Chapitre 9 : Trahie


Assise au bout de la grande table de réception, Elizabeth Beckett s'ennuyait ferme. Les dignitaires conviés par Beckett à leur dîner étaient tous plus obséquieux les uns que les autres et le cœur d'Elizabeth était rempli de rage en les voyant porter à Beckett les attentions qu'ils avaient jadis pour son père. Si elle avait eu besoin d'une preuve de la puissance de Beckett, ce diner aurait suffi. Son mari était un homme puissant. Et dangereux.

 

Lady Andrews se tourna alors vers elle.

« Ma très chère Elizabeth, je n'ai pas encore eu l'occasion de vous dire à quel point vous étiez magnifique le jour de vos noces. »

Elizabeth lui sourit nerveusement et retint la réflexion qui lui brûlait les lèvres. Lady Andrews devait subir une sorte d'amnésie car c'était au moins la cinquième fois de la soirée qu'elle lui débitait son compliment.

« Et Lord Beckett et vous, êtes un couple tellement bien assorti.

- Un vrai couple de conte de fées ! » S'exclama sa jeune fille, Virginia, qui avait tellement admiré la robe d'Elizabeth.

Elizabeth tendit la main vers son verre de vin et cacha un sourire cynique derrière lui. Un conte de fée… Ce qu'il ne fallait pas entendre !

 

A l'autre bout de la table, elle croisa le regard de Beckett ce qui finit de l'énerver tout à fait. L'homme, parfaitement à son aise, semblait s'amuser de son agacement. Elizabeth lui fit un sourire ironique et leva son verre à son adresse. Puis, elle se tourna vers Lady Andrews.

« Les contes de fée mettent en scène des princesses et leur prince charmant et il ne me semble pas que Lord Beckett soit un prince. »

La femme ne parut pas comprendre l'ironie de la réponse d'Elizabeth et cette dernière avança à nouveau la main vers son verre. A sa gauche, Lady Bastet toussota.

« Ce que Lady Andrews essaie de vous dire ma chère c'est que nous avons toutes été tellement surprises à l'annonce de vos fiançailles… »

Elizabeth se raidit et jeta un petit coup d'œil en direction de Beckett. L'homme n'était plus à table. Encouragée par son silence, Lady Bastet poursuivit.

« Car enfin ma chère, Lord Beckett était somme toute votre troisième fiancé.

- Il faut croire que le troisième était le bon, » persifla Elizabeth.

Les deux femmes se penchèrent vers elle.

« Et le forgeron qu'est-il devenu ? Vous sembliez si éprise. »

Elizabeth sentit sa gorge se serrer.

« Will n'était, ce n'était pas possible.

- On dit qu'il vous a affreusement trahie, » se réjouit Lady Bastet.

Elizabeth se tourna vers elle, les joues enflammées de colère.

« Cela ne vous concerne pas, cessez donc de colporter des rumeurs Lady Bastet. »

 

Un silence salua son éclat puis les deux femmes échangèrent un regard. Bien sûr, Elizabeth ne voulait pas parler de son abandon….

« Et ensuite vous êtes tombée amoureuse de Lord Beckett, s'extasia la jeune Virginia. Oh Lady Beckett racontez-nous ! Quand avez-vous su que vous l'aimiez ? »

Elizabeth s'apprêtait à répondre vertement lorsqu'une main se posa sur son épaule.

« Oui racontez donc Lady Beckett. »

La jeune femme se retourna et rencontra le regard froid de son époux.

« Pourquoi pas vous ?

- L'histoire est plus belle dans votre bouche ma chère. »

Elizabeth se tourna vers les deux femmes.

« En vérité, je n'ai absolument pas eu le choix d'épouser Lord Beckett.

- Quoi ? » S'exclamèrent les femmes tandis que la main de Beckett se crispait sur l'épaule d'Elizabeth.

La jeune femme se retourna vers lui et sourit légèrement.

« Il est difficile de résister à la volonté de Lord Beckett, lâcha t'elle d'une voix suave. Il est si persuasif… »

Les femmes hochèrent la tête en signe de compréhension et Elizabeth poursuivit.

« Vous voyez, il était tellement évident que je devais l'épouser que je n'ai pas pu dire non… »

Beckett la fixa et la jeune Virginia posa un regard ému sur les époux.

« Parce que vous l'aimiez plus que tout au monde ! »

Elizabeth sourit tristement.

« Parce que je l'aime plus que tout au monde et qu'il n'y a rien que je ne ferais pour lui.» murmura-t-elle.

Le visage de Beckett s'empourpra légèrement et il s'inclina.

