Chapitre 29 : Poursuivi par son passé


Le soleil était déjà fort haut dans le ciel lorsque la toute jeune Lady Beckett fit son entrée dans le bureau de son époux. Cela faisait peine trois jours que leur union avait été prononcée et, si Cutler s'avérait être un époux avare de grandes déclarations, il en était tout autrement pour les relations physiques qui la laissait étourdie de plaisir et parfois vaguement honteuse. Tous les soirs, Elizabeth précédait Cutler dans leur chambre et y découvrait alors une nouvelle série de gravures à l'érotisme trouble qui repoussait chaque nuit les limites fixées par la décence. Les scènes que Cutler offrait à sa vue était de plus en plus audacieuses, révoltantes aurait dit son père, et avaient toujours pour personnage central la jeune femme aux yeux mauves qui intriguait tant Elizabeth. Elle n'avait pas osé demander à son époux qui elle était, elle se contentait de graver ses traits dans sa mémoire et de se laisser emporter par l'érotisme des scènes qu'ils reproduisaient ensuite dans la tiédeur de leur chambre. La vie ou tout du moins les nuits d'Elizabeth était devenue un tourbillon de plaisir, son corps répondait chaque jour un peu plus vite, un peu plus fort aux caresses de son époux. Pourtant Elizabeth sentait qu'il manquait quelque chose à sa relation avec Cutler.

 

Leur union charnelle, sensuelle, la laissait pantelante de plaisir mais pourtant rien ne s'éveillait dans son cœur à la pensée de son époux. Il manquait à son plaisir cette douce chaleur, le sentiment de tendresse et d'aboutissement qu'elle avait éprouvé dans les bras de Jack et souvent lorsque son corps tendu à l'extrême par les savantes caresses de son époux réclamait un assouvissement, elle atteignait l'orgasme en imaginant que c'étaient les bras de Jack qui la serraient. Elle avait beau faire, aucune caresse, aucun mot de Cutler ne parvenaient à lui faire oublier le pirate et la douceur de la nuit qu'ils avaient passés sur leur île. Les raffinements dont Cutler entourait leurs ébats, la sensualité qu'il avait apportée dans leur relation la ravissait et la décevait tout à la fois, elle regrettait la sensation simple du cœur de Jack battant contre le sien, de leur corps nus s'épousant à la lumière d'un feu, de la caresse du vent déposant du sel sur leurs corps. Elle se souvenait avec émotion des sentiments que Jack provoquait en elle et que Cutler, malgré toute sa science ne parvenait pas à éveiller. Avec Jack elle avait connu l'abandon réciproque qui avait à la fois comblé son cœur et son corps , avec Cutler c'était le vertige des sens mais lorsque la nuit était finie elle laissait place à la solitude de l'âme. Et à la culpabilité. Pour chaque gémissement poussé en pensant à Jack, Elizabeth se sentait coupable vis-à-vis de son époux, aussi méprisable que le pirate qui l'avait trahie en se vautrant dans les bras d'une autre. Même si elle savait confusément que pour Cutler leur union était avant tout charnelle, elle ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir de sa trahison.

 

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Avec un soupir Elizabeth chassa ces pensées qui la hantaient et fit son entrée dans le bureau de son mari, qui, comme chaque matin, travaillait en compagnie de Mercer, ce dernier ne le quittant presque jamais.

« Bonjour Cutler. »

Il releva la tête et grimaça ouvertement en découvrant sa tenue.

« Ma chère ne vous ai-je pas dit à de nombreuses reprises qu'il me déplaisait de vous voir habillée comme l'une de ces matrones. » Assena-t-il avec la politesse glacée qu'il s'amusait à employer avec elle de temps à autres.

Elizabeth baissa les yeux sur sa robe d'organdi rosé au décolleté pudique dont la couleur mettait en valeur la fraîcheur de son teint puis regarda son époux.

«  Je ne vois pas en quoi cette robe vous déplait autant mais en tous les cas elle me plait à moi. » Répondit Elizabeth avec la même politesse glacée, une pointe de défi dans la voix.

Cutler s'en aperçut et sourit brièvement, il avait amené la jeune femme là où il le désirait depuis le début. Il répondit d'un ton qui se voulait courtois mais aussi sans appel.

« C'est donc que vous ignorez les vêtements qui vous flattent ma chère Elizabeth. Retournez-vous changer. » Jeta-t-il sur le ton qu'il aurait employé envers le majordome.

