Antre de Calypso
Les mâchoires crispées, Calypso observait l’île de la Fontaine de Jouvence. Elle avait suivi chacun des mouvements de Jack, écouté chaque mot, depuis sa découverte jusqu’au don de l’eau qu’il avait fait à Elizabeth. Ses yeux se remplirent de fureur en lisant le bonheur naïf du pirate lorsque sa reine revint à elle.
« Tu crois pouvoir braver ma volonté Jack Sparrow… Mais tu n’es pas de taille. » Ricana-t-elle en voyant les canons de Barbossa qui, très lentement, émergeaient de son navire, tournés droits vers le Black Pearl.
Et la cabine de son capitaine.
Le Black Pearl, cabine du Capitaine
Cela faisait plusieurs minutes qu’Elizabeth se taisait, ses larmes enfin taries, les sourcils froncés alors qu’elle tachait de rassembler ses idées. A ses côtés, Jack gardait le silence, inquiet de l’ombre qui, peu à peu, envahissait son visage. Brusquement les mots de la femme qui semblait vouloir les aider lui revinrent en mémoire.
Peut-être ne veut-elle pas être sauvée. Si c’est le cas, tu en porteras la responsabilité. Réfléchis bien Jack Sparrow.
Son cœur se serra à cette idée et il ouvrit la bouche, prêt à parler, mais la referma aussitôt en lisant un dégoût intense sur le visage d’Elizabeth.
La jeune femme serra les poings, incapable de penser à autre chose qu’aux tourments passés. Sans cesse, des souvenirs de ce qui s’était produit sur le navire de Beckett puis dans la Tour de Londres l’envahissaient et la ramenaient à la sensation de ces mains avides sur elle, de la bouche des hommes sur son corps. Un haut de cœur la saisit, suivi d’un sentiment de haine, de révolte et de colère. Avant de revenir ici, elle était avec Will, à la frontière d’un monde où de telles choses n’arriveraient plus jamais. Et à présent elle était revenue dans l’horreur d’une vie où tout ce qui lui était cher, tout ce qui faisait sa dignité, lui était repris.
Un gémissement étranglé lui échappa et elle se tourna vers Jack, folle de rage.
« Qu’avez-vous fait !! Pourquoi ne m’avez-vous pas laissée mourir ? » S’exclama-t-elle, le visage ruisselant de larmes.
Le pirate recula, comme frappé par sa colère soudaine, il ne trouvait rien à répondre et son cœur battait violemment dans sa poitrine.
« J’aurais dû passer de l’autre côté ! Will était là. Il m’attendait. Il allait me guider. Si vous n’aviez rien fait il aurait bien été obligé ! Pourquoi m’avoir ramenée dans ce monde où je n’ai plus rien !! Hurla-t-elle.
- Tu as sacrifié ton immortalité pour rien… Ricana une voix dans la tête de Jack.
- Lizzie, je, » commença-t-il.
Mais elle ne l’écoutait pas, perdue dans sa détresse, ses nerfs craquèrent enfin alors que le poids des dernières semaines lui retombait sur les épaules.
« Je n’ai plus rien ici, je voulais passer de l’autre côté mais je n’ai pas pu. Et Will, Will m’a rendu ma promesse. Sanglota-t-elle en serrant nerveusement le drap dans ses doigts. Il veut que je vive cette existence qu‘il pense que je désire. Mais comment le pourrais-je alors qu’il est mort, alors que je l’ai condamné ? Et qu’il souffre ! A cause de moi. Je n’ai même pas su veiller sur son cœur. Ni même le sauver !! »
Espérant que l’orage était passé, Jack s’approcha doucement d’elle.
« Elizabeth… Ce n’était pas votre heure et »
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, un violent fracas ébranla le Black Pearl et le projeta contre le mur tandis qu’il évitait de justesse la pointe acérée d’un éclat de bois causé par l’explosion. D’un geste désinvolte, il remit son tricorne sur sa tête avant de se tourner avec inquiétude vers Elizabeth. Cette dernière, blême, le fixait avec horreur tandis que Tai faisait irruption dans la cabine
« Capitaine ! On nous canonne !
