Chapitre 8 : Sombre menace


« Jack, où allons-nous maintenant ? » Demanda pour la centième fois Gibbs.

 

Le pirate retint un soupir ennuyeux.

« Des questions, toujours des questions, » marmonna t’il.

Gibbs le regarda un instant sans réagir puis reprit.

« Oui mais où on va ? »

 

Jack soupira et baissa les yeux vers son compas. Il avait beau faire, la direction qu’il indiquait était formelle. Ce qu’il cherchait était à Singapour. La clef était à Singapour. Ou le dessin de la clef plutôt. Peu importait finalement, une fois qu’il saurait à quoi ressemble la clef, il aurait tôt fait de trouver un artisan capable de lui en forger une copie. Une fois cette formalité accomplie, le Sceau des Exilés le mènerait tout droit au coffre de Jones et alors….

 

« JACK !!! »

 

De surprise, le pirate en lâcha son compas et tourna un regard furieux vers Gibbs.

« Bugger ! POURQUOI TU HURLES AINSI !!! »

La mine du second s’allongea.

« Bah le cap… »

 

Jack soupira lourdement. Pourquoi de tous les endroits sur terre fallait-il que ce soit précisément à Singapour que se trouve ce qu’il cherchait ? Ce n’était pas qu’il craignait Sao Feng, non, le Capitaine Sparrow ne craignait personne mais tout de même, il se serait bien dispensé d’une incursion dans les terres du pirate asiatique.

« Singapour, ça fait quatre fois que je te le dis, » rétorqua Jack.

 

Indigné, Gibbs s’apprêtait à rétorquer mais Jack lui imposa le silence.

« Allez, les voiles, la barre tout ça !! Et ramène-moi du rhum !!! »

 

()()

 

« Invivable, insupportable, »pesta une fois de plus Elizabeth Swann en tentant tant bien que mal de lacer son corset seule.

 

Elle était si bien occupée à vouer Lord Beckett aux pires tourments de l’enfer qu’elle n’entendit pas la porte s’ouvrir.

« Oh que me vaut cet éclair de lucidité sur vous-même ma chère pupille ? » Demanda le lord d’une voix onctueuse.

Un hurlement de rage échappa à la jeune femme et elle s’empressa d’arracher le drap rêche de sa couche pour s’en couvrir.

 

« Comment osez-vous pénétrer ici sans y être invité ! »

Un fin sourire s’étira sur les lèvres de Beckett et il reprit avec nonchalance.

« Allons Miss Swann, il me semblait établi que je pénétrai dans ce que je voulais, quand il me plaisait de le faire. Cependant, si vous ne le comprenez toujours pas, je me ferais une joie de vous le démontrer. »

Elizabeth rougit et leva la main pour le frapper avant de se souvenir que le drap était le seul rempart qui protégeait sa nudité de l’odieux lord.

 

Beckett la fixa avec ironie.

« Alors Miss Swann cela est-il nécessaire ? »

Elizabeth grinça des dents et recula.

« J’attends Miss Swann, désirez-vous que je vous montre jusqu’où vont mes droits sur vous ?

- Tout ce que je désire c’est que vous sortiez ! » Hurla Elizabeth.

 

Beckett l’enveloppa d’un regard avide et ricana.

« Nous verrons si vous tiendrez toujours ce discours… Après tout, aucune catin ne peut résister bien longtemps au plaisir qu’il y a à se voir couvrir par un homme.

- Un nabot ne saurait être vu comme un homme Lord Beckett. » Persifla Elizabeth.

 

Le sourire du Lord s’effaça et il s’approcha d’elle.

« Vous devriez mesurer vos propos ma chère. Ou je vous rappellerais le respect que vous me devez et je puis vous promettre que la leçon sera cinglante. »

Elizabeth blêmit à la pensée de ce qu’il sous entendait et Beckett s’esclaffa.

« Navré Miss Swann mais vous dispenser cette jouissance n’est pas dans mes projets pour l’instant. A présent finissez de vous habiller avant que je ne change d’avis. » Ajouta-t-il d’un ton sec.

 

Révoltée, Elizabeth le toisa.

« Et comment voulez-vous que je m’habille ? Toutes mes robes sont corsetées et en l’absence d’une femme de chambre je ne puis m’habiller !!!

