Chapitre 6 : Margaret


Les cinq mois durant lesquels Jack fut en mer apportèrent leur lot de changements dans la vie de ses amis. Cutler était à l'aube d'une promotion et il avait hâte de lui en faire part. Chaque soir il parlait de Jack avec animation à Margaret et cette dernière faisait semblant de partager son enthousiasme. Chaque fois que Cutler prononçait le prénom de Jack son aigreur et sa haine envers le jeune marin qui lui volait son frère grandissait. Chaque jour, elle devait supporter d'entendre son frère rêver de sa vie future où toujours Jack était présent, et devant le regard confiant que Cutler lui adressait Margaret lui répondait avec un sourire qui se voulait doux. En vérité, elle était bien loin d'être la jeune femme innocente que son frère imaginait. Car Cutler n'était pas le seul à sentir les premiers émois des inclinaisons du cœur. Depuis quelques semaines Margaret Beckett voyait un jeune homme du quartier et ce assez régulièrement. Certes, Margaret n'était pas à proprement parler une beauté. Son seul atout majeur était son regard, elle possédait des yeux magnifiques à l'instar des autres membres de la famille Beckett, mais elle était désireuse de plaire et de sortir de sa condition.

 

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Elle avait connu Oliver Monk en se rendant à la mercerie du quartier pour y trouver de quoi raccommoder une des vestes de son frère. Alors qu’elle réglait son achat, elle avait bêtement laissé tomber son porte-monnaie qu'un jeune homme lui avait obligeamment ramassé et rendu. C'était Oliver. Ce dernier était blond et fort bien fait de sa personne et la richesse de sa mise laissait supposer une classe sociale élevée tout du moins aux yeux de la jeune fille.

 

Le coup de foudre avait été immédiat pour Margaret qui était âgée de dix-huit ans à peine. Oliver parlait le langage de l'amour et était romantique à souhait et maniait avec aisance et subtilité le compliment, enrobant chacune ses avances d'un tel luxe de précautions et d'affection que bien vite Margaret se surprit à désirer qu'il aille plus loin. Ainsi le soir alors qu'elle voyait Cutler de plus en plus s'éloigner d'elle et l'exclure de la majorité de ses projets à mesure qu'il lui exposait sans s'en rendre compte ses rêves d'une vie à deux avec Jack, elle se consolait en se disant qu'elle aussi avait une vie en dehors de son frère et qu'elle ne resterait pas dans le rôle de la laissée pour compte qu'il lui avait assigné. Oliver était son jardin secret et surtout il était à présent la seule personne de son entourage à se soucier véritablement d'elle.

 

Ce fut donc par une belle après-midi d’automne, peu de temps avant le dernier départ de Jack que Margaret perdit son honneur en autorisant des privautés à Oliver sans que celui-ci n'ai besoin de la convaincre ou de la contraindre de quelque manière que ce soit. Margaret se donna à lui avec bonheur et sans honte. Elle songea même avec une certaine perversité à la mine qu'aurait faite Cutler s'il avait su.

 

La soirée qui suivit ne fit encore que renforcer sa décision. C'était l'une de ces soirées où Jack venait encore leur rendre visite. Les deux hommes avaient passé leur temps à rire et à boire du cognac, s'amusant à se défier à l'escrime dans des duels qui leur permettaient d'exercer leurs talents. Cutler était un escrimeur très moyen mais le manque d'attrait que son ami ressentait pour l'exercice l'amenait bien souvent à être proche de la victoire et lui procurait également un solide entrainement dans la discipline. Margaret les observait souvent attendu que les deux hommes, pris dans leur affrontement qui était plus un jeu, ne prêtaient jamais la moindre attention à elle.

 

Ce soir-là ne fit pas exception à la règle. Alors que la jeune femme se sentait différente après l'après-midi passé, plus mûre, plus femme, plus désirable aussi, cet état de fait passa totalement inaperçu aux yeux des deux amis. Ce jour-là, Cutler avait tellement hâte de retrouver Jack pour l'une des dernières soirées avant son départ qu'il en oublia même de demander à Margaret comment c'était passé sa journée. Elle n'en détesta que plus le jeune marin pour ça. Bien sûr, à son arrivée Jack fut aussi charmant qu'à son accoutumée et tourna un joli compliment pour s'enquérir de ses nouvelles avant de se détourner d'elle, marquant ainsi s'il en était besoin son désintérêt.