- Sans blague ! » S’exclama Jack avant de se ruer vers la porte.
Elizabeth le regarda partir, impuissante. Elle se sentit soudain faible, lasse de se retrouver au milieu du fracas des armes et du sang. Jack lui lança un petit regard avant de se tourner vers Tai.
« Reste auprès de ton capitaine. » Ordonna-t-il avant de sortir.
Navire de Barbossa
Hector observa avec satisfaction le trou fait dans la coque du Black Pearl.
« Voilà qui est bien. A présent vous pouvez hisser nos couleurs. Ainsi que le pavillon rouge. Cette fois Sparrow et sa petite dulcinée n’auront aucune pitié à attendre de ma part. »
Il contempla un instant les hommes et savoura le moment qui, il n’en doutait pas, précéderait son triomphe avant de mordre avec délectation dans une pomme. Finalement Hector eut un sourire énigmatique et leva les yeux vers le ciel pour appeler celle qui était désormais son alliée.
« Le moment de respecter ta promesse viendra bientôt Calypso. Pour l’instant, je demande ton aide pour la tâche que tu m’as fixée. » Cria-t-il.
Il regarda le ciel se charger d’orage avec une joie mauvaise.
Le vent se leva, les premières gouttes commencèrent à tomber et un éclair zébra le ciel, signalant à Barbossa la présence de Calypso et le soutien qui était le sien. Fort de cet appui, il se tourna vers ses hommes.
« Pas de quartiers ! Trouvez la femme qui accompagne Sparrow et tuez-la. »
Pont du Black Pearl
Dès que Jack apparut sur le pont Pintel et Ragetti se jetèrent sur lui en tremblant et se coupèrent mutuellement la parole.
« C’est le Capitaine Barbossa !
- Et il, il, a hissé le drapeau rouge. »
Jack, les regarda et se demanda fugacement comment Barbossa avait réussi à s’enfuir de l’île sur laquelle il l’avait abandonné avant de se précipiter vers la barre.
« Appliquons l’une des plus anciennes traditions de la piraterie pour une fois. Fuyons ! Cria-t-il. Mais, n’oubliez pas de sortir les canons à tribord. Et faites feu jusqu’à ce que nous soyons hors de portée. »
A cet instant un éclair plus fort zébra le ciel et la pluie fine se changea en torrent, tandis que devant le Black Pearl, lui coupant toute retraite, se formait un cyclone. Jack leva un regard blasé vers le ciel.
« Calypso … » Murmura-t-il.
Pour toute réponse une bourrasque lui envoya une gerbe d’eau salée au visage et Jack sourit avant de tourner violement la barre du Pearl et de le diriger droit vers la tempête.
« Accrochez-vous ça va secouer ! » Hurla-t-il.
A ses côtés, Ragetti commença à trembler.
« Vous n’allez pas tenter de traverser ça ! La passe est remplie de récifs contre lesquels nous allons nous fracasser ! »
Le visage ruisselant de pluie, Jack se contenta de sourire avec démence avant de répondre d’un ton coupant.
« Contente-toi d’obéir. Va aux canons et faites feu ! »
Navire de Barbossa
« FEU ! » Hurla Barbossa, en rage tandis qu’un boulet sifflait à son oreille et s’écrasait dans l’eau après avoir manqué de peu son navire.
Les tirs du Black Pearl étaient de plus en plus rapprochés et firent mouche cette fois. Un boulet frôla le grand mât. Barbossa, les yeux écarquillés, vit Jack diriger le Pearl droit vers le cyclone. Il s’aligna quasi parfaitement avec son navire, manquant de chavirer à chaque coup de vent.
