Chapitre 4 : L'histoire de Davy Jones


Pendant que Jack essayait sans succès d'obtenir l'attention de Davy Jones, celui-ci jouait de l'orgue à bord de son navire, Le Hollandais Volant. Il faut dire qu'il était de fort mauvaise humeur depuis qu'il avait réalisé que son cœur avait disparu et il n'en était que plus cruel envers son équipage, du moins si une telle chose était possible.

 

Jimmy Legg, le maître d'équipage s'acquittait avec bonheur des ordres que son capitaine lui avait donnés et fouettait sans relâche Bill Turner qui se demandait comment il allait pouvoir supporter une éternité de ce traitement. Bill savait qu'il n'avait plus aucune chance de rédemption, son dernier espoir s'était envolé lorsqu'il avait vu le Pearl s’abîmer dans les profondeurs de l'océan. A cette pensée une larme s'échappa de ses yeux et se perdit dans les coquillages qui recouvraient de plus en plus son corps et son visage. Son fils, Will, était sur ce bateau et devait être mort à présent. Il aurait tant voulu un autre destin pour son garçon, anéanti, il maudit Jack Sparrow, son ancien capitaine, pour avoir entrainé Will dans sa mort.

 

Soudain, l'orgue se tut. Tout l'équipage s'immobilisa et se demanda ce que leur capitaine allait leur ordonner de faire. Un bruit sourd se fit entendre, signe que Davy Jones montait sur le pont. Il regarda Jimmy Legg.

« Fais en sorte que je ne sois pas dérangé. Je te laisse carte blanche.

- Bien mon capitaine se réjouit le maitre d’équipage. Vous avez entendu vous autres ! Celui qui dérangera le capitaine tâtera de mon fouet ! »

Sans dire un mot de plus, Jones rejoignit sa cabine.

 

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Une fois à l'intérieur, il se pencha sur le coffre que son équipage lui avait rapporté de l'ile des Quatre Vents. Pas celui où il avait mis son cœur et qui était désespérément vide mais l'autre, celui qui contenait les vestiges de son ancienne existence.

 

Jones exhuma des souvenirs de sa vie d’avant, celle où il était un simple marin nommé Edward et où il vivait heureux avec sa femme la tendre Ellen.

 

Son regard tomba sur la dernière lettre qu'il lui avait envoyée. Quelle gageure ! Ellen ne s'était même pas donnée la peine de la lire, trop occupée à s'enfuir avec son propre frère John, qui lui était un riche marchand. Et bien il était temps de la lire cette lettre. Jones décacheta l'enveloppe d'un geste rageur et lut la dernière lettre qu'il avait écrite à sa femme.

 

Année 1200 

 

A bord du Suddenly

 

Ma douce, mon ange, ma vie,

 

Tu ne peux imaginer à quel point les heures passées loin de toi me semblent longues…Chaque matin lorsque le soleil vient réchauffer ma peau je me demande ce que tu fais, comment tu vas. Ton image ne me quitte pas, la tienne et celle de ce petit être qui grandit en toi. Je prie pour que vous alliez bien tous les deux.

 

J'ai bien réfléchi à tout ceci et à la conversation que nous avons eue avant mon départ.

Tu as raison ma mie.

Un enfant a besoin de la présence de ses deux parents pour grandir, aussi ce voyage sera mon dernier, je t'en fais le serment. Sitôt rentré au port je rendrais mon commandement et je demanderai à John de m'aider à trouver un emploi. Comme tu me l'as dit mon frère est un homme bon je suis sûr qu'il m'aidera.

 

L'heure est déjà venue de te laisser mon amour mais je me console en me disant que dans quelques mois nous seront enfin réunis tous les trois

 

Je t'aime mon Ellen

 

Ton mari,

Edward

 

 

Après avoir lu cette épître Davy Jones ne put retenir un rire ironique. Oh oui quel homme bien son frère ! Lorsqu'il avait débarqué, quelques semaines après avoir envoyé cette lettre, ce fut pour découvrir que son enfant était né et que John et Ellen vivaient comme mari et femme et élevaient le petit George ensemble.

 

En apprenant ça, il avait failli les tuer mais il ne pouvait se résoudre à faire du mal à sa femme. Alors il avait repris la mer, but des tonnes d'alcool, saoul du matin au soir mais il ne parvenait pas à oublier Ellen. Dans son délire il l'appelait sans cesse et la confondait avec la mer, si bien que son équipage s’était demandé s'il n'était pas devenu fou.

 

Un soir, dans un port dont il a oublié le nom, il alla se saouler dans une taverne pour essayer une fois de plus de trouver l'oubli, il n'avait plus la force de vivre mais pas non plus la force de mourir… Mais ce soir là il fit une rencontre alors qu’il rentrait, ivre mort sur son navire, il eut la surprise de trouver une femme qui l'attendait dans sa cabine.