- J’imagine que vous auriez grand plaisir à exhiber vos charmes devant les rustres qui servent à bord mais je ne vous autoriserai pas, » rétorqua Beckett.

Elizabeth le fixa avec horreur et il ricana.

« Enfin vous voilà donc forcée de garder votre chambre pour la durée de la traversée…. J’imagine que la solitude vous pèsera mais enfin je laisse à votre gout des choses de la chair le soin de trouver de quoi vous satisfaire, » persifla t’il.

 

Outrée en comprenant qu’il comptait la garder enfermée, Elizabeth avança vers lui.

« Je n’ai même pas un livre ou de quoi écrire !!! Si je dois rester ici donnez-moi au moins de quoi m’occuper !

- Une pleine réserve de bougies se trouve dans votre chevet Miss Swann, je ne doute pas que le manque venant votre perversion leur trouvera une utilité. »

 

Sans attendre sa réponse Beckett sortit, un sourire mauvais aux lèvres.

 

()()

 

Les mains agrippées au bastingage, James regardait le petit jour éclairer le ciel d’une lueur poudreuse. En contrebas, la coque du navire déchirait les flots encore sombres de la nuit écoulée.

 

Il était monté sur le navire de fret sans encombre, moyennant une bourse pleine contre sa présence à bord. Dépourvu de son uniforme et de tous ses accessoires, Norrington s’était confondu dans un anonymat relatif à sa mise. Les autres marins ne semblaient pas prêter attention à l’inconnu, certainement habitués aux négoces de leur capitaine.

 

James laissa échapper un soupir discret. Son existence venait de changer en quelques jours seulement. Il savait pertinemment que le train infernal des événements l’empêchait d’analyser la situation avec bon sens. Il devait agir en urgence et pour la première fois de sa vie, ses sentiments avaient réellement pris l’avantage sur sa raison. Son cœur pour unique maître, il avait réagi de la même manière que lorsqu’Elizabeth s’était évanouie sur le Fort. Prêt à sauter, il aurait plongé au risque de s’écraser sur les rochers.

 

Un infime sourire teinté d’ironie étira ses lèvres. Décidément, Elizabeth exerçait sur lui un pouvoir bien restrictif concernant son discernement.

 

« Hé ! »

 

Tournant son visage vers la voix qui l’interpellait vraisemblablement, James se retourna.

 

« Oui ? »

 

Il vit le capitaine du navire s’approcher de lui, entouré d’un nuage de fumée dispensée par sa pipe.

 

« Le vent est favorable, déclara ce dernier avant de cracher par-dessus bord. La vigie a repéré les contours d’un bâtiment qui ressemble à celui qu’vous recherchez.

- Parfait, répondit-il. Vous est-il possible de le suivre à bonne distance ? »

 

Le vieil homme ricana avant de porter une nouvelle fois la pipe à sa bouche.

« On veut pas s’faire repérer, hein ! Ça peut s’arranger… »

Comprenant ce que le capitaine sous entendait, James sortit deux pièces de sa poche qu’il lui remit.

« On est pas pressés », conclut le marin en regardant l’or briller dans sa main avant de s’éloigner.

 

De nouveau seul, Norrington se tourna vers l’océan. Mieux valait rester en retrait même s’il brûlait de rattraper le navire de Beckett pour récupérer Elizabeth.

 

Il se refusa à imaginer quelles horreurs l’aristocrate pouvait faire subir à la jeune femme s’il était capable de commanditer le meurtre d’un homme innocent.

 

()()

 

Sans émettre la moindre plainte, Will avait astiqué le pont jusqu’à ce que le soleil surgisse des flots. Épuisé, il craignait néanmoins le moment où le géant lui ordonnerait de s’arrêter. Il avait pourtant enduré les rires et les remarques des autres matelots dans son dos, les doigts crispés sur la brosse à récurer. Il préférait encore nettoyer le sol du navire pendant des heures que de l’affronter une nouvelle fois.

 

Alors qu’il rampait pour se déplacer, il grimaça en sentant une écharde pénétrer sa jambe. Le fut obscène qu’il portait était trempé et collait plus encore à son corps. Le tissu n’offrait qu’une maigre protection contre les aspérités du pont. S’accroupissant, il remarqua que ses genoux étaient ensanglantés et la toile du vêtement déchiré par endroits.

