bas. Il suffirait d’une poussée assez forte pour… 

Il roula des yeux et se déplaça pour venir se placer derrière elle. 

« Je veux que tu t’ouvres à la Force. Ressens les choses.

— Je l’ai déjà fait et ça ne m’a rien appris, rétorqua Rey. Ça a été la première leçon de ta mère.

— Arrête un peu de parler et, pour une fois, fais ce que je te demande sans discuter. »

Rey envisagea de riposter mais elle renonça. Plus vite elle ferait ce qu’il voulait, plus vite il la laisserait tranquille. Elle inspira profondément et ferma les yeux.

 

Quelques minutes s’écoulèrent puis :

« Tu te fous de moi… Ou alors Leia est encore plus mauvaise enseignante que je ne le pensais. »

Rey ouvrit les yeux, agacée par la manière dont il traitait sa mère, mais la main gantée de Ren attrapa la sienne, l’enfonçant dans la cendre chaude.

« Aïe ! Ça brûle ! protesta Rey.

— Concentre toi. Dis-moi ce que tu vois.

— Ca aussi Leia l’a demandé », persifla-t-elle.

Elle l’entendit prendre plusieurs inspirations profondes, de toute évidence dans l’espoir de se calmer, et elle ferma les yeux, un léger sourire aux lèvres.

 

La chaleur était suffocante. Il y avait de la douleur, beaucoup de souffrance. Une peine incommensurable. 

 

Le sourire de Rey s’effaça et elle crispa ses doigts dans les cendres.

 « Une femme. Elle est enceinte. »

Le prénom de l’inconnue s’imposa à elle. C’était Padmé. Elle était venue pour Anakin. Parce qu’il était le seul qui comptait, le seul… 

Brusquement, Rey se retrouva ailleurs, dans une époque où elle n’était même née. Padmé, suppliante, faisait face à son amant, son visage marbré de larmes.

 

Je t’aime toujours…

 

« Que vois-tu ? la pressa Kylo Ren, que l’air absent de Rey inquiétait plus qu’il ne voulait l’admettre.

— Elle l’aime toujours, mais… il y a cette, déception… Elle est immense, elle recouvre tout…

— Quoi d’autre ? 

— Un homme. Un Jedi. Obi-Wan, lâcha Rey de plus en plus haletante. Le désespoir, la mort…  Une perte immense… Le chagrin, le renoncement. Plus rien n’a d’importance, désormais... Non, gémit-elle sous le regard attentif de Kylo Ren. 

— Continue, souffla-t-il. Que trouves-tu à l’intérieur de toi ?

— La même chose, le même vide…Je… il m’appelle.

— Va vers lui, n’aie pas peur. Il fait partie de toi. »

 

Rey ne répondit pas, l’esprit assiégé par des images de son passé. Ses parents. Sa main tendue pour les retenir qui se referme sur le vide. Jakku. La peur, la solitude. Puis, le réconfort. Des mains sur son corps. Le plaisir. 

 

Rey ! Résiste-lui.

 

La voix de Leia tonna dans l’esprit de la jeune femme et elle sortit de sa transe, effarée. Les yeux exorbités par la peur, elle s’éloigna maladroitement de la pierre.  Le regard dur, Kylo Ren serra les mâchoires. 

« Tu essaies de me corrompre, de me faire tourner le dos à la Lumière mais tu n’y arriveras pas, lui lança Rey d’une voix entrecoupée par l’émotion.

— Tu n’es pas faite pour être Jedi », rétorqua Kylo Ren. 

Sans répondre, Rey repartit vers le château. 

 

La Résistance, 

 

Holdo se précipita pour retenir Leia. La générale, la main crispée sur le cœur et le teint cireux, se laissa guider jusqu’au siège le plus proche. 

« Générale ? Leia ? Que se passe-t-il ? » s’inquiéta Holdo.

Reprenant son souffle avec peine, Leia leva les yeux sur son amie.