« Sparrow… Tu ne sais pas te battre, tu passes ton temps à fuir mais cette fois sera la dernière. Suivez-le ! Ordonna-t-il. Et armez vos fusils, tirez sur tout ce qui bouge. »
Le Black Pearl
Le flot de larmes d’Elizabeth semblait ne pas vouloir s’arrêter. Elle pleurait tout autant sur ce qui s’était produit et dont elle avait été victime que sur Will et leur rupture. Pourtant, ça n’était pas tant l’idée qu’il lui ait dit adieu qui lui faisait de la peine mais plutôt la culpabilité qu’elle ressentait en réalisant qu’elle en était finalement plus soulagée que chagrinée. Les mots qu’il lui avait dits faisaient écho à ceux de Jack et tout son être se rebellait contre cette idée. Elle ne pouvait pas laisser Will, pas après l’avoir épousé, pas après qu’il soit mort pour elle, pas après avoir laissé Beckett s’emparer de la clef du coffre.
Will lui avait rendu sa liberté et il lui avait honnêtement avoué son choix. Seulement elle ne savait pas encore quel était le sien, ni même si elle en avait encore un. Elle réprima un cri lorsqu’un boulet traversa la pièce. Était-ce ça la liberté ? Était-ce risquer sa vie sans cesse, être exposée au viol, à la torture, voir mourir ceux qu’elle aimait … et par-dessus tout être seule ? Elle gémit et étouffa un nouveau sanglot tandis que Tai, que le projectile avait manqué de peu, s’approchait d’elle avec un air paniqué.
« Vous. Devoir lever vite! Pas rester là. »
Elle le fixa, les yeux agrandis par l’horreur et obéit sans réfléchir, poussée par l’instinct de survie qui l’avait guidée jusqu’ici et lui avait permis de tenir face à Beckett. Sans réfléchir, elle laissa son second la guider jusqu’au pont et frissonna en découvrant le cortège d’horreur qui l’attendait. Le ciel était si sombre que l’on aurait pu se croire en pleine nuit, les cris et les tirs retentissaient de toutes parts, suivis de râles d’agonie et de souffrance. La pluie battante ne faisait que renforcer la scène cauchemardesque et se mêlait au sang pour former un ruisseau d’un rose étrange sur le pont. Elizabeth frissonna en apercevant la tornade vers laquelle semblait les emmener Jack et les souvenirs de la bataille durant laquelle elle avait épousé puis perdu Will affluèrent dans mémoire. Perdue dans ces derniers, Elizabeth posa la main sur le grand mat, celui devant lequel elle avait épousé Will mais aussi celui auquel elle avait attaché Jack. Elle appuya son front contre lui et chercha comment l’homme qui avait fait d’elle une femme mariée pouvait être le même que celui qui les attaquait si durement.
Un hurlement la força à se retourner et elle aperçut Jack, à la barre. La pluie ruisselait sur son visage et il était dangereusement exposé aux tirs. Il luttait contre les éléments mais semblait, comme elle, imperméable au fracas des armes. Leurs regards se croisèrent et elle lut dans celui de Jack une inquiétude sourde tandis qu’il l’appelait.
« ELIZABETH ! Ne restez pas là ! Venez ici. »
Un brusque roulis la poussa vers le bastingage et elle tendit la main avec l’énergie du désespoir. Elle s’empêcha de verser dans les flots tumultueux et son envie de vivre reprit le dessus sur son apathie. Trempée, elle revint avec peine sur le pont et croisa une nouvelle fois le regard de Jack qui luttait à la barre et s’efforçait de maintenir le cap qu’il s’était fixé.
« Elizabeth ! Venez ! » Cria-t-il, l’air inquiet.
Elle hocha la tête et courut vers lui. Elle gravit avec difficulté les marches qui les séparaient. Jack se pencha sur elle et l’attira contre lui d’une main. Il la plaça entre la barre et lui, son corps la protégeant tandis qu’il continuait à guider le navire. Paniquée, la jeune femme se raidit brièvement à son contact avant de se détendre à nouveau et de se laisser aller au sentiment de sécurité que lui procurait son étreinte. Derrière elle, Jack souffla, les dents serrées par la lutte contre les éléments qu’il faisait mener au Pearl.
« Accrochez-vous à moi Lizzie. » Murmura-t-il alors qu’ils s’approchaient du cyclone.
