Chapitre 11 : Méprise


Contrairement à ce qu’avait espéré Arabella sa vigoureuse protestation face aux avances à peine subtiles de Fitzwilliam n’eut pas l’effet escompté, à savoir faire en sorte qu’il garde ses distances vis-à-vis d’elle… En effet, Fitz se présenta à sa porte moins d’une semaine après leur rencontre fortuite et deux jours après le départ forcé de Fiona, laquelle, cela allait sans dire, n’avait jamais revu l’amant si pressant qui était la cause de ses malheurs.

 

La jeune femme ne fit donc aucun effort pour retenir le soupir agacé qui lui échappa lorsqu’elle alla ouvrir sa porte et découvrit derrière celle-ci un Fitz en uniforme d’apparat, flanqué de son jeune ordonnance, celui la même sur lequel elle avait déversé sa rage lors de sa visite au fort.

« Bonjour Bella. Lui déclara Fitz en soulevant son chapeau, un large sourire aux lèvres

- Fitzwilliam. Répondit la jeune femme aussi froidement qu’elle pouvait se le permettre au vu des fonctions qu’exerçait son ancien compagnon d’aventure. James … » Ajouta-t-elle avec plus de chaleur à l’adresse du jeune ordonnance.

Ce dernier eut, contrairement à son cousin, la délicatesse de paraître gêné, en effet la posture d’Arabella suffisait à elle seule pour comprendre qu’ils la dérangeaient, ce qui le rendit un peu plus sympathique encore aux yeux de la jeune femme dont le sourire s’accentua.

 

Fitzwilliam s’en aperçut et son visage s’assombrit légèrement tandis qu’il reprenait à l’adresse de la jeune femme.

« J’aimerais te parler Bella. Seul à seule. Déclara-t-il. James restera dehors. »

A cette précision, le visage de l’ordonnance prit une expression résignée et il s’écarta légèrement, évitant soigneusement de regarder en direction d’Arabella.

«  Il fait trop froid pour rester dehors. Souligna la jeune femme. Et sans vouloir te vexer il me semble à moi que nous nous sommes déjà tout dit. »

 

Fitz se crispa légèrement et la regarda avec raideur

« Permet moi de te contredire Bella. Nous sommes loin de nous être tout dit. Maintenant laisse-moi entrer s’il te plait. » Déclara-t-il d’un ton qui démentait la politesse feinte de sa demande.

La jeune femme ne s’y trompa pas et blêmit légèrement

« D’accord mais il me semble pourtant que ton… cousin serait mieux à l’intérieur. Comme je te l’ai déjà dit il fait froid. » Insista-t-elle pourtant, peu désireuse de se retrouver seule avec Fitz

Ce dernier lança un regard méprisant à James qui n’avait pas bougé

« Un peu de froid ne fera aucun mal à James. S’il veut faire une carrière passable dans l’armée, il devra affronter bien pire que les rigueurs du climat écossais. Rétorqua-t-il. Du reste, n’est-ce pas tes enfants que j’aperçois là-bas ? Demanda-t-il en désignant Will et Rebecca qui s’amusaient à quelques mètres de là

- Si… En effet. Soupira Arabella avec la désagréable impression d’être une souris qu’un chat venait d’attraper

- Alors l’affaire est réglée. Triompha Fitz. A moins que tu ne penses qu’un soldat est moins aguerri au froid que deux enfants en bas âge… Ce qui je te l’accorde pourrait être défendable dans le cas de cette chiffe molle. »

 

Arabella rougit de gêne pour James tandis que ce dernier se contentait d’une brève crispation des mâchoires, son regard seul laissant transparaître sa colère.

« Bien… Dans ce cas entre. Soupira à regret la jeune femme en s’effaçant pour le laisser passer

- Surveillez donc les enfants James. Cette dame et moi nous risquons d’en avoir pour un moment. » Ordonna sèchement Fitz

Les épaules d’Arabella s’affaissèrent un peu plus à cette déclaration et elle referma à regret la porte derrière son indésirable invité

 

Une fois à l’intérieur la jeune femme contourna prudemment la table, s’assurant que cette dernière soit entre Fitz et elle

« Est-il nécessaire d’être aussi dur et méprisant envers ce garçon ? Demanda-t-elle, désireuse d’orienter le sujet sur un terrain sûr. D’autant plus qu’il est ton cousin si j’ai bien compris. »

Fitz renifla avec mépris et le souvenir de l’agacement qu’elle ressentait pour lui dans le passé revint avec force à Arabella.