« Rey… Elle est de plus en plus attirée par le Côté Obscur. Be, Kylo Ren, il l’encourage à s’y enfoncer. Amilyn, il faut qu’on la retrouve avant qu’il ne soit trop tard pour la sauver. »

 

( ) ( )

 

Poe fronça les sourcils en découvrant l’absence de Leia et un glapissement inquiet de Chewbacca fit écho à son angoisse. Le visage un peu pâle, Holdo regarda la petite équipe prête à s’envoler vers Coruscant. Avait-elle eu raison de choisir Dameron pour mener une opération aussi délicate ?

« Où est la générale ? l’interrogea Dameron sans la moindre retenue.

— Elle se repose, elle a fait un malaise un peu plus tôt dans la journée. Nous vous serions reconnaissantes de ne pas l’ébruiter. Inutile de paniquer tout le monde. »

Chewbacca grogna et Holdo se tourna vers lui.

« Non, elle va bien désormais. Elle a juste un peu trop puisé dans ses réserves. Ne t’inquiète pas. »

 

Finn s’avança.

« Et Rey ? Des nouvelles ?

— Non, Finn. Mais vous serez les premiers informés si nous découvrons quelque chose. »

Le jeune homme se rembrunit tandis que Paige posait un regard inquiet sur Rose, qui, quant à elle, ne tenait plus d’impatience. Holdo grimaça. 

« Gardez à l’esprit que cette mission est cruciale. Nous attendons de vous que vous respectiez le plan à la virgule près, rappela-t-elle. Pas d’initiative personnelle, ni d’actions flamboyantes dans le but de vous faire remarquer. Suis-je claire ? » 

Son regard s’appesantit sur Poe tandis qu’elle terminait sa phrase.

« Limpide comme de l’eau de roche. On s’introduit dans le palais, on récupère la Balise et on rentre à la maison aussi sec, » résuma le capitaine.

Holdo réprima un sourire et prit l’air sévère.

« Je compte sur vous, Dameron. Cette mission est votre dernière chance. Si vous la mettez en péril, votre habilité dans les airs ne vous sauvera pas la mise cette fois. Je m’assurerais personnellement que vous ne remettiez plus jamais vos fesses dans un Wings. »

Poe se décomposa légèrement tandis que Paige étouffait un rire nerveux.

« Je ne foirerai pas, vice amirale, promis, assura-t-il.

— Pour notre bien à tous, j’espère pouvoir vous croire, se dégela Holdo. Partez maintenant, et que la Force soit avec vous. 

— Attendez, intervint Finn. J’ai un peu parlé de tout ça avec Jannah et elle aimerait venir. »

 

Rose se tourna vers le trooper, les yeux remplis de reproches et Holdo grimaça.

« Je ne doute pas de l’utilité de votre amie sur le terrain mais il vous faudra vous passer d’elle pour cette fois-ci. Nous attendons un visiteur venu spécialement pour la rencontrer. 

— Ah ouais ? s’étonna Finn. Quel genre ?

— Vous le saurez en temps voulu si cela s’avère concluant, s’agaça Holdo. Maintenant, est-ce que…

— On y va », s’empressa de déclarer Poe.

 

Le petit groupe pénétra dans le Faucon Millénium, réparé de frais depuis leurs aventures sur Kef-Bir et Chewbacca poussa un petit soupir de contentement.

« Oui, moi aussi, je commence à m’attacher à cette vieille carcasse », lui renvoya Poe.

 

Pendant ce temps, Paige s’assurait que Rose était bien attachée et la jeune femme la regarda avec agacement.

« C’est bon Paige, j’ai déjà voyagé quand même.

— Excuse-moi, je suis juste un peu stressée, » murmura Paige en s’asseyant à côté d’elle. 

Les mains des deux sœurs s’étreignirent puis le Faucon prit son envol.

 

Le Premier Ordre, 

 

Un léger sourire se forma sur les lèvres de Hux en voyant Kaetix pénétrer dans la salle et rejoindre son poste. S’éclaircissant la gorge, il s’avança au milieu du petit groupe.