Elizabeth, hésitante, cligna des yeux et se tourna maladroitement vers lui, gênée par la barre.
« Vous n’allez pas traverser ça ! C’est de la folie!
- Non. C’est du génie. » Répondit crânement Jack avant de se crisper brusquement.
Elizabeth sentit son corps commencer à trembler et elle le fixa, affolée par sa pâleur soudaine.
« Qu’est-ce qui se passe !
- Rien trésor. » Répondit Jack en la calant contre lui, tandis que dans son dos, une tache rouge s’agrandissait et maculait son vêtement.
Navire de Barbossa
Hector reposa son fusil, fou de rage et saisit sa longue vue. Contrairement à ce qu’il avait espéré il n’avait pas réussi à atteindre Jack, ne parvenant qu’à faire voler en éclats la rambarde qui se trouvait derrière lui. La tache rouge qui s’agrandissait dans le dos du pirate lui remit du baume au cœur. Il avait réussi à le toucher. Il grimaça en voyant Elizabeth accrochée à lui, le visage dans son cou. S’ils avaient été plus près, un tir mieux ajusté lui aurait sans doute permis de la tuer et de respecter ainsi son marché avec Calypso.
Un de ses hommes s’approcha, l’air effrayé.
« Capitaine ils vont droit vers le cyclone ! »
Barbossa eut un sourire dément et tourna la barre sans douceur.
« Rentrez les canons, ils sont hors de portée pour l’instant. »
L’homme le regarda avec terreur tandis que Barbossa alignait parfaitement son navire avec le Pearl et se préparait à traverser lui aussi le cyclone. Au moment où il souriait, un long craquement se fit entendre. Le grand mât venait de s’écrouler, tuant ceux qui avaient eu la malchance de se trouver à proximité. Hector leva les yeux au ciel, exaspéré par le sort qui semblait s’acharner contre lui. A ses côtés l’homme reprit.
« Capitaine, on va quand même pas les suivre, sans le mât se serait de la folie.
- Je sais ! » Ragea Barbossa avant de changer leur cap et faire route vers la côte.
Il regarda le ciel d’un air rageur et ne sourit même pas en sentant Jack le singe escalader son épaule. Le petit animal s’était glissé dans un canon pour rejoindre son ancien propriétaire, qui contrairement à Jack, lui donnait des cacahouètes.
« Calypso, tu m’as trahi une fois de plus. » Murmura-t-il en barrant son navire vers la côte.
Le Black Pearl, sur le pont
Elizabeth regarda par-dessus l’épaule de Jack et un vague sourire éclaira son visage.
« Ils abandonnent ! »
Jack ne répondit pas et lança le Pearl vers le cyclone.
« ACCROCHEZ VOUS A CE QUE VOUS POURREZ TROUVER ! » Hurla-t-il à l’équipage.
Un cri d’effroi lui répondit tandis que les hommes se jetaient sur tout ce qui pouvait leur servir comme point d’ancrage, terrifiés à l’idée d’être emportés par les bourrasques.
Dans la cale, Pintel et Ragetti se resserrèrent l’un contre l’autre en voyant s’approcher les trombes d’eaux.
« Tu as été un bon camarade. Murmura Pintel.
- Toi aussi. » Renifla Ragetti.
Les deux hommes hurlèrent en sentant le navire se soulever légèrement alors qu’il entrait sans la tempête qui commençait à se former.
Elizabeth détourna le visage et l’enfouit dans le cou de Jack lorsqu’ils pénétrèrent à l’intérieur du cyclone. Le Pearl se souleva, ses entrailles craquèrent sous la pression exercée par les vents du cyclone naissant et le bois gémit sous l’impact. Jack, les dents serrées et maintenant fermement Elizabeth contre lui, s’accrocha à la barre.
« Allez ma belle. » Murmura-t-il à l’adresse du navire tandis que des trombes d’eau se soulevaient autour d’eux, menaçant de les engloutir.