«  Lui ? Ce n’est qu’une poule mouillée… Un pleutre qui non content d’avoir fait échouer notre plan pour capturer Jack s’est laissé sauver de la noyade par le Capitaine Teague.

- Et bien qu’aurait-il donc du faire selon toi ?

- Se laisser mourir. Rétorqua Fitz. Au moins il serait mort en brave… A la place il vit en couard. »

 

Arabella frissonna

« Tu es devenu dur Fitzwilliam… Ou peut-être l’as-tu toujours été au fond… Après tout .. Tu jouais un rôle lorsque nous nous sommes rencontrés…

- Pas tout le temps Bella… Pas tout le temps… » Souffla Fitz en la fixant d’un regard brillant

La jeune femme se traita mentalement d’idiote pour s’être laissé entraîner sur ce terrain glissant et se leva nerveusement

 

Le silence, pesant, tomba sur la pièce et les deux amis (ex amis ?) se jaugèrent un instant du regard jusqu’à ce que Fitz ne se décide à parler.

« Tu ne me proposes pas une tasse de thé ? Décidemment ton sens de l’hospitalité est à revoir »

Heureuse d’avoir une excuse pour retarder le moment qu’elle redoutait, Arabella se leva rapidement et attisa le foyer

« Je crains que mon thé ne soit pas aussi bon que celui auquel tu es habitué. Déclara-t-elle d’une voix tendue. Depuis que les soldats ont levé de nouveaux impôts nos moyens sont limités…

- Ne t’en fait pas Bella. Je suis certain que tout ce que tu pourras m’offrir me plaira. » Répondit Fitz.

 

La jeune femme se sentit rougir, consciente du regard de Fitz sur elle. Les yeux de l’amiral la détaillaient, s’attardant au creux de ses reins avant de revenir se poser sur sa nuque qui sembla brutalement brûlante à la jeune femme. Le rose aux joues, Arabella se mordit nerveusement la lèvre inférieure, elle regrettait à présent la vanité qui l’avait poussée à se faire belle et attrayante chaque matin depuis qu’elle savait le retour de Bill proche. Serrant sa boite à thé dans ses mains tremblantes, elle se décida à se retourner, offrant du même coup la vision de son corsage dont elle avait à présent douloureusement conscience qu’il était un poil trop audacieux à Fitz. Ce dernier sourit et l’admira sans réserve, ses yeux parcourant rapidement le visage de la jeune femme en s’attardant sur ses lèvres pleines avant de descendre lentement vers sa poitrine épanouie pour finir leur course sur sa taille fine.

 

Fitz soupira

« Chaque fois que je te vois tu ne cesses de m’étonner Arabella

- Pourquoi cela ? Répondit la jeune femme que le feu de son regard mettait mal à l’aise

- Parce qu’à chaque fois que je te vois… Tu te débrouilles pour être plus belle encore que dans mes souvenirs. » Soupira Fitz de plus belle.

Arabella frémit en l’entendant et se décida à agir ou tout moins à parler.

« C’est très flatteur Fitz mais je doute que tu sois venu pour ça .. Alors va au fait s’il te plait. »

L’amiral sourit de nouveau et lui désigna l’eau

«  Je crois qu’elle ne va pas tarder à bouillir. Déclara-t-il sobrement. Et j’aimerais bien avoir mon thé avant… »

Arabella baissa les yeux, cherchant désespérément comment s’en sortir tandis qu’elle effectuait les gestes machinaux de la « cérémonie » du thé

«  Merci. » Répondit Fitz alors qu’elle le servait

 

A bout de nerfs, les larmes aux yeux à la pensée qu’elle allait peut être perdre tout ce qu’elle s’était acharnée à construire, Arabella se laissa tomber sur la chaise qui faisait face à Fitz

« S’il te plait Fitz… Si … Si tu es venu pour m’arrêter, dis-le maintenant. Se décida-t-elle à dire d’une voix tendue

- Toujours aussi peu patiente. » Se moqua Fitz avant de reprendre son sérieux.