Elizabeth sentit la rage bouillonner en elle, tandis que, l'air de rien, Mercer ne perdait pas une miette de la conversation entre les époux.

« Je ne vois pas pourquoi j'irais me changer. Cette robe est parfaite. » Répondit-elle vivement.

 

Cutler sourit à nouveau en entendant sa réponse et se leva souplement pour se placer derrière la jeune femme, la laissant faire face à Mercer qui ne perdait rien de la scène. Cutler posa ses mains sur les épaules d'Elizabeth, il savoura la sensation de la respiration de la jeune femme sous ses doigts avant de se pencher vers son oreille.

« Enlève la robe et va en mettre une qui correspond mieux à celle que tu es, ma petite catin. » Souffla-t-il d'un ton enjôleur qui ne parvenait pourtant pas à adoucir l'insulte contenue dans sa phrase.

Elizabeth blêmit devant le regard narquois que lui lança Mercer et se retourna vivement vers son époux.

« Comment osez-vous ?

- Allons Elizabeth, ne faites pas semblant d'être une autre que vous-même. Reprit Cutler sur le même ton, s'amusant à reprendre le vouvoiement. Je vous apprécie telle que vous êtes. Ma petite catin. » Sourit-il.

Il laissa glisser son doigt le long du cou d'Elizabeth jusqu'à écarter lentement le col de sa robe et découvrit peu à peu son corps.

 

Un instant désarçonnée, Elizabeth se reprit et saisit vivement à l'aveuglette le coupe papier qui se trouvait derrière elle. La jeune femme le posa contre la gorge de Cutler, ivre de fureur.

 

Derrière elle, Mercer fit un pas avant de s'interrompre obéissant au regard de Beckett. Ce dernier sourit et murmura :

« Vous aimeriez le faire ma douce petite catin. Voir le sang couler, infliger la douleur et le plaisir qu'elle procure. Je vous apprendrai Elizabeth. Souffla-t-il en prenant doucement sa main dans la sienne et en y posant les lèvres. Pour l'instant allez-vous changer je vous prie. »

Elizabeth cligna des yeux, interdite. Son visage trahit à la fois son trouble et son incompréhension devant ce qui venait de se produire mais aussi devant les images que les mots de Cutler avaient faites naître dans son esprit et elle reprit d'une voix tremblante.

« Je vais rendre visite à mon père aujourd'hui. Cette robe est la plus indiquée pour cette occasion. »

 

Les yeux dans les siens, Cutler massa doucement l'intérieur du poignet délicat qu'il tenait toujours et sourit à mesure qu'il testait l'étendue de son pouvoir sur elle. Elizabeth soupira, elle ne parvenait pas à se souvenir des raisons de sa colère ou même de l'endroit où elle se trouvait, de la présence de Mercer… Elle ferma les yeux, son corps tendu dans l'attente du plaisir. Par-dessus son épaule, Cutler échangea un bref regard complice avec Mercer avant de la relâcher.

« Portez la rouge plutôt Elizabeth. J'adore cette couleur sur vous. Et relevez vos cheveux j'aime voir votre nuque. »

 

La jeune femme hésita un moment, elle se sentait toujours furieuse mais curieusement les seuls mots qu'elle réussit à prononcer furent une capitulation sans restrictions.

« Oui. Je vais mettre la robe rouge.

- Une dernière chose Elizabeth. Vous avez réussi à me surprendre tout à l'heure. Ce qui prouve que vous avez retenu ma principale leçon alors que je l'ai oubliée. Ne jamais sous-estimer son adversaire. Sachez que cela n'arrivera plus. » Murmura-t-il contre ses lèvres avant de se détourner moqueusement.

 

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Elizabeth rougit l'air perdu, ne sachant que dire et finit par sortir. Beckett se tourna alors vers Mercer, un sourire ravi aux lèvres.

« Intéressante non ? Avez-vous vu comme elle résiste ? Et pourtant sa luxure naturelle la conduit vers la soumission, une caresse et la voilà docile ! Cette fille est pleine de contradictions. Elle rêve de dépravations mais veut être traitée comme une reine. Lorsqu'elle a pris ce coupe papier, j'ai lu la haine dans ses yeux. Savoura Beckett.

- Sans l'anneau elle vous aurait tué My Lord ! »

 

Beckett ricana cruellement.