« Je suis particulièrement satisfait de votre travail et des informations que nous avons récoltées. Nous avons la situation sous contrôle et bientôt, nous serons en mesure de mettre un terme définitif aux actes de la Résistance. J’ai récemment entendu parler d’un artéfact de Force, une sorte de Balise qui nous permettrait de transmettre un signal de ralliement dans la Galaxie. Nul doute que celle-ci intéresserait fortement notre Suprême Leader. Selon toute vraisemblance, elle se trouve sur Coruscant, dissimulée dans les fondations du Palais Impérial. »

Kaydel se crispa intérieurement. Hux cherchait à marquer des points auprès de Snoke. Si une telle arme tombait entre ses mains, la Résistance était fichue. 

 

Opan afficha une mine réjouie.

« Je pars au plus vite, général.

— Non, j’irais en personne. Il est bon de rappeler aux hommes en poste à Coruscant qui est aux commandes. Kaetix m’accompagnera et me secondera pour cette mission. Après tout, c’est à elle que nous devons cette découverte », ajouta Hux.

La mine d’Opan s’allongea tandis que Kaydel s’obligeait à afficher une mine réjouie de circonstance. Dans quel guêpier s’était-elle encore fourrée ?

 

Kaydel attendit que l’effervescence soit un peu retombée pour se glisser jusqu’à Hux.

« Général ? 

— Qu’y a-t-il ? »

Son ton était légèrement agacé et Kaydel avala sa salive.

« Je, je voulais vous remercier pour votre confiance, mais je ne suis pas certaine d’être la personne indiquée pour vous seconder. J’ai conscience de l’importance que représente un tel objet et… Je n’ai jamais commandé qui ce soit, lâcha-t-elle.

— Vous serez parfaite, Kaetix. Vous avez le pouvoir dans le sang, ça se voit. Du reste, j’ai déjà pris ma décision. C’est vous que je veux avoir à mes côtés et non Opan. Cela vous donnera l’occasion de faire vos preuves sur le terrain et de montrer à tous de quoi vous êtes capable. Cela fera taire les rumeurs qui vous contrarient tellement. »

Un test, c’était encore un de ses maudits tests, songea Kaydel, désespérée, avant de s’effacer.

 

( ) ( )

 

Kylo Ren posa le genou à terre et baissa les yeux, attendant que Snoke prenne la parole.

« Quels résultats as-tu obtenus, Kylo Ren ? As-tu fait des progrès avec cette fille ?

— Oui, Seigneur Snoke. Elle se montre moins fermée à la puissance du Côté Obscur. 

— Ah… Tu penses donc que ton idée d’utiliser ses émotions pour la corrompre était la bonne. »

Kylo Ren releva le visage et fixa Snoke.

« Oui. C’est une orpheline. Elle a souffert de solitude la plus grande partie de sa vie. Elle, elle veut être aimée », déglutit le jeune homme.

Snoke ricana.

« J’imagine que tu ne parles pas seulement d’un niveau spirituel ? 

— Il y a beaucoup de passion en elle… Un, désir qui couve et qui ne demande qu’à s’exprimer. Elle ne comprend pas plus ses pulsions charnelles que la Force. Elle en a honte et les repousse mais n’attend que la possibilité de s’y abandonner. Cela comble un vide en elle et lui donne le sentiment de posséder quelque chose. 

— Qui dit possession, dit peur de perdre… Tu veux utiliser son besoin d’attachement afin de la convaincre de nous rejoindre.

— Je la crois désorientée et seule, elle a besoin d’un guide. Quelqu’un qui l’encourage à exprimer ce qui est enfoui en elle au lieu de le refouler comme elle le fait actuellement. Elle a besoin d’être stimulée pour y parvenir. Physiquement. »

Le jeune homme s’efforçait de garder un ton sans émotion mais Snoke se pencha vers lui.

« Comment sais-tu tout cela ? L’as-tu touchée ? »

 

Kylo Ren serra les poings et songea au moment où il l’avait caressée. Une transgression manifeste aux ordres de Snoke. Selon son maitre, la frustration et la souffrance qu’elle lui procurait renforçaient son pouvoir obscur. Ainsi, il pouvait libérer sa fureur destructrice.