Arabella suivit ses gestes des yeux, surprise de le voir sortir une liasse épaisse de papiers de son veston

 

Fitz regarda un bref instant les feuilles et les posa sur la table avant de les pousser vers elle. Un peu désorientée, Arabella releva les yeux et attendit une explication

« Le rapport de Schatz. Expliqua Fitz avec froideur. Je pense que maintenant tu comprends pourquoi je souhaitais te voir en privé

- Oh… Murmura Arabella qui se sentait plus stupide que jamais

- Oui… Oh… Releva Fitz avec une triste ironie.

- Je, je ne pensais pas… » Balbutia la jeune femme

Fitz leva la main, l’arrêtant d’un geste

« Si tu permets Bella. Il est inutile que tu m’expliques ce que tu as pensé en me voyant. Je me le représente assez bien. »

De plus en plus honteuse, Arabella ouvrit la bouche pour répondre mais une fois de plus Fitz ne lui en laissa pas l’occasion

« Laisse-moi finir Arabella. Ce n’est pas plus agréable pour moi que pour toi d’évoquer ce … sujet mais cela est de toute évidence nécessaire »

 

Arabella ne répondit pas et songea que si elle pouvait disparaître à l’instant elle le ferait. Les yeux dans les siens Fitz reprit

« Oui. C’est vrai je suis revenu pour toi. Parce que je me suis dit … Que maintenant que ton mari était au loin. Nous aurions peut-être une chance… Bella si tu voulais de moi … Je t’offrirais tout ce que je possède… Et peut-être même ce que je ne possède pas… Même si ce n’était .. Que pour une nuit… » Soupira douloureusement Fitz.

La bouche sèche, Arabella prit sa tasse d’une main tremblante

« Je suis désolée Fitzy…. Vraiment… Souffla-t-elle. Mais…

- Mais de toute évidence tu préfères être l’épouse fidèle d’un marin sans cesse parti au loin que la maîtresse d’un amiral. Ironisa tristement Fitz. Il faudrait que je sois bien sot pour ne pas l’avoir compris.

- Je suis désolée… Répéta Arabella. Mais Billy…

- Je sais. La coupa Fitz. Du reste ce n’est pas parce que tu ne veux pas de ce que je suis prêt à t’offrir que je ne te proposerais plus mon aide… Du moins… Si tu es disposée à accepter au moins cela… C’est pour ça que je suis venu Bella. Je n’ai plus d’autres espoirs. »

 

Arabella se sentit rougir de honte une fois de plus et hocha la tête en signe d’accord, les mots lui manquant pour soulager une peine dont elle se savait responsable et qu’elle ne pourrait jamais réparer.

« Bien maintenant que les choses sont claires … Lis donc. » Lui enjoignit Fitz

Arabella s’empressa de s’emparer des feuillets, blêmissant à mesure qu’elle lisait.

 

Une fois sa lecture terminée, elle releva les yeux sur Fitz qui la fixait, impassible

«  Que … que comptes tu faire ? »

Fitz tapota nerveusement la table de ses doigts

« Et bien je pense que nous pourrions aisément l’alléger de certaines feuilles… »

Arabella se sentit un peu rassérénée par cette déclaration et posa les yeux sur le rapport accablant qu’elle tenait toujours

« Je.. Mais est-ce que ce n’est pas risqué ?