Durant de longues minutes, le Pearl sembla sur le point d’être balayé comme un fétu de paille, puis finalement le calme revint et Jack poussa un soupir de soulagement.
Elizabeth se détacha légèrement de lui, rougissant de la manière dont elle s’était accrochée à lui et regarda ce qui les entourait.
« Où sommes-nous ? » Demanda-t-elle, perplexe devant les murs d’eaux qui semblaient les cerner et le silence anormal qui régnait.
Jack sourit.
« Nous sommes dans l’œil du cyclone trésor. Nous y sommes rentrés avant que ce dernier ne soit au plus fort, ici nous serons en sécurité. » Annonça-t-il en maintenant son cap.
Elizabeth regarda autour d’elle avant de revenir vers lui, abasourdie.
« Mais, c’est impossible !
- Voyons trésor. Je suis le Capitaine Jack Sparrow, rien n’est impossible pour moi ! »
Jack sourit puis reprit son sérieux devant la tristesse qu’il devinait dans le regard d’Elizabeth, maudissant intérieurement Beckett pour ce qu’il lui avait fait.
« Tout va bien Elizabeth ? »
Elle parut réfléchir à la question et se tourna avec hésitation vers lui.
« Oui je crois. Jack, je, je m’excuse pour tout à l’heure. J’ai été injuste. Je regrette je n’aurais pas dû vous parler comme je l’ai fait. Pas après ce que vous avez fait pour moi. »
Jack lui sourit crânement, soulagé qu’elle se soit décidée à vivre.
« Allons Lizzie, ce n’est pas votre genre de regretter. »
Elle baissa les yeux et la lueur de bête traquée apparut de nouveau dans son regard.
« Vous m’avez donné une partie de l’eau de la Fontaine de Jouvence n’est-ce pas ? »
Jack ne répondit pas et fit mine d’être absorbé dans le maintien de son cap.
« Jack répondez moi …
- Je vous ai donné l’eau. Répondit-il.
- Mais, et vous ?
- J’ai préféré mettre toutes les chances de votre côté. »
Elizabeth blêmit, les larmes aux yeux devant ce nouveau sacrifice dont elle était la cause.
« Mais Jack … et l’immortalité ? »
Il haussa les épaules et son geste réveilla la douleur de sa blessure.
« J’ai pas si envie d’être le dernier, le monde sera ennuyeux une fois que tous seront partis. » Finit-il avec difficulté, le visage crispé sous la douleur.
Elizabeth le regarda avec attention et s’aperçut que sa chemise commençait à se teinter de rouge sur son torse.
« Vous êtes blessé !
- Rien de grave. » Répondit-il tandis qu’une onde de douleur irradiait son épaule.
Elizabeth lut la souffrance sur son visage et s’approcha de lui.
« Il faut soigner ça.
- Pas tant que nous ne serons pas à l’abri.
- Nous le sommes pour l’instant ! Le cyclone va durer plusieurs heures. Tai va prendre la barre et maintenir le Pearl dans l’œil. S’exclama Elizabeth en faisant signe à son second d’approcher. Prend la barre et maintient nous dans cette zone. » Ordonna t ‘elle.
Tai hocha la tête, heureux de la voir retrouver le ton de commandement qui lui était coutumier pendant que Jack se laissait entraîner vers sa cabine, souffrant trop pour protester.
Il soupira en découvrant l’étendue des dégâts, les trous dans les parois de la cabine.
« Nous devrons faire escale le temps de réparer tout ça … »
Elizabeth, inquiète, s’approcha de lui.
« Enlevez votre chemise Jack.
- Lizzie, ça ne sert à rien de vous imposer ça. Faites venir Cotton ou Marty et ils s’en chargeront. »
Elizabeth rougit en comprenant les raisons de son refus et se troubla un instant en se souvenant des corps crasseux dont elle avait dû endurer le poids, de l’odeur écœurante de leur peau, de la manière dont-ils l’avaient prise sans relâche jusqu’à ce qu’elle sombre dans l’inconscience. Elle secoua la tête et regarda Jack, émue par la tension de son visage et par le sacrifice qu’il avait une nouvelle fois fait pour elle. Elle posa doucement ses mains sur son épaule et entreprit de défaire sa chemise, les doigts tremblants.