« C'est cela qui est stimulant Mercer ! La voir combattre en sachant qu'elle a perdu d'avance. Son âme se pervertit inexorablement malgré ses efforts pour être quelqu'un de bien. Son corps répond sans réserves à toutes les caresses, cette fille est folle amoureuse d'un autre pourtant elle se vautre chaque nuit dans ma couche comme la pire des catins.

- N'empêche, elle a résisté suffisamment pour vous menacer. L'anneau aurait du garantir sa totale docilité

- Mais alors si je laissais le pouvoir de l'anneau s'exercer je n'aurais plus le plaisir de la voir descendre lentement dans la luxure. Ni ses luttes imbéciles, ses rébellions et la manière dont son petit cœur se met à battre follement lorsque je la traite comme la traînée qu'elle est. Et son incompréhension quand grâce à l'anneau je la contrains à m'obéir. ! Tout cela n'a pas de prix Mercer ! »

 

L'homme de main sourit devant le plaisir évident de son maître qui poursuivit son explication.

« Vous voyez c'est comme laisser la bride sur le cou d'une jument rétive et exercer son pouvoir quand il le faut. Néanmoins sa petite démonstration mérite une punition, car si elle n'était pas dangereuse je préfère ne pas la laisser croire qu'elle pourrait me menacer. Ricana-t-il. Il est temps qu'elle commence à réaliser que je suis son maître et la première leçon sera pour ce soir. »

Mercer sourit et ricana à son tour.

« Je vais vous chercher les gravures Lord Beckett. » Déclara-t-il avant de sortir, laissant Beckett seul avec ses sombres desseins.

 

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Tandis qu'Elizabeth se conformait aux désirs de son époux et changeait de robe, dans le port de Tortuga, l'état de Jack n'empirait pas mais ne s'améliorait pas aussi rapidement que Gibbs l'aurait souhaité. Le pirate alternait de brèves périodes de sommeil profond et de veille agitée durant lesquelles Gibbs veillait sur lui avec un soin jaloux. Il ne comprenait pas comment l'homme insouciant qu'il connaissait si bien pouvait être le même que celui qui gémissait dans sa cabine depuis bientôt une semaine. Jack finit par ouvrir les yeux et posa un regard fiévreux sur Gibbs.

« Lizzie. Murmura-t-il.

- Elle est à Port Royal. Elle est en sécurité Jack. L'apaisa Gibbs sans comprendre pourquoi le sort de la jeune femme l'angoissait autant.

- Dois ...la retrouver… l'empêcher … cet homme… Beckett. S'agita Jack, prêt à se lever.

- Non Jack. Tu dois te reposer et guérir.

- Non… comprends pas … Lizzie.

- Chut Jack. Bois. » Ordonna Gibbs qui lui donna une tisane soporifique qui renvoya Jack dans le cauchemar de son passé.

 

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Il était à nouveau dans la cabine de Beckett, à l'intérieur du Wicked Wench… La femme brune, inconnue le regardait, ses yeux vides de vie comme si elle était déjà morte. Derrière elle, le capitaine Beckett ricana.

« Alors Lieutenant Sparrow comment trouvez-vous mon épouse ? »

Jack déglutit, horrifié et n'osa regarder la jeune femme en face.

« Libérez-la. Elle, elle a obéi non ? »

Beckett sourit méchamment.

« Tu as entendu putain ? Il veut que je te libère. Je vais donc lui montrer ce qu'est la libération pour les chiennes comme toi. »

Lentement, un sourire pervers aux lèvres, il accentua les allers et venues de la tige et lui imprima un rythme lent mais profond

« Regarde notre ami. Regarde le qu'il voit celle que tu es. » Ordonna-t-il.

 

Audrey, le visage tendu, fixa Jack dans les yeux tandis que ses hanches ondulaient au rythme décidé par Beckett. Ce dernier continua avec une lenteur exaspérante, il ne semblait pas avoir conscience du carnage qui se déroulait sur le pont, mais dont les cris résonnaient douloureusement aux oreilles de Jack.

 

Le jeune homme fit un pas en avant, profondément écœuré mais aussi honteux du désir brutal, quasi animal qui l'envahissait devant le plaisir évident de la femme du capitaine.

« Vous êtes immonde !