- Bien sûr que si et tu le sais Bella. Cependant mes récentes victoires m’offrent un certain crédit à la Cour. Je pense que la dizaine de pirates que j’ai fait pendre le mois dernier est une preuve suffisante de mon acharnement à les détruire. »

 

Arabella blêmit à ses paroles et elle posa un regard bouleversé sur lui

« Ta mère ne faisait bien entendu pas partie du lot ! » S’exclama Fitz

Gênée, Arabella baissa rapidement les yeux

« Je sais… Je ne pensais pas à elle , je pensais à … tu sais

- Sparrow continue à me filer entre les doigts. Répondit Fitz d’une voix rude. Et je t’avertis tout de suite qu’il est inutile de plaider sa cause. Même toi tu n’arriveras pas à me faire changer d’avis à son sujet. »

Le cœur d’Arabella se serra un peu à cette déclaration. Pour elle la haine de Fitz était comme une ombre planant sur ce qu’elle avait l’habitude de considérer comme l’une des périodes les plus heureuses de son enfance

« Je ne comprends pas Fitzy.. Pourquoi le détestes-tu à ce point ?

- Parce qu’il est tout ce que je méprise. Arrogant, sans raison de l’être. Lâche, manipulateur… Stupide. Et c’est un pirate.

- Mais, je l’ai été moi aussi. Nous l’avons tous été. Même toi. »

 

Fitz secoua négativement la tête

« Non Bella. Tu n’as jamais été un pirate. Tu as un cœur trop noble pour ça.

- Mais Jack aussi a su faire preuve de noblesse… Souviens-toi. »

Le regard de Fitz se chargea d’orage il répondit de manière cinglante

« Je ne tiens pas à me souvenir Bella. Et je te l’ai dit rien ne le sauvera. Savvy ? » Ironisa-t-il, reprenant à son compte l’une des expressions favorites de Jack.

Arabella secoua la tête, remplie d’incompréhension

« Fitz …

- Tu l’as toujours préféré à moi de toute manière. La coupa Fitz avec amertume

- Voyons c’est faux ! Protesta la jeune femme

- Bien sûr que si. Sinon pourquoi tu le défendrais encore ? Alors même que je mets ma carrière en péril pour te venir en aide, tu continues à prendre son parti contre le mien. »

Les yeux d’Arabella s’élargirent

« Mais non… Je ne prends pas parti… Je pense simplement que tu n’es pas très juste avec Jack.

- Sans doute parce qu’il ne l’a jamais été avec moi. » Rétorqua Fitz, la mâchoire serrée au souvenir des moqueries de Jack à son encontre.

 

Arabella soupira et chercha quoi dire mais Fitz la devança

« Bref. Ne parlons plus de lui tu veux… On doit s’atteler à ce rapport en espérant que Schatz n’en ait pas un autre exemplaire »

L’urgence du danger ramena Arabella au présent et elle tressaillit

« Une copie ? Seigneur … » Murmura-t-elle, son regard se posant malgré elle sur les lignes où Schatz relatait avoir entendu dire qu’une femme aux cheveux roux était venue la voir la nuit du 3 au 4 Septembre

Fitz s’emporta brutalement

« Bon sang Arabella !! Pourquoi diable n’as-tu pas été plus prudente !! Tu te rends compte des dégâts qu’un tel rapport aurait pu faire si un autre que moi était venu ici ???

- Je me rends compte… Murmura Arabella. Pourtant je t’assure… Qu’ils prennent leurs précautions…

- CA N’EST PAS SUFFISANT. Martela Fitz. Bella ils ne doivent plus venir. Est-ce que tu comprends ? Je ne serais pas toujours là pour te protéger…

- Ils viennent pour Becca… Leur dire de rester loin d’elle… C’est cruel… Répondit la jeune femme

- Bon sang Bella !! Il serait encore plus cruel de voir ta famille pendue. Rebecca y compris !! »

 

Une vague nausée submergea Arabella

« Becca n’est qu’une enfant…

- Parce que tu crois que ça arrête la justice ? C’est de la graine de pirate Bella et pas autre chose !! Si tu es encore sous surveillance, c’est que je n’ai pas réussi à les convaincre de la véracité de ton histoire. Ils pensent que je me suis fait abuser.

- Mais… Commença Arabella

- Tais-toi ! S’exclama Fitz avec violence. S’ils te guettent c’est à cause de ta foutue Rebecca !! Tu comprends ça ?