« Pour lui faire admettre sa nature profonde, Suprême Leader, » reconnut Kylo Ren.

Son maitre garda longuement le silence et le jeune homme resta immobile, tête basse en guise de soumission. Finalement Snoke reprit la parole :

« Cela a éveillé des choses en toi. Soit. Jusqu’à présent, je t’ai toujours encouragé à exprimer sans détour tes pulsions. Ta rage, ta frustration, ta soif de pouvoir... Toutes sauf celle-ci. Sais-tu pourquoi, mon apprenti ? »

Kylo Ren secoua la tête, honteux.

« Non.

— Parce que tu n’étais pas prêt pour ça. Je perçois toujours une attirance pour la Lumière en toi.

— Je la repousse, Maitre, lui rappela Kylo Ren d’une voix très basse. 

— Me voici donc face à un dilemme, poursuivit Snoke. Dois-je te laisser utiliser ses désirs charnels et les tiens pour la corrompre en sachant que je prends ainsi le risque que tu t’attaches à elle et que tu te tournes vers la Lumière ? 

— C’est son sentimentalisme qui a causé la chute de Vador, intervint Kylo Ren. Je ne commettrais pas cette erreur. Il me semble vous l’avoir prouvé quand je me suis retrouvé face à Han Solo. Je l’ai tué. »

En dépit de ses efforts, sa voix tremblait un peu au souvenir de son acte mais Snoke ne releva pas.

« Cela est juste. Soit. Il est temps pour toi de libérer ton potentiel et de laisser libre cours à toutes tes pulsions. Si cela s’avère nécessaire pour qu’elle nous rejoigne, utilise son désir et assouvi le tien, mais ne te laisse pas prendre au piège de l’attachement, Kylo Ren. Tu le paierais très cher. Tout comme elle. »

 

( ) ( )

 

Snoke partit, Kylo Ren se laissa tomber devant le casque calciné de Vador qu’il avait récupéré dans les ruines de la seconde Etoile de la Mort, des années plus tôt.

« Je ne vous décevrai pas, grand-père. Contrairement à vous, je ne laisserai rien, ni personne, se dresser sur ma route. Je ne m’attacherais pas à elle. »

 

La Résistance, 

 

« Coruscant est vachement bien gardé, observa Finn.

— Non ? Tu crois ? railla Poe. Pourquoi tu crois qu’on a envoyé un équipage discret ? »

Finn se raidit tandis qu’ils entraient en communication avec les autorités.

« Cargo YT-1300, déclinez vos noms et votre manifeste.

— Poron Dame, annonça Poe. Cinq membres d’équipage plus un droïde. Nous avons une cargaison de bière Corellienne pour le Premier Ordre. 

— Ah, enfin une bonne nouvelle ! crachota son interlocuteur.

— Vous m’étonnez ! Avec le nombre d’hommes que vous avez en poste ici, un peu de ravitaillement est sûrement bienvenu, » plaisanta Poe.

Stupéfait par l’aplomb de son ami, Finn se tourna vers Paige.

« Sérieux, on dirait qu’il a fait ça toute sa vie ! »

La jeune femme lui renvoya un regard las.

« Crois-moi, moins t’en sais sur le passé de Poe, mieux ça vaut. »

 

Sur ces mots, elle se dirigea vers l’arrière du cargo afin de revêtir les uniformes de livreurs qu’ils s’étaient procurés. Finn lui emboita le pas.

« Ça veut dire quoi ça ? Qu’est-ce qu’il faisait avant ? »

Paige se retourna vivement vers lui.

« C’est pas à moi de te le dire. Si Poe voulait que tu sois au courant, il te l’aurait déjà confié. Maintenant, tu comptes t’en aller pendant que je me change ou tu prévois de mater ? »

Embarrassé, Finn se retourna vivement afin de lui assurer un peu d’intimité tandis que le Faucon se posait. 