- Oh, de la part du fils d'un hors la loi notoire pour qui l'honneur n'est qu'une vague notion rhétorique ce doit être un compliment. »

Jack s'immobilisa et réalisa que malgré tous ses efforts pour devenir un homme honorable, l'autre avait toujours su qui il était. Le fils d'un pirate, pire que ça, le fils du dépositaire du Code de la Piraterie. Beckett lui renvoya un grand sourire, tandis que le cri de jouissance d'Audrey retentissait, le visage de la femme était tendu dans le plaisir mais elle avait les larmes aux yeux devant sa faiblesse. Beckett laissa la tige enfoncée en elle et se tourna vers Mercer.

« Laissez-nous à présent Monsieur Mercer. Allez plutôt tuer quelques nègres, trouvez leur chef, je me charge du lieutenant Sparrow. »

 

Sans un mot mais avec un air soumis, Mercer sortit de la cabine, laissant Jack face à un homme dont il découvrait avec horreur la noirceur.

« Vous avez eu la naïveté de croire que j'ignorais qui vous étiez ?

- Vous ... Vous êtes un monstre !

- Oh, j'aurais cru que les pirates avaient moins de scrupules, qu'est-ce que quelques nègres au regard d'une fortune en or ? »

Jack se sentit bouillir devant l'insulte.

« Les pirates défendent la liberté ! Ils la placent au dessus de tout ! » Rétorqua-t-il, sans renier son origine dont il était fier pour la première fois de son existence.

« Liberté… Répondit Beckett d'un ton méprisant. Ce que vous appelez liberté n'est qu'une utopie qui ne survivra pas à la marche du monde. Vous aviez fait le bon choix en vous affranchissant de votre détestable héritage familial et en rejoignant la compagnie. Ne gâchez pas tout à cause d'un sentimentalisme imbécile. Prenez une arme et allez aider Mercer. »

Jack le fixa et sentit la volonté de l'autre, le plaisir pervers qu'il prenait à tenter de le soudoyer, à lui faire épouser sa cause.

« Pourquoi ne me tuez-vous pas maintenant ? Pourquoi vouloir que je vous rejoigne ?

- A cause de votre père. Ricana Beckett. Vous ne voulez pas lui ressembler n'est-ce pas ? »

 

Jack le regarda un moment avec détresse, son père incarnait tout ce qu'il avait voulu fuir en rejoignant la Compagnie. Pour lui être pirate était chose impossible tant il voulait être quelqu'un de bien, quelqu'un de respecté et de respectable. En endossant l'uniforme, Jack avait coupé ses cheveux, ses liens avec sa famille, renié son passé et tous ceux qu'il avait connus. Il avait cru que la Royale Navy ferait de lui un homme bon, un homme avec des valeurs, des principes. Mais à présent il s'apercevait qu'il y avait plus de noblesse dans les actes des pirates que dans ceux des soldats. Malgré lui il jeta un regard vers Audrey, toujours au sol, le visage crispé de douleur cette fois.

 

Beckett intercepta son regard et sourit.

« Oui, rejoignez moi et vous l'aurez si elle vous plait. Vous pourrez lui faire tout ce dont vous avez toujours rêvé Jack. »

Jack rougit et imagina malgré lui la femme en train de gémir dans ses bras, il se vit s'enfoncer en elle … mais pourtant il fixa Beckett.

« Je ne suis pas ce genre d'homme.

- Dites plutôt que vous voudriez ne pas l'être. Rétorqua Beckett qui se pencha vers le feu pour y ramasser quelque chose. Je suppose que vous déclinez également mon autre proposition ? Demanda-t-il d'un ton léger.

- Je préfère vivre comme un pirate et être libre que d'obéir aux ordres d'hommes comme vous Capitaine Beckett.

- Fort bien. Dans ce cas nous allons sceller votre nouveau choix de carrière. »

 

Avant que Jack ait eu le temps de réagir, Beckett lui saisit le bras et y appliqua le tison brûlant qu'il avait mis à rougir au feu à l'arrivée du jeune homme. Jack hurla de douleur en sentant ses chairs se calciner et manqua de s'évanouir. Beckett sourit à nouveau de la même grimace désagréable avant de retirer le fer rougi.

« Vous voilà pirate et marqué comme tel ».