- Oui… Répondit Arabella, rouge de colère. Mais ce n’est qu’une enfant

- Une enfant qui se balancera au bout d’une corde si jamais ce rapport arrive tel quel sur la table des ministres !!! Comme ton fils au passage. »

 

Arabella hoqueta brutalement

« Mais on … ne pend pas des enfants…

- Bon sang Bella !! Réveille-toi. Ce n’est plus un jeu comme lorsque nous étions sur le Bernacle. C’est une guerre que nous menons contre les pirates. »

Arabella retint la réponse acide qui lui venait et qui avait trait au fait que Fitz menait déjà cette guerre à l’époque et fixa le rapport

« Bella… S’adoucit Fitz. Je sais que tu aimes Rebecca. Tout comme tu aimes Laura. Mais toutes les deux… Elles sont le plus grand péril qui soit pour ta famille… »

Rageuse, d’autant plus qu’elle était bien forcée d’avouer qu’il n’avait pas tout à fait tort, Arabella rétorqua d’une voix forte

« Mais que voudrais tu que je fasse ? Que j’abandonne Becca ? Bon sang Fitz peu importe ce qu’on en dit c’est MA fille !!! »

Fitz soupira

« Dans ce cas Bella… Fait en sorte qu’elle n’ait qu’une seule mère… ».

 

Arabella détourna les yeux. Fitz avait raison … C’était la seule chose à faire. Pourtant elle savait au fond d’elle qu’elle ne le ferait pas. Elle ne pouvait pas infliger cela à Laura. Pas plus qu’à Reece, pas après avoir pu voir le bonheur qu’ils ressentaient lorsqu’ils passaient quelques heures volées avec Becca. Fitz soupira et comprit à l’expression de son visage qu’elle n’entendrait pas raison. Il lui prit doucement la main

« Tu es têtue Bella. Cependant … Je t’en prie… Sois prudente.

- Je le serais… » Souffla-t-elle, consciente de la pression de la main de Fitz sur la sienne et un peu gênée

L’amiral le comprit et la relâcha, une expression résignée sur le visage

« Allez Bella… Nous ferions mieux de nous remettre au travail… et de rendre inoffensif ce rapport. Pour le reste… Sache que je ne reviendrais pas te voir cette fois … »

Arabella releva les yeux

« Fitzy je ne te chasse pas…

- Mais tu ne veux pas de moi… Soupira-t-il. Et puis de toute manière… Afficher une relation entre nous, quelle qu’elle soit… Serait trop dangereux…. Fait très attention à celui qui va remplacer Schatz. C’est un certain Mercer. Il est jeune mais c’est un vrai scélérat

- Scélérat ? Moi qui croyais que les hommes du Roi étaient tous d’honorables gentilshommes. » Releva Arabella, cherchant à alléger l’atmosphère par une boutade.

 

Contrairement à ce qu’elle avait espéré, sa réflexion ne dérida pas Fitz

« Mercer n’est pas un homme du Roi… Il agit .. De manière autonome et ne renâcle à aucune traîtrise … Et avant que tu le dises oui c’est moi qui dit ça … Parce que crois-moi Bella, ce que j’ai fait en infiltrant l’équipage de Sparrow n’est rien à côté de ce dont cet homme est capable… Il est dangereux Bella.. Plus grave encore, je le soupçonne d’agir dans l’ombre pour un autre. Son nom ne te dira sans doute rien. Ce n’est pour l’instant qu’un simple grouillot pour la Compagnie… Mais j’ai bien peur qu’un jour le monde n’apprenne à connaître douloureusement le nom de Cutler Beckett…. Soupira Fitz

- Beckett ? Releva Arabella, cherchant désespérément où elle avait entendu ce nom

- Oui. Beckett. Un ambitieux tu peux me croire… Mercer travaille pour lui… Seulement ils sont trop malins pour se faire prendre. Mais crois-moi Bella. Si c’est Mercer qui est envoyé pour te surveiller… Beckett est derrière tout cela même si je ne sais pas quel intérêt tu peux avoir pour lui. »

 

Arabella l’interrompit soudainement

« Je sais où j’ai entendu ce nom… Beckett. Ma mère m’a parlé d’un Beckett qui aurait confié un navire à Jack… Et qui s’est vu… Dégradé je crois, parce que Jack a libéré la cargaison d’esclaves qu’il transportait… »

Fitz blêmit

« C’est donc … qu’il connaît ton passé. Raison de plus pour ne plus nous revoir après aujourd’hui Bella.