 

« Lève-toi ! » gronda brusquement une voix en faisant sursauter le jeune homme.

Obéissant, il se mit debout, les jambes flageolantes pour ne pas s’être levé pendant si longtemps.

 

Les bras croisés sur son torse musculeux, le capitaine le fixait durement.

« Crois-tu en avoir terminé, esclave ? » demanda-t-il.

 

Fébrile, il tenta de réprimer les tremblements de ses membres, malmenés par l’effort qu’il venait de fournir. Will osa jeter un œil autour de lui avant de ramener son regard vers l’homme à la peau noire.

 

Le plancher était toujours aussi sombre mais tout de même délesté d’une couche de crasse conséquente.

 

« Oui », répondit-il en gardant ses mains serrées devant son bas-ventre.

 

Le capitaine ricana tout en s’approchant dangereusement de lui.

« Alors il est temps de t’occuper des quartiers de l’équipage. Ils ont grand besoin d’être astiqués eux aussi ».

 

Le cœur du forgeron s’emballa en entendant les rires gras soulevés par ce nouvel ordre.

 

« Le pont… je n’ai pas terminé de nettoyer le pont ! Bégaya le jeune homme, paniqué.

- Tiens donc. En es-tu sûr ?

- Oui ! »

 

De lui-même, Will se mit à genoux et se remit à frotter le plancher du navire.

 

Un sourire mauvais étira les lèvres du colosse alors qu’il se détournait pour entrer dans sa cabine.

 

« Capitaine ? L’arrêta son second.

- Que veux-tu ?

- J’me demandais jusqu’à quand votre esclave doit nettoyer le pont ? » Demanda le marin en regardant le jeune homme frotter le sol avec ferveur.

 

Sans se départir de son sourire, il répondit.

« Jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se servir de ses mains ».

 

()()

 

Elizabeth retint sa respiration alors qu’il la soulevait pour l’asseoir sur le bureau. Sa bouche vint naturellement cueillir ses lèvres, infiltrant sa langue pour goûter la sienne. Alanguie, elle gémit contre lui alors qu’il passait ses doigts sous ses jupons pour caresser l’intérieur de ses cuisses.

 

Brûlante, elle défit hâtivement les boutons de sa chemise pour dévoiler son torse avant de défaire son propre corsage. Un murmure appréciateur salua cette entreprise et elle poussa un soupir en sentant le sexe de son amant la pénétrer. Une onde de chaleur parcourut son corps tandis qu’elle se cambrait plus encore, écartant ses jambes pour mieux l’accueillir.

 

« Oui… » Souffla-t-elle en se reversant.

 

Autour d’eux, le bureau d’ordinaire si austère du commodore résonnait à présent de leurs ébats. Les yeux à demi clos, elle contemplait le visage de James dont le plaisir contractait les traits. Il allait et venait rapidement en elle, les mains crispées à la table pour mieux la prendre. Fermant les yeux, la jeune femme laissa le plaisir engourdir ses sens.

 

« Elizabeth… » Soupira James en venant caresser sa gorge dévoilée.

 

Les doigts chauds de son amant firent frémir Elizabeth qui étira ses lèvres pendant qu’il redoublait de vigueur.

 

« J’étais certain que vous gémiriez comme la sale catin que vous êtes ! » s’éleva une voix alors qu’un étau enserrait brutalement le cou d’Elizabeth.

 

Elle sentit son sang se glacer dans ses veines en ouvrant vivement les yeux. Ce n’était plus James devant elle mais Cutler Beckett. Elle tenta de crier, de se débattre mais rien ne le faisait lâcher prise. Des larmes coulant sur ses joues, elle le sentait s’enfoncer plus encore en elle.

 

Un voile noir recouvrit bientôt ce qui l’entourait tandis que ses poumons étaient sur le point d’exploser.

 

L’obscurité régnante, elle ne sentit plus l’aristocrate entre ses jambes ni sa main qui l’étranglait. Tout était plongé dans l’obscurité la plus totale.

 

Effrayée, elle tendit les bras dans ce monde aveugle pour happer le moindre élément palpable.

 

« James ! » appela-t-elle tout en sanglotant.

 

Seul le silence lui répondit alors qu’elle tournait en tous sens et gesticulait comme une démente.