 

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Depuis cette première fois, Margaret avait revu régulièrement son amant et se donnait à lui dans les endroits les plus incongrus, allant jusqu'à provoquer des rencontres, sans pour autant lui marquer la moindre attention suspecte lorsqu'ils étaient en société. Oliver s'y refusait. Margaret n'y trouvait rien à redire car elle jouissait secrètement de son secret. Souvent, alors qu'elle se trouvait dans les bras de son amant, c'était à son frère qu'elle pensait, elle frissonnait d'excitation en imaginant que Cutler pourrait les surprendre et ainsi forcer Oliver à lui restituer son honneur. Parfois aussi dans ses rêves les plus fous Margaret se voyait avec Cutler qui jouait alors le rôle d'Oliver et lui rendait enfin tout l'amour qu'il lui portait avant et même plus, oubliant totalement ce Jack qui ne pourrait rien lui apporter, tandis qu'elle savait à présent tout ce qui pouvait combler un homme.

 

Cutler de son côté ignorait tout de cette double vie menée par sa sœur et était à mille lieux de soupçonner les ardeurs qui agitaient Margaret. Il voyait encore la jeune fille avec toute l'indulgence dont font preuve les grands frères. Pour lui Margaret n'était encore que la petite fille dont il avait la charge depuis la mort de leur parents survenue il y avait de cela huit ans. A quinze ans Culter s'était retrouvé chef de famille et s'était juré que jamais la petite Margaret alors âgée de dix ans ne serait malheureuse et il avait tout fait pour tenir sa promesse. Il avait sacrifié sa vie privée pour mener à bien son projet et fait passer Margaret avant tout, du moins jusqu'à ce que Jack Sparrow ne fasse irruption dans sa vie et ne vienne tout bouleverser ! Pour la première fois depuis la mort de ses parents Cutler s'autorisait enfin à vivre pour lui-même. Jack, en entrant dans sa vie, lui avait apporté une liberté dont il ignorait l'existence mais il ne pouvait déjà plus se passer. Jack lui avait offert un rêve et un horizon et pour une fois dans sa vie Cutler était heureux.

 

Il l'ignorait encore mais tout ce bonheur tout neuf et si fragile allait bientôt voler en éclat.

 

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Deux mois et demi s'étaient écoulés depuis le départ de Jack lorsqu'un beau matin Margaret dut se rendre à l'évidence, elle portait l'enfant de son amant. Une tragédie lorsque l'on était une jeune orpheline dans un milieu moyen. Margaret eut tout d'abord un moment de panique en songeant à sa situation et à ce qu'allait penser Cutler. Bien sûr, elle avait souvent rêvé de ce cas de figure mais comme beaucoup de fantasmes elle n'avait jamais imaginé qu'il puisse se réaliser. Or plus aucun doute n'était permis.

 

Margaret observa d'un œil circonspect son ventre qui déjà lui semblait plus rond, sa poitrine douloureuse et ressentit les prémices des nausées qui étaient devenues son lot quotidien. Non, elle devait se faire une raison, elle était une femme perdue, à moins que ... Ses lèvres s'étirèrent en un mince sourire tandis qu'elle trouvait enfin la solution de son problème. Passant devant Cutler en espérant que son trouble ne se lisait pas sur son visage, elle s'enquit de ses projets. Cutler la regarda d'un air inquiet et songea à quel point sa sœur était pâle depuis quelques temps. Il lui sourit avec douceur.

« Tout va bien Margaret ?

- Oui ne t'inquiète pas pour moi lui répondit elle, sentant son cœur fondre devant la gentillesse dont il faisait preuve à son égard.

- Bien je suis heureux de te l'entendre dire, je te trouve un peu maladive ces derniers temps. »

 

Ainsi il avait remarqué ! Apprendre cela lui fit plaisir malgré le drame qu'elle vivait actuellement. Un instant Margaret fut tentée de tout lui dire, de laisser enfin s'épancher son angoisse avant de se rendre chez Oliver pour lui annoncer la nouvelle. Mais avant qu'elle n'ait pu décider de ce qu'il convenait de faire, Cutler reprit la parole, l’air heureux.

« Au fait je ne t'ai pas dit ? J'ai reçu une lettre de Jack ! »

 

Margaret sentit son cœur se serrer tandis qu'une bouffée de haine pure l'envahissait. Ainsi même à présent, alors qu'elle avait tellement besoin de son frère, ce maudit Jack était encore sa priorité.

« Ah et comment va-t-il ?