« Devant une telle déclaration, permettez-moi mesdames de vous voler ma femme le temps d'une danse. »

 

Les commères hochèrent la tête et Elizabeth le suivit sur le parquet. Le bras de Beckett enserra sa taille.

« A quoi jouez-vous ? » grinça t'il.

Un sourire aux lèvres, Elizabeth répondit.

« Je n'ai fait que répondre à leurs questions…

- Vous leur avez pratiquement dit que je vous avais forcée.

- Et bien c'est la vérité non ? »

Beckett l'attira contre lui.

« Faites attention Elizabeth, vous vous rapprochez des limites à ne pas franchir. »

La jeune femme le fixa avec froideur.

« Je respecte nos accords.

- Votre couplet sur Turner et votre amour pour lui était pitoyable…

- Ces idiotes ont cru que je parlais de vous.

- Mais vous avez promis de ne plus faire état de vos sentiments. »

Elizabeth sourit et le fixa.

« Peut être aurais-je dû répondre que vous êtes un homme odieux que je haïrais jusqu'à la fin de mes jours dans ce cas ? »

Beckett la fit tourner et sourit.

« Dites-moi Elizabeth. Vous pensez réellement pouvoir me toucher en évoquant vos sentiments pour un autre ?

- Pour vous toucher il faudrait que vous ayez un cœur. »

La musique s'arrêta et Elizabeth se détacha de son étreinte.

« Permettez Lord Beckett, vos invités attendent. »

 

()()

 

Will lança un regard fatigué à Pintel et Ragetti qui s'amusaient à valser ensemble au rythme de la musique qui leur parvenait étouffée.

« Quand cela cessera-t-il ? »

Jack lui lança un regard ivre et Will soupira. Depuis la fameuse nuit qui avait suivi le retour d'Elizabeth, le pirate était encore plus saoul qu'avant si c'était possible.

« Pourquoi y'a pu de rhum ? » balbutia Jack en secouant sa bouteille vide.

Will leva les yeux au ciel.

« Je ne sais pas, peut-être parce que tu as tout bu ? » grinça t'il.

Jack le regarda d'un air pénétrant.

« Oui mais, pourquoi y'a pu de rhum ? »

Will secoua la tête et s'abima à nouveau dans ses tristes pensées.

 

Jack s'approcha de lui.

« Tu sais mon gars, tu devrais arrêter de penser à elle.

- Parce que c'est ce que tu fais toi ? rétorqua Will, à bout de nerfs.

- Je ne vois pas ce que tu veux dire. » Répondit Jack le visage brusquement fermé.

Will arracha la bouteille des mains de Gibbs qui poussa un couinement outré. Sans y prêter attention, Will descendit une longue rasade.

« Oh la doucement mon gars ! » s'inquiéta Jack.

Will le fixa.

« Pourquoi ? Tu devrais être satisfait non ? J'applique ton plan à la lettre ! Restez dans cette foutue geôle à boire à longueur de journée ! »

Jack blêmit.

« William…. »

Will se tourna vers lui.

« Assez de mensonges Jack ! Il est déjà assez pénible d'être enfermé ici avec toi mais en plus il faut supporter de te voir boire à longueur de temps tout ça parce que tu ne veux pas admettre ce qui crève les yeux ! » Ragea Will en jetant la bouteille contre le mur.

Jack lui lança un regard éperdu.

« Mais t'es malade ! C'est tout ce qui nous restait ! » S'affola t'il en se précipitant vers le sol.

 

Écœuré, Will le vit sortir la langue pour lécher la paille imbibée de rhum.

« Ne t'en fais pas, Beckett t'en fera livrer demain, ironisa t'il. Après tout il te doit bien ça, ta lâcheté lui a offert Elizabeth ! »

Jack se redressa, brusquement dégrisé, et lui lança un regard sombre.

« Ce n'est pas moi qui lui ai permis de réussir c'est toi. »

Will ricana.

« Trop facile Jack. Sois honnête pour une fois. Beckett la veut uniquement parce qu'il pense que tu es amoureux d'elle. »

Jack recula comme s'il l'avait frappé.

« Je ne suis pas responsable des délires de Beckett. »

Will abattit sa main sur la paille.

« CELA SUFFIT ! Tu me trouves peut être naïf mais je ne suis pas idiot ! »

 

Jack secoua la tête.

« J'comprends pas mon gars, tu veux quoi au juste ?

- Que tu le reconnaisses, répondit Will.

- Et ça t'apportera quoi ? Et que je reconnaisse quoi d'abord ?

- Que tu as des sentiments pour elle, que tu es aussi malade que moi de savoir qu'elle est avec ce Beckett ! Que tu passes tes journées à boire pour ne pas y penser ! Ça serait un début. »

Jack réfléchit longuement puis,

« Admettons, je dis bien admettons, que ce soit vrai en quoi ça t'apporterait quelque chose de le savoir ? »

Will ferma douloureusement les yeux.