« Je vous l’ai dit Jack. J’ai confiance en vous. Je sais que vous n’êtes pas comme, comme Beckett. Et, tout ce temps vous, vous avez veillé sur moi, vous m’avez protégée. À présent c’est mon tour. »
Jack soupira et la laissa faire glisser sa chemise, triste en réalisant que le seul sentiment qu’il lui inspirait était la gratitude.
Le Hollandais Volant, mer des défunts
Il semblait à Will que le temps s’était arrêté depuis le départ d’Elizabeth. Avec elle, il avait vu s’envoler l’espoir et la certitude d’un bonheur possible. Même si elle s’en défendait, il savait que leur adieu était définitif. Bien sûr elle serait là pour son unique journée, mais ça ne serait jamais ce qu’il avait pu rêver. Leur romance était finie, tout était dit entre eux et leurs histoires allaient à présent s’écrire séparément.
Les larmes aux yeux, Will se plongea dans ses souvenirs. Il sourit à l’évocation de leur première rencontre et de l’admiration lointaine qu’il avait eue pour Elizabeth durant des années durant lesquelles il n’avait jamais espéré pouvoir la serrer dans ses bras. Il se souvenait de tout. Depuis leur premier baiser sur le rempart de Port Royal, alors qu’il lui semblait qu’un avenir radieux s’ouvrait pour eux jusqu’à leurs fiançailles et les longues heures passées à s’entraîner. Il pouvait encore entendre le cliquetis des lames qui s’entrechoquaient, le rire cristallin d’Elizabeth la première fois qu’elle l’avait désarmé, le baiser qui avait suivi et le goût de ses lèvres… Ça avait été comme un conte de fée que l’on raconte aux enfants, la princesse descendue de son château pour épouser le pauvre forgeron. Ils avaient été heureux. Jusqu’à ce que Beckett n’interrompe leur mariage et ne fasse revenir Jack Sparrow et son parfum d’aventure dans leurs vies.
Dès l’instant où il avait vu Elizabeth embrasser Jack il avait su qu’il l’avait perdue, son cœur le lui avait crié en voyant la manière dont elle s’y était prise, la passion qui se dégageait de leur étreinte et qu’il n’avait jamais sentie dans leurs sages baisers d’amoureux. Pourtant, il avait accepté d’aller chercher le pirate, le voleur, au bout du monde, sachant qu’il risquait de la perdre, mais déterminé à honorer la promesse faite à son père de le libérer. Et parce qu’il avait compris qu’Elizabeth ne pourrait pas vivre en sachant Jack au Purgatoire, les larmes amères qu’elle avait versées à sa mort lui en apprenant assez sur ce point. Mais lorsqu’ils avaient retrouvé Jack l’espoir était revenu. Elizabeth l’avait embrassé pour le sacrifier, pour le sauver lui … Et il avait pensé s’être trompé.
« Tu as cru que je l’aimais » Avait elle dit sans prétendre le contraire.
Will grimaça en songeant qu’il ne l’avait pas cru, il l’avait su.
Il avait tenté de se convaincre que ça pourrait marcher entre eux, que tout irait bien et lui avait demandé de l’épouser, pour ne pas la perdre, pour leur donner une chance s’ils sortaient de cette bataille. Mais une fois encore le destin les avait rattrapés et il était mort en tentant de la protéger. Il avait réalisé la prédiction de Calypso en devenant le Capitaine du Navire des Morts tandis qu’Elizabeth se retrouvait reine grâce à Jack qui liait ainsi leurs destins.
Son regard se brouilla lorsqu’il repensa à leur unique journée, à la découverte mutuelle de leur corps. Alors il avait cru qu’ils appartiendraient toujours l’un à l’autre, qu’ils deviendraient pareils à ces amants de légendes dont l’amour ne s’éteignait jamais. Mais elle avait sauvé Jack. Elle avait choisi la vie du pirate face à la réalisation de leur amour. Et à présent il voyait tout, comprenait les raisons de cette lueur rêveuse dans ses yeux lorsqu’il était question de Jack, de la manière dont elle écoutait le pirate. Il savait l’origine de sa retenue et de ses hésitations envers lui, il comprenait l’absence des mots qu’elle ne lui avait pas même dits au jour de leur séparation.