- Il va très bien, il me dit qu'à son retour il aura quelque chose de très important à me demander, du moins si tout se déroule selon ses vœux. » Rétorqua Cutler d'une voix remplie d'espoir.

Jack avait quelque chose à lui demander ! Puis, il regarda la grande horloge.

« Seigneur je vais être en retard ! » cria-t-il avant de se dépêcher de filer sans même dire au revoir à sa sœur.

 

Restée seule, Margaret refusa de se laisser abattre. Elle s'habilla avec soin avant de se rendre chez Oliver. Bien sur les deux jeunes gens n'avaient pas prévu de se retrouver mais ce qu'elle avait à lui dire ne souffrait aucun retard. Un peu intimidée, elle sonna à la résidence des Monk. Un domestique en livrée lui ouvrit et la toisa d'un air dédaigneux.

« Miss ?

- Je, Oliver, je dois le voir. Bafouilla-t-elle

- Monsieur dort encore Miss, l'heure est très matinale. » Insinua le majordome.

 

Margaret sentit l'agacement l'envahir, de quel droit cet homme la traitait elle ainsi ? Certes elle n'avait pas de domestiques en livrée à son service mais sa famille était plus qu'honorable et son frère était promis à une brillante carrière. Un jour Cutler deviendrait Lord Beckett, elle en était persuadée ! Convaincue de son importance, Margaret releva fièrement la tête, mettant dans son geste toute la morgue dont elle était capable et reprit d'un ton sec mais plus assuré.

« Et moi je vous dis que ce que j'ai à dire à votre maitre ne souffrira pas le moindre délai. Alors allez immédiatement le prévenir que Miss Beckett désire le voir !rétorqua t'elle.

- Bien Miss, » répondit le domestique qui s'effaça à contre cœur pour la laisser entrer.

 

Un fois dans le hall, Margaret examina ce qui l'entourait sans parvenir à cacher son ébahissement. La richesse de la maison où vivait son amant lui semblait immense et pour la première fois elle se rendit compte du fossé social qui la séparait d'Oliver. Margaret attendit longtemps dans le hall, debout, sans que les domestiques ne lui prêtent plus d'attention qu'à un meuble. Finalement Oliver fit son apparition vêtu d'une robe de chambre richement brodée et un air de profond ennui plaqué sur son beau visage.

« Que vous arrive-t-il donc Miss Beckett ? J'espère que votre requête est importante. » Déclara-t-il avec froideur.

Margaret fut un instant décontenancée devant son indifférence puis elle se morigéna et reprit d'un ton tendre.

« Oliver je dois te parler. » lui dit-elle en jetant des regards furtifs autour d'elle pour lui indiquer que le hall n'était pas l'endroit le plus adapté pour ce qu'elle avait à lui dire.

 

Oliver fronça les sourcils. Contrarié par sa visite, il la prit rudement par le bras et la projeta sans ménagements à l’intérieur d’un salon dans lequel il savait que sa mère ne venait que rarement. Une fois la porte refermée sur eux, il se tourna vers elle, le regard furieux.

« Que viens-tu faire ici ? Je croyais que nous étions d'accord !

- Oh Oliver je sais mais je n'ai pas eu le choix, je, j'ai une nouvelle de la plus haute importance à t'annoncer. » Déclara Margaret, tremblante d'émotion en se serrant contre lui.

Son amant s'écarta imperceptiblement et la laissa poursuivre.

« Oliver, je, j'attends ton enfant. » annonça Margaret qui leva un regard confiant vers lui, ne doutant pas de sa réaction.

 

Le jeune homme se crispa avant de la repousser froidement.

« Je suis désolé Miss Beckett mais il semblerait qu'il y ait erreur sur la personne, je vais épouser Miss Blommy dans quelques mois et je ne saurais donc être celui qui vous a compromise.

- Oliver ! Mais ... que dis-tu ? Tu ne peux pas en épouser une autre après ce que nous, enfin tu m'aimes ! » S’écria Margaret en reprenant le jeune homme par le bras.

 

Oliver se dégagea avec brutalité, l'envoyant au sol.

« Vous aimer ? Voyons Miss Beckett, votre déshonneur vous égare, il n'y a jamais été question de tendre relation ou de quoi que ce soit d'intime entre nous. Je vous prierais donc de garder vos distances et de cesser de m'importuner avec vos sottises ! Je vous l'ai dit Miss Blommy est la femme que j'ai choisie pour épouse et mère pour mes enfants. Vous n'êtes rien à mes yeux. Lui rétorqua-t-il cruellement.