« Parce qu'ainsi, je ne passerais pas mon temps à me dire que j'ai tort de t'écouter… Que tu as une vraie raison de vouloir rester enfermé ici. Que ton histoire est vraie. Que tu nous penses réellement plus en sécurité ici. »

Jack déglutit tandis que les marins se tournaient vers lui.

« Jack… c'est tout ce que je te demande » murmura Will.

Jack baissa les yeux.

« Il se peut, en effet que j'éprouve des frémissements de temps en temps. »

 

Will rouvrit les yeux tandis que Jack cherchait désespérément une bouteille des yeux

« Des frémissements ? Tu veux dire des sentiments.

- Non rien de tout ça, juste des frémissements. »

Will le fixa et Jack soupira.

« D'accord des sentiments… »

Will le fixa avec plus d'intensité.

« Et même comme ça tu penses toujours qu'il est mieux qu'elle soit avec Beckett ?

- Oui….souffla Jack.

- Oh c'est honteux… » Commenta Gibbs.

Jack se tourna vers son second.

« Merci Mr Gibbs, je me sens beaucoup mieux maintenant ! VRAIMENT BEAUCOUP MIEUX ! » S'écria t'il en se levant, le regard braqué sur Will.

Le jeune forgeron le suivit des yeux tandis qu'il allait s'allonger à l'autre bout de la cellule.

« Il dit donc la vérité sur Calypso. » Murmura le jeune homme.

 

()()

 

Elizabeth décrochait les lourdes boucles d'oreille que Beckett l'avait forcée à porter pour le dîner lorsque ce dernier pénétra dans la chambre.

« Il est tard. Je suis fatiguée, déclara la jeune femme d'un ton morne.

- Et saoule, ajouta Beckett en désignant le verre qui traînait sur la coiffeuse.

- Pas encore assez à mon grand regret. » Rétorqua Elizabeth.

Beckett s'approcha d'elle et posa ses mains sur les siennes tandis qu'elle se battait avec les épingles qui retenaient son chignon.

« Laissez-moi faire.

- Je préfère encore sonner Estrella.

- Ne soyez pas stupide, vous ne voulez pas la réveiller en pleine nuit. » Rétorqua Beckett en la débarrassant des épingles.

 

Elizabeth tendit la main vers son verre qu'elle vida d'un trait.

« Vide… » Ricana t'elle en le lançant dans un coin de la pièce.

Beckett sourit.

« Venez vous coucher Elizabeth. »

Elle releva les yeux et le fixa à travers le miroir.

« Pourquoi ?

- Parce que je vous l'ordonne. »

Un soupir désabusé échappa à la jeune femme et elle se leva lourdement. Elle s'allongea sur le lit et écarta les cuisses d'un air de défi

« Faites vite sans quoi je ne peux vous promettre de ne pas m'endormir. » lui lança t'elle en étouffant un bâillement.

Un rictus aux lèvres, Beckett encaissa avec flegme. Il se débarrassa de sa perruque et s'assit pour enlever ses bottes. Les yeux mi-clos, Elizabeth ne perdait rien de ses mouvements tout en se forçant à réguler sa respiration. Beckett sourit mais ne dit rien.

 

Finalement, Elizabeth le sentit se glisser à ses côtés. La jeune femme se raidit une fraction de seconde puis attendit.

« Vous ne dormez pas Elizabeth. » soupira Beckett.

Le cœur battant, elle ne répondit pas. La main de Beckett glissa le long de sa cuisse et elle se força à rester immobile.

« J'entends battre votre cœur d'ici. » s'agaça-t-il.

Elizabeth ouvrit les yeux.

« Et alors ? C'est ce que font les cœurs non ? »

Beckett sourit.

« Vous êtes complètement ivre.

- Pas du tout, répondit Elizabeth dont la tête tournait légèrement.

- Si… »

La main de Beckett progressa entre ses cuisses et Elizabeth gémit.

« Par pitié faites vite, j'ai sommeil. »

Beckett la fixa et passa sur elle. Elizabeth poussa un soupir de soulagement et il ricana.

« Non…. »

Elizabeth ouvrit les yeux, surprise, tandis qu'il glissait vers le bas du lit.

« Cette nuit vous serez entièrement à moi, hors de question que vous vous en sortiez ainsi.

- Je ne considère pas le fait de coucher avec vous comme s'en sortir, » rétorqua Elizabeth.