- Mais je n’ai jamais revu Jack…

- J’espère pour toi que c’est vrai Bella… Vraiment. Soupira Fitz. Parce que si tu me juges acharné… Ce n’est rien à côté de Beckett. Maintenant mettons-nous au travail tu veux ? J’aimerais autant ne pas perdre de temps. »

Un peu sonnée par toutes ces révélations, Arabella hocha la tête et tous deux se penchèrent sur le rapport de Schatz

 

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Tandis qu’Arabella et Fitz falsifiaient le rapport de Schatz avec entrain, James lui, se tenait devant la porte, droit comme i, son regard vert flottant sur les deux enfants sans les voir, l’esprit occupé à remâcher les humiliations répétées que lui infligeait son cousin. Cela faisait maintenant un peu plus d’un an que James servait Fitzwilliam. Un an que son père, l’Amiral Lawrence Norrington avait posé ses yeux méprisants sur lui et lui avait enjoint de ne pas déshonorer un peu plus leur famille et de se comporter avec décence puisqu’il le jugeait incapable d’honneur. Honneur… Le mot laissait un goût amer dans la bouche de James…

 

Pour sa famille honneur signifiait servir le Roi. Et s’il en jugeait par ce qu’il devait probablement se passer à l’intérieur de la maisonnette, les Norrington ne plaçaient la fidélité à leur épouse dans la catégorie honneur… Le jeune homme soupira lourdement en songeant à Viola, l’épouse certes ennuyeuse mais aimante de Fitzwilliam. Comment réagirait-elle en apprenant que son mari courait aussi ostensiblement après une femme ? Sans doute de la même manière que sa mère à lui.. Avec honneur et dignité, l’autre exigence de la famille Norrington. Sauf que lui, personne ne pensait qu’il était honorable et digne … Tout ça parce qu’il avait eu la malchance d’être sauvé de la noyade par un pirate quelques années plus tôt. Il avait beau n’être qu’un enfant à l’époque, cet épisode avait changé à jamais le regard de son père sur lui. L’Amiral Lawrence était passé de la tolérance agacée au mépris clairement affiché et James savait qu’il lui serait difficile voire impossible de regagner l’estime de son père. Et ce malgré tous ses efforts.

 

Pour y parvenir, James s’était engagé dans la Navy, espérant alors que cette preuve de dévouement toucherait le cœur de son glacial paternel. Mais la seule chose que l’Amiral avait trouvée à dire était que le choix de James allait de soi. Les Norrington servaient le Royaume. Quand bien même James n’avait hélas rien des aptitudes qui faisaient un bon soldat… Il fut donc décidé qu’il commencerait tout en bas de l’échelle et deviendrait le serviteur de son cousin dont l’Amiral espérait qu’il apprendrait quelques enseignements qui lui permettraient de devenir un soldat passable. Pour l’instant James n’avait pas appris grand-chose … Hormis que les pirates devaient se balancer au bout d’une corde, principe qu’il connaissait depuis son enfance, et qu’un uniforme prestigieux permettait de mettre plus facilement des femmes dans son lit…

 

James jeta un coup d’œil à la porte close et s’efforça de ne pas grelotter sous le froid vif de la journée. Aucun bruit ne s’échappait de la maison et le jeune homme songea que les deux autres devaient à présent être au chaud dans le lit de cette pauvre femme qui lui avait pourtant fait un si beau discours. Il ne pouvait en être autrement… Personne ne disait non à son cousin…

 

Une petite voix interrompit le cheminement de ses pensées et James se retourna vers les deux enfants.

« Tu fais quoi ici ? Venait de lui demander la petite fille d’un ton effronté.

- Becca… Maman dit qu’on doit être polis. La reprit le garçon, son frère sûrement.

- J’attends l’Amiral Miss. » Répondit James à la petite fille.

Cette dernière le détailla puis

« T’es mon papa ?