 

Le Premier Ordre, 

 

Mal à l’aise et engoncée dans son uniforme, Kaydel posa le pied sur le sol de Coruscant, précédée par la rumeur. Elle était la protégée du général Hux et ils étaient tous deux des invités de marque pour l’officier qui tenait la place. 

« Général Hux, capitaine Cottbick, c’est un honneur », commença-t-il.

Nerveuse, Kaydel hocha la tête tandis que le général se tournait vers leur hôte.

« Avez-vous trouvé ce que je vous ai demandé ? »

Un peu déstabilisé, le chancelier administrateur s’inclina et leur fit signe de le suivre.

« J’avais pensé que vous apprécieriez de vous restaurer avant. J’ai fait préparer une légère collation à votre intention et nous avons justement une livraison de bière corellienne en cours », se réjouit-il en désignant un cargo.

 

Le soulagement fit si intense que Kaydel faillit défaillir. Elle aurait reconnu ce vaisseau n’importe où : c’était celui de son père, ce qui signifiait que, d’une manière ou d’une autre, la Résistance avait appris l’existence de la Balise. Il lui suffisait juste de leur accorder un peu de temps afin qu’ils mènent leur mission à bien et elle n’aurait pas à mettre en pratique le plan tordu qu’elle avait imaginé pour mettre l’artéfact hors service. A croire que la Force était avec elle ! 

« Un rafraichissement serait effectivement bienvenu », déclara-t-elle avec un sourire lumineux. 

Hux lui jeta un petit regard en coin et inclina la tête dans sa direction avant qu’ils emboitent tous les deux le pas à leur hôte.

 

La Résistance, 

 

« Rose, on n’a pas toute la journée, s’impatienta Poe. Ils ne croiront jamais que décharger des futs de bière prenne autant de temps.

— Arrête de lui crier dessus, le reprit Paige. Elle fait ce qu’elle peut.

— Je ne lui…

— Taisez-vous ! Tous les deux, les coupa Rose. J’y suis presque et j’ai besoin d’être concentrée pour la dernière étape. »

 

Quelques secondes plus tard, un léger clic se fit entendre et Poe poussa un soupir de soulagement.

« Bravo, Rose. 

— Vous avez une vingtaine de minutes avant qu’ils ne se rendent compte que cette porte est déverrouillée, à votre place je…

— On se magne ! l’interrompit Finn. 

— Paige, tu continues à décharger avec ta sœur. Ensuite, vous décampez et vous nous attendez à l’endroit convenu. Chewie, tu te tiens prêt à un décollage en urgence », lança Poe.

Il déposa un baiser léger sur les lèvres de Paige avant de s’engouffrer dans le palais, flanqué de Finn. 

 

« Pourquoi c’est nous qui devons porter les futs de bière et pas eux ? » se troubla Rose.

Paige lui renvoya un regard blasé.

« Parce que c’est comme ça. Allez, on y va… »

 

Le Premier Ordre, 

 

Kaydel regarda avec curiosité autour d’elle et le malaise la saisit à la vue des étendards sombres aux armes du Premier Ordre déployés un peu partout dans le Palais.

« Impressionnant, n’est-ce pas ? se félicita leur hôte. Général Hux, j’espère que cela vous plait. Vous voir ici est un véritable honneur. Comme vous pouvez le constater, j’ai particulièrement soigné le décorum.

— Je n’en doute pas, » murmura Kaydel du bout des lèvres tandis que Hux affichait un air triomphant.

Tout dans cet endroit était oppressant, comme si une main sombre et néfaste se refermait sur elle. 

« Vous vous sentez bien, Kaetix ? Vous êtes toute pâle… » s’inquiéta Hux.

Kaydel s’empressa de se reprendre et lui décocha un sourire.

« La soif, sans doute, » plaisanta-t-elle.