 

La bouche de Beckett se referma sur son intimité et la jeune femme hoqueta de surprise. La langue du Lord commença à la fouiller, avec douceur d'abord, puis avec plus d'exigence tandis qu'il lui écartait les cuisses et forçait son bassin à avancer vers lui. Elizabeth referma ses doigts sur les draps et les crispa douloureusement. Entre ses cuisses, Beckett continua son va et vient.

 

Un gémissement échappa à Elizabeth alors que son cœur accélérait, son corps impatient d'être délivré de la tension qu'il avait fait naître. Un râle désespéré franchit les lèvres d'Elizabeth. Elle était proche, proche, proche….

 

Brusquement, la caresse cessa et Beckett remonta calmement reprendre sa place. Elizabeth ouvrit les yeux.

« Mais qu'est-ce que vous faites ? »

Un sourire ironique aux lèvres Beckett la toisa.

« Mais j'exauce votre désir ma chère. Vous êtes fatiguée non ? »

Elizabeth le regarda tandis qu'il soufflait la chandelle.

« Bonne nuit Lady Beckett » ironisa t'il.

Aussi en colère que frustrée, Elizabeth poussa un cri de rage.

« Oh vous ! S’écria-t-elle en le giflant à la volée. Soyez maudit ! »

 

Beckett blêmit et avant qu'elle ait eu le temps de regretter son geste, il la renversa sous lui.

« Mais vous n'arrêtez donc jamais ! » pesta t'il en lui maintenant les poignets avec fermeté.

Elizabeth se débattit.

« Lâchez-moi ! Je ne veux pas.

- Oh que si vous voulez, se moqua Beckett en lui maintenant les poignets d'une main tout en se guidant en elle de l'autre.

- Je vous méprise… gémit Elizabeth.

- Moi aussi. » Haleta Beckett.

Elizabeth se cambra.

« Vous êtes immonde. »

Beckett s'enfonça en elle.

« Taisez-vous donc. » pesta-t-il avant de plaquer ses lèvres sur les siennes pour un profond baiser.

 

Sous lui, Elizabeth hoqueta alors que son corps s'enflammait de plus belle. La bouche de Beckett la fouillait sans la moindre douceur et elle gémit douloureusement. Elle ne pouvait plus respirer, c'était… La bouche du Lord la libéra et elle inspira longuement. Elle le regarda vaguement, à demi consciente et il poussa un râle. Elizabeth le sentit frissonner tandis que son corps se rompait et un sanglot de rage lui échappa lorsqu'elle comprit ce qui montait en elle. Les yeux clos, Elizabeth laissa le plaisir l'inonder tandis qu'il s'immobilisait en elle.

« J'ai envie de vomir, ragea la jeune femme alors qu'il se laissait tomber sur le lit. Vous me dégoutez, vous êtes un sale….

- Quand je pense que vous m'aviez juré que vous seriez aussi douce que complaisante, haleta Beckett

- La douceur ne faisait pas partie du marché. rétorqua Elizabeth. Pas plus que ce que vous avez osé faire ce soir. »

 

Beckett se redressa légèrement et la regarda.

« Vous êtes furieuse parce que vous avez aimé…. Vous aimez ce que je vous fais.

- Je ne vous aime pas Lord Beckett. Ragea Elizabeth.

- Allons ma chère, je me moque bien de votre cœur inconstant.

- Mon cœur n'est pas inconstant !

- Ah oui ? Je me demande ce que Sparrow en penserait… Mais laissons cela, comme je vous l'ai dit vos sentiments minables n'ont aucun intérêt. Gardez donc votre cœur Elizabeth. Seul votre corps m'intéresse et il est tout à moi. Je suis donc un homme comblé.

- Dommage que je ne puisse pas dire la même chose, » ragea Elizabeth.

Un rire léger lui répondit.

« Allons Elizabeth, assez d'hypocrisie… Aucun de vos précieux Sparrow et Turner ou dieu sais-je qui encore ne vous a jamais comblé comme je le fais. Et je doute qu'ils y parviennent un jour.

- Espèce de nabot prétentieux ! » Ragea Elizabeth qui leva la main pour le frapper, ulcérée.

 

Cette fois Beckett bloqua son bras.

« Mon dieu quel appétit ma chère ! Si vous en voulez encore il suffit de demander, je me ferais un plaisir de vous exaucer. »

Les larmes aux yeux, Elizabeth s'arracha à son étreinte et se retourna.

« Le corps est décidément une chose étrange n'est-ce pas ? murmura Beckett. Vous me haïssez mais pourtant vous devenez la plus ardente des maîtresses sous mes caresses. »

Les yeux clos, des larmes de rage et de honte roulant sur ses joues, Elizabeth ne répondit pas.


Chapitre 8                                                                                                       Chapitre 10


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