 

« James ! » cria-t-elle de nouveau.

 

Un son de cloche la fit brusquement sursauter. La respiration coupée, elle tendit l’oreille et cette fois le bruit résonna plus fort dans les ténèbres.

 

Ses tremblements redoublèrent d’intensité quand elle reconnut la macabre mélodie d’un glas.

 

Subitement, l’obscurité s’éclaira faiblement et Elizabeth discerna les flammes vacillantes d’un candélabre. S’approchant vers la lumière, elle vit derrière les contours froids d’un cercueil grossier.

 

Le cœur manquant un battement, elle se pencha sur la bière. Un hurlement déchirant sortit de sa gorge, s’alliant au glas, quand elle découvrit son père, le visage déformé par une terreur incommensurable.

 

A travers ses larmes, elle vit entre ses doigts verdâtres et serrés, son propre portrait. Encore.

 

Une frayeur plus intense la saisit alors car la peinture la représentait effroyablement. Sa peau était d’une extrême blancheur et les contours de ses yeux excessivement sombres. Son regard lui, fuyant vers le ciel, semblait vide et éteint.

 

Un autre sanglot secoua son corps. Elle s’écroula à terre, la douleur formant un carcan qui la confondait dans une souffrance sans limite.

 

« Père… » Pleura-t-elle, accrochée aux bords rigides du cercueil.

 

D’un geste fou, elle s’empara du portrait qu’elle jeta dans le noir environnant puis posa sa main sur celle du cadavre.

 

« Je vous aime tant », souffla-t-elle en pressant ses doigts sur la chair froide.

 

Tournant son regard, son cœur explosa soudainement dans sa poitrine. Ce n’était plus le visage de son père mais le sien, pareil à celui du portrait.

 

Reculant d’effroi, la dépouille de son père était devenue son propre corps. C’était elle, nue, qui gisait dans le cercueil, les jambes écartées de manière obscène et dépassant du cadre de bois.

 

Un hurlement jaillit du plus profond de ses entrailles alors que la figure de la morte se tournait vers la sienne.

 

()()

 

Ouvrant brusquement les yeux, Elizabeth percuta avec violence la lumière du jour. Tombant du lit, elle attrapa le pot de chambre à ses pieds avant de vomir jusqu’à sentir ses tripes se contracter.

 

Elle se redressa difficilement et écarta d’une main fébrile des mèches de cheveux collées à son front.

 

Des larmes perlèrent à ses yeux déjà rougis en tournant son visage vers la baie de verre. Le soleil du matin illuminait doucement le monde et renvoyait des rais pale dans la cabine.

 

Elle se dirigea vers la grande fenêtre en tanguant puis grimpa sur un coffre abîmé pour l’ouvrir. L’air marin fouetta sa peau brûlante en un souffle bienfaiteur mêlé d’embruns.

 

Comment un rêve si plaisant avait pu se transformer en un cauchemar pareil ?

 

Une autre nausée la fit chanceler mais elle se força à inhaler le plus d’air frais possible. Devant elle, l’océan ondulait calmement mais dans le bleu des flots apparaissaient encore le visage triomphal de Beckett, celui terrifié de son père et le sien, prostré dans la mort.

 

« Oh James… soupira-t-elle en posant son front sur ses bras croisés. Sauve-moi ».

 

()()

 

Les yeux brûlants à force de rester ouverts et les doigts sanglants, Will continuait à frotter le pont du navire. Il ne pensait plus. Ni à Elizabeth, ni au but de son voyage, ni même à la douleur. Il était la souffrance, elle était lui. Au bord de l’évanouissement, Will se força à continuer, désormais inconscient des dommages que son fut obscène avait subis et de sa peau nue dévoilée aux regards moqueurs des marins.

 

Une voix le ramena à la réalité et il vacilla alors que le soleil l’éblouissait.

« Où en es-tu esclave ? »

Will tenta de répondre mais seul un coassement franchit ses lèvres craquelées par la soif.

« Que dis-tu esclave ? » Se moqua le colosse.

 

Will cilla et tenta à nouveau de répondre sans réussir à émettre autre chose qu’un bredouillement inintelligible.