 

Les larmes aux yeux Jack comprit qu'il n'avait plus la moindre échappatoire devant la cruauté de son ennemi. D'un geste désespéré il saisit de son bras valide un lourd ouvrage qui reposait sur le bureau et s'en servit pour frapper violement Beckett avec, projetant contre le mur le capitaine qui ne s'attendait pas à une attaque du jeune lieutenant. Beckett glissa sur le sol, momentanément assommé. Jack fou de douleur laissa tomber le livre pour se précipiter vers la porte lorsqu'un gémissement de douleur l'arrêta net. Audrey… Il ne pouvait pas la laisser comme ça, pas avec ce monstre… Serrant les dents à cause de la douleur il s'agenouilla à côté d'elle.

«  Les clés ! Vite où sont-elles ? »

Audrey le regarda sans répondre avant de regarder brièvement vers Beckett. Les larmes aux yeux et les mains tremblantes, Jack fouilla le capitaine toujours inconscient et finit par trouver les précieuses clés. Il libéra Audrey et jeta une veste sur la jeune femme nue.

« Vite. » Gémit-il, en posant un morceau de tissu sur sa brûlure pour la protéger.

 

L'air absente, Audrey le suivit et ramassa au passage le livre avec lequel Jack avait assommé Beckett

«  On a pas de temps pour ça ! » S'écria Jack

Audrey se contenta de resserrer le livre contre elle, sa faiblesse évidente l'empêchant de courir. Jack la fixa, il regarda son ventre puis la prit dans ses bras sans prévenir et courut avec elle jusqu'au bastingage.

« Vous m'excuserez mais c'est le seul moyen. » Déclara-t-il avant de les jeter tous deux à la mer.

 

Lorsqu'ils refirent surface, Jack souffla de douleur à cause de l'eau sur sa blessure mais aussi du poids d'Audrey contre lui. Alors qu'il se sentait perdre pied, une main sombre se tendit vers lui et Jack reconnut le colosse qu'il avait libéré.

« Toi monte. » Déclara-t-il en l'aidant à hisser Audrey.

Jack soupira de soulagement et jeta alors un regard vers le navire qu'ils venaient de quitter. Il s'aperçut avec un serrement de cœur que le Wicked Wench était en train de couler, victime de la folie et de l'avidité de son capitaine. A ses côtés Audrey s'était évanouie et le colosse sombre le regarda d'un air interrogateur.

« Où nous aller à présent ? »

 

Les yeux brouillés par la douleur et la peine, Jack reconnut néanmoins le paysage qui l'entourait et désigna à l'autre une passe qui remontait un fleuve.

« Par là … nous là bas … sécurité le bayou… » Gémit il avant de s'évanouir à son tour après avoir aperçu Mercer et Beckett qui couraient s'installer sur une chaloupe et abandonnaient lâchement sans remords le navire qu'ils commandaient.

 

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Jack gémit dans son sommeil, il revivait la sensation de chaleur inondant son bras, la lourdeur du corps inerte d'Audrey contre le sien. Les hurlements des soldats et esclaves blessés qui avaient été emportés par le fond lors du naufrage du Wicked Wench résonnaient dans son esprit affaibli par la fièvre. A ses côtés, Gibbs posa une compresse tiède sur son front, refaisant inlassablement les mêmes gestes, dans l’espoir que ça suffirait pour guérir son précieux capitaine.

 

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Elizabeth était rentrée de chez son père animée par des sentiments mitigés. Le Gouverneur avait certes paru heureux de la voir mais avec une réserve qui n'existait pas dans leurs rapports antérieurs et que la jeune femme ne s'expliquait pas. Cependant elle devait avouer que son père l'avait complimentée sur sa robe, contrairement à ce qu'elle avait prévu. Elle défit son chignon avant de le refaire habilement et orna ses oreilles de lourds pendants de rubis que Cutler lui avait offerts avec la robe, préférant ne pas attendre l'aide des servantes. Elizabeth se regarda un instant dans le miroir puis soupira et songea qu'elle eut mille fois préféré courir pieds nus sur une plage de sable rosé plutôt que de porter d'aussi somptueuses tenues. Mais cette vie n'était pas pour elle et elle devait l'oublier, faire comme si les moments passés avec Jack n'avaient été qu'un rêve, un rêve trop doux. Se mordant les lèvres en réalisant qu'elle était encore en train de penser au pirate, Elizabeth referma d'un geste sec le coffret à bijoux et se dirigea vers le salon.