- Oliver, gémit la jeune femme.

- Brisons là voulez-vous Miss ? Je vous suggère de partir de vous-même avant que je ne demande à mes domestiques de vous chasser, ce qui serait fort embarrassant pour vous comme pour moi. Sans parler de votre frère.

- Cutler ? Mais que vient-il faire dans cette histoire ? » Demanda Margaret, un instant distraite du malheur qui la frappait.

 

Oliver lui sourit avec méchanceté , il savait qu'il avait un moyen imparable de se débarrasser de cette gourde qui avait passé de longues heures à pérorer sur l'homme formidable qu'était son frère, et ce parfois à des moments des plus intimes où il eut de loin préféré qu'elle se taise.

« Figurez-vous Miss que votre estimable frère est employé par le bureau de la Compagnie des Indes qui se trouve lui-même être sous les ordres de mon père qui est le directeur du bureau de Londres. Votre frère est sur le point d'obtenir une promotion si je ne me trompe pas ? Je crois qu'il serait hautement préjudiciable pour lui que sa sœur se répande en accusations ignobles sur le fils de son employeur, vous ne croyez pas ? »

 

Margaret le toisa avec horreur, elle ne pouvait croire ce qu'elle entendait. Toutes ses illusions et ses rêves se brisèrent d'un seul coup. Non, elle ne deviendrait pas Margaret Monk et n'habiterait pas une somptueuse maison. Son enfant n'aurait pas de père et ne serait rien de plus qu'un bâtard tandis qu'elle serait une femme perdue et apporterait l'opprobre sur sa famille et sur son frère. Lentement, des larmes commencèrent à couler sur ses joues sans qu'elle puisse les retenir. Oliver sourit d'un air satisfait. Elle avait compris. Il lui tendit la main pour l'aider à se relever.

« Je vois que nous nous comprenons Miss Beckett. Je vous conseille de rentrer chez vous à présent et de ne souffler mot de cette petite histoire à personne sans quoi je me verrais dans l'obligation de vous traiter publiquement de menteuse et bien sûr après cela nous ne pourrions garder votre frère au sein de la compagnie. Allons, séchez vos larmes, vous êtes bouleversée, cela n'est pas bon dans votre état. » Ne put il s'empêcher d'ajouter cyniquement.

 

Margaret lui lança un regard de pure haine et dédaigna la main qu'il lui tendait. Elle se releva avec difficultés et avança comme une somnambule vers la porte.

« Adieu Margaret lui lança Oliver. Si ça peut vous consoler j'ai trouvé votre compagnie fort divertissante. »

 

Sans dire un mot, Margaret sortit de la pièce et de la vie d'Oliver Monk .Une fois qu'elle fut partie, ce dernier s'adressa un petit sourire dans le miroir. Oui tout était parfait, il était enfin débarrassé de cette fille qui, si elle était amusante à pratiquer, l'ennuyait aussi prodigieusement à force de ne lui parler que de son frère.

 

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Margaret ne sut jamais comment elle parvint à rentrer chez elle. Le tragique de sa situation pesait sur elle comme une chape de ciment et elle fit le trajet jusqu'à sa demeure comme dans un cauchemar, ne prêtant aucune attention aux personnes qui venaient à sa rencontre. Elle en heurta plusieurs sans paraitre s'en apercevoir, pas plus que de la pluie qui tombait dru ... Lorsqu’elle arriva chez elle, elle était trempée et, sous le choc, elle fit machinalement du feu et une tasse de thé avant de fondre en larmes, paniquée par sa situation qui lui semblait inextricable. Oliver s'était moqué d’elle, il ne l'avait jamais aimée, personne ne l'aimait. Elle était seule, si seule et ne pourrait rien apporter à son enfant. La seule chose qu'elle pouvait donner c'était la honte et le déshonneur. Elle passa la journée entière ainsi prostrée à ruminer de tristes pensées sans parvenir à trouver une solution.

 

Elle était encore à la même place lorsque Cutler fit son entrée, radieux.

« Devine quoi Maggie ! Aujourd'hui Mr Monk m'a convoqué dans son bureau et m'a enfin offert cette promotion dont je t'avais parlé ! Tu as devant toi le nouveau chef du bureau de Plymouth ! » Déclara-t-il avec emphase.