 

Surpris, il eut un moment l'espoir fou qu'Ellen lui était revenue mais il s'aperçut bien vite que ce n'était pas son épouse. La femme se leva et resta dans l'ombre de manière à ce que son visage demeure invisible.

 

Edward lui demanda d'une voix pâteuse ce qu'elle voulait. Elle lui répondit d'un timbre chaud et voluptueux.

« Moi Edward, je ne te veux rien, c'est toi qui désires quelque chose plus que tout. Je sais, tu souffres, tu voudrais en finir avec cette vie qui te pèse depuis que tu as perdu la charmante Ellen mais tu n'y arrives pas…

- Comment sa…savez-vous,  bafouilla Edward brusquement dégrisé par l'étrangeté du discours tenu par la femme.

- Je sais, trancha-t-elle. Je te propose une alternative, je te propose une immortalité sans souffrance, je te propose de te débarrasser de ton cœur mais de continuer à vivre. Je t'offre les océans et les mers du monde entier. Mais dans ce cas la terre te sera interdite, tu ne pourras accoster qu'une fois tout les dix ans. Acceptes tu mon offre ?

- Je ne sais pas, je ne comprends pas, suis je en train de rêver ?

- Ce n'est pas un rêve, je te propose mon aide contre une chose.

- Laquelle ? demanda Edward.

- Pas encore, saches juste qu'un jour je te demanderai de me rendre service et que tu devras me satisfaire de la meilleure façon possible sans quoi toutes les souffrances que ton cœur aura retenues pendant les années écoulées te seront rendues sur le champ et cette fois sans espoir pour toi de t'en défaire. Comme tu seras immortel, tu ne leur échapperas jamais. Alors Edward acceptes tu mon offre ?

- Mais que vais je faire de cette immortalité ? Et mon cœur que deviendra-t-il ?

- J'ai un bateau pour toi, tu écumeras les mers à la recherche de navires en détresse, et tu enrôleras de pauvres bougres aux portes de la mort dans ton équipage. Leur âme deviendra alors tienne. »

 

A ces mots, Edward écarquilla ses yeux mais la femme n'en avait pas encore fini.

« Tu auras sous tes ordres le Kraken ! Le plus monstrueux de tous les animaux qui vivent sur cette terre.

- C'est impossible ! Ce n'est qu'une légende, le Kraken n'existe pas !

- Tu crois vraiment ? Alors tu ne perds rien à essayer. Une dernière chose, ta faiblesse sera ton cœur, dit-elle en souriant. Si jamais quelqu'un s'en empare tu tomberas sous sa coupe et tu devras lui obéir. Alors Edward, pour la dernière fois, acceptes tu mon offre ? Tonna-t-elle.

- Et le moment venu, comment saurais je que c'est vous ? demanda Edward, qui signa ainsi son accord.

- Tu me reconnaitras j'y veillerais, » répondit la femme qui souffla alors de la poudre au visage d’Edward.

 

Celui-ci sombra alors dans l'inconscience. Lorsqu'il se réveilla le lendemain, la femme avait disparu ainsi que sa souffrance. Depuis ce jour il écumait les mers à bord du Hollandais Volant, le vaisseau qu'elle lui avait donné. Il n'avait jamais revu Ellen, pas plus que le fils qu'ils avaient eu ensemble. Edward était mort et il avait pris le nom de Davy Jones. Davy comme sobriquet d'Edward, et Jones pour rappeler la cruauté dont son frère John avait fait preuve envers lui en le dépouillant de sa famille sans éprouver de remords.

 

Il avait découvert le pouvoir ! Il commandait au Kraken qu'il savait à présent être plus qu'un mythe, il faisait ce qu'il voulait de son équipage. Oh bien sur à force d'écumer sans cesse les mers son apparence s'était altérée mais qu'elle importance ! Plus personne ne le connaissait ! Il n'avait jamais revu la femme qui l'avait transformé, pas plus qu'il n'avait remboursé sa dette mais il appréhendait le moment où il devrait le faire.

 

Cessant sa plongée dans ses souvenirs, Jones se leva, il devait tout mettre en œuvre pour retrouver son cœur sinon il risquait à son tour de devenir l'esclave de quelqu'un. Et cela c'était inacceptable. Lorsqu'il sortit de sa cabine pour donner ses ordres à son équipage, le courant d'air généré fit s'envoler l'enveloppe qui avait contenu la lettre qu'il venait de relire.

 

Le temps n'avait pas effacé l'encre, on pouvait encore lire l'adresse de la destinataire.

 

Mrs Ellen Norrington

4, Elm Drive

PLYMOUTH


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