 

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Une fois à l'intérieur elle eut la surprise de s'y trouver seule ou presque. Mercer était là, occupé à faire la correspondance du Lord. Surmontant sa répugnance envers l'homme, Elizabeth lui adressa la parole.

« Lord Beckett n'est pas ici ?

- Non Madame. Il m'a chargé de vous dire de dîner sans lui. Il rentrera tard et viendra vous rejoindre dès son retour.

- Oh et bien, je … » Hésita Elizabeth.

Mercer lui tendit un verre de sherry.

« Voulez vous que je reste pour vous distraire Lady Beckett ? Je sais à quel point votre appétit est féroce.  Murmura Mercer qui la déshabillait ouvertement du regard.

- Ce ne sera pas nécessaire David. Prenez donc votre soirée. Répliqua Elizabeth de son ton le plus cinglant, désirant faire comprendre à l'autre qu'elle ne le voyait que comme un domestique

- Merci Madame. S'amusa Mercer. Oh, et avant que j'oublie, vous trouverez les gravures de ce soir sur votre oreiller et Lord Beckett a bien précisé que vous deviez garder la robe en l'attendant. »

Rouge de colère et de honte, Elizabeth le regarda sortir, profondément humiliée par la connaissance de leur intimité que semblait avoir Mercer. Désireuse de donner une leçon à son époux, Elizabeth s'installa dans le grand fauteuil avec un livre et la carafe de sherry à portée de main.

 

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Les heures passèrent et la carafe diminua jusqu'à ce qu'Elizabeth finisse par tomber de fatigue et surtout d'ivresse. Convaincue que Cutler ne rentrerait pas cette nuit et à la fois déçue et soulagée de son absence, elle monta jusqu'à leur chambre. Elle s'approcha du lit, résolue à ne pas obéir à Cutler et saisit le paquet de gravures, décidée à ne pas les regarder. L'ensemble était plus lourd qu'à l'accoutumée dans sa main et Elizabeth y jeta un léger coup d'œil. La première scène la fit rougir et sans s'en rendre compte elle s'assit sur le lit pour examiner les gravures, ses résolutions oubliées.

 

Cette fois, la femme portait une robe mauve, assortie à ses yeux, et l'expression de son visage était toute de douceur et de soumission. L'homme, dont elle ne voyait pas les traits, comme toujours, défaisait lentement son chignon élaboré. Elizabeth sourit devant cette scène de tendresse inhabituelle, curieuse de la suite, elle tourna les gravures. Elle se laissa bercer par la douceur des différents tableaux, le sherry contribuant à diffuser une douce chaleur dans ses reins. Au bout de la troisième la scène changea brutalement. La femme tournait le dos à l'artiste, agenouillée devant l'entrejambe de l'homme et Elizabeth poussa un glapissement écœuré en devinant ce qu'elle faisait. Rapidement elle passa à la suivante et découvrit cette fois la femme à quatre pattes tel un animal, avec derrière elle le sexe luisant de l'homme qui s'approchait de son… Elizabeth écarquilla les yeux et approcha malgré elle son visage de la gravure, incertaine de ce qu'elle voyait. La porte de la chambre claqua et la fit sursauter.

 

Cutler la regarda, satisfait par l'abandon de sa pose et son regard un peu éméché grâce au sherry.

« Lève-toi Elizabeth. Ordonna-t-il d'un ton dur. Je crois que tout ceci a assez duré. »

Elizabeth se mit à trembler, un peu saoule et ne comprenant pas de quoi il parlait.

« Debout ! Et répond à ma question. Comment appelle t'on une femme qui, avant le mariage, se vautre dans la débauche avec un amant de passage ? »

Elizabeth blêmit et baissa les yeux d’un air coupable.

« Une catin… Murmura-t-elle.

- Bien. J'ai accepté de te pardonner cet écart et de te prendre pour femme. Mais, ma chère douce et jolie petite catin, j'entends que tu m'obéisses. Je te veux désirable, je te veux belle. Je te veux alanguie dans l’attente des caresses. » Murmura-t-il en s'approchant d'elle, défaisant habilement sa coiffure.

Elizabeth s'immobilisa, l'esprit brouillé par l'alcool.

« Cutler que, que voulez-vous ?

- Je te l'ai dit Elizabeth. Je veux t'apprendre le plaisir sous toutes ses formes comme je t'ai appris l'escrime. Tu m'appartiens corps et âme je veux que tu le réalises maintenant. » Murmura-t-il en terminant de dénouer ses cheveux, il les caressa souplement, lentement, tandis que sa femme se détendait sous ses doigts.