 

Tandis que l’homme leur détaillait les prochains travaux de rénovation du Palais, Kaydel étendit prudemment ses sens dans la Force. Contrairement à son aîné ou à son oncle, elle n’avait pas hérité de la sensibilité légendaire des Skywalker. Cependant, elle était plus réceptive que la moyenne, surtout lorsqu’elle se trouvait dans des endroits où la Force était puissante. Un battement de cœur puis un murmure… vers l’ouest. Soit à l’autre bout de la zone de livraison. Elle avait plutôt intérêt à gagner du temps, en admettant que les résistants sachent où chercher…

 

La Résistance, 

 

L’endroit grouillait tellement de monde qu’il fut facile à Poe et Finn de se faufiler dans le Palais. Ils s’apprêtaient à prendre le virage qui menait aux souterrains lorsque Poe stoppa Finn d’un geste. 

« Officiers, » articula-t-il silencieusement. 

Des huiles s’il en croyait le nombre de troopers qui composait l’escorte. 

 

« On raconte que nul n’a vu Kylo Ren depuis plusieurs jours, se trouve-t-il auprès du Suprême Leader ? » interrogea l’un des membres du groupe au même moment.

La réponse se perdit dans le brouhaha et Finn s’avança au mépris de toute prudence. 

« Finn, pesta Poe. Qu’est-ce que tu fais ?

—C’est Hux en personne. Il sait sûrement où est Rey, » lui lança le jeune homme avant de se lancer à leur suite.

 

Poe leva les yeux au ciel.

« Oh, mais c’est pas vrai, on est pas là pour ça ! » gémit-il avant de suivre Finn. 

 

Le Premier Ordre,

 

La salle préparée pour recevoir Kaydel et Hux était à la hauteur de la démesure du Premier Ordre. La collation dont leur avait parlé leur hôte aurait pu nourrir la base entière de la Résistance pendant deux jours. Écœurée intérieurement par autant de gâchis, la jeune femme s’obligea à faire bonne figure. Elle s’installa devant les plats et laissa un droïde la servir copieusement. 

 

Un mouvement attira brusquement l’attention de Kaydel et elle glissa un regard vers l’embrasure de la porte. Son cœur manqua un battement en reconnaissant le trooper renégat sur lequel Rey veillait si jalousement. 

« Surprenant que vous soyez ici pour récupérer un artéfact lié à la Force, déclara au même moment leur hôte. J’aurais cru que le Suprême Leader enverrait Ren pour cette tâche. Enfin, je ne me plains pas du changement, » lâcha-t-il en fixant Kaydel et en ponctuant ses propos d’un rire gras.

Kaydel grimaça un sourire poli tout en jetant un nouveau coup d’œil en direction de la porte où Poe Dameron tirait le trooper par le bras en pure perte. Pendant une fraction de seconde, elle croisa le regard du pilote et sut que ce dernier l’avait reconnue. Elle retint son souffle, le cœur battant à tout rompre, et s’obligea à revenir à la conversation.

« Ren est occupé par autre chose, déclarait Hux. Comme vous l’avez dit, cela fait un moment qu’il est absent. 

— Et il ne manque à personne », ajouta Kaydel sur une impulsion.

Sa remarque attira un nouveau rire chez ses compagnons et elle se força à sourire, évitant de regarder en direction de la porte.

« J’aime beaucoup votre nouvelle recrue, général Hux, déclara leur hôte.

— Moi aussi », murmura Hux de façon quasi inaudible.

 

La Résistance, 

 

Poe, les yeux agrandis de stupeur, fixait la femme assise à table, sans croire tout à fait ce qu’il voyait. 

« Merde, ils savent rien, » pesta Finn. 

La voix de Kaydel leur parvint, plus forte qu’auparavant.

« Ce palais est magnifique, j’ai hâte de voir l’aile ouest, lança-t-elle en jetant un bref regard à Poe.

— Excellent choix, commenta le chancelier administrateur. Vous avez un instinct certain. C’est là que j’ai choisi d’installer mes appartements.

 — Vraiment ? Quelle coïncidence ! » fit mine de s’enthousiasmer Kaydel. 

 

A cet instant, la sirène d’alerte se déclencha et Poe attrapa Finn par le bras.