Il soupira lourdement et se tortura en se demandant depuis quand elle se mentait. Il réalisait que depuis le premier jour où il l’avait sauvée sur les remparts de Fort Charles c’était Jack qui faisait briller ses yeux. Finalement il n’était pour lui qu’une charge. « Je veillerais sur toi Will » c’était les premiers mots qu’elle lui avait adressés et toute leur histoire pouvait être résumée par ces simples mots. Même à présent elle veillait sur son cœur tandis que le sien battait ailleurs, inaccessible à son amour. Il ne l’avait pas comprise. Il n’avait pas su ce qui la faisait rêver ou n’avait pas voulu le voir.
« Un seul jour, c’est tout ce que j’ai eu de toi…Murmura-t-il.
- Je suis désolé fils, le temps va te paraître bien long jusqu’à ce que tu la retrouves à nouveau. » Déclara Bill dans son dos.
Le vieil homme l’observait depuis déjà de longues minutes, se doutant qu’il ne lui avait pas été facile de voir Elizabeth sans pouvoir la serrer longuement dans ses bras et de la laisser repartir.
Will frappa le bastingage du plat de la main et répondit avec amertume.
« Je ne la retrouverais pas.
- Will, allons ne perd pas espoir.
- Je l’ai toujours su. Chaque pas qui m’a rapproché de ce navire m’a éloigné d’elle.
- Will, elle t’attendra mon gars, j’en suis sur.
- Non. Je ne veux pas qu’elle m’attende, je ne veux pas qu’elle sacrifie toute sa vie pour une seule journée. Jamais plus nous ne serons ensembles. Si je n’avais pas été lié à ce navire ou plutôt si nous n’avions pas revu Jack Sparrow, peut être aurions nous eu une chance d’être heureux malgré son besoin de liberté, son attirance pour cette vie de hors la loi que je ne comprends pas. Elizabeth est la reine des pirates et ce titre est fait pour elle. Jack l’a bien compris, elle est comme lui. Deux oiseaux insaisissables. J’ai été fou de croire que mon amour lui suffirait.
- Will elle t’a épousé. Cela ne veut donc rien dire à tes yeux ?
- Ce mariage n’est qu’une prison pour elle.
- Ne dis pas de bêtises ! Elle sait que tu l’aimes ! Tu n’as jamais voulu l’emprisonner.
- Le plus pur des amours perd tout son sens s’il est une cage aux yeux de celle qui en est l’objet. Je voulais être forgeron et elle ne rêve que de lointains horizons. »
Bill soupira en réalisant que son fils avait compris ce qu’il avait su dès la première fois qu’il avait vu la jeune Elizabeth Swann. Elle aussi avait la passion dévorante de la mer, celle-là même qui l’avait poussé à abandonner femme et enfant pour devenir pirate. Comme lui et comme Jack, malgré sa naissance aristocratique, elle avait la piraterie dans le sang. Il posa la main sur l’épaule de Will et chercha à le réconforter par ce simple geste, lui à qui la mer finissait toujours par reprendre ce qui lui était cher. Devant lui, le regard vers l’horizon de la terre des morts, le Capitaine du Hollandais Volant ne bougeait pas, les yeux secs. Il n’avait plus de larmes à verser.
Le Black Pearl, cabine du Capitaine
Jack grimaça lorsqu’Elizabeth passa le linge humide sur sa blessure, faisant apparaître l’éclat de métal qui était plantée dans la chair tendre de son épaule
« Je vous fais mal. Constata Elizabeth avec dépit en le sentant se crisper
- Lizzie. Retirez-le. » Se contenta de répondre Jack, le visage tendu.