- Ce que tu es bête Becca ! Soupira le garçonnet

- Non Miss…

- Et l’Amiral c’est mon papa ? Demanda Becca

- Becca…

- Non plus Miss. » Répondit James d’un ton égal, en songeant qu’il s’était trompé sur Arabella…

Comment croire encore à la vertu d’une femme dont la fille ignorait à quoi ressemblait son père et qui ne ressemblait absolument pas à son frère aîné ? Sans doute qu’Arabella était l’une de ces pauvres femmes qui s’offraient aux soldats en échange de quelques pièces. Il avait lui-même eu recours à leurs services, son père désirait être certain que sur ce plan au moins, il était bien un homme.

 

La petite fille haussa les épaules et s’éloigna en chantonnant, tout intérêt pour les nouveaux venus disparu à présent qu’elle savait qu’aucun d’eux n’était son père. Le garçonnet resta quant à lui planté devant James, le dévorant du regard. Mal à l’aise et ce d’autant plus qu’il avait une idée précise des occupations actuelles de sa mère James lui fit un sourire crispé

« Tu veux me demander quelque chose petit ? »

Will hocha la tête, fasciné par l’épée qui ceignait la taille de James

« Vous vous en êtes déjà servi ?

- Je suis un soldat… Répondit prudemment James, ne voulant pas effrayer le gamin. Et je m’entraîne plusieurs heures par jour avec cette épée

- Ça veut dire quoi ?

- Que je m’exerce. Expliqua James. Je me bats avec d’autres soldats, comme ça quand je serais face à un ennemi, je saurais me défendre. »

 

Le petit garçon hocha la tête sans quitter l’épée des yeux et reprit

« Mon papa c’est pas un soldat. C’est un marchand. »

James ne répondit pas et songea que c’était l’excuse classique que les femmes de peu de vertu donnaient à leurs enfants pour expliquer l’absence de leur père.

« Il sera bientôt là, il a écrit à maman c’est pour ça que Becca est venue voir. Expliqua le garçon. Elle m’a pas cru quand j’ai dit que vous étiez pas notre papa. »

James sourit légèrement et la jeune pipelette reprit la parole, encouragé par son silence

« Maman elle reçoit souvent des visites la nuit… Mais elle veut pas qu’on en parle elle dit que c’est dange.. Dangereux. »

Tu parles songea cyniquement James, de plus en plus déçu par la jolie rousse

« Oh et bien si votre maman le dit… Répondit-il platement, après tout le gamin apprendrait bien assez tôt les activités de sa mère.

- Comme ça on a de l’argent. Expliqua Will, ravi d’avoir trouvé un adulte qui l’écoute aussi bien

- Je n’en doute pas. » Répondit James, de plus en plus mal à l’aise.

 

Will garda le silence un moment, ses grands yeux sombres se posant sur Becca qui jouait à quelques pas d’eux

« Becca elle aime bien le monsieur qui vient la nuit. Elle croit que c’est papa. Mais c’est pas papa.

- Oh …

- Papa il est marchand et il est parti sur un gros gros bateau. Expliqua Will en ouvrant les bras. Vous êtes déjà monté sur un bateau ?

- Bien sûr. Répondit James d’un ton un peu supérieur

- Moi jamais. Mais j’aimerais bien un jour … Soupira Will. Vos enfants sont tristes quand vous êtes parti ?

- Je n’ai pas d’enfants. » Répondit James.

 

Will digéra la nouvelle.

« Comment ça se fait ?

- Je ne suis pas marié. Répondit froidement James en songeant que son cousin qui était manifestement en train de prendre du bon temps avec la mère du jeune curieux, l’était quand à lui.

- Pourquoi ? Demanda Will, oubliant toutes les règles de politesse inculquées par sa mère

- Et bien… Je n’ai pas encore trouvé la femme parfaite. Répondit James.

- C’est quoi parfaite ?

- Celle qui est faite pour moi. Expliqua patiemment James. Celle que j’attends »

Will sourit légèrement et savoura l’idée

« Moi aussi je ferais comme vous ! J’attendrais la femme parfaite. Comme ça je resterais longtemps avec maman. Ou alors j’épouserais Penny ! »

 

James répondit, amusé par le babil du gamin qui avait au moins l’avantage de faire en sorte que le temps lui semble moins long

« Qui est Penny ?