« Toi parler notre langue ? Lui demanda le colosse avec un éclat mauvais dans le regard. Toi comprendre ? »

Curieusement détaché, Will posa un regard vide sur lui. Les paroles de l’homme lui semblaient venir de très loin, comme si des miles les séparaient…

« Moi… » Réussit-il à dire avant de sombre dans l’inconscience.

 

()()

 

L’eau aussi salée que glacée pénétra ses blessures en même temps qu’elle le ramenait à lui et Will poussa un gémissement d’animal blessé alors qu’il ouvrait les yeux. La première chose qu’il vit fut un torse d’ébène surmonté d’un visage noir et grimaçant.

« Personne ne t’as autorisé à dormir, esclave. »

Will dodelina de la tête et coassa sans réfléchir.

« Soif. »

 

Un rire lui répondit.

« Oh… Tu as soif, tu aimerais boire n’est-ce pas ? Une bonne lampée d’eau fraîche… »

A cette pensée, une boule remonta dans la gorge râpeuse de Will et il hocha faiblement la tête, incapable de parler.

« Crois-tu que nos anciens maîtres nous donnaient à boire lorsque nous les en supplions? » Lui demanda le colosse presque aimablement.

Will le regarda sans comprendre, à demi mort de fatigue et l’homme ricana.

« Ils ne donnent pas à boire à leurs esclaves pendant que leurs chiens se régalent. Mais tu n’es pas un chien n’est-ce pas ? »

 

Will le regarda, suppliant.

« Pitié… » Coassa t’il.

Il entendit à peine les rires de l’équipage tandis que son tourmenteur continuait.

« Non pas un chien, les chiens ne parlent pas, ils aboient… Dommage pour toi esclave. »

Will resta interdit un instant puis se redressa à demi avant de retomber lourdement sur ses avants bras, trop faible pour tenir debout.

« Oh, ironisa l’homme. Dois-je comprendre que tu n’es qu’un chien finalement ? »

 

Will entendit les rires cette fois et s’avisa qu’il se trouvait à quatre pattes sur le pont, dans une position rendue obscène par son fut.

« Mais je n’entends toujours pas mon chien aboyer, » releva le colosse en faisant signe à son second de lui apporter une timbale.

Sous le regard envieux de Will, il remplit cette dernière d’eau fraiche et l’agita.

« Allons mon chien… demande. »

 

L’être révulsé à cette idée, Will ne bougea tout d’abord pas puis :

« Pitié… »

Le colosse secoua la tête.

« Tsss tu n’as donc pas compris ? L’eau est pour le chien. »

Les yeux vides de Will croisèrent ceux, brillants, de son tourmenteur et il se lécha nerveusement les lèvres.

 

Droit comme un i, l’homme attendit tandis que ses hommes échangeaient des paris à voix haute. Finalement il secoua la tête.

« Tu ne dois pas avoir si soif finalement… »

Sans attendre, le colosse se détourna et le cœur de Will manqua un battement en voyant s’éloigner la promesse que contenait l’écuelle. A bout de forces, Will poussa un ouaf guttural et les hommes s’esclaffèrent.

 

Le dos du capitaine s’immobilisa et il se retourna lentement vers le jeune homme.

« Que t’arrive t’il ? Je n’ai pas bien entendu. »

Sans quitter l’écuelle des yeux, Will poussa un nouveau ouaf qui déchaina les rires et le capitaine s’esclaffa.

« Bon chien, tu as soif n’est ce pas ?

- Ouaf, » répondit Will d’une voix fêlée.

Le jeune homme n’entendait plus les rires pas plus qu’il n’était conscient des regards qui, braqués sur lui, le détaillaient avec moquerie. Seule comptait l’eau.

 

Le capitaine balaya le pont d’un regard triomphant puis posa à nouveau ses yeux sur Will. Avec un sourire froid, il posa l’écuelle à ses pieds.

« Bon chien, viens chercher… »

Une nouvelle vague de rires secoua l’équipage et Will commença à avancer à quatre pattes, de toute manière incapable de se lever. Sa progression dura longtemps, rendue difficile par son corps affaibli et il parvint finalement devant l’écuelle. Là, Will tendit la main pour s’en emparer mais la botte du colosse s’écrasa sur ses doigts, lui arrachant un gémissement de douleur.