« On dégage… »

 

Les deux comparses se précipitèrent vers l’escalier menant aux souterrains devant lequel ils étaient passés un peu plus tôt et, à la grande surprise de Finn, Poe passa devant ces derniers sans s’arrêter.

« Qu’est-ce que tu fais ? le rappela Finn. Holdo a dit que la Balise était dans les souterrains ! 

— Elle n’y est plus, ils l’ont déplacée dans le secteur ouest. Les appartements du chancelier administrateur.

— Ah bon ? s’étonna Finn avant de courir à sa suite. Et comment on le sait ? »

 

Le Premier Ordre, 

 

Kaydel se redressa d’un bond et referma la main sur son blaster.

« Des intrus ? cracha Hux à leur hôte. Je ne vous félicite pas pour votre protocole de sécurité ! »

Le général repoussa violemment son siège.

« Où avez-vous mis la balise ? Est-elle toujours dans les souterrains ?

— Non, je, je l’ai fait mettre en lieu sûr dans mes appartements, balbutia leur hôte. Vous croyez qu’ils sont là pour…

— A votre avis ? » lâcha le roux avant de faire signe à l’escadron de les suivre.

 

Tout en faisant mine de se hâter, Kaydel inspira. Pourvu que Poe l’ait entendue, pourvu qu’il l’ait comprise, pourvu qu’ils ne se fassent pas prendre… Pourvu que…

« Déployez-vous. Kaetix, vous et les troopers de la section TZ, allez aux appartements du chancelier administrateur et assurez-vous que nul n’y pénètre, ordonna Hux. Le reste, avec moi dans les souterrains, il faut trouver ces renégats. »

Au grand dam de la jeune femme, les troopers s’éparpillèrent dans le palais. Il ne restait plus qu’à espérer que Dameron soit aussi bon que sa mère le disait.

 

La Résistance,

 

La sphère semblait si insignifiante qu’ils faillirent la manquer. Soigneusement protégée par une cloche transparente, elle luisait légèrement ce qui attira le regard de Poe sur elle.

« On l’a, souffla-t-il, soulagé avant de la glisser dans sa veste.

— Sérieux, comment tu savais où la trouver ? 

— Pas maintenant. Paige, on est dans le palais, côté ouest. J’ai besoin que BB-8 nous trouve une issue et que vous veniez nous récupérer à la sortie, » débita-t-il dans son comlink individuel. 

Le pilote attendit ce qui leur sembla à tous deux de longues minutes, conscients des bruits de bottes qui résonnaient partout.

« Vers le sud, quelques mètres devant vous. Il y a un tunnel muré, enfin selon BB-8, je t’envoie la localisation précise, » déclara Paige. 

Poe s’élança dans la direction indiquée.

« Mais s’il est muré, comment veux-tu qu’on… »

Concentré sur son comlink, Poe ne répondit pas. Une fois arrivé devant l’emplacement du tunnel, il s’empara d’une statue dont il se servit comme d’un bélier.

 

Ils y étaient presque. 

Ils avaient dégagé une issue lorsque le Premier Ordre arriva vers eux. 

« Plus un geste ! Vous êtes cernés, » lança Kaydel, qui déboucha la première dans la pièce, la peur au ventre et le blaster pointé vers eux.

Poe s’élança dans l’issue pratiquée tandis que Finn se mettait en position de combat. Le pilote attrapa son ami par le bras.

« Pas le temps pour ça. On dégage »

Finn grimaça puis fixa l’officier qui les menaçait. Elle était comme toutes les autres. 

« Finn ! On décroche ! » lui rappela Poe d’une voix pressante.

 

La main sur son blaster, Kaydel sentit les troopers dans son dos. Dans quelques instants, ils seraient à sa hauteur. Elle n’avait pas le choix, elle ne pouvait pas se permettre que l’on soupçonne qu’elle les avait laissé filer. Au moment où elle appuyait sur la détente, visant le mur, le laser de Finn la toucha. La douleur inonda sa poitrine et elle tomba à genoux sur le sol tandis que Finn se jetait dans le tunnel à la suite de Poe.

 


Chapitre 10                                                                                                      Chapitre 12


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