- La fille de Mme Mac Drache. Répondit Will comme si c’était évident.

- Ah oui bien sûr … Et comment est cette Penny ?

- Elle est grande et elle a de beaux cheveux comme maman et Becca. Sauf que les siens ils ont pas de bouces

- Boucles. Corrigea instinctivement James

- Boucles. » Répéta Will en lui faisant un grand sourire édenté.

James sourit en réponse et la petite fille arriva brutalement en courant

« Faim ! » Déclara-t-elle en se dirigeant vers la maison

 

James s’empressa de lui barrer la route, inquiet à l’idée que les enfants puissent surprendre Fitz et sa conquête dans une position embarrassante.

« Pousse-toi. » Ordonna Rebecca pour qui la politesse n’était qu’une vague notion.

James soupira et se représenta la réaction de Fitz si la petite fille venait les interrompre… Sans compter les railleries qui suivraient sur le fait qu’il n’était même pas capable de maîtriser deux bambins. Le jeune ordonnance cherchait donc un moyen de maîtriser la petite sans la faire hurler lorsque la porte s’ouvrit dans un grincement, lui épargnant cette peine.

 

James se mit immédiatement au garde à vous, tandis que Fitz sortait, l’air satisfait.

« Alors tu as décidé… Nous ne nous reverrons plus ? » Soupira Arabella en attirant Rebecca contre elle.

Le regard de Fitz tomba sur la petite fille et il secoua la tête

« Ce ne serait ni raisonnable ni prudent Bella… »

La jeune femme se mordit nerveusement la lèvre et hocha la tête

« Même si je ne te l’ai pas toujours montré… Tu me manqueras Fitzy

- Toi aussi Bella… Soupira Fitz avant de fouiller dans sa poche, cédant à une impulsion. Tiens… » Déclara-t-il en lui posant une bourse dans la main

 

Arabella se crispa

« Je ne veux pas de ta charité !

- Maman c’est quoi charité ? Demanda Will tandis que Fitz serrait les dents

- Ne soit pas stupide Bella. Accepte en souvenir du bon vieux temps… Et achète-toi du thé buvable. Sourit le jeune amiral

- Tu as déjà … Soupira Arabella avant de s’interrompre, consciente que James écoutait leur conversation

- Adieu Bella. Prend soin de toi et de ta famille… » Déclara Fitz en la fixant avec intensité.

Mue par une impulsion, Arabella referma ses bras autour de lui et l’embrassa brièvement sur la joue

« Merci Fitz. Tu es un ami précieux… Et un homme de bien. »

Fitz lui lança un regard chargé de regrets tandis qu’elle s’écartait en rougissant

« Adieu… Répéta Fitz en se retournant vers James. On y va. »

 

Le jeune ordonnance salua d’un signe de tête et suivit l’amiral, un vague sourire aux lèvres en voyant le petit garçon lui faire de grands signes de la main.

 

Les deux hommes cheminèrent un moment en silence puis Fitz prit la parole d’une voix coupante

« Il va sans dire James que cette visite doit rester secrète. Me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui Fitzwilliam. Répondit James en songeant qu’effectivement Viola trouverait sûrement quelque chose à y redire

- Parfait maintenant dépêchez-vous…Il est déjà tard et j’aimerais organiser notre départ pour Londres au plus tôt. J’ai hâte de retrouver Viola. » Ajouta Fitz pour la forme

James ne s’y trompa pas mais répondit avec flegme

« Cela va de soi Fitzwilliam

- Amiral !! Seigneur décidément vous ne serez jamais un soldat… Vous n’êtes bon qu’à répondre aux questions des bambins comme vous le faisiez quand je suis sorti. » Se moqua Fitz

 

James ne répondit pas et se contenta de se promettre une fois de plus à lui-même qu’un jour, il ferait ravaler leurs paroles à son cousin et à son père… Un jour lui aussi deviendrait Amiral… Quoi qu’il lui en coûte…


Chapitre 10                                                                                                      Chapitre 12


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