« Les chiens ne boivent pas comme ça. Lui asséna l’homme. Tu ne peux boire que si tu es un chien, alors bois comme un chien. »

 

Will leva les yeux vers lui, rouge de honte mais sa soif fut la plus forte et il se pencha au dessus de l’écuelle pour laper son contenu.

 

L’eau pure lui sembla un tel délice que Will n’entendit pas les rires, pas plus que l’ordre du capitaine.

« Qu’on mette un collier à mon chien, ainsi qu’une chaine pour que je puisse le promener à ma guise. »

Will avait presque fini de boire lorsqu’il sentit un collier de fer enserrer son cou. Revigoré par l’eau, le jeune homme leva un regard furieux sur le colosse mais celui-ci se contenta de rire.

« On dirait que le chien préfère être esclave finalement… Dommage Brutus, tu aurais du mieux réfléchir avant, pour l’instant tu restes mon chien jusqu’à ce que j’en décide autrement. »

Will poussa un glapissement alors que l’homme tirait sur la chaîne sans pitié, le collier de fer mordant la chair fragile de son cou.

« Allons c’est l’heure de la promenade, » ricana le colosse sous les rires de l’équipage.

 

Tremblant de honte et de fatigue, Will le suivit à quatre pattes tandis que son esprit envisageait avec horreur ce qui l’attendait à présent…

 

()()

 

Beckett reposa la longue vue sur le bastingage et se tourna vers le capitaine du navire qu’il avait fait affréter pour son voyage.

« Voilà plusieurs jours que ce navire nous suit. Déclara-t-il avec froideur.

- Vous en êtes sûr ? Demanda l’homme.

- Il s’efforce de rester à distance mais est dans notre sillage depuis notre départ de Port Royal. » Répondit Beckett qui retint à grand peine d’assener au capitaine le seul mot qui le définissait : incompétent.

 

Le capitaine posa un regard de doute vers l’horizon et Beckett s’agaça.

« Allons, ne restez pas ainsi à contempler ce navire avec l’air d’un poisson mort ! Ralentissez la voilure et une fois qu’il se sera rapproché, déléguez des hommes pour le fouiller du pont à la cale. Je veux voir ce qui se cache à son bord. »

Le capitaine inspira brutalement et se contrôla. Après tout Lord Beckett était un homme puissant. Un homme si puissant qu’il lui suffirait d’un mot pour briser sa carrière aussi :

« Immobilisez le navire ! » Ordonna-t-il d’une voix forte sous le regard satisfait de Beckett.

 


Chapitre 7                                                                                          


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Commentaires: 6
  • #1

    Ladypirate (jeudi, 08 novembre 2012 16:38)

    Will vit vraiment un enfer le pauvre :( j'ai bien de la peine pour lui, pourtant je ne suis pas une fan de son perso mais là j'espère que son calvaire prendra bientôt fin !!
    Elizabeth ne peut rien tenter pour l'instant avec Beckett, pourvu que James arrive à la secourir ou même Jack, qui a l'air très occupé avec son compas ^^

  • #2

    JessSwann (jeudi, 08 novembre 2012 17:37)

    Lol crois tu que le calvaire de Will va finir ??? Mdrrrrr
    Ah mais a t'on vraiment envie qu'Elizabeth soit secourue ou alors...... qu'elle nous fasse visiter Sight Manor ?

  • #3

    beatricecenci (dimanche, 27 avril 2014 14:45)

    Cette histoire est l'une de vos plus belles oeuvres: c'est un crime de laisser dans la moitié. Vous devez continuer. Vous êtes talentueux.

  • #4

    Jess Swann (dimanche, 27 avril 2014 19:44)

    Merci beaucoup de notre part à toutes les deux, malheureusement, nous sommes chacune trop occupée pour poursuivre cette histoire... :(

  • #5

    anascot (dimanche, 15 novembre 2020 20:12)

    Du coup je voulais savoir si tu vas continuer c'est vraiment une super histoire et franchement j'aime bien quand will est torturé même si c'est sadique . J'aimerai découvrir le manoir de Beckett si possible avec Elizabeth

  • #6

    Jess Swann (dimanche, 15 novembre 2020 20:57)

    Ah alors le truc c'est qu'on est deux à écrire. On est toujours en contact mais j'avoue qu'on est toutes les deux passées à autre chose, donc je crois que malheureusement cette histoire restera inachevée :(