Elizabeth grimaça avant de tirer un coup sec, les dents serrées, Jack haleta.
« Très bien. À présent nettoyez la blessure. » Dit-il avant de prendre une longue gorgée de rhum.
Sans un mot, concentrée sur sa tâche, Elizabeth épongea le flot de sang avant de s’emparer d’une longue pièce de tissu qu’elle enroula autour du torse nu de Jack. Ce dernier restait immobile, le souffle suspendu et le cœur battant à tout rompre en sentant ses mains frôler sa peau nue tandis qu’elle lui confectionnait un bandage de fortune.
Une fois ce dernier terminé, Elizabeth, les mains rougies par le sang, vint se placer face à lui. Jack sourit et lui proposa la bouteille de rhum sans un mot. Il la regarda boire à long traits le liquide ambré.
« Qu’allez-vous faire à présent Jack ?
- Sortir du cyclone et trouver une crique où nous réparerons le Pearl. Il ne naviguera pas longtemps dans cet état. Après je ne sais pas. Et quels sont les projets de Sa Majesté ? Plaisanta Jack.
- Trouver un navire, puis Beckett et lui reprendre la clef du coffre contenant le cœur de Will. »
Jack sentit son cœur se serrer à l’idée qu’elle pouvait le quitter et se leva. Il remit sa chemise avec une grimace.
« Vous avez votre navire, nous trouverons Beckett. »
Elizabeth le regarda, touchée par sa proposition.
« Non Jack. Ce n’est pas votre combat et je crois que ma présence vous a coûté suffisamment cher, je ne veux pas vous voir risquer votre vie une fois de plus à cause de moi.
- Qui vous dit que c’est pour vous ? J’ai moi aussi un compte à régler avec Beckett. » Répondit Jack l’air sombre en songeant à ce que le Lord lui avait fait.
Elizabeth sentit les larmes commencer à rouler sur ses joues.
« Non. Je ne peux pas vous laisser faire ça, je ne peux pas rester avec vous. Je n’apporte que le malheur à ceux qui m’entourent. Ils meurent tous. Mon équipage, mon père, James, Will, vous… Je ne veux pas être responsable de votre mort à nouveau. »
Brusquement sérieux Jack vint se rasseoir en face d’elle.
« Elizabeth regardez-moi. Celui qui viendra à bout du Capitaine Jack Sparrow n’est pas encore né. » Fanfaronna-t-il.
Elizabeth le regard embué, secoua la tête. Jack la fixa intensément et prit sa main dans la sienne
« Elizabeth, je ne vous laisserai pas quoique vous disiez. Vous sauvez ma vie. Je sauve la votre. Comme depuis le premier jour. »
La jeune femme frissonna à son contact et retira sa main brusquement. Il la regarda avec tristesse, comprenant les raisons de sa réaction, et haït plus encore Beckett pour cela.
« Pour l’instant nous devons sortir de ce cyclone. Nous ne sommes pas encore sauvés. » Déclara-t-il en se dirigeant vers la porte de sa démarche chaloupée.
Elizabeth le regarda, soulagée au fond de le savoir prêt à l’aider.
« Merci Jack. »
A l’embrasure de la porte, il se retourna et lui sourit d’un air hâbleur.
« Ne me remerciez pas Lizzie. Nous n’avons pas encore la clef ni même Beckett mais sachez que je l’ai fait sans regrets. » Dit-il avant de sortir.
Elizabeth mit de longues minutes à comprendre le sens de sa dernière phrase avant de réaliser qu’il parlait de l’immortalité qu’il avait abandonnée pour elle. La jeune femme regarda la porte par laquelle il avait disparu avec une pointe de regret
« Oh Jack… » Murmura-t-elle, les mots se coinçant dans sa gorge ne sachant comment exprimer ce qu’elle ressentait.
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Alice (vendredi, 25 juillet 2014 16:22)
Ben, par un "je t'aime" peut être? après, moi j'dis ça, j'dis rien hein.
Jess Swann (vendredi, 25 juillet 2014 17:04)
Lol bah non c'est trop facile sinon