Margaret leva son visage bouleversé sur lui. Ainsi donc c'était bien cela. Pour elle la promotion de Cutler sonnait comme un avertissement de la part de son ancien amant, elle ne pouvait rien faire à moins de détruire également la vie du frère qu'elle aimait tant en plus de celle de son enfant et la sienne. Elle leva tendrement sa main et effleura la joue de Cutler avant de lui dédier le sourire qu'il attendait.

«  Je suis contente pour toi. Tu le mérites tu sais.

- J'ai hâte de pouvoir le dire à Jack ! Cette promotion va tout changer ! Oh comme j'aimerais qu'il rentre vite avant de pouvoir fêter ça dignement ! Je vais lui écrire tout de suite ainsi peut-être qu'il aura ma lettre à sa prochaine escale ! » S’exclama Cutler qui connaissait dans ses moindres détails l'itinéraire de Jack.

 

Margaret, la rage au ventre et au cœur le regarda sortir pour aller écrire à cet autre. Elle crispa ses mâchoires, depuis que Jack était entré dans leur vie, la sienne était devenue un cauchemar. Avant c'est avec elle que Cutler se serait réjoui de sa promotion, avec elle qu'il l'aurait fêtée, maintenant au lieu de ça il se précipitait pour écrire à l’autre. L'espace d'un instant elle visualisa le visage de Jack, son air perpétuellement ironique et imagina ce qu'il allait dire à Cutler lorsqu'il apprendrait sa honte. Sans nul doute il saisirait l'occasion d'éloigner définitivement Cutler d'elle et alors elle le perdrait entièrement au profit de ce, de ce diable aux cheveux noirs ! Non elle ne pouvait pas supporter de voir Jack accéder à un bonheur auprès de Cutler alors qu'elle allait tout perdre ! C'était trop pour elle ! Lorsque Cutler revint, radieux, elle avait pris sa décision.

 

Ce soir-là Margaret se montra charmante du début à la fin et endura stoïquement les rêves de bonheur du frère qu'elle adorait mais qui apparemment se moquait d'elle.

 

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Le lendemain matin, Margaret serra longuement dans ses bras un Cutler étonné par tant d'effusions.

« Tu sais je vais juste travailler Maggie, je rentre ce soir, enfin un peu plus tard que d'habitude je dois déposer ma lettre pour Jack à la poste. »

Les yeux brillants de larmes retenues, Margaret regarda son frère.

« Je sais Cutler, passe une bonne journée mon chéri. »

 

Pour toute réponse, Cutler posa un léger baiser sur sa joue avant de sortir en sifflotant joyeusement. Après son départ, Margaret sécha doucement ses larmes puis se rendit à son secrétaire pour écrire à son frère, pour lui expliquer. Non, elle ne laisserait pas ce fichu marin gagner ! Elle ne pouvait pas se venger d'Oliver sans risquer de porter préjudice à Cutler, mais de Sparrow si...

 

Le cœur rempli de haine et la plume pleine de fiel, elle commença à écrire sans songer une seule seconde que ce qu'elle s'apprêtait à faire allait également briser la vie de son frère, tant sa haine pour Jack la dominait toute entière. Une fois sa lettre écrite, elle la cacheta soigneusement avant d'aller la glisser dans la commode de son frère, sous ses boutons de manchette, car elle savait que lorsque Jack reviendrait il les porterait pour l'accueillir comme il le faisait à chaque fois. Puis, elle referma doucement le tiroir et embrassa la pièce du regard. Elle prit une des chemises de son frère, qu'elle porta lentement à son visage. Elle respira l'odeur qui s'en dégageait pour s'en imprégner puis elle porta le tissu à ses lèvres avant de reposer soigneusement le vêtement et de sortir de la chambre de son frère.

 

Margaret se dirigea ensuite vers la cuisine et ouvrit le placard dans lequel ils rangeaient les produits dont ils se servaient pour entretenir leur maison. Elle se fit un thé bien chaud qu'elle se servit dans une tasse auquel elle ajouta un sachet de mort aux rats. Puis, elle alla s'assoir dans son fauteuil favori, au coin du feu, le visage tourné vers le portrait de son frère. Là, Margaret Beckett but le thé qu'elle s'était préparé, lentement à petites gorgées, tout en se répétant que c'était la seule solution et en espérant que ce ne serait pas trop douloureux.

 

Son ultime souhait ne fut pas exaucé.

 

Lorsque Cutler rentra le soir après être allé poster sa lettre à Jack, il trouva sa sœur morte, le visage crispé de douleur et une tasse brisée à ses pieds ...  


Chapitre 5                                                                                                      Chapitre 7


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