 

Elizabeth sourit avec abandon, épuisée par l'alcool et par la culpabilité, elle n’avait plus force de lutter contre le désir qui s'éveillait peu à peu en elle. Elle poussa un cri de douleur lorsque la main de Beckett se referma sur ses cheveux pour la forcer à s'agenouiller devant lui.

« Vas y Elizabeth, va ma petite catin, fait en sorte que je te désire. »

Elizabeth se mordit les lèvres tandis que la main de Beckett la maintenait sans pitié au sol. De son autre main, il défit la ceinture de ses braies, et en extirpa un morceau de chair flasque qu'il lui présenta.

« Montre-moi que je n'ai pas eu tort de te pardonner Elizabeth. Donne-moi du plaisir. »

Elle leva une main hésitante et commença à caresser son époux, chassant le souvenir fugace et si doux de la main de Jack guidant la sienne, de la tendresse du pirate… Cutler gémit faiblement tandis que sous ses doigts son sexe grossissait.

« Mmmm C'est bien Elizabeth. Maintenant lèche le, goûte le. » Murmura-t-il en caressant doucement ses cheveux, la maintenant toujours à genoux.

La jeune femme se détendit sous sa caresse et pointa le bout de la langue pour obéir à l'ordre donné.

 

Tandis qu'elle s'enhardissait et goûtait le sexe érigé de son époux, Cutler descendit sa main sur son corps. Il repoussa sa robe jusqu'à découvrir sa poitrine avec laquelle il joua un moment. Finalement il la libéra d'une voix rauque.

« Lève-toi. Et enlève cette robe. Je veux te voir. »

Agenouillée devant lui Elizabeth leva les yeux et obéit, les sens en éveil. Une fois qu'elle fut nue, Cutler l'embrassa avec brusquerie, sa bouche exigeante fouilla la sienne tandis qu'il la caressait.

« Mets-toi à quatre pattes Elizabeth. » Murmura-t-il à son oreille, la forçant à se retourner.

La jeune femme se raidit à la fois excitée et révoltée par ce qu'il suggérait

« Offre-moi ta virginité Elizabeth. Murmura-t-il à nouveau. Laisse-moi t'apprendre ça. »

Avec un tremblement, mais sachant qu'elle ne pouvait pas lui refuser ça après sa trahison, Elizabeth s'agenouilla avant de poser ses mains sur le sol avec réticences.

Derrière elle, Beckett eut un sourire triomphant et commença à caresser son œillet de son gland mouillé par la salive de la jeune femme. Elizabeth se raidit en le sentant l'effleurer avant de pousser un soupir de soulagement alors qu'il s'enfonçait dans son intimité. Elle gémit lorsqu'il commença à aller et venir en elle, tandis que doucement il glissait son doigt dans l'endroit qu'il convoitait et la forçait à se détendre peu à peu. Elizabeth soupira plus fort alors qu'il ressortait son sexe de son intimité, la laissant au bord de l'orgasme.

 

Doucement avec un sourire aux lèvres il frotta à nouveau son sexe contre son œillet laissa cette fois son gland pénétrer l'orifice délicat. Les ongles d'Elizabeth se refermèrent sur le tapis tandis qu'il s'enfonçait avec une violente poussée en elle, ne se préoccupant guère de déchirer les chairs ou non. La main de Beckett saisit ses longs cheveux cendrés et les enroula autour de son bras, la forçant ainsi à relever la tête. Elizabeth gémit à la fois de souffrance et de plaisir lorsque sa main caressa son clitoris tandis qu'il s'enfonçait encore plus profondément en elle. Finalement, il se lâcha puissamment avec un râle de satisfaction avant de ressortir brutalement de son corps meurtri.

« Tu auras moins mal la prochaine fois. » Annonça-t-il en refermant son pantalon.

Puis doucement, presque tendrement, il se pencha sur elle et caressa ses cheveux.

« Tu es faite pour l'amour Elizabeth. Va te coucher à présent. » Murmura-t-il avant de l'embrasser.

Elizabeth, l'air frustré, le regarda un instant avant de se relever à son tour et de se coucher, plus perdue que jamais.


Chapitre 28                                                                                                   Chapitre 30


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